La santé de Trevor était tout simplement en dent de scie. Autant quelques fois, Trevor avait le sentiment de bien se sentir – même s’il ne pouvait évidemment pas complètement oublier sa condition non plus –, autant d’autres jours s’étaient tout simplement insupportable. Même avec les remèdes et les potions qu’il prenait, ce n’était clairement pas facile à gérer tous les jours. Au point que par moment, l’homme se demandait vraiment comment il avait fait pour parvenir à ne pas se faire découvrir jusqu’à présent. Mais il lui suffisait de penser à Clarice, qui devait par conséquence vivre la même chose que lui (et en pire parce qu’elle ne sera jamais capable de porter d’enfant, ce qui était un secret qu’ils se devaient de tous garder), pour qu’il ait la force de se battre. Elle se battait elle de son côté, il était évident qu’il ne pouvait pas flancher. Même s’il y avait des jours où c’était quand même bien difficile.

Trevor venait de passer une journée particulièrement éprouvante, remplit de douleur horrible tout au long de son corps. Évidemment, il avait ce qu’il fallait en remède, à force Trevor savait quand même prendre les devants. Il avait toujours ce qu’il fallait en réserve, il devait faire en sorte d’avoir toujours ce qu’il fallait. Et justement, il ne devait pas attendre de ne plus rien avoir pour se procurer des remèdes. Il avait donc encore des réserves, mais il avait rendez-vous avec Cassiopeia, comme c’était le cas souvent. Ils avaient des rendez-vous réguliers, parce qu’en même temps les Carrow avaient quand même une demande assez importante en remède et potion. Malgré la douleur, Trevor se rendit donc chez la jeune femme comme à son habitude, prenant sur lui comme il faisait constamment.

En même temps, s’il n’était pas capable de prendre sur lui, il était évident qu’il n’en serait pas là aujourd’hui. Ce n’était donc pas un si grand effort de sa part non plus, mais un effort qu’il faisait dans tous les cas parce qu’il n’avait pas le choix. Évidemment, sa petite escapade était toujours des plus discrète. Si on n’allait pas lui reprocher de parler avec la sorcière Black, il était évident qu’il ne fallait pas qu’on découvre la raison de ses venues. Personne ne devait découvrir qu’il était malade, qu’il avait besoin des talents de la jeune femme et une chance pour lui, elle était bien placée pour le comprendre même si c’était quelque chose que Trevor ne savait pas de son côté. Quand il arriva sur place, il frappa à la porte, attendant que Cassiopeia lui ouvre.

« Bonsoir Cassiopeia. » Dit-il, en lui adressant un fin sourire. « Comment te portes-tu ? » Demanda-t-il dans la foulée.

Il posait la question sincèrement, il appréciait la jeune femme. Même si en voyant la sorcière, une vérité ne manqua pas de lui revenir douloureusement à l’esprit, ce que Nigel avait pu lui apprendre. Ils étaient fiancés tous les deux et bêtement, en cet instant précis, Trevor ne pouvait pas s’empêcher de sentir une grande jalousie s’emparer de lui.

Trevor savait bien que c’était idiot de sa part d’avoir le cœur serré en posant son regard sur la jeune femme en cet instant précis, mais… eh bien en fait, il ne contrôlait pas forcément son cœur. Le jeune homme le sentit se serrer donc, simplement parce qu’en posant son regard sur elle, il ne pouvait pas s’empêcher de penser à Nigel. Alors, bien sûr, tout cela n’était qu’illusion, Nigel se contentait surtout de profiter de cette situation pour qu’on lui foute la paix et il n’avait pas de réels sentiments pour Cassiopeia. Il ne pouvait donc rien reprocher à qui que ce soit, il n’était pas en droit d’empêcher Nigel d’épouser une femme après tout. Mais, en même temps, il ne pouvait pas s’empêcher d’être jaloux. Tout en sachant parfaitement que la maitresse des potions n’avait rien à voir avec le fait qu’il ne pouvait en aucun cas envisager de posséder, d’une quelconque manière, son beau-frère.

Elle lui répondit qu’elle allait bien, Trevor afficha un léger sourire à cette réponse. Est-ce que c’était vrai ? Il ne mettait pas spécialement en doute ses paroles, mais il savait que la plupart des « je vais bien » ne signifiaient pas réellement que la personne allait bien. Après tout, cette phrase sortait souvent de la bouche de Trevor, sans qu’il n’en pense un traitre mot. Mais en l’occurrence, aujourd’hui et parce qu’il se trouvait justement en présence d’une personne à qui il valait mieux ne pas mentir, il allait devoir se montrer honnête.

« Pas au meilleur de ma forme. » Bon, en vérité, il n’allait surtout pas bien du tout, mais en même temps il ne pensait pas avoir besoin de dire les choses de cette façon. « Elle a fait de l’effet, mais je ne sais pas… c’est comme si l’effet était de très courte durée. » Ça avait marché sur le moment, comme toujours, mais en même temps, ça partait beaucoup trop vite. Ce n’était pas spécialement étonnant, à force Trevor avait conscience que son corps se faisait aux traitements et donc qu’il fallait voir les choses d’une autre manière parce que ça ne suffisait pas. « Je pense que j’ai besoin de quelque chose de… beaucoup plus fort. »

Ce n’était pas forcément la solution, mais en même temps Trevor ne faisait que dire ce qu’il pensait. Ces derniers temps, c’était compliqué, mais sans doute que son mental ne l’aidait pas forcément à aller mieux non plus. C’était un tout, une sorte de cercle vicieux qui ne l’aidait pas forcément en ce moment. Mais dans tous les cas, la douleur était bel et bien réelle et il avait besoin de quelque chose pour la soulager. Il savait qu’il pouvait compter sur Cassiopeia, il n’avait pas besoin de voir de médecin ou autre, il savait parfaitement ce dont il avait besoin. Contrairement à Clarice, qu’il tenait à faire suivre intensément, mais parce que le sort et l’avenir de sa fille comptait bien plus que le sien.

Trevor hocha de la tête quand Cassiopeia lui affirma qu’elle allait voir ce qu’elle pouvait faire et qu’elle allait avoir besoin de son sang pour l’aider. Le jeune homme savait bien qu’elle mettait du cœur à l’ouvrage, même si bêtement en ce moment il se sentait un peu plus mal à l’aise avec le fait qu’elle l’aide. Mais bon, le jeune homme ne pouvait pas minimiser le fait que la sorcière l’aidait quand même clairement. Elle ne pouvait pas le sauver parce que personne n’en était capable – même s’il avait réellement envie qu’elle trouver une solution et pas pour lui en fait, pour pouvoir sauver Clarice du mal qu’il lui avait donné –, mais au moins elle lui donnait la possibilité d’avoir une vie un peu plus normale et de tenir un peu plus facilement. Trevor prenait énormément sur lui, mais quand son corps était beaucoup trop défaillant, il ne pouvait pas y faire grand-chose et il avait clairement besoin des talents de la potionniste.

« Ouais je le sais. » Répondit-il quand Cassiopeia lui affirma être désolée pour lui, et qu’il pourrait toujours compter sur elle. Il le savait et c’était en fait ça le pire dans toute cette histoire. Le jeune homme savait bien qu’elle était sincère quand elle lui parlait et lui à côté de ça se sentait terriblement jaloux par la simple idée qu’elle et Nigel aient décidé de se marier, même si ce n’était que pour préserver les apparences. C’était bête, clairement bête, mais de toute façon c’était complètement idiot de sa part d’avoir des sentiments pour le frère jumeau de sa femme. « Et je… je sais bien que je ne m’en sortirais pas aussi bien sans tes talents. »

Il vivait avec sa maladie depuis toujours, mais forcément plus le temps passait, plus elle s’aggravait. Trevor avait conscience qu’il ne lui restait peut-être pas beaucoup de temps et que s’il s’en sortait aussi bien pour le moment – si on pouvait dire ça comme ça –, c’était parce qu’il avait l’occasion d’essayer des potions de la sorcière. Même si son corps finissait visiblement par s’habitué et qu’il lui fallait toujours plus et encore plus. Mais dans l’idée où c’était peut-être tout simplement mort pour lui, il espérait qu’avec tous les efforts que la jeune femme faisait pour l’aider, elle parviendrait à trouver une solution définitive pour sa fille, qui méritait quand même d’avoir une vie normale.

« À force… tu es devenu un membre de notre famille, avec tout ce que tu fais pour nous. » Trevor marqua une pause, sentant son cœur se serrer. Bon, autant en parler, parce que ça commençait quand même sérieusement à le bouffer. « Enfin, bientôt tu en feras concrètement parti maintenant. »

Bon, il n’en parlait pas si directement que cela mais le sous-entendu était suffisamment clair. Si Cassiopeia épousait Nigel, elle allait bel et bien faire partir de leur famille.

Trevor ne saurait dire si les nouvelles étaient allées si vite que cela, mais forcément il était évident que dans leur cercle restreint de famille, la nouvelle avait été rapide. En grande partie parce que Nigel ne cachait pas grand-chose à sa sœur jumelle et qu’il passait une grande partie de son temps chez les Carrow. Sans oublier le fait que par moment, lui et Trevor se retrouvaient parfois seul, Trevor tentant constamment de faire avouer des choses à Nigel qu’il n’avouait jamais. En tout cas, ils avaient en effet parlé des fiançailles de Nigel avec Cassiopeia. Ils en avaient parlé longuement, Trevor savait bien que tout cela était surtout dans le but qu’ils puissent être tranquille chacun de leur côté, mais ça n’enlevait pas la jalousie qu’il ressentait en cet instant précis. Le jeune homme savait bien que c’était idiot, mais en même temps dès qu’il était question de Nigel, il avait tendance à agir idiotement.

Cassiopeia lui affirma alors qu’elle était heureuse de bientôt faire partie de leur famille, que Nigel était une perle rare. Pour le coup, le jeune homme ne se voyait pas contredire son interlocuteur, même s’il n’allait pas non plus aller complètement dans son sens pour ne pas éveiller le moindre soupçon. Oh, en soit, le jeune homme pouvait prétendre se préoccuper du sort de son beau-frère puisqu’il était le frère jumeau de son épouse, l’oncle de sa fille, un membre à part entière de leur famille. Mais il ne fallait pas qu’il en fasse trop non plus, ce qui était bien le souci. Enfin, de toute façon, Cassiopeia n’avait pas besoin de prétendre avec lui, quand bien même elle ne pouvait pas encore le soir. Il fallait dire que Trevor n’avait pas pris la peine de se montrer très explicite, en grande partie parce qu’il était justement un peu trop touché par cette histoire, même si ce n’était qu’une illusion, et qu’il n’avait normalement pas son mot à dire. Sauf que ce n’était pas si facile que ça de rester si détacher.

« Nous sommes d’accord sur ce point. » Répondit-il en tentant de rester le plus neutre possible. Nigel était une perle rare oui, Trevor se doutait que beaucoup devait considérer qu’il était un bon parti, raison pour laquelle officialiser des fiançailles pouvait donner la possibilité d’un peu de repos. Sauf que tout cela ne faisait que rappeler à Trevor que justement, Nigel pourrait très bien décider de se marier un jour (et il ne pouvait pas le lui reprocher puisque lui-même était marié et à sa sœur en prime). « Nigel nous a parlé de votre arranger. » Ajouta-t-il, pour faire comprendre à la potionniste qu’il avait conscience de ce qu’ils tramaient ensemble. Il prononçait ce « nous » pour inclure Eurydice, alors qu’en réalité il n’avait aucune envie de l’impliquer là-dedans. « Tu te doutes bien qu’il ne peut rien cacher à sa sœur. Mais nous serons ravies de jouer le jeu et de prétendre t’accueillir avec joie dans la famille. »

Tenta-t-il de dire dans le but de se rattraper un peu et ne pas donner le sentiment que cette situation l’agaçait. Même si ça l’agaçait et qu’il avait quand même un peu de peine à le cacher complètement.