Quand Harry Ollivander avait rencontré Arista Selwyn, il n'avait pas été transcendé. Tout au plus, il l'avait trouvé un peu différente, peut-être un peu effacée… Elle avait à peine éveillé son attention. Et pourtant, pendant le reste de cette soirée mondaine où il l'avait vue pour la première fois, il n'avait pas pu détacher son regard d'elle. Peut-être que le destin était déjà à l'oeuvre à ce moment-là. Peut-être aussi que le fait qu'elle ne brille pas autant que les autres laissait plus de place à sa douce aura pour s'exprimer, et que c'était ça qui avait conquis le plus jeune des Ollivander.

Tout commença avec une discussion. En deux mois à peine ils étaient fiancés. En six, ils étaient mariés et emménageaient dans le manoir des Ollivander que Garrick, le frère aîné d'Harry et l'héritier de la famille depuis la mort de leur parents, lui avait gracieusement légué. Pour le jeune Harry, qui débutait, du haut de ses vingt ans, une petite carrière au département de la Justice Magique, c'était le début d'une belle vie. Il aimait sa femme à la folie. Son frère s'occupait de ses baguettes sans trop faire de vagues et son avenir s'annonçait prometteur.

Pendant vingt-cinq ans, il n'y eut pas une seule ombre au tableau. Même la difficulté qu'avaient les jeunes mariés à avoir un enfant ne parvenait pas à atténuer le bonheur qu'ils tiraient de la présence de l'autre. Leur histoire, c'était une de ces histoires qui dure toute une vie et même après, qui prend aux tripes et au coeur. Harry n'imaginait pas que cela puisse se terminer un jour.

Arista apprit qu'elle était enceinte deux semaines à peine avant que son Médicomage ne lui annonce sa maladie. Quelque chose d'assez rare, de costaud, mais qui se soignait très bien. Arista s'inquiéta : elle venait de fêter ses quarante-trois ans, c'était tard pour avoir un enfant. Mais Harry, lui, ne doutait de rien : sa carrière était florissante, il était brillant, aimait sa femme et avait foi en l'avenir.

Il se trompait.

Le jour de l'accouchement, les complications s’enchaînèrent. Pendant des heures, le plus jeune des Ollivander attendit dans le couloir devant la chambre, toujours sûr de lui. Quand la porte s'ouvrit, il ne comprit pas tout de suite que sa femme était morte en donnant la vie à leur enfant, à leur fils. Elle n'avait même pas eu le temps de le tenir dans ses bras avant fermer les yeux pour toujours.

Un des  premiers contacts humains que connut Archibald Ollivander fut celui des mains froides de son père qui, debout au milieu de la chambre, ne comprenait même pas qu'on lui présentait son fils : tout ce qu'il voyait, c'était le drap blanc qui recouvrait le corps de sa femme, et le sang. Le rouge du sang sur les draps blancs.

Le chagrin vint en premier. Pendant des jours et des jours, Harry s'enferma dans le manoir, errant dans les couloirs, pleurant souvent, n’ayant plus le coeur à rien. Ce fut Garrick qui prit soin d'Archibald durant ce temps-là. Il engagea une nourrice pour l’enfant et fit de son mieux.

Ensuite, vint la colère. Harry se mit à en vouloir au monde entier. Il en voulait au Médicomage, aux infirmières qui avaient aidé sa femme à accoucher, à son frère qui restait là comme un idiot, mais, plus que tout, il en voulait à son fils. Sa vie avec Arista était parfaite. Vingt-cinq ans de bonheur… Même s’ils avaient passé leur vie entière sans enfant, Harry aurait été heureux tant qu’Arista aurait été à ses côtés.

Il se referma sur lui-même. Il essaya d'élever son fils, parce que c'était ce que sa femme voulait, parce qu’elle espérait tellement de cet enfant. Mais plus son fils grandissait, plus il ressemblait à sa mère, et plus Harry devenait froid, sévère et distant.

Alors Archi grandit avec l'ombre d'un père moitié absent moitié intolérant. Il apprit rapidement à rentrer dans les clous en sa présence, à ne pas trop déborder, d'où son tempérament relativement calme. Mais il développa aussi une grande rancoeur envers cet homme froid, mais également envers la femme qui l’avait mis au monde. Son enfance fut assez solitaire : il passait la plupart du temps à se cacher dans la boutique de son oncle ou à errer par-ci, par-là, tant que ce n'était pas dans les pattes de son père.

Très vite, Archibald développa une passion pour le dessin et pour les baguettes. C'est d'ailleurs en en faisant léviter une, à l'âge de six ans, qu'il témoigna son aptitude à la magie. A partir de cet instant, Harry Ollivander décida de s'intéresser davantage à son fils. Son chagrin l'avait radicalisé, et bien qu'il ne portât pas son enfant dans son coeur, il représentait l'avenir des Ollivander et l'avenir de leur sang.

Archi dut donc se plier à l’éducation stricte de son père. Jusqu’à ce qu’il entre à Poudlard, il fut un enfant obéissant : tout ce que son père lui demandait était exécuté, bon gré mal gré. Il ne fut pas rare qu’Archibald se prenne une volée de gifles ou deux. Parfois même plus. Quand il le pouvait, il se réfugiait dans la boutique de son oncle, où ce dernier lui apprenait l’art des baguettes, le formant et l’aimant comme s’il était son propre fils.

A Poudlard, Archibald fut envoyé à Serdaigle. L’école fut pour lui l’endroit de tous les possibles : il faisait à l’école tout ce qu’il ne pouvait pas en temps normal. Très vite, il apprit à penser par lui-même dans ce nouvel environnement et, plus le temps passait, moins il se pliait aux exigences de son père.

Archibald eut une scolarité brillante. Il obtint presque toutes ses BUSE et tous ses ASPIC. A la fin de Poudlard, son père voulut le faire entrer à son tour dans la Justice Magique : pour la première fois, Archibald confronta son père de manière frontale et refusa. Au lieu de ça, il prit la décision de rejoindre son oncle à la boutique, bien décidé à la faire prospérer. Il était persuadé qu’il pouvait faire de cet endroit non seulement la boutique la plus célèbre du monde sorcier, mais également un lieu de recherche sur la création des baguettes, domaine à son humble avis trop peu étudié.

Aujourd’hui, Archi prend ses distances avec son père. Néanmoins, lutter contre cette figure froide et autoritaire ne lui est pas toujours simple.Alors il laisse juste couler : il fait ce qu’on lui demande sans trop rechigner, tant que cela n’entre pas directement en conflit avec ses intérêts. Le reste du temps, il vit sa vie de jeune adulte ou alors il est à la boutique. Il y a aménagé un atelier rien qu’à lui, et il y passe pas mal de temps.

Archi fait des recherches. Il aime les baguettes, mais c’est une vieille institution qu’il faut renouveler. Certaines expériences ne sont pas forcément très… orthodoxes. Qu’importe. Il fera de son entreprise quelque chose de grand. Et son  père s’en mordra les doigts.