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ollux était un père difficile d'accès, sévère mais juste, et qui éprouvait une grande affection pour chacun de ses enfants sans forcément le montrer. Le fait est que depuis le décès d'Irma, ses trois enfants étaient ce que l'homme avait de plus précieux, et il plaçait en eux, en chacun d'eux, les plus grands espoirs. Ils étaient sa chair, son sang, son héritage. Le succès qu'il leur souhaitait était son propre succès. Et s'il se faisait quelque inquiétude pour Alphard, en pleine crise d'adolescence, et quelques questionnements sur Walburga, qui pour le moment n'était pas encore placée et dont l'avenir n'était donc pas entièrement tracé, il en était un concernant lequel il avait cessé de se faire le moindre souci.

Cygnus était le fils que n'importe quel père ne pourrait que se montrer fier d'avoir : un jeune homme intelligent, brillant, qui poursuivait une carrière prometteuse au sein du ministère de la magie et avait épousé une sorcière de sang pur tout à fait respectable, qui garantissait la continuité de tout ce que les Black construisaient de génération en génération, depuis des siècles.

Cygnus était l'enfant parfait, le fils prodigue, tout à fait apte à voler de ses propres ailes Pollux n'avait plus rien à lui apprendre, à lui inculquer, et depuis un moment déjà, et cela lui laisserait presque un sentiment de vide. Son rôle, à présent, était de lui adresser l'affection et le respect qu'il méritait évidemment. L'art de la démonstration donc, un art que Pollux ne maîtrisait définitivement pas. Mais ce n'était pas pour autant qu'il laisserait le lien filial se distendre, c'était bien évidemment tout à fait hors de question.

Raison pour laquelle il était venu rendre visite en ce jour à Cygnus, profitant d'un moment plus tranquille, qui lui permettait de négliger son travail un moment (jamais trop longtemps, ceci dit, il n'était bien évidemment, il s'accordait bien peu de répit à ce sujet, et ne comptait pas changer quoi que ce soit à sa manière de faire). Les rencontres sans motif particulier n'étaient pas forcément son fort, mais quand il était question de sa famille, les exceptions s'imposaient d'office. Sa famille était l'exception à tout. Sauf quand elle était indigne de l'être, bien évidemment. Il s'était évidemment annoncé, et attendit qu'on vienne lui ouvrir.

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uand Cygnus vint le saluer, il sembla surpris. Pollux avait pourtant le souvenir précis de lui avoir adressé un message avant de l'avertir de sa venue. Certes, il ne lui avait pas donné l'occasion de répondre par oui ou non. A ses yeux, une non-réponse avait valeur de "oui", il pouvait venir, et sa présence serait la bienvenue. Enfin, quoi qu'il en soit, le message n'était apparemment pas passé. Peut-être que son hibou s'était perdu, ou que le message était passé entre les mains de Druella, qui avait oublié d'avertir son mari.

Ou alors, Cygnus avait simplement oublié. Ce n'était pas grave. Pollux détestait les visites à l'improviste, et il évitait généralement d'imposer aux autres ce qu'il n'appréciait pas lui-même, mais tant que Cygnus n'était pas occupé, tant qu'il acceptait de l'accueillir chez lui avec plaisir, alors ce n'était jamais qu'un détail. Et Cygnus, en dépit de sa surprise, semblait tout disposé à l'accueillir chez lui, et c'était ce qui comptait. Pollux ne demandait qu'à passer un bon moment avec son fils, et d'échanger avec lui, tout simplement.

-Je t'avais envoyé un message. De toute évidence, tu ne l'as pas reçu, répondit simplement Pollux.

Il n'avait pas de raison de se justifier de sa présence, mais il considérait que si sa présence devait déranger son fils, qui était peut-être occupé à tout autre chose, il pouvait toujours le lui dire. Dans ce cas de figure précis, il ne voyait aucun problème à faire preuve de transparence. Et il voulait que Cygnus fasse preuve de transparence, lui aussi.

-J'espère que je ne te dérange pas. J'avais un peu de temps libre, je me suis dit que ce serait l'occasion de parler un peu.

Parce que leurs conversations, moins fréquentes depuis que le jeune homme avait quitté le domicile familial, lui manquaient tout de même. Cygnus et Pollux avaient toujours des échanges intéressants, et dignes d'intérêt. Même si l'écart générationnel entre eux (réduit certes par le fait que Pollux l'avait eu très jeune) dictait bien souvent la teneur de leurs discussions, Cygnus était un jeune homme intelligent et sérieux, qui partageait ses valeurs (il l'avait bien élevé, en gros). Et s'il avait du temps à lui consacrer, alors autant en profiter.

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ollux haussa les épaules, ce n'était pas bien grave en soi, que Cygnus n'ait pas reçu son courrier. Cela aurait pu être plus dérangeant s'il s'était agi d'une affaire importante, mais en l'occurrence, il estimait que son fils était bien de ceux qui méritaient ses visites à l'improviste et étaient capables de bien les vivre par ailleurs. Il allait, cela dit, falloir qu'il envisage sérieusement de changer de hibou. Le sien se faisait définitivement beaucoup trop vieux, et ses tares se découvraient encore en cet instant. Pas la peine d'y penser plus longuement, il préférait se concentrer sur son fils, qui l'accueillait à bras ouverts et semblait effectivement heureux de le vois.

-Je veux bien un thé, répondit-il mécaniquement quand Cygnus lui demanda s'il voulait boire quelque chose.

C'était la réponse qu'il donnait toujours naturellement et presque inconsciemment quand il lui posait la question. Pollux était un Anglais pur jus. Pour lui, c'était toujours l'heure du thé. Et au moins, il était convaincu de ne pas prendre davantage son fils au dépourvu. Il l'avait bien élevé, il avait forcément du thé chez lui. Une fois confortablement installés, il reprit la parole. A présent la confusion levée, il était temps de mener la conversation. Pollux voulait tout savoir de la vie de son fils, afin de s'assurer que tout se passait bien pour lui.

-Alors, dis-moi tout, comment vas-tu ? Tu te plais ici ? Tout se passe bien avec Druella ? Et au ministère ?

Beaucoup de questions d'un coup, mais Pollux n'allait pas prétendre ne pas être curieux. Il avait été habitué à voir son fils tous les jours après sa sortie de Poudlard. Il était ravi qu'il vole à présent de ses propres ailes et qu'il soit un homme accompli, mais même s'il n'irait pas le formuler comme tel, et même si Walburga avait pris sa suite (peut-être pas pour très longtemps), sa présence lui manquait. Il estimait qu'il était de son devoir, quoi qu'il en soit de veiller à ce que tout aille bien pour lui. Si quoi que ce soit n'abondait pas dans son sens, il estimait qu'il était de son devoir de l'aider à y remédier.

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ollux était heureux et rassuré d'entendre son fils lui affirmer que tout se passait pour le mieux pour lui. Il voulait croire que Cygnus se montrerait honnête envers lui s'il devait s'avérer que quelque chose n'allait pas. Si cette situation était du fait de Cygnus, il l'exhorterait à prendre ses responsabilités et à améliorer sa situation en se retroussant les manches (mais il doutait fort que ce cas de figure se produise), dans le cas contraire, il lui apporterait son aide et son soutien de toutes les façons possibles, comme il estimait que c'était son rôle de le faire.

Mais connaissant son fils, il se doutait bien évidemment du fait qu'il savait parfaitement gérer sa vie. Ce qui serait presque frustrant pour Pollux, à vrai dire... Certes, il avait fort à faire avec Walburga, et Alphard surtout, mais il savait bien qu'arriverait le moment où plus aucun de ses enfants n'auraient besoin de lui... et autant dire qu'il n'attendait pas avec tant d'impatience, ce moment. Ce serait certes sa fierté que de les voir tous aussi accomplis que ne l'était Cygnus, mais il leur avait consacré tant de sa vie et de son attention...

Il s'adaptait donc à son nouveau chez-lui. Tout se passait bien avec Druella (en même temps, ils étaient fiancés de longue date, ils avaient eu le temps de s'accomoder l'un à l'autre, et par chance ils s'entendaient très bien). Rien n'était différent, mais ça ne durerait sans doute pas. L'étape qui suivait le mariage était bien connue, à présent, Pollux attendrait que Druella lui fasse des petits-enfants. Ce mariage servait en partie à ça. En plus d'associer deux familles aux noms et fortunes irréprochables. Pour le travail, tout allait bien, même si le rythme, semble-t-il, s'était précipité. A quoi l'attribuer ? Aux responsabilités de plus en plus nombreuses qu'on accordait à Cygnus ou au climat ambiant au ministère, qui se ressentait même au sein de la rédaction de la Gazette ? Dans tous les cas, l'essentiel était qu'il s'en sorte au mieux. Une excellente gestion de la pression était essentielle dans leur milieu.

-Du moment qu'on sait reconnaître ton travail à sa juste valeur, c'est tout ce qui importe. Ta vie est sur les bons rails, c'est tout ce que je te souhaite. D'évoluer dans ton travail... et d'agrandir la famille, bien évidemment.

Autant mettre les pieds dans le plat.

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ollux avait toujours pris son rôle de père très au sérieux, même à l'heure où il n'en avait absolument pas l'âge. Il avait tendance à vouloir gérer la vie des membres de sa famille d'une main de faire. Ce n'était jamais dans l'intention de se montrer d'une insupportable intransigeante, c'était sa manière de s'assurer qu'aucun d'eux ne manquerait jamais, de se garantir de leur avenir à tous. Et forcément, Cygnus, puisqu'il était le premier né, était celui sur qui il focalisait le plus de son attention ces derniers temps, plus encore à présent qu'il était pleinement ancré dans la vie active, à présent qu'il était marié et qui plus est marié et installé avec son épouse.

A l'heure où Cygnus avait d'autant moins besoin que Cygnus régisse sa vie, puisque cette vie était sur les rails, il voulait continuait d'y poser son grain de regard. Peut-être une réaction propre à tout parent qui n'accepte pas complètement que son enfant ait quitté le nid. Sans complètement le reconnaître, cela va sans dire. Bien sûr, en l'occurrence, il n'ordonnait rien, il se contentait de partager avec son fils les souhaits qu'il avait pour lui.

Mais en substance, il y avait la garantie de sa déception si l'un de ces souhaits ne devait pas être réalisé. Alors aurait-il le sentiment lui-même d'avoir échoué en tant que père. Et forcément, quand il était question de son fils, c'était aussi une affaire de fierté personnelle. Parce qu'il était tout naturel d'imaginer qu'il ne serait pas à la hauteur quand, trop jeune pour endosser la casquette de père, il avait voulu s'en donner les moyens malgré tout. Il voulait que Cygnus soit tout ce qu'il était parvenu à être, mais aussi le dépasse en tout point. Et évidemment, pour devenir tout ce qu'il avait jamais été, il fallait également qu'il devienne père, évidemment.

- On croit toujours avoir le temps, mais il nous rattrape plus vite qu'on ne l'imagine, répondit simplement Pollux.

Pas pour plomber l'ambiance, en effet, Cygnus et Druella n'avaient pas besoin de lui pondre un héritier dans l'urgence, même s'il l'attendait. Mais il pensait à Irma. Certes, ils avaient eu le temps de fonder une famille (et s'étaient clairement précipités), mais toutes ces fois où il s'était dit la concernant que les choses viendraient en son temps... il s'était trompé.

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on, bien sûr, Pollux ne demandait pas à devenir grand-père dans la seconde non plus, contrairement à ce que son discours pouvait laisser croire, mais il estimait malgré tout qu'il était totalement en droit d'attendre de son fils qu'il lui donne des petits-enfants relativement rapidement. Druella et Cygnus n'avaient pas été mariés pour jouer aux billes. Si cette union ne portait pas ses fruits, alors ce serait un réel échec pour leur famille tout entière. C'était du moins ainsi que Pollux avait appris à raisonner, parce que ses parents avant lui lui avaient appris à raisonner ainsi. Et il escomptait bien voir Cygnus faire de même avec ses propres enfants quand il en aurait. Il comprendrait sans doute mieux d'ailleurs le regard qu'il portait sur lui et la manière dont il appuyait ses attentes à son adresse quand lui-même deviendrait père.

Alors certes, les arguments de Cygnus pouvaient s'entendre, mais qu'à moitié pour Pollux. De quoi Cygnus avait-il encore besoin pour mieux avancer dans la vie ? De progresser professionnellement, sans doute, d'atteindre le dernier des échelons, mais Pollux n'estimait pas nécessaire d'attendre cela alors que de toute évidence, Cygnus était confortablement installé au ministère. Et même si quoi que ce soit devait lui arriver professionnellement parlant, Pollux serait là pour corriger le tir. Il était évidemment hors de question de laisser aucun de ses enfants dans le besoin. Tous les trois seraient toujours assuré du meilleur des avenirs, parce qu'il ne les laisserait jamais tomber, même quand lui-même partirait. A moins qu'ils ne doivent le décevoir terriblement, mais il était loin de s'imaginer qu'une chose pareille puisse être possible à l'heure actuelle.

-Bien sûr, je n'ai pas l'intention de te forcer la main, se contenta de répondre Pollux dans un haussement d'épaules.

Ce qui n'était qu'à moitié vrai. Le jeune couple avait encore un peu de temps, c'est un fait. Mais Pollux était le dernier à pouvoir négliger le fait que le temps était souvent très traître, et il ne fallait jamais présumer du temps que l'on avait réellement devant soi.

-Bon, et si tu me la faisais visiter, cette maison ?

C'était la première fois que Pollux se rendait chez son fils alors que ce dernier était pleinement installé. Autant faire un tour d'horizon. Et s'assurer au passage qu'il ne manquait de rien.

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ygnus consentit donc à lui faire faire le tour de la maison, et Pollux considéra chaque recoin de la demeure de son fils avec un oeil critique (la critique n'étant pas forcément négative au demeurant), à l'affût du moindre détail, du moindre potentiel d'amélioration. Il ne voulait pas seulement que son fils aîné vive dans le luxe et le confort, il voulait qu'il dispose de tout ce qu'il y avait de meilleur, et en ce sens, rien, absolument rien ne pouvait ni ne devait être laissé au hasard.

Mais, de toute évidence, Cygnus savait suivre son exemple à la perfection, Pollux irait même jusqu'à dire qu'il n'était jamais qu'une version améliorée de lui-même, et il n'en éprouvait ni amertume, ni jalousie. Bien au contraire, il aimait vraiment voir son fils exceller à ce point dans l'art d'être un Black. Si l'on n'éduquait pas ses enfants à devenir meilleur que soi, alors à quoi servirait-il seulement d'avoir des enfants.

Il s'autorisa une ou deux remarques, quelques conseils, de ceux dont tous les jeunes gens qui s'installaient dans leur premier chez-eux pouvaient bénéficier, s'épargna une occasion de faire remarquer que tel ou tel pièce serait idéale pour accueillir un nourrisson (il avait bien compris qu'il saisirait une autre occasion d'évoquer le sujet... mais ce ne serait plus pour cette fois), d'un certain nombre de compliments également. Pollux pouvait se montrer beaucoup trop intrusif dans la vie des membres de sa famille, il le reconnaissait volontiers, mais en l'occurrence, il n'était pas intervenu dans le choix de son fils en matière d'investissement immobilier.

Si ce dernier était tout à fait judicieux et parfaitement remarquable, il ne le devait qu'à lui-même, et Pollux était d'autant plus fier de son fils, même s'il ne le lui dit pas tel quel (c'était à ses yeux une faiblesse que de trop dire ce genre de choses - être couvert de compliments, savoir qu'on était considéré comme la huitième merveille du monde, pouvait rapidement vous monter à la tête et faire de vous quelqu'un d'insipide et de paresseux, l'inverse de ce qu'il pouvait bien souhaiter à son interlocuteur).

-Tu as fait un très bel investissement, cet endroit est remarquable. Il marqua une pause. Au fait, j'y pense, qu'as-tu fait de ton épouse ? Je m'attendais à la voir...

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ygnus n'avait pas vraiment à remercier son père de lui donner son avis. C'était une chose que Pollux faisait naturellement, spontanément, peu importe que cet avis soit réclamé ou non, et plus encore quand il était question des membres de sa famille. Jamais il ne s'épargnerait d'y mettre son grain de sel et d'en donner sa franche opinion, quand bien même cette dernière pouvait éventuellement se révéler déplaisante ou blessante.

C'était ainsi, le patriarche des Black tenait à ce que les siens aient ce qu'il y a de mieux, et donc, s'il devait constater que quelque chose dans leur manière de faire ou de vivre ne devait pas correspondre à leur situation ou à leurs standards, il n'hésiterait certainement pas à en dire ce qu'il en pensait. Mais en l'occurrence, cette demeure était tout à fait digne de la réputation de la famille, et Pollux pouvait se rassurer de savoir que son fils ne vivait pas dans un quelconque trou à rat qui tombait en décrépitude.

Pour ce qui était de la présence ou non de Druella, il avait simplement estimé que c'était un sujet de conversation logique. De la part de la maîtresse de maison, on attendait la présence en sa demeure, même si cette présence devait être discrète... car bien sûr, une bonne épouse, qui se respectait, devait savoir s'effacer quand la situation l'exigeait. Il fit non de la tête à la question de son fils. Non, il se moquait assez de Druella. La seule chose qu'il exigeait d'elle, c'était qu'elle soit une bonne épouse pour son fils, et c'était dans cette optique qu'il l'avait fiancé à elle alors qu'ils n'étaient que des enfants.

-Non, c'était une simple question, répondit Pollux avant de reprendre. Je m'étonne que tu ne saches pas précisément où elle se trouve. J'estime que vous devriez savoir tout l'un de l'autre.

Il le présentait ainsi, mais la vérité, c'est qu'il estimait que tout mari se devait d'avoir un contrôle et une supervision totale sur sa "moitié". C'était cruel, je ne vous le fais pas dire, mais en matière de misogynie, Pollux n'avait de leçon à recevoir de personne.

Il ne s'en fallait pas de grand-chose pour que votre propre épouse ruine une réputation si longuement façonnée, le "je crois" de Cygnus, par conséquent, paraissait bien léger. Où qu'aille Druella dans ses journées, il lui semblait naturel qu'elle ait des comptes à rendre à son époux.

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ollux n'appréciait pas spécialement la réponse de Cygnus, qu'il estimait tenir de l'indifférence, si ce n'est de l'irrespect envers son épouse. Oh, n'allez pas vous imaginer qu'il attendait de son fils qu'il soit fou amoureux de Druella (ce serait un autre écueil dans lequel il était préférable qu'il ne tombe pas - les passions humaines étaient bien mauvaises conseillères). Leurs noces étaient arrangées, et ils ne seraient pas le premier couple de sang pur à vivre une union sans passion, voire sans amour. Ce qui importait, c'était d'assurer une descendance, de construire un avenir dans lequel le sang pur prévaudrait, rien d'autre... mais il y avait des manières de faire, et une réputation qu'il fallait savoir tenir.

Même si le sort de Druella lui importait peut-être très peu, même si Cygnus devait n'avoir que faire de la femme qu'il avait pris pour épouse, il était tenu malgré tout de se montrer attentif à cette dernière, ne serait-ce que parce qu'elle deviendrait la mère de ses enfants, ne serait-ce que parce qu'il fallait s'assurer, justement, que les sorties de sa belle-fille ne puissent en rien être sujettes à racontars, quels qu'ils soient. Il voulait avoir confiance en Druella. Il n'aurait pas donné la main de son fils, de son premier-né qui plus est, à n'importe qui, ce serait bien mal lui ressembler, mais on ne sait jamais.

Pollux, misogyne comme il n'oubliait jamais - et ne manquait jamais - une occasion de l'être, estimait qu'il était dans la nature même des femmes d'être inconstant et trop sensible. Il serait tout de même dommage que Cygnus perde le contrôle sur sa "chère et tendre" sous le prétexte que cette dernière ne l'intéressait pas suffisamment. Il y avait une différence, bien sûr, entre le fait d'épier ses moindres faits et gestes et celui d'y demeurer parfaitement insensible, mais dans un cas comme dans l'autre, le patriarche de la famille Black estimait qu'il était naturel, dans ces circonstances, qu'il recadre un tant soit peu son fils aîné. Et ce n'était pas forcément dans ses habitudes. Pour cause, Cygnus était généralement si irréprochable qu'il paraissait impossible, voire impensable, de véritablement lui reprocher quoi que ce soit.

-En ce cas, je t'inviterais fortement à témoigner plus d'intérêt à Druella. Elle porte ton nom, et l'image de ta famille, de notre famille, tu ne peux pas te permettre de la négliger. Si elle devait entacher, d'une quelconque manière, ta réputation ou la nôtre, tu regretteras alors de n'avoir pas su te montrer plus attentif.

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ollux était honnêtement déçu de la réaction de son fils. Plutôt que d'accepter de remettre en question son comportement et d'admettre ses torts, voilà qu'il niait d'un bloc les complications que pourraient éventuellement engendrer sa négligence, et qui aux yeux du père de famille sautait pourtant aux yeux. Certes, c'était certainement à imputer à la fierté plus que proverbiale des Black, qui n'acceptaient bien souvent pas d'entendre raison de qui que ce soit, mais les liens qui les unissaient n'exigeaient-ils pas une exception toute naturelle ?

Pollux était le père de Cygnus, sa grande et haute figure d'autorité, à ses yeux, il était absolument normal, logique et naturel qu'il écoute le plus attentivement du monde ses remarques, sans avoir besoin de justification ou de les remettre en perspective. D'autant que, en l'occurrence, il pensait son propos suffisamment clair pour ne pas avoir tant que cela besoin d'être explicité.

Malgré tout, il prit le temps de lui répondre, parce qu'il tenait à ce que son discours soit clair, précis, et ne sache surtout pas échapper à la connaissance et aux obligations de son aîné. Il était sa fierté, celui sur qui reposaient les valeurs et l'héritage de sa famille, il était par conséquent naturel autant que nécessaire de mettre ces choses-là au clair.

-La réponse me semble évidente. Avoir le contrôle sur ton épouse, c'est avoir le contrôle de son image, et son image est dorénavant la tienne. Le moindre de ses gestes, le moindre de ses actes, le moindre de ses propos te sont dorénavant attitrés également puisqu'elle porte ton nom. Le moindre écart de conduite, qu'il ait été décidé volontairement ou non, aura une répercussion sur toi et sur nous tous. Être époux, c'est aussi cela, c'est penser pour deux et non plus seulement pour soi. En la circonstance, tu ne peux pas t'autoriser à être égoïste. C'est ce qu'implique la notion même de famille. Et tu tiens à rendre notre famille fière, n'est-ce pas ?

Être époux, être père. Dans l'implication que cela devait exiger, c'était, aux yeux de Pollux, sensiblement la même chose. Cela exigeait les mêmes sacrifices, les mêmes, la même rigueur, la même assiduité.

Pour sûr, Druella était digne de leur caste, sans quoi Pollux n'aurait jamais organisé ni autorisé ses fiançailles avec son fils, mais l'on n'ignore de quoi peut être capable une femme négligée, et à l'évidence, il était préférable de ne pas se hasarder à le découvrir quand il devenait trop tard pour y faire quoi que ce soit.

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ollux ne savait exactement quel accueil son fils réservait à son discours. Parce qu'il était un Black, et que les Black (la plupart d'entre eux en tout cas) savaient faire preuve de mesure en toutes circonstances et ne jamais laisser la moindre émotion empiéter sur le reste de leurs considérations. Ils ne devaient jamais rien montrer, garder leur calme et ne jamais laisser leur ressenti empiéter sur leur jugement, sa réaction était impeccable et attendue, donc, même si elle ne permettait pas totalement à Pollux de savoir si Cygnus avait bel et bien intégré les propos qu'il lui avait tenus.

Il savait bien que ce n'était pas forcément le genre de choses qu'il avait envie d'entendre, mais il allait devoir s'y faire. Il ne pouvait plus se considérer tout à fait comme le même homme à présent qu'il était un époux. Eh oui, être un époux exigeait une certaine adaptation. Oui, c'était l'épouse qui était totalement définie par son rôle d'épouse, cela n'ôtait rien, pour autant, au fait que c'était une chose à faire entrer en ligne de comptes, et à ne surtout pas faire oublier.

Cygnus avait à coeur la réputation de leur famille, s'il était une chose dont Pollux ne doutait pas le moins du monde, c'était bien celle-ci, alors il pensait vraiment que le jeune homme aurait retenu sa leçon. Leçon qui, au passage, n'était pas une réprimande, davantage une mise au point. Ce qu'il faisait avait surtout pour intérêt de lui faire prendre conscience de son rôle, de cette fonction qu'il devait prendre d'autant plus à coeur qu'il serait celui qui succéderait à la fonction de patriarche que Pollux occupait à l'heure actuelle.

-Bien, répondit Pollux avec un hochement de tête satisfait. Il marqua une pause. Je ne veux pas m'imposer chez toi plus longtemps, déjà que mon hibou ne t'es pas parvenu, je ne voudrais pas empiéter sur ton temps précieux. En vérité, il ne veut pas vraiment prendre congé de son fils, loin de là, mais il a conscience de s'être imposé malgré lui. Quand tu auras du temps, je serais ravi de t'inviter à dîner. Je te le proposerai bien maintenant, mais tu as sans doute à faire... ?

Et sans doute que son épouse, même s'il ignorait où elle était pour le moment, reviendrait tôt ou tard. Même si elle aussi était la bienvenue, bien entendu.

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n vérité, Pollux pourrait tout à fait déranger son fils, et ce serait chose plus que légitime. Certes, comme c'était un bon fils, il ne pourrait pas se permettre de le lui dire en ces termes, mais tout de même, ce serait bien naturel. Pollux lui-même ne raffolait absolument pas des visites à l'improviste et préférait être prévenu.

Il considérait que ce n'était jamais poli ni appréciable que de déranger quelqu'un à un moment où il n'avait pas décidé de l'être, et il n'était pas rare qu'il congédie ceux qui n'avaient pas pris la peine de s'annoncer. Bon, dans son cas, c'était différent, car Pollux pensait véritablement que Cygnus avait été prévenu, mais donc, il comprenait qu'il tombait au mauvais moment, et il n'avait pas envie d'encombrer son fils plus que nécessaire, il avait déjà l'impression de ne l'avoir que trop fait, en fin de compte.

-Je suppose donc que tu n'es pas libre à dîner, résuma Pollux en constatant que son fils n'avait pas vraiment répondu à son invitation tacite, se contentant d'affirmer qu'il pourrait rester autant qu'il le voudrait mais qu'il aurait été préférable que la chose ait été mieux préparée.

Ce qui était tout à fait vrai, au passage. Le fils avait très certainement hérité cela du père : tous les deux étaient de grands perfectionnistes : ils n'acceptaient pas que les choses soient laissées au hasard, sous quelque prétexte que ce soit, et cette situation était au final trop brouillonne pour répondre à leurs standards respectifs. Il était heureux, malgré tout, d'avoir pu saisir cette occasion de passer du temps avec son fils.

Parce qu'il était Pollux Black, il ne montrait jamais les choses qu'à sa manière, et elles n'étaient pas toujours perçues de la bonne manière, mais il n'avait jamais que de l'estime et de l'affection pour Cygnus, et même encore maintenant, il restait étrange pour lui de ne pas l'avoir sous son toit. Mais quoi qu'il en soit, il était toujours ravi du temps qu'il lui était donné de passer en sa compagnie.

-Je t'enverrai un courrier et m'assurerai qu'il te parvienne, cette fois. En attendant, je vais y aller. J'ai du travail qui m'attend quoi qu'il en soit. A bientôt, fils.

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