Leur sixième année venait de prendre fin. Les jumeaux allaient rentrer passer les vacances chez leur mère. C'était toujours une délivrance pour Victor. Lui qui devait faire des efforts inconsidérés pour paraître normal lorsqu'il était à Poudlard, pouvait vraiment se reposer en vacances. Mais ce n'étaient pas n'importe quelles vacances, c'étaient celles d'été...celles qui sonnaient les deux ans de la mort de Peter.

Les deux frères s'étaient installés dans un wagon, mais comme toujours, plusieurs amis de Vincent s'étaient joint à eux, ainsi que des filles, des connaissances vagues qui souhaitaient juste profiter d'un peu de bon temps avec le plus sociable des deux.
Victor sentait qu'il dérangeait, et lui même ne supportait plus cette ambiance fausse et joyeuse d'adolescents insouciants.
Il soupira alors qu'il venait encore une fois de se faire bousculer par Samy?...Samantha? Sam? Susan?...enfin bref par l'autre blondasse sans cervelle mais avec une sacré volonté, il fallait l'admettre! Cette fille ne reculait devant rien pour arriver à ses fins... ou en l’occurrence, à son frère.

c'était un spectacle trop écœurant pour lui, c'en était trop. Il se leva, prêt à s'en aller.

"-Hé, tu vas où?" lui demanda Vincent, soudainement inquiet

-"T'en fais pas, je vais prendre l'air un peu, amuse toi" Répondit Victor avec un fin sourire. Son frère savait très bien qu'il ne supportait pas ce genre de situation. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir, lorsqu'ils seront chez leur mère, Vincent redeviendra "le type bizarre qui a des voix dans sa tête".

Non, décidément, ce n'était pas la meilleure partie de l'année, ni pour l'un, ni pour l'autre.

Enfin dans le couloir, le jeune brun s'adossa à la vitre du wagon, et prit une profonde inspiration. Il ne pouvait s’empêcher de penser à Peter, son premier amour et son plus grand regret. Peter est mort en emportant son espoir d'un bonheur possible.
Un groupe d'élèves de seconde année passa bruyamment, le sortant de ses pensées.
"On ne peut vraiment pas rester tranquille un instant ici", songea-t-il.

C'est ainsi qu'il entreprit une quête presque utopique, de trouver un endroit libre pour déprimer en paix. Mais après une longue recherche, il ne trouva qu'un wagon qui pourrait potentiellement lui convenir. Il frappa à la vitre et entrouvrit la porte.

La jeune Melody était seule. Elle attendait peut être quelqu'un ou elle aurait trouvé la fameuse place seule avant lui? peu importe, elle était seule, et avec les rumeurs qui courraient sur elle, à propos d'une certaine orientation sexuelle avec une autre fille, Victor savait qu'elle ne lancerait probablement pas le sujet, ce qui l'arrangeait fortement.
Et puis cette fille était sympa, loin des Samy et autres joyeusetés. Il crut se souvenir qu'elle était amie avec Vincent. Il faut dire que ses vrais amis étaient souvent des personnes sympa et intéressantes, bien que trop vives et trop joyeuses pour lui.

Li qui était souvent dans son coin, austère et distant, se demandait si elle se souviendrait de lui, ou si comme la plupart des gens, elle allait le confondre aux premiers abords à son frère.

-"Euh salut... ça t'embête si je me joins à toi? les autres wagons sont pleins et bruyants"
Il était manifestement fatigué par ces débordements d'hormones et d'insouciance qui régnait partout. Peut-être qu'elle l'accepterait, et qu'ils passeraient le trajet en silence, ou dans une discussion intellectuelle, ou même banale mais calme. dans tous les cas il s'en irait si elle se mettrait à se comporter comme une fille idiote et futile, il se le promit, bien que persuadé que ce n'était heureusement pas son cas.

Manifestement Melody était plongée dans ses rêveries, ou dans ses pensées avant qu'il ne l'interrompe. Et sa réponse le mit mal à l'aise. D'habitude Victor évitait se parler à des gens, au moins comme ça il s'évitait toute situation malaisante ou conflictuelle. Bien qu'il montrait souvent un air austère, il n'était pas méchant et se sentait trop mal pour blesser quelqu'un d'autres. Il envoyait souvent balader certaines personnes, et se montrait même cynique et cassant lorsque cette personne ne suscitait aucun intérêt à ses yeux. Mais lorsqu'il n'avait pas l'impression de tomber sur une personne mauvaise ou idiote... ou sur un beau garçon qui pourrait le rendre vulnérable, il préférait ne pas se montrer trop glacial. Ne pas parler, les éviter, lui convenait parfaitement.

Malheureusement dans ce cas là, il se trouvait seul avec une élève de Poudlard. Elle voudrait surement discuter. Et il venait déjà de se montrer maladroit. Le jeune dépressif haussa les sourcils, surpris et confus, cherchant les mots pour s'excuser, mais ne trouvant rien, il se ravisa et alla s'installer en face d'elle.

C'est alors qu'elle prononça son prénom... le sien et pas celui de son frère. Victor, qui avait repris son air de bad boy, la mine froide et presque inexpressive, montra une seconde fois son air surpris. C'était rare qu'on ne le confonde pas avec Vincent. Enfin aux premier abords car ensuite leurs comportements opposés permettaient de faire la différence.
Lui même, cherchant à s'éloigner de toutes formes de sociabilité, n'avait même pas remarqué que Melody avait une jumelle. Sa sœur était discrète et ne l'avait jamais vraiment approchée. Il avait donc pensé que c'était la même personne. et la voyant parfois passer avec ce type là... le même qui sortait avec Melody d'ailleurs, Victor s'était donc arrêté au fait qu'elle était toujours avec lui et que les jumelles n'étaient qu'une même personne. Vincent, lui, aurait fait la différence. Déjà parce qu'il était ami avec la plus sociable des deux, mais aussi parce qu'il aimait tout connaitre des gens.

Victor repris son air distant, mais il était tout de même intrigué par cette fille qui venait de le différencier à son frère en un clin d’œil et aussi parce qu'il l'avait déjà vue avec son frère, et elle semblait loin des escabèches qu'il croisait régulièrement.
Il acquiesça d'un signe de tête, ne la quittant pas des yeux

"Et toi c'est Melody, c'est ça? tu traînes souvent avec mon frère."

A vrai dire, Victor était tellement habitué à ce qu'on le confonde avec son frère, qu'il n'y faisait plus attention, sauf lorsqu'une personne comme Melody les différenciait. Et il aurait eu à cœur de distinguer les deux sœurs si il n'avait pas été aussi peu sociable et qu'il leur avait prêté un minimum d'attention. Le fait est qu'il ne les voyait jamais ensemble et comme il se tenait à bonne distance de toute forme de vie, de loin, il n'avait pas vu cette différence les caractérisant.
Mais il avait déjà constaté que son comportement était très changeant. Ne souhaitant pas s'intégrer d'avantage, il n'était pas allé plus loin dans ses réflexions. Et s'il avait sût que Melody avait une jumelle, Victor aurait l'aurait immédiatement reconnue par son attitude au moins. Le fait est qu'il n'avait que rarement croisé Lysandre, que Melody était solaire, sociable et bavarde, et faisait oublier sa sœur à quiconque ne faisait pas vraiment attention. C'était, des deux, celle qu'on retenait facilement. Et puis elle triait avec Vincent, ce qui lui facilitait la tache. Si il apprenait que Melody avait une jumelle, Victor serait probablement aussi fâché contre lui qu'elle ne l'aurait été.

C'est bien le souci quand on ne veut pas se mêler aux autres, lorsqu'on y est contraint, on fait beaucoup de boulettes.

Victor regardait par la fenêtre, écoutant la jeune bavarde lui dévoiler son ressenti sur son frère. Il sourit distraitement. C'était presque un miracle au vue du nombre de fois où ses lèvres s'étiraient de la sorte. C'était un fin sourire, passager et furtif, mais il avait bien été présent un instant. Victor avait bien conscience que sans son frère, il ne serait plus de ce monde. Il savait également tout l'amour qu'il lui portait, tous les efforts et les sacrifices qu'il faisaient pour lui. Un exemple simple et flagrant était le fait que Vincent, ce mordu de quidditch, n'avait osé postuler à l'équipe que cette année, sacrifiant toutes les précédentes, lorsque le frère dépressif était au plus bas, pour s'en occuper. Vincent avait toujours été là pour lui et bien qu'il soit parfois étouffant, il savait que sans lui, il ne serait rien.

Puis Melody enchaîna sur la question qui fâche, les vacances. Il baissa les yeux, regardant dans le vide l'air triste et mélancolique. Cet été? il allait déprimer, essayer de cesser de vivre et se faire secouer par sa famille. Il ferait surement de la musique pour s'évader et pour qu'on le liasse tranquille. Victor n'était pas prêt à aller mieux, et surtout, il ne savait pas comment faire en ayant son secret.
Parfois il se disait que certains vivaient très bien avec ce même secret. Mais alors il repensait à la mort de Peter, et il replongeait.

Néanmoins il était rentré dans ce wagon en connaissance de cause et s'était douté que cette fille voudrait parler. et finalement, pourquoi pas? le temps passerait plus rapidement comme ça.

Il reporta donc son regard dénué de toute expression, la tête légèrement incliné vers la droite, la considérant. Que lui répondre? il tenta au feeling, espérant lui poser à son tour une question qui la fera parler un moment. De toute façon il préférait avoir une conversation avec elle, que se faire observer tout le trajet.

"Je vais...faire de la musique et me ressourcer avec mon frère...Et toi t'as prévu quoi?"

Cette Mélody piquait sa curiosité finalement. Il avait bien eu raison de se joindre à elle. La conversation était pour le moment posée et intéressante. Elle lui apprenait finalement pas mal de choses en si peu de temps. Il venait à peine de s’asseoir et savait déjà plusieurs choses. De toute évidence, elle était faite pour être une amie de Vincent. Pas une de ces groupies idiote, non, une amie.

Victor avait remarqué que bien que son frère était certes très sociable et entouré de tout un tas de personnes...surtout des filles, pleines d'hormones, il avait tout de même un certain goût pour ses amis. Vincent semblait faire la différence entre le plaisir charnel, ou le désir de conversations futiles, et la réelle amitié. Il savait que son jumeau n'était pas du genre à savoir aimer. Et il culpabilisait d'ailleurs, se demandant souvent si il n'était pas une des causes à son incapacité à ressentir de l'amour. Vincent était émotionnellement très pudique, finalement, tout comme lui. les deux frères se ressemblaient bien plus que ce qu'on pouvait voir au premier coup d'oeil. Et lorsqu'ils étaient juste eux deux, il devenait alors très difficile de les distinguer parfois, l'un s'ouvrant d'avantage et riant même parfois, l'autre parvenant à se calmer.
Victor poursuivit ses pensées sur son frère, se disant que Vincent avait donc du mal à s'ouvrir émotionnellement à quelqu'un, mais qu'il y parvenait en amitié et que c'était un ami fidèle et loyal. Il aimait d'ailleurs beaucoup ce trait de caractère, sans vraiment savoir qu'il l'avait également, à sa manière. Et Melody faisait donc partie des amis de son joyeux jumeau. C'était donc attendu pour Victor, qu'elle ne soit pas creuse et idiote, et qu'elle ait un réel intéret. Il pouvait faire confiance à Vincent pour ça.

Mais allaient-ils s'entendre tout de même, Victor et elle? Ca c'était une autre histoire, puisqu'il était tellement renfermé et pouvait se montrer très cassant si il se sentait en risque. Et Melody était bavadre, sociable et qu'elle tenterait surement, comme beaucoup de gens avant elle, de briser sa carapace qu'il aimait tant. Il se sentait en sécurité, lové dans ses retranchements.

Il n'imaginait pas à quoi pouvait bien ressembler une vie sur une île si petite que tout le monde se connaissait. Pour lui, peut être que ça aurait été pratique, mais Vincent aurait surement fini par péter un câble. Surtout quand il était petit et harcelé.

Par contre, savoir qu'elle aimait coudre piquait d'avantage sa curiosité encore, surement autant qu'elle devait l'être pour sa passion de la musique.
Victor montra donc un intéret visible pour son goût de la couture. lorsqu'elle l'avait annoncé, il avait alors levé les sourcils et même hoché la tête, se montrant attentif. Il allait même lui poser une question, entrouvrant la bouche, pret à intervenir, quand elle lui coupa l'herbe sous le pied et lui posa en premier lieu sa question.

Comme pour tout, le bad twin était très pudique, et sa musique étant sa manière d'exterioriser ses sentiments, rares étaient ceux qui l'avaient entendue. Il reprit son air vague, regardant à nouveau dehors, lui qui, et c'était rare, l'avait regardée, intéressé pour ses réponses.

"Je joue surtout du piano, et u peu de guitare quand j'ai rien d'autre sous la main. mais c'est rien d'exceptionnel, c'est juste comme ça."

Ses joues s'étaient légèrement rosies, par la pudeur. Puis il reporta à nouveau son attention sur elle, manifestement plus intéressé d'en apprendre sur elle que d'en dévoiler sur lui.

"Et toi, tu fais des vêtements? Tu couds quoi au juste?"

Si Victor devait être sincère, avec les autres mais surtout avec lui même, il devrait admettre qu'il se débrouillait vraiment bien en musique, et qu'il avait différents styles. D'ailleurs il ne jouait pas que du piano et de la guitare, mais c'étaient les deux instruments qu'il maîtrisait le mieux. Il avait aussi appris la batterie à son frère pour lui apprendre à se canaliser et aussi en profiter pour s'éclater en musique avec lui. Au début leur mère avait eu du mal à supporter leurs cacophonies, mais maintenant elle adorait les entendre jouer. Ils étaient vraiment bons et c'était un petit peu leur moment à trois. Elle les écoutait alors que Vincent battait le tempo et Victor l'accompagnait. Il chantait même avec eux, parfois suivit de madame Monen.
Jouer seul et jouer en famille, c'étaient deux choses totalement différentes. Seul, il libérait sa peine, sa frustration, et pouvait s'exprimer entièrement. En famille, il s'ouvrait à la joie et partageait un moment unique de bien être. C'était devenu un rituel lorsque les frères revenaient pendant les vacances. Et Vincent tout comme sa mère, redécouvraient alors Victor. Il était énergique, souriant, pétillant. c'était un réel bonheur pour eux de le voir ainsi, bien qu'il faille souvent insister un bon moment avant qu'il accepte ces petits concerts privés.

Ainsi, alors que Melody lui donna son avis sur le fait qu'il joue de deux instruments, il haussa légèrement les sourcils, fuyant son regard, gêné et pudique. Ne sachant pas accepter la flânerie, ses joues rosirent à nouveau légèrement et ses lèvres s'étirèrent pendant un moment infime, vers la droite. Et bien que ses expressions étaient minces, elles étaient pourtant là. S'il avait été entouré de plusieurs personnes, alors distraites par l'ambiance, elles n'auraient vu qu'un jeune homme froid et sans expression, mais la belle jeune femme qui lui faisait face semblait observatrice et était surtout focalisée sur lui. Elle aurait donc peut être remarqué que bien qu'il semblait froid, distant et peu enclin à s'ouvrir, au fond Victor était sensible à ses remarques.

Il ne savait pas quoi répondre à sa remarque, toujours gêné par sa remarque. Il se gratta les cheveux afin de cacher un instant son visage, souhaitant se faire tout petit. C'est qu'il avait que très rarement eu un compliment venant d'une personne extérieure à sa famille.

Heureusement pour lui, ce pauvre garçon mené à une dure épreuve émotionnelle se vit accorder un répis alors qu'elle reparlait de ses talents...non, de son don pour la couture. C'était en tout cas ce qu'il pensait. Pour lui il s'agissait d'un mystère qu'il n'avait jusqu'alors jamais expérimenté. Partir d'un tissus et en faire une si belle robe! et de manière encore plus surprenante, un sac?!

Il n'avait jusqu'alors pas vraiment fait attention à la manière dont cette fille s'était habillée. C'était pour lui un vêtement, rien de plus. Il suffisait de voir la manière dont lui se présentait pour comprendre qu'il ne faisait absolument aucun état de la mode. Un jean noir, un te shirt gris, une veste noire et ses bracelets de cuir pour cacher ses cicatrices. Il n'était vraiment pas compliqué en terme de mode. Mais de penser qu'une personne pouvait faire ces vêtements, il n'y avait encore jamais songé. Et pour cause. Melody ne portait pas une simple robe, il y avait de la dentelle...ou un truc du genre, et différentes matières de tissus à ce qu'il voyait. Il n'y connaissait rien mais tous ces accessoires, la manière dont le tissus tombait parfaitement sur ses courbes, il en était impressionné. Vincent aurait surement bavé intérieurement à la regarder d'aussi près tourner devant lui, mais Victor se concentrait seulement sur le tissus et pas sur le magnifique corps qui se présentait devant lui, et mis aussi bien en valeur. Il regarda aussi le sac à main, encore plus impressionné qu'on puisse créer un contenant solide et avec des si petites pièces de tissus que ce qu'il pouvait voir.

Il fixait donc cette robe et ce sac avec attention et curiosité, se disant qu'il n'aurait probablement jamais la patience de faire ce qu'elle faisait, mais surtout qu'elle avait un réel don. Il se prit même à songer que s'il avait eu le tempérament de Vincent, il aurait pu lui demander de le relooker pour voir ce que ça donnerait. C'était l'avantage d'être asocial, Victor sortait peu et avait de ce fait très rarement le besoin de dépenser de l'argent. Il aurait pu envisager d'en dépenser un peu pour s'offrir ses services. Enfin ses services pour la couture bien-sur. Encore une fois, ce n'était pas tant le vêtement en lui même qui l'impressionnait mais le fait de penser que Melody l'avait fait elle même. Une grande artiste en somme, songea-t-il.

"Woah!" Ne put-il s’empêcher de s'exclamer, avant de se reprendre et de se contenir à nouveau
"Tu comptes devenir couturière? t'as un sacré talent."

Il s'était efforcé de garder une voix calme et détachée, et prenait le sac en otage du regard, feignant d'être plus intéressé que prévu, pour éviter de croiser celui de cette fille. Mais pour que Victor fasse un compliment, c'était qu'il le pensait réellement.

Manifestement Melody semblait être très heureuse. Elle avait trouvé sa voie et était fichtrement douée dans ce domaine. Il l'écoutait distraitement, alors qu'elle parlait de sa situation actuelle qui était très prometteuse. Il n'avait aucune idée de qui pouvait bien être cette madame Guipure mais lorsqu'il entendit le nom de Celestinia Moldubec, il haussa un sourcil et son regard se fixa sur Melody un instant infime. Il n'avait pas pu s'en empêché. Il était surpris et s'était demandé si elle se moquait de lui, mais à voir son expression et son enthousiasme, elle ne devait manifestement pas plaisanter.

Alors que son regard fuyait à nouveau, il ne vit pas Vincent passer venant le wagon et saluer Melody de loin. Il le cherchait et voulait s'assurer qu'il allait bien. Victor avait vraiment une grande chance d'avoir un frère tel que lui. Et finalement, par moment, Vincent avait aussi de la chance. Les deux frères étaient inséparables malgré leurs différences. Vincent devait cependant penser que son frère était en sécurité et en bonne compagnie car il n'entra pas et fit même demi tour. Il pensait surement que le laisser rencontrer des personnes et essayer de se faire des amis lui ferait le plus grand bien et qu'en la compagnie de Melody, tout irait bien. A vrai dire bien que Vincent ait de nombreux camarades et de bons amis, Melody était une des personnes en qui il avait le plus confiance, et la laisser seule avec son frère en était une preuve flagrante. Sur son retour vers son wagon, il rencontrerait Lexie avec qui il parlerait un moment.

Victor, lui, n'avait donc pas vu son frère. Il regardait par la fenêtre, ayant "Tu m'as pris mon chaudron mais tu n'auras pas mon cœur" en tête. Il ne se rendit même pas compte que ses doigts jouaient les accords sur sa banquette. Il était habitué à penser à la musique et n'y prêtait plus une grande attention. Celestinia Moldubec n'était pas sa chanteuse préférée. Elle parlait beaucoup d'amour et de ces sujets qui plaisent aux femme, enfin c'est ce qu'il pensait. Mais il ne détestait pas non plus. Et il fallait lui reconnaître qu'elle avait une voix impressionnante, une manière de faire le show et un sacré rythme. Elle était connue dans le monde magique et c'était logique selon ui. Elle avait un réel talent.

Tout ceci s'était fait presque instantanément et Melody n'aurait pas à souffrir d'un silence trop long avant qu'il lui réponde, quoi que... Perdu dans ses pensées, il ne se rendit pas compte que trente bonnes secondes s'étaient écoulées avant qu'il ne fasse entendre le son de sa voix. Et avec l'enthousiasme de Melody, trente secondes de silence c'était potentiellement long pour elle.

"-Celestinia Moldubec...c'est pas rien. Peut être que tu lui feras sa prochaine robe"

Victor lui souhaitait d'atteindre ce but qu'elle s'était fixée, parce que si elle n'y arrivait pas, alors il n'y avait définitivement plus aucune logique à ce monde, plus aucun sens, plus aucune bonté, se dit il. Melody avait passé la première carapace de Victor, celle qu'il déverrouillait le plus facilement mais tout de même à très peu de personnes, celle de l'acceptation. Il avait toujours eu du respect pour elle, et s'était douté qu'elle était une fille bien, sinon Vincent n'en serait pas ami de cette manière. Mais il lui fallait tout de même rester sur ses gardes. Et finalement pour le moment, sa présence le lui déplaisait pas. Elle était même plutôt agréable. Certes, elle était bavarde, mais justement, ça lui permettait de ne pas avoir à faire trop d'efforts à son tour. Et elle ne déblatérait pas ces idioties qu'il entendait régulièrement. Sa conversation était intéressante à tel point qu'il se surprenait à s'y prêter.

Ce nétait cependant pas certain qu'elle trouverait en Victor ce même sentiment d'une conversation agréable car il parlait peu et ne la regardait que rarement dans les yeux.

Melody ne semblait pas avoir été dérangée par le manque d'éloquence de Victor, ni par son temps de réponse. Elle lui parlait juste de ses goûts, de ses rêves, de ses projets. lui qui était secret par nécessité, avait toujours été très impressionné par ce genre de personnes qui pouvaient s'exprimer librement. Si le jeune sorcier savait à ce moment précis que Melody aimait les filles et qu'elle était même en couple avec l'une d'elles, il se serait alors peut être même prosterné devant elle, devant son courage, sa force de vie et son caractère. Il ne soupçonnait absolument pas qu'une jeune femme comme elle, qui semblait bien dans sa peau, qui confiait ses rêves, ses projets et qui y mettait tant de passion puisse être comme lui. Lui ne voyait que la souffrance, le rejet et la persécution.

Manifestement elle aurait eu beaucoup de choses à lui appendre et à lui apporter, ne serait-ce que l'écouter et se montrer compréhensive. Il en aurait bien eu besoin. Mais ce n'était alors pas le sujet de leur conversation, à son plus grand bonheur. Melody ne parla pas de Lexie et lui ne parla pas non plus de ses sentiments. Non, les deux jeunes sorciers parlaient musique. un sujet qui passionnait ce garçon.

Alors qu'elle renouvelait sa déclaration d'admiration pour la chanteuse, Victor acquiesça d'un signe de tête, le regard toujours dans le vide. Le paysage par la fenêtre passait à une vitesse folle, c'en était presque hypnotisant. Alors perdu dans son fort intérieur, les doigts jouant toujours les accords d'un des tubes de Celestinia Moldubec, Melody l'en sortit avec une question à laquelle il ne s'attendait vraiment pas.

Surpris, il tourna vivement le visage, se froissant un muscle cervical. Il se massa alors la nuque, grimaçant, mais manifestement la surprise se lisait toujours sur son visage. Il parlait peu et se sociabilisait rarement. De e fait, il n'était plus habitué à ce qu'on lui demande ce qu'il aimait, ce u'il voulait. C'était lui qui s'adaptait ou s'en allait d'habitude. Il la considéra un instant, se massant toujours.

"euh...' commença-t-il timidement " J'aime un peu tout...Classique, ragatime, blues, gospel, jazz..."

Il repensait à ces improvisations de jazz qu'il avait pu faire avec son frère, leur mère s'amsusat à chanter par dessus. Il repensait aussi à sa découverte de Scott Joplin, Mahalia Jackson, ou d'autres de ses idoles. Il pensait aussi à toutes ces musiques douces, mélancoliques qu'il aimait jouer seul pour extérioriser ses pensées. A vrai dire Victor n'était pas un grand fêtard. Il reconnaissait volontiers aimer beaucoup de styles, mais vue son état d'esprit, il n'écoutait que peu de morceaux joyeux sauf quand il se lâchait en famille.

"Tu connais peut être Joplin, Armstrong, Baker, Davis..."

Il ne donnait là que quelque noms qui lui venaient mes ses connaissances et ses goûts étaient larges. Certains étaient vieux, d'autres jeunes et prometteurs. Ainsi, pris dans cette pensée musicale, il ne se rendit pas compte qu'il venait de parler un peu plus qu'à son habitude. Le sujet, tout comme la couture pour Melody, le passionnait. Le simple fait de parler musique lui donnait envie de jouer. C'était un des rares moments où il pouvait être lui même, s'exprimer, relâcher ses démons et même rire si l'envie le prenait. Il se sentait débarrassé de son fardeau, le temps s’arrêtait. C'est ce qu'il aimait le plus dans la musique, outre le fait que ça rassemblait des personnes foncièrement différentes, forçait à la tolérance, donnait de la joie ou procurait diverses sentiments. C'était manifestement un art qui lui parlait le plus.

Victor aurait pu parler des heures de musique, mais malheureusement Melody semblait de pas connaitre suffisamment le sujet, tout comme lui ne connaissait pas grand chose à la mode.

Lorsqu'elle lui avoua ne pas connaître ces grands artistes qu'il venait de citer, il prit alors soudainement conscience qu'il venait de trop s'étaler, de trop s'exprimer. Ses joues rosirent légèrement et son regard devint à nouveau fuyant. Si il avait été du tempérament de Vincent, il aurait surement pris du temps pour décrire ces artistes, et aurait même chanté quelque morceaux pour les lui faire connaître. Il aurait alors peut-être pu lui faire apprécier certains morceaux moldus.
Mais ce n'était pas Vincent, et Victor, lui, était trop renfermé, trop timide et avait trop peur de se dévoiler pour oser ne serait-ce que fredonner devant elle. Le mieux que Melody aurait pu entendre de Victor aurait été qu'elle le découvre entrain de jouer, pensant qu'il était seul. Peut-être aurait-elle ce plaisir dans le futur. Mais pour l'heure, rien. Du silence, un regard morne et fuyant, et pas de musique en vue.

Il lui répondit simplement au bout d'un moment "Ouais...de grands artistes."

Puis le silence se fit. Il était gêné de ce silence. Victor se sentait observé, jugé et mis à nu lorsqu'il régnait un tel silence quand il était en présence de quelqu'un. Et c'était ce qu'il redoutait. Alors bien qu'il ne soit pas bavard, l lui fallait trouver quelque chose pour relancer la conversation et la faire parler. Il était clairement mal à l'aise, cherchant à toute vitesse un sujet pour couper court à cette gêne.

Victor regardait par la fenêtre, espérant que son malaise ne se sente pas, puis trouva enfin de quoi rebondir. "T'es déjà allé voir Celestina Moldubec en concert?"

C'était le sujet parfait pour ne pas paraître trop abrupt en changeant totalement de conversation et elle pourrait alors parler de son idole et de mode autant qu'elle le souhaiterait. Il se croyait sorti d'affaire pour un moment au moins. Le jeune homme n'avait toujours pas compris que Melody souhaitait apprendre à le connaitre et à le faire parler. Si elle s'y était connu réellement en musique, elle aurait bien pu arriver à ses fins plus facilement que prévu, mais ce n'était pas le cas. Et puisque cette jeune bavarde aimait vraisemblablement parler de sa passion, Victor pensait vraiment avoir un répi émotionnel.

Victor faisait là un exercice très éprouvant pour lui, se sociabiliser. Ceci l'obligeait à se concentrer, et surtout à se faire violence pour s'ouvrir et s'exprimer. Mais bien qu'il ne faisait que rarement cet effort, ce jeune sorcier en retirait presque toujours de bons enseignements. Personne ne le forçait à parler. il aurait très bien pu s’asseoir dans un coin, même au fond du couloir, près du wagon de tête où il aurait été tout seul, mais il avait lui même décidé d'entrer ici, dans le wagon où se trouvait Melody. Il avais également décidé de répondre à ses questions, et de ce fait, entamer une conversation. Et il en était agréablement surpris. Il était étonné de son propre comportement, mais aussi de celui de sa camarade, qui se trouva être de très bonne compagnie. Si seulement l'un et l'autre avaient sut à quel point ils pourraient se soutenir, s'ils avaient sut à quel point ils étaient, finalement proches. et pas seulement parce qu'elle comme lui vivaient depuis toujours avec leur miroir vivant.

Victor était cependant toujours en plein exercice, bien qu'il n'en prenne pas conscience. Il devait s'efforcer de maintenir la conversation. Et quoi de mieux que de la faire parler, elle, la jeune fille passionnée et bavarde? Melody était loin d'être de ces filles insipides qui jacassaient. Il aimait son trait d'esprit, son côté passionné et curieux. Étonnamment, il avait moins peur de sa curiosité à elle, que de celle des autres. C'était un peu comme avec Luna, qu'il connaissait vaguement, dans le sens où il n'avait pas l'impression d'être jugé. Elles semblaient juste vouloir découvrir une personne qui se trouvaient être devant lui à un moment précis.

Et pour Mélody, c'était maintenant.

Le jeune timide cru un instant que son espoir de relancer la conversation était tombé à l'eau alors que sa camarade avoua n e pas avoir pu aller à un concert de son idole. Et en même temps il la comprenait. Lui qui n'avait pas de père et avait été élevé par une moldu qui ne connaissait que peu la magie, avait eu du mal à joindre les deux bouts pour offrir une éducation décente à ses enfants. Ils avaient été élevés de manière modeste, ni riches, ni pauvres, et privilégiait les dépenses apportant un intérêt à long terme. Un peu comme pour les parents de Melody en somme. Ainsi Victor avait eu cette chance d'avoir des instruments de musique. Il avait avoué à Melody, qu'il jouait du piano et de la guitare, mais ce n'était pas tout. Ce jeune passionné avait appris à son frère la batterie, et jouait aussi parfois du violon. Il aurait bien aimé profiter de ces vacances pour composer, et former son frère sur un instrument, parce que c'était sa manière de lui dire qu'il l'aimait, de jouer avec lui. Et en fonction des morceaux qu'il jouait, Victor tentait de communiquer avec Vincent. Son frère, lui, étant un jeune homme plein d'instinct... un peu trop parfois même, comprenait parfaitement ce que lui exprimait Victor. Et pour cette raison et pour ces moments passés ensemble, il ne refusait jamais de jouer ou de l'écouter. Mais Vincent aimait jouer au plus idiot qu'il ne l'était. Il avait peur que si Victor s'apercevait qu'il comprenait, il ne trouverait plus l'utilité à jouer. Alors il se montrait à l'écoute et sensible, mais se montrait juste assez distrait pour laisser le doute.

Victor était comme ça, il s'ouvrait généralement avec la musique. Et d'ailleurs, Melody rebondissait sur son idole. elle l'avait donc déjà rencontrée et avait eu le privilège de passer un moment dans ses loges. Il ne remit pas sa parole en doutes. Si il était peu bavard, le jeune sorcier pouvait se montrer observateur lorsqu'il le souhaitait. Et pas besoin d'être un auror pour voir les yeux de cette fille briller.

Elle avait donc rencontré Celestinia Moldubec! Victor ne cacha pas sa surprise et son approbation. Bien qu'il ne soit pas un grand fan,même lui aurait été honnoré de la rencontrer.

"Oh c'est fou ça! et vous avez pu rester longtemps avec elle? Vous avez parlé de mode ou de musique? elle est comment en vrai?"

Le passionné qui était en lui refaisait vraisemblablement surface.

Melody était manifestement aussi passionnée de couture qu'il l'était par la musique. Il tentait donc de s'adapter et de découvrir son monde. Elle avait eu la chance de rencontrer son idole et de passer un peu de temps avec elle. Mieux encore, elle avait eu des compliments sur sa couture et avait maintenant des portes qui s'ouvraient pour son avenir. Et tout cela en une seule soirée. Victor ne put s’empêcher d'imaginer s'il avait pu rencontrer une de ses idoles. En bon défaitiste qu'il était, il ne voyait aucune porte s'ouvrir, aucun compliment sur sa musique, mais le simple fait de pouvoir converser avec un grand de la musique moldu, faisait naître en lui un sentiment incroyable.

Il écouta donc Melody raconter cette fameuse soirée avec des étoiles dans les yeux. Il la trouvait très méritante et passionnée. Elle avait certes un talent indéniable pour la mode et la couture, mais avait aussi surement du travailler de nombreuses heures pour y arriver.
Lui jouait tous les jours et parfois plusieurs heures sans s'arrêter et depuis son plus jeune âge, mais c'était un besoin pour lui. Sa manière d'extérioriser ses émotions, de les exprimer. Parfois avec des mots, mais souvent sans. Il se sentait libre quand il jouait, il se sentait bien. Victor était sans aucun doute bien plus sensible que Vincent, mais pour le savoir il fallait passer sa carapace, car la plupart des gens le trouvaient froid et distant face à son frère joyeux, vif et agréable. Alors les apparences ne tendaient pas à révéler sa sensibilité accrue.
Ainsi Victor jouait beaucoup, mais comme il ressentait cette passion et ce besoin, c'était plus un moment de détente que de travail pour lui. Il ne pensa pas tout de suite qu'il pourrait en être de même pour Melody. Lui se disait simplement qu'elle avait un grand mérite à travailler aussi intensément pour réaliser son rêve et qu'elle méritait plus que beaucoup d'autres, de le voir se réaliser. Après tout, elle était parvenue à susciter son attention et avait également gagné son respect.

" Alors tu feras bientôt les robes des plus grandes stars. C'est un beau projet et tu sembles le toucher tu doigt"

Victor était sincère. Si lui n'avait plus aucun rêve pour lui même, sa gentillesse naturelle le forçait à garder espoir pour ceux qu'il respectait. Il était plutôt confiant pour Melody, pour son avenir, et ça lui faisait du bien de sentir que certains y arrivaient encore malgré ce monde qui tournait à l'nvers selon lui. Ce qui était tristement logique cependant, était le fait que Victor restait toujours renfermé et distant. Moins qu'à son arrivée, mais toujours assez pour garder sa carapace. Il ne l'abaissait pas avec une simple conversation, aussi intéressante soit elle.

La conversation était en effet agréable, même aux yeux de Victor. Cette fille ne manquait pas de caractère et d'optimisme. En tout cas à cet instant précis. Elle était pleine de rêves et de détermination, elle vibrait de sa passion et se donnait les moyens pour y arriver. Ces qualités étaient remarquables à ses yeux.
Lui avait enfouit tous ses rêves pour une seule envie, être tranquille, qu'on ne le harcèle pas, qu'il puisse vivre comme il l'entendait. Mais ce simple rêve était pour lui impossible. Alors que Melody ne connaissait plus ce mot, lui s'en sentait s'esclave.
Victor n'était pas sans ambition, il avait simplement perdu espoir. C'est bien cela qu'on pouvait voir dans ses yeux si on prenait le temps de regarder: la peur et le désespoir.

Alors que certains vivaient leur homosexualité comme ils le pouvaient, en le cachant mais sans s’empêcher de vivre, en prenant des risques même parfois, Alors que des personnes vivaient leur passion sans se bafouer, lui voyait là un obstacle infranchissable. La perte de Peter l'avait anéanti. Il n'avait absolument pas conscience du nombre de personnes vivant les mêmes tourments et qu'il connaissait. L'une d'elles était même devant lui. Jamais Victor ne l'aurait deviné. Elle semblait rayonnante, pleine de vie et d'espoirs, pleine de projets.
Alors sans même connaitre ce fait, Melody devint déjà un exemple pour lui, ou au moins un idéal à atteindre. Bien sur, il se dirait que ce n'était pas possible, et ne se battrait pas...pas avant d'avoir compris, ressenti certaines choses. Jamais il ne s'imaginait qu'il puisse un jour être heureux, et pourtant, peut être que l'avenir serait Clément.

En ce jour, Mélody lui fit comprendre certaines choses. Il n'en eut pas immédiatement conscience, ressentant un simple déclic. Il sentit qu'il se passait quelque chose, d'important, sans en comprendre encore l'enjeu.

"Ouais, on va dire que je l’effleure… mais c’était déjà ça, pas vrai ? "

Sa réponse le fit sourire, bien qu'il soit toujours concentré

Mais la suite fut inattendue. Il eut l'impression qu'il n'avait pas son mot à dire, elle lui avait déclaré qu'elle ferait sa tenue de scène? Il le ressentit comme cela. Victor en eut le souffle coupé, il ne sut comment réagir. Il y avait trop de choses, de sentiments tout à coup.
Déjà, il se sentait reconnaissant auprès de Melody, de lui proposer une telle chose. Ensuite il ne s'estimait absolument pas assez doué pour faire de la musique son métier. Et pourtant, Victor était trop modeste.
S'il jouait principalement du piano et de la guitare, instruments qu'il maîtrisait à la perfection, il jouait aussi parfois de la batterie, du violon et de la contrebasse. Il avait d'ailleurs prévu de passer tout son été à travailler le violon, magnifique instrument pour musicien en dépression et sonorité mélancolique et romantique. C'était parfait pour lui. Il avait même appris à Vincent à jouer de la batterie, pour lui donner le rythme lorsqu'ils jouaient ensemble et pour l'aider à sa concentration. Vincent découvrait également peu à peu la guitare. C'était pour lui un moyen de partager du temps avec son frère.

Mais non, Victor n'avait aucunement conscience de son niveau. Seuls son frère et sa mère l'avaient entendu jouer. Pour lui, c'était son moyen de s'exprimer, d’extérioriser ses émotions, de communiquer. Et il ne voulait pas communiquer avec n'importe qui. Lorsqu'il jouait, Victor se sentait vulnérable.

Mais pourtant, Melody voulait lui confectionner un costume et il en était touché. Elle ne se moquait pas, elle croyait d'ailleurs beaucoup trop en ses capacités. De plus le fait qu'elle lui ait sorti cette phrase de manière aussi inattendue le fit rougir au plus haut point.

Le regard de Victor trahissait alors sa reconnaissance mais aussi et surtout une petite panique.

Mélody, en lui créant ce déclic, venait de lui rappeler que lui aussi avait des rêves enfouis, et que l'un d'entre eux était de vivre de la musique, que l'élément dans lequel il était le plus à l'aise soit son gagne pain. Mais la panique était présente. Comment pourrait il jouer devant une foule alors qu'il n'osait même pas jouer devant des amis? même une seule personne? Heureusement pour lui, sa guitare était restée dans le wagon où il avait laissé son frère.

Le jeune homme se sentit aussi désemparé que si elle l'avait pris dans ses bras. Il ne savait pas comment réagir à cela. Et pourtant, il fallait bien qu'il se ressaisisse.

"Euh...je ne pense pas être célèbre un jour... Moi je ne suis pas si doué, tu sais. Je suis juste...amateur"

Et comme il ne voulait pas faire baisser l'enthousiasme de Melody, il s'empressa d'ajouter

"désolé...euh...merci"

De toute évidence Victor n'avait pas peiné Melody. Elle gardait sa joie et son optimisme. Et elle répondait comme une sage. Le jeune poufsouffle était agréablement surpris de sa réaction. décidément cette fille était pleine de surprises. Si il avait aimé les femmes, il est probable qu'elle lui aurait plu, mais heureusement pour eux deux, ce n'était pas le cas. Et cette fois, Victor ne cherchait pas à avoir une petite amie pour paraître. C'étaient les vacances et il n'aurait pas besoin qu'une fille le colle pour rien. Ainsi, il pouvait être lui même...enfin lui même sous sa carapace tranchante.

Mais pourtant, il réfléchissait à la réponse de Melody, alors que son regard se perdit à nouveau dans le paysage qu'offrait ce trajet en train. "On est tous des amateurs avant d’être des professionnels"
Elle n'avait pas tord. Et si il travaillait fort sur sa passion, si il apprenait à jouer devant d'autres personnes...peut être qu'un jour... enfin peut être... peut être qu'il pourrait devenir officiellement un musicien!

L'espoir et l'excitation montèrent en lui. Deux sentiments qu'il ne connaissait que très peu. mais Victor de régula rapidement. Jouer devant d'autres personnes... se mettre en avant, se livrer... C'était trop risqué... et puis il était trop timide, trop introverti. Il n'était pas Vinent.

Le silence se faisait dans le wagon alors que Victor réfléchissait. Si seulement il pouvait oser. Si il pouvait juste communiquer autre choses, ou peut être rendre son message biaisé...Si il pouvait ce mettre en avant sans risquer qu'on découvre son secret... Il décida alors que ça serait ta mission pour l'année à suivre. Il tenterait d'apprendre à s'ouvrir au monde tout en laissant caché ce qui devrait l'être. Et il verrat bien ce que ça donnerait au bout d'un an. Arriverait-il à jouer en public? Il l'espérait.

Mais c'était risqué, il en avait conscience. Il devrait y aller en douceur pour ne pas se brusquer lui même et pour rester tout de même discret. Mais plus il y songeait, plus il s'imaginait devenir musicien. Il reporta son regard sur Mélody. Elle avait trop d'influence sur lui, se dit-il. Mais il n'arrivait pas à savoir si c'était une bonne chose ou non. Il brisa alors le silence

"Si je deviens musicien un jour, je te contacterai"

Ce jour là était à noter d'une pierre blanche. Victor amorçait son changement. Il aurait besoin d'aide et de beaucoup de temps, mais pour la première fois depuis longtemps, il envisageait un avenir possible. Du moins il se plaisait à l'imaginer. Et ce simple fait était pour lui, une avancée considérable dont il n'avait même pas conscience. Victor y penserait surement un jour ou deux, puis ses angoisses reprendraient le dessus, mais inconsciemment, il aura toujours cette petite, minuscule étincelle qui perdurerait et ne demanderait qu'à s'agrandir et l’inonder de lumière.

Pour l'heure, le jeune poufsouffle profitait de la répartie de sa nouvelle camarade et se surprit même à rire. C'était un petit rire léger, plus proche d'un sourire, mais assez rarement affiché sur son visage pour que cela puisse être notable. Il ressemblait alors à un Vincent timide, ce qui changeait considérablement du Vincent triste, dépressif, crispé, au regard noir et froid qu'était Victor au quotidien.
La réponse spontanée de Meody l'avait beaucoup amusé.

Mais comme il commençait à en prendre l'habitude, la suite le ramena à sa réalité. Melody avait posé une question basique, et pourtant... Lui faire écouter sa musique était trop lourde de sens. Seuls Vincent et sa mère l'avaient déjà entendu. Il n'avait jamais joué devant ses petites amies de façade, ni même devant Laurie ou Glynnis, que les jumeaux considéraient un petit peu comme des sœurs. Non, jamais il n'avait joué devant personne.
Et pourtant, Victor ne savait pas que certains rares privilégiés l'avaient déjà entendu lorsqu'il jouait parfois dans le château, pensant les murs assez épais et la porte assez massive. Il avait joué dans une salle vide au cinquième étage, c'était sa cachette en somme, le lieu où il passait le plus clair de son temps libre. Mais l'été approchant, il avait du ouvrir la fenêtre, sans penser que des cours avaient lieu non loin et qu'eux aussi laissaient passer l'air.

Les rares qui l'avant entendu, ne savaient surement pas qui jouait. Ainsi, personne hormis son frère et sa mère n'avaient conscience d'avoir déjà entendu et vu Victor jouer.
Melody se joignais aux personnes désireuses de l'entendre. Mais jouer était un moyen de communication trop pure, trop vif, trop fragile pour lui. Il ne se sentait pas prêt à en faire profiter qui que ce soit.

Malgré cela, ayant toujours cette petite image de lui, jouant sur scène, il soupira légèrement, se donnant du courage, puis répondit enfin

"Je ne joue pas devant des gens. Mais peut être qu'un jour ça changera, peut être que je te ferai écouter. mais pas pour le moment."


Il préférait être honnête plutôt que lui inventer un mensonge idiot, mais espérait qu'elle ne s'en formaliserait pas