Jamais Louisa n'avait craint la rentrée scolaire à ce point, au point d'en presque éprouver une légère crise d'angoisse. Ce n'était pourtant pas comme si ses vacances étaient beaucoup mieux. En somme, elle n'avait rien fait durant ce temps si ce n'est rester cloîtrée dans sa chambre en attendant que le temps passe, lisant livre sur livre en espérant réussir à s'y plonger complètement mais sans y arriver, l'esprit bousculé de pensées désagréables. Elle n'y arrivait pas, c'était niet. Elle en aurait presque voulu, pour une fois, que sa mère soit présente pour elle. Sa compagnie lui aurait évité de broyer du noir. Même si elles avaient dû s'engueuler à longueur de journées, ça lui aurait au moins changé les idées. Mais sa génitrice n'était pas beaucoup présente, ces derniers temps. Elle ne savait pas trop ce qu'elle manigançait, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle lui faisait des secrets, il lui arrivait de disparaître plusieurs heures en se cherchant à peine une excuse, et les questions de la bleue et bronze n'y faisaient rien. Alors non, elle ne pouvait pas compter sur sa mère. D'ailleurs, elle ne lui avait rien dit, elle avait vite compris que ce ne serait pas une bonne idée (à moins qu'elle soit au courant sans rien lui avoir dit, comme Purdey ?). Donc elle restait dans son coin, et elle ruminait comme jamais. Rhian, le mariage, le petit fils venu du futur, le psychopathe à leur trousse... c'était beaucoup trop pour elle. Elle avait besoin de se confier, d'extérioriser tout ça, mais les tensions au cours de ses vacances chez les Potter lui avaient vite fait comprendre que les jumeaux n'étaient pas plus à même de les aider qu'elle ne savait le faire pour eux... Non, elle n'avait pas passé des vacances idéales, et pourtant, elle avait eu envie de faire marche arrière à la rentrée et de rester chez elle encore un peu, là où elle pouvait prétendre qu'elle avait tout inventé, que rien n'était vrai...

Mais l'heure de la rentrée avait sonné, elle avait retrouvé les cours, le château, les professeurs... et Rhian. Enfin, c'était vite dit, parce qu'elle s'était plutôt appliquée à l'éviter, depuis la rentrée, et elle ne serait pas vraiment surprise qu'il ait fait de même. Pourtant, elle tenait toujours autant à lui, ça n'avait pas changé... Mais est-ce qu'ils pourraient encore se parler comme si de rien n'était avec ce qu'ils avaient appris ? Sans doute pas non. Et en même temps, elle s'en voulait de ne pas aller le voir, ou de ne pas aller voir Cenlyn, aussi. Elle avait appris que Purdey était à l'hôpital, qu'elle avait été blessée (la preuve que sa mère n'avait pas tenu sa promesse à son adresse, au passage). La dernière chose dont le frère et la soeur pouvaient avoir besoin en ce moment... Elle avait envie de leur apporter son soutien... mais maintenant, elle avait le sentiment que ce soutien était mal placé, ou passerait pour tel... En même temps, elle n'allait pas pouvoir l'ignorer éternellement... Surtout que s'ils étaient en danger, il valait mieux qu'ils se serrent les coudes. Quand elle l'aperçut en fin de journée, marchant seul au bord du lac, elle avait donc tu ses hésitations et s'était jetée à l'eau (au sens figuré, hein). Elle était allée le trouver avec, en tête, la crainte qu'il la rejette.

-Salut... J'ai appris pour ta mère, je suis désolée...

« Je suis plus vraiment à ça près. »

Louisa se mordilla l'intérieur de la joue. Il faut croire qu'elle avait été indélicate, comme c'était trop souvent le cas. En même temps, elle ne se voyait pas faire semblant de ne pas savoir pour sa mère, et elle se voyait encore plus mal ne pas lui apporter son soutien... mais elle s'y était mal pris, il faut croire... Ou bien il n'y avait aucune manière de bien s'y prendre. En tout cas, il s'était exprimé très sèchement, et elle n'avait pas pu s'empêcher de se sentir attaquée directement. C'était bête, mais elle ne savait vraiment plus comment se comporter avec Rhian, depuis qu'elle avait appris la vérité. Elle avait envie de retrouver son meilleur ami, elle avait envie qu'il lui fasse confiance, elle avait envie qu'ils retrouvent leur complicité, elle avait envie de pouvoir s'autoriser à avoir encore le béguin pour lui sans que ce soit tout à coup honteux. Mais c'était loin, c'était derrière, tout ça. Peut-être qu'ils avaient été destinés à être ensemble dans une réalité alternative, mais là, quelque chose s'était brisé entre eux. Ça lui faisait beaucoup de mal. Leur amitié avait-elle seulement encore un sens à présent ? Ça lui faisait mal de se poser la question. Mais en même temps, oui, la question se posait vraiment.

« Comment tu vas ? »

Son ton était plus posé, plus agréable, mais Louisa ne parvenait pas à en oublier son malaise premier. Elle se sentait totalement incapable de porter la bon assistance à son meilleur ami. Et en même temps, de son côté, elle se sentait sombrer... Et elle, de son côté, bah... elle se sentait vraiment seule. Elle ne se voyait plus vraiment se tourner vers Rhian ou encore vers Cenlyn. Mas alors... vers qui ? Elle ne savait pas du tout. Elle hésita à la réponse qu'elle devait lui donner. C'était peut-être mieux de faire mine d'aller bien. Mais elle n'avait pas envie de mentir non plus sans vouloir qu'on la plaigne. Elle poussa un soupir. Puis daigna répondre.

-Pas bien... Elle choisit d'être honnête. J'ai besoin d'un ami, je crois. Elle marqua une pause avant de reprendre. Je comprends que tu préfères garder tes distances avec moi mais... tu me manques, voilà. Elle marqua une nouvelle pause. Je sais, t'as d'autres priorités.

Elle ne devrait sans doute pas agir comme ça. Elle cherchait à le culpabiliser, elle savait que ce n'était pas sain, mais elle était honnête en même temps. Elle avait le sentiment de perdre ses piliers et tous ses repères au pire moment. Elle avait besoin de Rhian, et ça n'avait rien à voir avec les sentiments qu'elle avait pour lui.

« Je suis désolé. »

Le ton de Rhian s'était radouci, et Louisa préférait quand même ça, elle se sentait un peu mieux en l'entendant lui présenter ses excuses, elle voyait bien qu'il était sincère. Elle esquissa un léger sourire en réponse. Elle ne pouvait pas dire qu'elle ne lui en voulait pas ou que ce n'était pas grave, parce qu'elle ne vivait vraiment pas bien le fait qu'il se soit éloigné d'elle. Mais elle ne lui en voulait pas, surtout qu'elle sentait qu'il s'excusait sincèrement, ce n'était pas juste des excuses en carton pour faire passer la pilule plus facilement, même si ça ne suffirait pas forcément pour les aider à surmonter ça et retrouver leur amitié (faute de mieux). Elle ne rechignait donc pas à accepter ses excuses, parce qu'elle n'avait pas envie de lui faire la tête, elle avait juste envie de retrouver un peu de leur complicité. C'était la chose qui lui ferait le plus de bien en ce moment. Mais bon, c'était pas si simple. Ce n'était pas parce que Rhian essayait de se rattraper qu'il allait tout oublier, leur futur compris. Qui la travaillait, à elle aussi. Elle n'arrêtait pas de penser à tout ça, et forcément, la présence du rouge et or accentuait ça.

« Ce n’est pas ce que je veux. Je ne veux pas prendre mes distances… c’est juste que… Je n’arrive pas à… je sais pas ce que je dois faire… »

Ça aussi, ça la rassurait de l'entendre. Elle préférait ça au fait qu'il lui fasse comprendre que pour le moment, le mieux c'était qu'ils restent éloignés, le temps de se faire à la situation, ou de ne jamais s'y faire. Même s'ils ne pourraient sans doute pas retrouver leur amitié telle qu'elle avait été. Enfin, sa réponse n'était pas totalement rassurante. Il ne voulait pas s'éloigner, mais il n'arrivait plus à être naturel avec elle. Il ne savait pas ce qu'il devait faire... Elle non plus n'en savait rien. Elle ne voulait pas le perdre, c'est tout... Et ce n'était pas juste le caprice d'une adolescente amoureuse, c'était le souhait sincère de ne pas perdre une amitié vieille de plusieurs années, et parmi les seules qu'elle possède.

-Je comprends, répondit-elle doucement. J'aimerais juste... qu'on oublie ce qui se passera ou pas dans le futur, j'ai juste envie qu'on vive le moment présent.

C'était rare de sa part, elle était plus pragmatique que ça en général, mais là c'était tout ce qu'elle voulait, vivre au jour le jour, mettre ses soucis de côté, et juste passer du temps ensemble, innocemment, comme avant.

-Si on parlait de quelque chose qui n'a... aucun rapport avec tout ça, par exemple ?

« D’accord, on peut essayer. »

Louisa répondit par un sourire à cette affirmation. Elle se sentait soulagée que Rhian réagisse ainsi, c'était donc la preuve que lui aussi ne voulait pas que la situation stagne comme ça, qu'il ne voulait pas non plus perdre leur amitié. Est-ce que ça allait suffire ? Est-ce qu'il suffisait qu'ils fassent des efforts pour sauver leur amitié ? Si c'était aussi simple, les choses ne seraient pas aussi mal. La jeune fille ne se faisait pas d'illusions, aucune, mais elle avait envie de sauver ce qui pouvait être sauver de leur amitié. Avec Cenlyn, il était la seule personne à qui elle tenait réellement parmi ses camarades de classe. Elle ne voulait pas perdre leur complicité, elle voulait qu'ils arrivent à passer encore du temps ensemble. Ce n'était même pas lié aux sentiments qu'elle avait pour lui, elle était loin d'attendre leur réciprocité, et dernièrement, ils la mettaient plus mal à l'aise qu'autre chose, dans tous les cas, mais Rhian lui manquait, et s'ils ne faisaient pas même essayer de passer du temps ensemble, de parler de tout et de rien comme avant, elle le regretterait. Ce n'était pas un mal d'essayer, non ? S'ils s'exposaient à un échec critique, ça la rendrait triste, mais au moins elle saurait qu'ils avaient fait de leur mieux. Même si elle espérait vraiment qu'ils arriveraient à dépasser tout ça.

« J’avais envie de te raconter un truc. Avec Cenlyn dans le train pour venir, on a trafiqué beaucoup de bonbon. C’était trop drôle. »

C'était drôle de se dire qu'il avait fallu attendre qu'ils aient cette conversation pour qu'ils en viennent à une discussion si simple, qui leur serait venue tout naturellement, autrement. Bon, en même temps, Louisa savait bien que même la plus simple des discussions n'allait pas être vraiment très simple. La bleue et bronze prit sur elle, et quand Rhian lui apprit les dernières prouesses des jumeaux Potter, elle se surprit bien rapidement à oublier sa situation, leur situation, et à juste vouloir en apprendre plus sur la situation.

-Ah mais c'était vous, alors ! répondit-elle dans un sourire amusé. Vous avez de la chance que j'en ai pas mangé, y a une fille dans mon wagon qui a failli s'étouffer en mangeant un suçacide, ajouta-t-elle en riant à moitié. Cette fille, elle la détestait. Franchement, c'était bien fait pour elle. C'est vrai que c'était drôle. Elle marqua une pause. Dommage que j'ai pas été avec vous, j'aurais bien aimé participer.

Mais si elle n'avait pas fait le voyage jusqu'à Poudlard avec les jumeaux, ce n'était pas pour rien.

Louisa préférait Rhian comme ça, capable d'enthousiasme, heureux de partager ses dernières frasques avec elle. C'était toujours comme ça qu'il était, avait que les ennuis et la vérité ne pointent le bout de leur nez, et c'était comme ça qu'elle aimait le voir. Elle savait que c'était illusoire, quelque part, que les ennuis ne disparaissaient pas, que dans un coin de sa tête, le problème demeurait, mais au moins, ils arrivaient à se parler librement, et Louisa avait le sentiment de retrouver sa vieille complicité avec son meilleur ami. Là, tout de suite, elle se disait qu'elle était en droit de penser qu'il était effectivement son meilleur ami, qu'ils pouvaient de nouveau parler et rire ensemble comme il l'avait toujours fait. Là, tout de suite, elle arrivait à ne pas penser qu'ils devaient se marier et avoir des enfants, qu'ils étaient menacés de mort.

« J’en ai encore si tu veux ! On en avait tellement avec Cenlyn qu’on n’a pas encore tout distribué. Il m’en reste dans ma valise. Si tu veux on pourrait essayer d’en distribuer tous les deux ? »

Son sourire s'était agrandi. Elle adorait ce sourire, autant que sa motivation toute neuve. Louisa n'était pas forcément une farceuse digne de la Guilde (elle disait ça comme ça, elle ne savait pas que Rhian et Cenlyn en faisaient partie), mais elle aimait bien faire des mauvais coups à ceux qui le méritaient. Et même si ça n'avait pas été son truc, en fait, elle aurait changé ses habitudes avec plaisir, pour passer du temps avec Rhian, du temps où ils ne seraient pas anxieux et mal à l'aise. Elle avait besoin de son meilleur ami, elle avait besoin de passer du temps avec lui. Elle n'avait pas beaucoup d'amis, et aucun qui soit du niveau de Rhian.

-J'aimerais trop ! dit-elle, les yeux pétillants. Elle était sûre que ça leur ferait du bien. On pourrait s'attaquer au dortoir des Serpentards, par exemple ? suggéra-t-elle, toujours enthousiaste.

Quitte à distribuer les derniers bonbons restants, autant les donner à des personnes qu'ils ne supportaient pas. Ils n'avaient même pas besoin de se mettre d'accord là-dessus pour dire que les serpentards étaient de vraies têtes à claques qui n'auraient que ce qu'ils méritaient.

-Il te reste quoi, comme friandises ?

Elle aimait l'idée de préparer un plan d'action avec Rhian. D'un seul coup, la situation semblait beaucoup plus simples.

« Carrément ! »

Tant d'enthousiasme dans la voix de Rhian, ça lui faisait vraiment du bien. Elle avait vraiment l'impression que tout redevenait comme avant, que c'était possible d'oublier leurs questions et l'avenir pour vivre l'instant présent. C'était peut-être juste une illusion, mais une illusion qui prenait très bien, pour le moment, une illusion que Louisa trouvait très convaincante. Ils allaient jouer un mauvais tour aux élèves de serpentards, ils allaient passer un bon moment ensemble sans la moindre prise de tête. Et elle espérait bien que ce serait simple, plus simple que ça en avait l'air de prime abord. Elle ne supporterait pas de devoir renoncer à son meilleur ami.

« Il me reste un peu de tout. Des suçacides plus acide que jamais, des chocogrenouille qui sautent au visage, des bonbons qui collent tellement aux dents que ça les bloque, il en reste même qui font vomir. »

Louisa adressa un regard admiratif mêlé d'un sourire à Rhian. Elle était complètement admirative de ce que les jumeaux Potter avaient fait. Ils n'avaient pas chômé, pendant leur trajet à bord du Poudlard-Express. Ils étaient vraiment doués, très doués... et ils avaient beaucoup d'imagination. Louisa avait d'autant plus hâte de voir le résultat, ce serait sans doute une occasion à fou-rires à n'en plus finir. C'est ce qu'elle espérait, en tout cas, parce qu'ils en avaient sérieusement besoin, tous les deux. La bleue et bronze allait lui dire à quel point elle était admirative de leurs idées, mais Rhian, très enthousiaste, ne lui laissa pas le temps de réagir, l'invitant directement à rejoindre son dortoir pour récupérer tout ça. Elle n'allait pas se faire prier.

« Viens, on va aller les chercher tout de suite. »

Louisa sentit le rose lui monter aux joues quand il lui empoigna le bras et fut bien contente qu'il l'entraîne immédiatement pour ne pas constater qu'elle avait rougi. Ce fut au pas de courses qu'ils se rendirent jusqu'à la salle commune des rouge et or tous les deux. Quand ils arrivèrent à destination, la bleue et bronze était totalement essoufflée mais ravie à la perspective de ce qui les attendait.

-Il faudrait qu'on trouve un endroit où se planquer dans leur salle commune, j'ai trop envie d'assister à ça en direct ! dit-elle, très contente et très fière.

« Moi aussi ! Tu sais comment on pourra faire pour y entrer ? »

Leur enthousiasme commun et retrouvé faisait du bien à Louisa. En cet instant, elle avait le sentiment que la vie continuait, elle le pouvait, parce qu'ils pouvaient encore s'entendre, être heureux, complices, redevenir les meilleurs amis du monde, ce qu'elle avait le sentiment d'avoir perdu, avec tout ça. Bien sûr, elle ne pourrait jamais nier l'ambiguïté de la situation, d'autant que de son côté, leur amitié avait toujours été plus... équivoque que ce qu'elle prétendait... Innocemment, bien sûr, mais c'était comme ça quand même. Elle ne trouvait pas si terrible de finir par épouser Rhian un jour, dans très longtemps. Et elle savait qu'elle ne devrait pas penser ça... Louisa réfléchit quelques secondes pour répondre à la question du rouge et or. Ils allaient devoir la jouer fine pour accéder au dortoir des serpentards. Tous les dortoirs procédaient différemment pour laisser l'accès aux élèves de l'école. Louisa en savait quelque chose, chez les Serdaigle, pas d'accès à la salle commune si l'on ne répondait pas à une énigme pour y entrer... ça l'aurait arrangé qu'il soit question d'énigme pour les vert et argent, ou une question de manière de toquer comme pour les Poufsouffle. Mais non. Il leur fallait un mot de passe... Et celui des serpentards changeait tous les quinze jours...

-Je peux réussir à récupérer leur mot de passe grâce à ma mère, elle doit toujours avoir accès aux salles communes en cas d'urgence. Ce qui n'allait pas être évident, mais tant pis, ça lui était égal, ça pourrait être drôle. Et on pourra toujours se faufiler dans leur salle commune à l'heure du dîner et trouver une planque en attendant leur retour.

C'était risqué, d'une part parce que ce n'était pas dit que toute la salle commune aille dîner au bon moment, et ça impliquerait de trouver une bonne cachette et de ne pas être remarqués tout ce temps. En même temps, il fallait savoir prendre des risques, de temps en temps. Rhian tira de sa malle un paquet de friandises, qu'il tendit à Louisa.

« Tiens, on peut utiliser ceux-là. Ça, ça sera pour nous. Ce sont des normaux, pour qu’on puisse en profiter pendant le spectacle. »

Louisa s'apprêtait à se demander de quoi étaient faits ses bonbons, elle sourit en comprenant que c'était pour eux... Rhian avait toujours d'excellentes idées.

-Génial, ça va être parfait ! affirma-t-elle en fourrant ses mains dans le paquet de friandises, juste pour goûter. Ce sera pas du luxe si on doit sécher le dîner, en plus.

« On aura qu’à aller directement manger dans les cuisines après, une fois qu’on aura terminé notre farce. »

Louisa approuva d’un signe de la tête, tout sourire. La perspective de cette farce qu’ils allaient faire à deux la mettait vraiment en joie. En soi, la face en elle-même, même si ce serait marrant (encore que Louisa n’aimait ce genre de blagues que dans certaines circonstances. Quand ça finissait par se retourner contre elle, elle trouvait cela « puéril », tout à coup, bizarrement), n’était pas ce qui l’enthousiasmait autant, juste retrouver un peu de sa complicité avec Rhian, juste de passer un peu de temps seule avec lui. Elle ne se leurrait pas, la situation n’était pas totalement normale non plus. Mais elle en approchait bien plus qu’elle ne l’avait fait depuis un bon paquet de temps, donc c’était agréable. En plus, le projet était en béton armé. Foutre la pagaille, déguerpir en vitesse, se retrouver aux cuisines pour un petit gueuleton. Pour la bleue et bronze, le projet vendait du rêve. Et pourtant ce n’était rien que beaucoup de quotidien, mais un quotidien qui s’était perdu, un quotidien qui avait eu tendance à s’essouffler, et ça, c’était ce qui la chagrinait le plus. Peu importe ce qui les lierait plus tard, ce qui comptait pour elle, c’tait surtout ce qui les liait maintenant, et elle n’avait pas envie de tout gâcher.

« Je… »

Louisa leva les yeux vers Rhian, il semblait un peu mal à l’aise, et comme souvent ces derniers temps, elle se demanda si elle avait fait quelque chose de travers. C’était bête parce que tout lui laissait imaginer le contraire, mais elle avait un petit peu perdu confiance en elle, ces derniers temps, avec tout ça. Pas que ça lui ressemble, mais ça s’était fait malgré elle.

« Tu m’as manqué. »

Louisa sentit le rose lui monter aux joues et elle n’arriva pas à s’empêcher de sourire en l’entendant dire ça. C’était complètement réciproque, bien sûr. Avant tout ça, avant tout tout court, Rhian était son meilleur ami, elle avait pas envie de perdre ça, elle n’avait pas envie de le perdre. Et elle avait eu l’impression que c’était en train d’arriver.

-Toi aussi, tu m’as manqué, répondit-elle en souriant. J’ai plus envie qu’on s’éloigne.

Elle avait un peu peur que cet épisode soit un intermède et qu’ils reviennent ensuite à la case départ. Ça lui ferait du mal.

« Promis ? »

Louisa hocha la tête en rendant son sourire à Rhian. Elle ne pensait pas avoir à lui promettre quoi que ce soit, en fait, parce qu'en ce qui la concernait, elle n'avait jamais voulu s'éloigner du rouge et or. Elle savait et comprenait pourquoi son meilleur ami s'était éloigné d'elle, elle savait que ce n'était pas contre elle, que c'était juste qu'il avait pas mal de choses à digérer (comme elle, d'ailleurs), mais elle, elle avait trop besoin de lui, et encore plus en ce moment qu'avant. Elle s'était senti très seule ces derniers temps, alors qu'il la tenait à l'écart, surtout qu'elle n'avait pas beaucoup d'amis vers qui se tourner. Et avec ça que Cenlyn restait forcément du côté de Rhian. Mais ça, c'était derrière eux, maintenant. Enfin, Louisa avait bien envie de croire que c'était derrière eux. Vu la situation, à d'autres moments, ils risquaient fort de connaitre encore des moments compliqués, des périodes de tensions. Mais pour l'instant, ils étaient ensemble et ils allaient bien. Ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Alors il fallait bien qu'ils en profitent.

-Promis, confirma-t-elle en lui rendant son sourire avant de serrer la main que Rhian lui tendait.

Elle fit de son mieux pour ignorer le fait que son coeur battait un peu plus fort avec ce témoignage d'affection. Et elle avait l'impression que sa main était un peu moite, mais elle espérait que ça ne se remarquerait pas trop quand même. Elle n'avait pas envie de tout gâcher alors qu'ils retrouvaient une complicité perdue depuis un petit moment, et qui lui faisait vraiment du bien.

-Si jamais t'as quelque chose sur le coeur, même si c'est pas facile, le garde pas pour toi, d'accord ? Je suis là, moi, je peux t'aider.

Elle le pouvait à son échelle, même si elle était concernée au même titre que lui par tout ça et donc pas forcément très avisée. Mais justement, quelque part, c'était parce qu'elle était dans ce même panier qu'elle était susceptible de le comprendre, même si leurs intérêts n'étaient pas forcément totalement les mêmes pour autant.

« Je te jure, je ne garderais plus rien pour moi. »

Louisa avait eu besoin d'entendre ces mots-là. Elle ne savait pas si Rhian réussirait à tenir sa promesse, parce que parfois, elle avait le sentiment qu'il y avait des secrets que personne n'était capable de porter, qu'il était impossible de partager. Mais elle acceptait de croire en lui et en sa promesse, parce qu'elle était sûre à cent pour cent que son meilleur ami était sincère, qu'il croyait en elle et en leur amitié. Ce n'était pas dit que la gêne ou l'ambiguité ne vienne pas tout gâcher à certains moments, mais ils étaient encore jeunes, après tout. Ils avaient le temps de voir venir, et en attendant, de vivre leur vie en essayant de faire en sorte qu'elle soit aussi équilibrée que ce que les circonstances pouvaient bien permettre. Pas simple, donc, mais pas utopique non plus.

« J’ai aucune envie de te blesser de nouveau… »

Au fond, Louisa s'en voulait que ce soit aussi flagrant. Elle ne voulait pas qu'il culpabilise, et en même temps, elle ne pouvait pas mentir non plus. Elle était honnête, elle n'avait pas envie de le cacher quand elle avait mal, mais elle ne voulait pas du tout qu'il puisse souffrir en quoi que ce soit. Elle hésita à le détromper totalement, mais maintenant qu'ils avaient mis les points sur les i, ce n'était pas le moment de mentir... Elle pouvait malgré tout recontextualiser les choses.

-C'est pas toi qui m'a blessé, c'est juste... cette situation. Ce qui était vrai, il avait fait comme il le pouvait dans une situation terriblement chaotique. T'as rien à te reprocher. Au contraire, je te trouve... super courageux, ajouta-t-elle en rosissant légèrement.

C'était vrai. C'était compliqué à gérer, cette situation, et Louisa trouvait que franchement, il se débrouillait très bien. Elle préférait qu'ils se soient "réconciliés" tous les deux, mais dans tous les cas, elle le trouvait vraiment... courageux, oui. C'était rassurant pour elle de savoir qu'elle allait affronter ça avec lui. Et maintenant, ils arrêteraient de fuir pour rien. C'était ensemble qu'ils feraient face à ce qui les attendait. Ou ne les attendrait peut-être pas.

« Non, je ne suis pas du tout courageux. »

Louisa poussa un léger soupir. Rhian pourrait bien en dire ce qu'il voulait, ça ne changerait rien à ce qu'elle penserait de lui, et son opinion à son sujet était de toute manière toute faite. Bon, il était possible qu'elle ne soit pas complètement objective non plus quand il était question de lui, mais et alors ? Elle n'avait pas nourri ce fichu béguin pour lui sans raison non plus, il avait bien fallu qu'elle lui trouve avant tout des qualités qui la touchent et qui lui plaisent, et c'était bel et bien le cas. Louisa trouvait vraiment Rhian courageux, et pour elle le courage ne se manifestait pas toujours non plus dans les grands coups d'éclat et les discours grandiloquents. Parfois, c'était juste une question de circonstances, c'était une manière de gérer les choses, c'était une affaire de sang froid. Oh et puis, elle n'avait même pas envie de s'en justifier, d'ailleurs ! C'était comme ça et puis c'est tout. Et il allait bien falloir que son meilleur ami finisse par l'accepter.

« Je me demande même pourquoi je suis à Gryffondor. »

-Peut-être que si tu te posais pas la question, t'aurais rien à y faire ? suggéra Louisa dans un léger sourire.

Elle aimait beaucoup le manque de confiance en soi de son meilleur ami, elle trouvait que ça faisait partie de son charme, mais elle aimerait quand même que des fois, il parvienne à se voir à travers ses yeux à elle (ou pas, ce serait quand même un peu glauque), qu'il soit capable de reconnaître sa vraie valeur et ce qui faisait qu'elle considérait qu'il méritait d'être connu et n'avait aucune raison de se dévaloriser. Mais il ne fallait évidemment pas espérer le changer en si peu de temps. Et elle ne voudrait pas trop non plus qu'on le change trop Rhian, même si quelques changements pourraient être bénéfiques pour sa confiance en lui.

-Pense ce que tu veux, ça m'empêchera de te voir comme ça.

« Ça me plaît que tu me voies comme ça. »

Louisa esquissa un léger sourire et elle sentit ses joues pâles virer au rouge vif sans pouvoir l'empêcher. Intérieurement, elle pria pour qu'il ne remarque rien, ou au moins fasse mine de ne rien avoir remarqué. Le pire, c'est qu'il n'avait pas dit grand-chose, au final, mais ça suffisait...

Parce qu'elle le comprenait comme une manière pour lui de lui dire que son opinion comptait pour lui, et vu qu'ils étaient passés par des zones pas mal troubles, ces derniers temps, c'était vraiment une observation qui lui plaisait beaucoup. Dans tous les cas, il n'avait pas à s'inquiéter, il y avait vraiment très peu de chances pour que le regard qu'elle lui portait change un jour ou l'autre. Le mieux, ce serait sûrement qu'il se voie lui aussi comme elle le voyait, mais ça le rendrait sûrement très... narcissique si c'était le cas, et sa maladresse et son absence de confiance en lui, parfois, étaient aussi des traits de caractère que Louisa aimait beaucoup.

« Bon, on a plein de chose à faire ! »

Louisa hocha vivement la tête, remerciant intérieurement Rhian de si bien embrayer là-dessus plutôt que de laisser un silence qui aurait pu être embarrassant s'installer entre eux. Pour avoir des choses à faire, ils en avaient, c'était clair et net, et ils pouvaient se concentrer là-dessus, à présent, ça leur ferait même beaucoup de bien, et ils en avaient vraiment besoin tous les deux, en tout cas elle le pensait, un moment d'innocence ou presque et de détente, où il n'y avait pas besoin de s'inquiéter ou de se creuser les méninges, mais juste de s'amuser un peu.

-Tu l'as dit, on a du pain sur la planche. Elle se frotta les mains comme si elle se préparait à une tâche hyper-complexe, une manière comme une autre d'illustrer son propos. Au boulot ! ajouta-t-elle d'un ton ferme et déterminé.