Les vacances étaient arrivées si vite ! Louisa n'aurait pas été contre quelques semaines de cours supplémentaires. Oui, vraiment ! Les cours ne la dérangeaient pas, le travail et les devoirs non plus. Ça structurait sa vie, tout simplement, et elle aimait bien les vies structurées, et la sienne ne l'était pas, quand elle retrouver leur appartement minuscule de Sheffield. En comparaison aux grands espaces de Poudlard, ces quatre murs étaient étouffants, vraiment. La jeune fille détestait les grandes vacances, parce qu'elle était contrainte de passer deux mois complets avec sa mère. Pour elle, une simple journée suffisait déjà bel et bien à la décourager, alors autant de semaines ! Une seule pensée lui avait permis de serrer les dents et de patienter, passant le plus clair de son temps enfermée dans sa chambre (à double-tour pour être certaine de ne pas être dérangée, ne vous déplaise, et n'en déplaise à sa génitrice, surtout), à lire bouquin sur bouquin : bientôt, elle irait passer quelques jours chez les Potter. Rhian le lui avait demandé, mais il n'avait pas eu besoin de la prier bien longtemps, Louisa tenait vraiment à cette intermède agréable dans des vacances à rallonge. Elle adorait passer du temps avec les jumeaux, et se fichait un peu, à force, que cela ne guérisse pas vraiment son béguin à l'adresse de Rhian. En plus, ça leur ferait du bien d'être tous les trois. Après les révélation que lui avait fait Rhian, ils devaient avoir grand besoin d'une présence amie.

Elle avait attendu le jour J avec une très grande impatience, donc, et il était enfin arrivé. Ses valises étaient prêtes plusieurs jours avant le grand départ, et ce fut un soulagement pour elle de transplaner en compagnie de sa mère pour rejoindre la maison des Potter. Laissant les génitrices bavarder entre elle, Louisa et les jumeaux n'avaient pas tarder à s'isoler dans leurs coins eux aussi, sous le prétexte que la bleue et bronze devait installer ses affaires dans la chambre d'amis. Elle attendit que la porte se soit fermée derrière eux, et leur conversation à l'abri des oreilles indiscrètes (on n'est jamais trop prudent) pour fouiller au fond de sa valise, sous les tas de livres (trop) et de vêtements. Et en sortir son trésor personnel : des paquets de chocogrenouilles, dragées surprises et autres patacitrouilles acquis dans la plus grande discrétion, histoire de s'éviter les foudres de leurs mères respectives.

-J'ai ramené tout un tas de réserves. déclara-t-elle dans un grand sourire. J'avais tellement hâte de venir. Les jumeaux pouvaient se vanter d'être les seuls avec lesquels Louisa savait se montrer aussi expansive. Ça va bien, vous deux ?

Elle le demandait très honnêtement, parce qu'elle savait que ça n'allait pas fort pour Rhian ces derniers temps. Vu la nature de ses problèmes, ça pouvait ne pas s'être arrangé depuis. Et Cenlyn ne devait pas être au meilleur de sa forme non plus.

Louisa aurait espéré que son arrivée chez les Potter déclenche plus d'enthousiasme que cela, mais elle voulait croire que ce n'était pas elle en soi qui justifiait que le frère et la soeur aient mauvaise mine, les circonstances ne jouaient pas en leur faveur. La jeune fille en savait quelque chose, puisqu'elle avait été mise dans la confidence de ce qui les tourmentait. Bon, il lui manquait une information capitale (et qui la concernait, pour le coup), mais même sans ça, il y avait de quoi broyer du noir. Si Cenlyn parvenait à se montrer au moins un peu enthousiaste, Rhian, lui, paraissait avoir beaucoup plus de mal. Le sourire un peu triste qu'il lui adressa serra le coeur de la bleue et bronze. Ce fut Cenlyn qui répondit en leurs deux noms pour dire qu'ils faisaient aller, ça voulait tout dire. Le silence de Rhian mettait Louisa mal à l'aise. Elle avait l'impression d'avoir fait quelque chose de mal, et c'était une situation qui lui était très inconfortable. Mais bon, elle venait juste d'arriver, elle parviendrait peut-être à redonner le sourire à la fratrie, même si la rigolote du lot, c'est clair, ce n'était pas elle.

-Long, c'est rien de le dire. Mais bon, ma mère me laisse tranquille, globalement. En fait, je la trouve bizarre, en ce moment, comme si elle me cachait un truc.

Elle haussa les épaules. C'est vrai que sa mère lui semblait étrange en ce moment, mais elle ne s'était pas attardée plus sur la question. Déjà, elle avait un peu la paix, c'était toujours ça de pris, elle n'avait pas eu la foi de harceler sa mère de questions, bien contente de pouvoir rester enfermée dans sa chambre, en train de bouquiner. Elle s'empara d'une des friandises qu'elle avait apportée, plus pour s'occuper les mains qu'autre chose. Elle ne détachait pas son regard de Rhian, elle était déçue qu'il ait l'air de se sentir si mal en sa présence, elle avait espéré que sa visite lui ferait du bien, comme elle avait attendue de pouvoir se rendre chez les Potter depuis que l'été avait commencé. Elle voulut demander directement à Rhian comment elle allait, mais elle avait peur de se manger un mur, alors elle se résigna, la situation allait peut-être se détendre au fur et à mesure, mais si elle brusquait Rhian, il risquerait peut-être de se braquer. Elle tenta donc une approche un peu moins frontale, en espérant que ça marche et délie la langue du garçon qui, pour l'instant, n'avait pas prononcé le moindre mot.

-Alors, quoi de neuf ?

Ce n'était peut-être pas une question à poser vu la situation de Rhian et Cenlyn, mais en même temps, Louisa se sentait concernée par tout ce qui leur arrivait, ne voulait pas être tenue à l'écart, et avait à coeur de prouver qu'ils pouvaient lui faire confiance. S'il était arrivé quelque chose de plus, alors elle voulait savoir, hors de question de rester à l'écart.

Louisa avait bien ressenti que quelque chose n'allait pas. Cette situation ne ressemblait à aucune autre, ou plutôt, ce début de séjour ne ressemblait à aucune autre, d'habitude il n'y avait qu'enthousiasme, rires et insouciance, le simple plaisir de se retrouver et de pouvoir passer du temps ensemble. Là, l'ambiance était terriblement pesante, si lourde que la tension paraissait palpable, et le pire dans tout ça, c'est qu'il semblait évident qu'elle était la seule à ne pas être au courant de ce qui était en train de se passer, de ce qui justifiait le silence total de Rhian, qui lui faisait vraiment mal au coeur, et l'attitude de Cenlyn, qui n'était pas non plus comme d'habitude. Elle eut la confirmation de cela quand Cenlyn prit finalement la parole, acceptant de répondre sincèrement à sa question.

-Eh bien, on a apprit un truc, dernièrement, un truc qui te concerne...

Les jumeaux avaient appris un truc. Un truc qui la concernait. Un "truc", ça pouvait être vraiment tout et n'importe quoi. Mais elle se disait que ça devait forcément être assez grave, sinon, elle n'aurait pas reçu ce froid accueil qui la mettait mal à l'aise. Est-ce qu'elle aurait fait ou dit quelque chose dont elle devrait s'excuser, qui aurait pu blesser les Potter ? Elle avait beau y réfléchir, elle ne savait vraiment pas ce qu'elle avait pu faire, et donc comment faire pour remédier à cette situation. Est-ce qu'on aurait colporté une rumeur à son sujet qu'il fallait qu'elle démente ? Est-ce qu'elle avait vraiment mal agi sans penser à mal ? Elle était totalement paumée. Ce n'était vraiment pas la vive réaction de Rhian qui devait l'aider à y voir plus clair.

- Tais-toi ! Tu n’as pas le droit ! Pas comme ça !

Il venait de bousculer sa soeur, chose qu'elle ne l'avait jamais vu faire. Il semblait vraiment perturbé par cette histoire. Autant elle-même qui n'y comprenait rien était déjà perturbé, mais là, elle appréhendait vraiment ce qu'elle allait découvrir. Elle ne savait pas si elle devait avoir peur, se sentir triste, ou se sentir en colère qu'on lui fasse ainsi des secrets, alors qu'elle n'avait rien demandé à personne, elle, et qu'elle était visiblement directement touchée par ce qui était en train de se produire.

-Si, comme ça. répliqua-t-elle d'une voix tremblante. Vous en avez trop dit. Ou pas assez. Mais en tous cas, je veux savoir ce qui se passe. Qu'est-ce que j'ai fait ?

Le regard de Louisa passait de Cenlyn à Rhian, de Rhian à Cenlyn. Elle ne comptait pas les lâcher tant que l'un ou l'autre ne lui aurait pas expliqué de quoi il retournerait. Elle ne passerait pas le reste de ces vacances avec à l'esprit qu'on lui cachait quelque chose, que les jumeaux partageaient un secret la concernant qui semblait même interdire à Rhian de la regarder dans les yeux.

-Tu n'as rien fait du tout, Louisa.

Le ton que Cenlyn employait ne devait pas laisser place au moindre doute, mais cela n'empêchait pas Louisa de l'inquiéter. Puisque la concernait forcément, apparemment, comment ne pas s'imaginer qu'elle devait être, d'une façon ou d'une autre, responsable de la situation qui avait l'air de mettre Rhian dans tous ses états au point qu'il avait du mal à croiser son regard ? Elle avait besoin de plus d'explications, et elle sentait qu'on allait lui en donner davantage. Mais par la même, et ça c'était quand même très désagréable, elle pressentait déjà que ces explications n'allaient ni lui plaire ni la rassurer. Cenlyn, sans rien lui avouer encore de la vérité, devait bel et bien le lui confirmer.

-C'est seulement... qu'on en a appris plus sur le futur, et Rhian et toi, vous êtes en danger. T'as le droit de savoir, et y'a aucun moyen agréable de le dire.

Louisa avait deviné qu'il devait forcément s'agir de ce futur annoncé d'avance à Rhian, et qui lui compliquait l'existence, mais elle ne parvenait toujours pas à comprendre quelle pouvait être sa part de responsabilité à elle, même quand la jaune et noir affirma qu'elle était en danger au même titre que son frère. Avant de souligner l'évidence, ce n'était visiblement pas agréable à dire. À partir de là, la jeune fille ne se faisait pas beaucoup d'illusions quant au fait que ça n'allait pas être davantage simple attendre. Le regard noir que Rhian lança à Cenlyn avant de prendre la parole n'était pas plus engageant d'ailleurs. Mais au moins, il daignait lui parler, c'était un début. Enfin il la regardait dans les yeux. Et ça ne rendit l'impact des révélations venues que plus violent.

« Je t’ai dit que l’un des nouveaux de Salem était en fait mon petit-fils. Eh ben… sa grand-mère c’est toi. T’es aussi en danger que moi du coup. Il y a un type qui veut m’éliminer pour éviter qu’Harry naisse un jour… »

Et qui pourrait bien avoir l'intention de l'éliminer elle aussi, par la force des choses... Elle s'assit, la tête lui tournait et elle se sentait bizarre. Elle aurait aimé croire à une farce, mais le sérieux de la situation n'y invitait pas. Elle était la... future grand-mère de Harry. Ce qui signifiait qu'elle et Rhian... Bon, ce n'est pas comme si Louisa ne ressentait rien pour Rhian, mais mince, ils avaient douze ans, tous les deux ! Comment s'imaginer ce genre de... situation. Le futur tracé de toute pièce, sa présumée future relation avec Rhian, le psychopathe qui voulait leur peau... C'était vraiment beaucoup trop pour elle, là...

-Je... mais c'est vraiment sûr ? Elle posait la question sans attendre la réponse. Ils ne lui en auraient pas parlé sans être sûr d'eux. Qu'est-ce que vous comptez faire ? demanda-t-elle ensuite, tentant d'ignorer cette impression horrible au creux de son ventre, celle qu'on lui broyait les entrailles.

-C'est évident, on va tout faire pour que ce type ne vous fasse pas de mal.

C'était assez évident, oui, mais ce n'était pas pour autant que Louisa parvenait à se sentir rassurée par la réponse de Cenlyn. D'accord, ils allaient faire tout leur possible, mais si leur possible ne suffisait pas, qu'est-ce qui se passerait ? Ils avaient affaire à un type qui n'avait visiblement aucun scrupule à éliminer des pré-adolescents de douze ans pour parvenir à ses fins, à partir de là, franchement, tout devenait susceptible de les inquiéter. Comment savoir quels seraient les plans de ce type en avance, comment parvenir à les contrer, comment réussir à mener une vie normale après ça ? Comment accepter l'idée que son futur soit tout tracé. Ce n'était peut-être pas le futur le plus horrible du monde, d'accord, mais c'était comme si elle n'avait rien à décider, comme si tout était fait d'avance pour elle, pour eux. Même s'ils arrivaient à empêcher ce psychopathe d'agir, même s'il finissait derrière les barreaux, elle avait bien conscience que sa relation avec Rhian ne serait plus jamais normale, ils ne retrouveraient peut-être plus jamais leur complicité... Et même si elle avait le béguin pour lui, ce n'était pas ça qui l'inquiétait, ce dont elle avait peur, c'est de perdre pour de bon son meilleur ami.

« Je suis désolé. »

Louisa tourna son regard vers Rhian et leurs yeux se croisèrent. Elle avait le sentiment qu'ils se regardaient droit dans les yeux pour la première fois depuis qu'elle avait frappé à la porte des Potter. Il était très probable que ce soit le cas. Elle n'aimait pas l'entendre s'excuser auprès d'elle, même si elle se disait qu'elle le méritait, quand même, parce que même s'il n'était pas responsable de sa situation, la jeune fille avait quand même besoin qu'il s'excuse de son comportement, et ça même si elle savait très bien qu'il était compréhensible et qu'elle ne pouvait pas vraiment le lui reprocher. Cette situation leur était tombée dessus, ils n'avaient pas de contrôle sur elle. Ils étaient beaucoup trop jeunes, en même temps, pour affronter tout ça. Elle lui adressa un léger sourire, il y avait de fortes chances pour qu'il ressemble davantage à une grimace, mais tant pis.

-T'y es pour rien, répondit-elle alors.

Elle avait envie de lui dire que ce n'était pas grave et de le rassurer, sauf qu'elle n'arrivait pas à envisager les choses comme ça. Si, c'était grave. Malheureusement, ça l'était.

-Qu'est-ce qu'on sait de ce type ? demanda-t-elle ensuite. Pour supporter la situation, elle avait besoin, par tous les moyens de tenter de la comprendre. Ce serait sans doute plus simple de faire l'autruche, mais elle n'en était pas capable. Donc, à la place, elle laissait s'exprimer sa curiosité.

-Il s'appelle Tom Jedusor, tu sais, l'ex préfet en chef des serpentard.

Oui, elle voyait qui c'était, bien sûr, même si elle ne l'avait jamais côtoyé personnellement, Tom Jedusor avait eu sa petite réputation dans l'école de magie. Le parfait petit préfet bien sous tout rapport, toujours entouré d'une foule de serpentaires qui avaient l'air de boire ses paroles. Le genre de personnes qui agaçaient naturellement Louisa, parce qu'elle avait en horreur les gens trop propres sur eux. Mais apparemment, il n'était pas si propre sur lui que ça. Sous ses airs de gentil garçon, c'était donc un sale type doublé d'un psychopathe qui en avait apparemment après elle et Rhian. Louisa avait envie de penser qu'il valait mieux ça qu'un sorcier expérimenté et cinglé, mais il faut se méfier de l'eau qui dort. Quand Cenly en rajouta une couche, Louisa acheva de ne pas être rassuré, même si c'était déjà le cas, en fait.

-Apparemment, il est destiné à devenir un sorcier très dangereux et très puissant.

Voilà, ça c'était pour lui ôter tout espoir de ne pas être exposée à un trop grand danger. D'un autre côté, elle n'avait déjà pas été rassurée au départ. L'ennui parmi tant d'autres avec cette histoire, c'est qu'ils ne pouvaient pas se voiler la face. Leur avenir était déjà tout tracé, et donc celui du type qui voulait leur peau.

-Mais y'a plein de gens qui le gardent à l'œil. Il ne vous arrivera rien.

C'était une bonne chose, bien évidemment, mais ça ne suffisait pas à rassurer Louisa. D'accord, il valait mieux qu'on les protège, qu'ils soient sous haute surveillance. Mais outre le fait que la bleue et bronze n'aimait pas être fliquée, elle ne savait pas si ce serait suffisant. Les prochains temps promettaient de mettre en évidence toute la paranoïa dont elle était capable. Et elle était capable de beaucoup, elle commençait à s'en rendre compte. Elle voulut demander qui étaient ces gens qui devaient les protéger, mais elle n'eut pas le temps de poser la moindre question avant que Rhian ne prenne la parole à son tour.

« Cenlyn a eu une idée. Pour après tout ça. Pour l’instant, on doit être prudent… mais une fois que tout ça va être fini… On pourra utiliser un sort pour tout oublier. »

Dès que Louisa avait entendu parler d'idée, elle avait craint le pire. Ce n'est pas que Louisa n'avait pas confiance dans les idées de son amie, mais vu comme la situation était chaotique, il ne pouvait y avoir d'idée totalement "safe" et rassurante. Et elle avait eu raison d'éprouver de l'appréhension. Un sort pour tout oublier.

-Un sortilège d'amnésie ? demanda-t-elle pour confirmation, même si c'était idiot, évidemment que c'était ce dont il parlait ! Et c'était une bonne idée. Pour pouvoir s'en sortir, poursuivre le cours de leur vie, mieux valait qu'ils ne se laissent pas influencer par ce qu'ils avaient découvert. Mais Louisa était-elle capable de renoncer à ses souvenirs, même les plus douloureux. Elle se rendait compte que la réponse était assez évidente. Je... Je sais pas si je suis capable de ça.

-T'es pas obligée d'accepter.

Non, bien sûr, elle se doutait bien qu'elle n'était pas obligée, que personne n'allait lui coller de baguette sur la tempe pour lui lancer un sortilège d'amnésie entre les deux yeux (ce serait peut-être un sort pire que ça qui l'attendrait si les choses ne s'amélioraient pas)... mais elle comprenait bien que c'était vivement conseillé. Elle n'était pas obligée d'accepter, mais elle se rendait bien compte que si elle ne le faisait pas, elle allait décevoir tout le monde. Au final, elle n'avait peut-être pas tant le choix que ça...

-Mais... enfin, je crois que ce serait la solution. Pour que vous vous laissiez pas dévorer par toute cette histoire, tu vois.

Louisa comprenait le point de vue de Cenlyn, cette dernière n'avait vraiment pas à s'en justifier, pas du tout, même. Ils avaient sûrement raison, quand ils n'auraient plus conscience de toute cette histoire, elle ne pourrait plus les affecter, ils pourraient reprendre le cours de leur vie, et peut-être qu'elle se déroulerait comme ils l'avaient voulu. Mais Louisa restait formelle... elle était totalement incapable d'imaginer perdre sciemment une partie de sa mémoire. À ses yeux, les souvenirs étaient ce qui forgeait une personnalité, même les plus désagréables... elle n'avait pas envie de renoncer à ce qui représentait pour elle une partie de son identité. Mais elle devait se résigner à l'idée d'être la seule de cet avis.

« Si je pouvais, j’oublierais tout maintenant. »

La réplique de Rhian fut sèche et tranchante, et surtout sans appel. Louisa sentit son coeur se serrer. Elle le décevait, elle lui faisait du mal, et elle détestait ça. Et en même temps, elle ne voulait surtout pas le décevoir.

-En fait, le mieux, ce serait que je m'efface totalement de ta mémoire, j'arrêterais de te causer des problèmes et de te décevoir, comme ça... répliqua-t-elle, à son tour un peu sèche.

Elle n'était pas en droit de dire des choses pareilles, mais Rhian n'était pas le seul à être vexé, à avoir les nerfs à vif. Elle avait l'impression d'être un boulet, une épine dans son pied. Elle était celle qui gâchait leur projet, celle qui allait gâcher l'avenir de Rhian. Elle était directement concernée par toute cette histoire, mais elle avait quand même l'impression d'être l'intruse, celle qui compliquait tout...

-Dis pas ça, Louisa...

D'accord, elle le reconnaissait, elle y était allée un peu fort, et elle ne pensait pas vraiment ce qu'elle disait. Mais elle se sentait vexée et déroutée par ce qui arrivait, par tout ce qu'on lui demandait d'encaisser en un temps record. Elle ne savait vraiment pas quoi dire, elle ne savait vraiment pas comment réagir. Non seulement elle devait supporter toutes ces vérités violentes et inéluctables. Mais en plus, elle devait supporter la distance et l'agressivité de Rhian. Elle savait pourquoi il réagissait comme il le faisait et elle pouvait bien le comprendre, mais elle avait besoin qu'il soit de son côté, elle en avait besoin. Mais à chaque mot qu'elle disait, elle s'enfonçait un peu plus. Tout ce qu'elle disait avait le don de braquer un peu plus Rhian. Elle se sentait vraiment mal, et ses mots avaient dépassé ses pensées. Maintenant, elle s'en voulait, parce qu'elle allait vraiment envenimer la situation.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire. »

Louisa ne daigna pas tout de suite tourner son regard vers lui, ça lui faisait du mal, de croiser un regard où elle n'avait plus le droit de reconnaître son meilleur ami, ou même le garçon qui lui plaisait et qu'elle avait encore moins le droit d'aimer qu'avant. Elle savait que ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire, et ce n'était pas ce qu'elle avait compris, d'ailleurs, mais c'était la seule conclusion qu'elle avait finalement trouvé à la situation.

« Je n’ai pas envie de t’oublier toi. »

Cette fois, elle parvint quand même à lever les yeux, et même à esquisser un léger sourire, même si elle se demanda s'il ne ressemblait pas plus à une grimace. Ça lui faisait plaisir quand même, c'est sûr, qu'il lui dise ça, ça voulait die qu'il ne voulait pas l'éjecter tout net de sa vie. Mais ce n'était pas touit le problème. Elle savait qu'il voulait juste oublier cette histoire pour que ça ne le ronge plus comme ça devait être le cas depuis un moment.

-Je sais, dit-elle, parce qu'elle savait bien, oui, qu'il n'était pas cruel à ce point-là. Il n'allait pas bien, c'est tout. Le problème, c'était que elle non plus, elle n'allait pas bien. Et elle ne pouvait pas prendre des décisions hâtives aussi cruciales qu'une décision qui attentait directement à sa mémoire. Elle était désarçonnée, là. Je vais y réfléchir, d'accord ?

Elle n'en avait aucune envie, mais elle n'avait pas envie de gâcher la vie de Rhian parce qu'elle avait peur. Si son choix devait rendre Rhian malheureux, alors il valait mieux qu'elle se ravise et qu'elle cède à son choix, pour lui. Elle ne le regretterait pas ni ne le lui reprocherait, après tout. Elle ne se souviendrait de rien.

-On a le temps, de toute façon.

Louisa avait bien envie de répliquer à Cenlyn que c'était facile, pour elle, de dire ça. Après tout, ce n'était pas sa mémoire que l'on proposait d'effacer, elle n'était qu'indirectement concernée par tout ça, mais elle fut bien contente de se retenir, parce que même si elle se sentait un peu amère, avec tout ça (elle qui s'était tant réjouie de passer du temps chez les Potter), elle savait que la jaune et noir n'était en rien responsable. Au contraire, elle faisait tout son possible pour les aider, et ce serait être de mauvaise foi que de dire qu'elle n'était pas concernée. Elle était si fusionnelle avec son frère jumeau qu'il était normal qu'elle se sente directement concernée par tout ce qui touchait son frère. N'empêche, elle n'était pas sûr que le temps arrange quoi que ce soit à ses pensées. Combien de temps est-ce qu'il fallait pour prendre une telle décision ? Et en même temps, combien de temps fallait-il pour que tout danger soit écarté. Honnêtement, il se pouvait que ça n'arrive jamais. Dans tous les cas, elle n'avait pas de réponse à donner tout de suite. Mais le temps était plus pour elle une excuse qu'une solution. Elle n'aimait pas laisser des problèmes en suspens pourtant. Mais elle ne se voyait pas en parler plus, là. Elle laissa donc Cenlyn changer de conversation sans contester. Elle avait envie d'un peu de légèreté, si c'était encore possible.

-Bon, ça vous dit de faire un tour dehors ? On pourrait improviser une mini partie de Quidditch, par exemple ?

Louisa hocha la tête. Elle n'était pas franchement forte pour ça, et elle n'aimait pas spécialement jouer, ni regarder le Quidditch, mais là, se dépenser un peu ne lui ferait pas de mal. Elle pensait qu'il lui faudrait plus que ça pour se vider la tête, mais ce n'était pas trop mal. Puis ça évitait les moments de silence dans une conversation. S'ils ne disaient rien de tout un match improvisé, ce n'était pas grave, mais s'ils se regardaient en chiens de faïence sans mot dire en restant là, ça deviendrait vite beaucoup plus pesant.

« Tu proposes ça juste parce que tu sais que tu vas encore gagner ! Je suis nul sur un balai moi. »

Ce n'était sans doute pas faux. D'eux trois, c'était évident que Cenlyn est la plus douée sur un balai. En même temps, elle était plus douée que beaucoup de monde, elle était vraiment à l'aise dans ce sport. La bleue et bronze espérait pour elle qu'elle parviendrait à rejoindre l'équipe de poufsouffle, cette année.

-De toute façon, tu pourras jamais être pire que moi, répliqua Louisa en parvenant même à esquisser un fin sourire. On y va, alors ? ajouta-t-elle en essayant d'avoir l'air le plus motivée possible.