Retour à Poudlard, après des vacances tourmentées. En fait non, les vacances de Louisa avaient été sacrément plates et ennuyeuses, mais dans le monde magique, on ne pouvait pas franchement dire que les choses avaient été de tout repos. Avec cette attaque qui s'était passée tout à côté, à Pré-au-lard, et qui avait causé le décès de beaucoup de sorciers respectés. La fille de l'nfirmière ne déplorait aucune perte, c'était ça, l'avantage de n'avoir presque aucun ami, et encore moins de famille : quand on ne s'attachait pas, on souffrait moins, c'est bien connu. Mais la nouvelle l'avait quand même bouleversé. Les morts à répétition, c'était quand même pas bien engageants, et que ça puisse toucher des personnes que, faute d'avoir apprécié, elle avait croisé souvent, qui faisaient partie de son décor de manière générale. Bref, Louisa, portée par la mélancolie et la tristesse ambiante, ne se sentait pas franchement d'excellente humeur. Voilà qui n'allait pas en arrangeant un pessimisme et un cynisme déjà bien présents chez elle.

Pour la forme, l'une de ses obscures grand-mères, que Louisa ne voyait qu'une fois l'an, et dont elle se fichait royalement, avait demandé de ses nouvelles par l'intermédiaire de sa génitrice. Et même si la bleue et bronze avait évidemment râlé (parce que sinon c'est pas drôle), force lui était de se ranger du côté de sa mère, pour cette fois. Ouais, la situation méritait sûrement qu'elle fasse l'effort d'écrire une missive, même courte et lacunaire, histoire de rassurer un peu sa pauvre grand-mère qui n'avait rien demandé à personne. C'était à contrecoeur qu'elle avait donc rédigé deux-trois bredouilles sur un vieux morceau de parchemin, et qu'elle se rendait à présent à la volière, histoire de poster les fameux gribouillis. Arrivée à la dernière marche, son coeur commença à battre plus fort malgré elle, parce qu'elle n'était pas seule. Rhian était là.

-Oh... Salut.

Son ton était encore assez neutre. Une chance pour la demoiselle, elle n'avait jamais été très émotive. Mais elle craignait vraiment que le rouge lui monte aux joues. Ça lui faisait toujours comme ça, quand elle croisait le chemin du rouge et or. Louisa mettait beaucoup d'efforts à faire comme si elle ne savait pas ce qui lui arrivait, mais ce n'était pas le cas, bien sûr. Le garçon avait tendance à ne pas la rendre indifférence, à la faire devenir comme toutes les gamines idiotes de son âge. Misère.

-Tu vas bien ? Je... Mince, depuis quand elle bredouillait ? J'ai appris que t'étais à Pré-au-lard le soir du Nouvel An.

Et qu'il aurait très bien pu y passer.

-Salut ! Oui... oui ça va.

Louisa s'en était rendue compte pile à la seconde où elle avait parlé de la soirée du Nouvel-An. Ce n'était pas du tout la chose la plus maline à dire, mais bon, elle n'allait pas non plus faire comme si elle n'était pas au courant, hein. Bien sûr qu'elle l'était ! Tout Poudlard l'était ! Et en ce qui la concernait, elle était vraiment inquiète. Rhian ne laissait pas trop paraître le fait que ça l'ait affecté ou pas. Sûrement un peu, mais il se contenait comme il fallait. Ça, ils l'avaient en commun, à force d'épreuves, ils avaient pour réflexe et pour point d'honneur de ne jamais se lamenter, même quand c'était parfaitement justifié. Tenez, ils avaient tous les deux perdu leur père. Est-ce qu'ils s'en plaignaient sans arrêt ? Pas pour autant. L'ennui, c'est que du coup, Louisa ne savait pas si elle devait le croire ou pas. S'il allait vraiment bien, ou aussi bien qu'il pouvait aller, ou s'il se contentait de prétendre que c'était le cas pour la forme. Elle n'osait pas lui en demander plus. Elle ne voulait pas se montrer lourde et insistante. Et elle voulait espérer que si le rouge et or choisissait un jour de se confier à elle, il le ferait de lui-même, sans qu'elle ait à l'obliger.

-Je viens juste d'envoyer un message à mes grands-parents.
-C'est la journée, faut croire, moi aussi, j'suis en train d'écrire à mes grands parents.

"On a tellement en commun....". Sa réflexion était tellement stupide qu'elle eut très franchement envie de rouler des yeux tellement elle s'exaspérait elle-même. Si elle adorait passer du temps avec Rhian, elle se détestait quand elle était avec lui, elle avait l'impression de ne plus être elle-même. Heureusement que Rhian était totalement aveugle à ce qui se passait, parce qu'à ses yeux, c'était beaucoup trop flagrant.

-Je serais arrivée un peu plus tôt, je t'aurais demandé de leur passer le bonjour.

Elle sourit légèrement tout en partant en quête d'un hibou de l'école. Quand elle en trouva un qui lui parut approprié, elle attacha sa lettre à sa patte. Le volatile s'envola aussitôt.

-Et toi, tu vas bien ?

Reposant son regard sur Rhian, elle haussa les épaules quand il lui demanda comment elle allait. Tout n'était pas rose au pays des Sparkley, mais après ce qu'avait subi son camarade, elle aurait trouvé déplacé de se plaindre. C'était pas dans sa nature, de se plaindre, de toute manière.

-Ça va. Même si j'aurais préféré passer de nouveau mes vacances avec vous.

Ses joues avaient un peu rosi quand elle avait dit ça. Mais c'était vrai, elle avait passé des congés de Noël horribles, cette année... en grande partie par sa faute à elle, d'ailleurs.

-Je leur passerais le bonjour de ta part dans ma prochaine lettre si tu veux. Si tu leur passe le mien maintenant.

Louisa se sentit hocher la tête malgré elle, comme la plus parfaite des idiotes, quand son interlocuteur, proposa qu'il donne de ses nouvelles la prochaine fois, si elle en donnait de suite. Elle se trouvait tellement niaise en sa présence ! Elle avait envie de se baffer une bonne dizaine de fois pour se passer l'envie d'être crétine à ce point. Elle n'était pas une méchante fille, mais on lui coltinait une réputation de petite asociale, de gamine souvent désagréable. Et elle entretenait cette réputation avec une certaine satisfaction. Mais là, elle était si gentillette qu'on aurait pu la confondre avec une bête princesse de conte de fée. Aimer, ça rend imbécile, elle s'arracherait bien les yeux et le coeur pour oublier son béguin pour Rhian. En attendant, elle arrivait pas à bazarder ce sourire con plaqué net sur son visage. Et au final, elle lui tendit même une plume à auto-encrage qu'elle gardait au fond de son sac à bandoulière, avant de déplier sa lettre pour qu'il puisse ajouter lui-même un mot à l'adresse de mémé Sparkley. Le tout avant de laisser son coeur s'emballer de plus belle quand il lui dit qu'il aurait aimé qu'elle soit là.

- J'aurais aimé que tu passes ces vacances avec nous... Enfin, sauf le réveillon quoi. Les prochaines j'espère !

Il aurait aimé qu'elle soit là. Difficile de la rendre plus heureuse. Qu'avec cette phrase idiote qu'il prononçait sûrement sincèrement, mais de façon complètement anodine. En même temps, elle aurait dû y penser. Elle avait tout fait pour ne pas passer les vacances de Noël avec sa mère, et à côté de ça, elle n'avait pas envisagé l'idée de squatter les Potter. Bon, en même temps si ça avait été pour avoir l'air bête pendant deux semaines… Ceci dit, s'il renouvelait l'invitation pour Pâques, elle dirait difficilement non.

-Si vous m'invitez, je vais pas dire non, surtout si ça m'épargne de voir ma mère.

L'avantage, c'est que elle, n'irait sans doute pas squatter ce temps là, elle devait s'occuper de ces crétins d'élèves qui savaient tomber malades, même quand ils n'avaient pas cours. De toute façon, si Louisa ne se plaignait pas de sa mère à chaque phase de la conversation, c'est que quelque chose n'allait pas.

-Ta mère va comment, d'ailleurs ?

Elle avait cru constater qu'elle n'était pas en super état.

-Et ta soeur ?

-Et bien on t'invitera alors !

Alors d’accord. Elle afficha un sourire enthousiaste, espérant que ces mots pouvaient vraiment être tenus pour dits. Si ses vacances de Pâques, elle avait l’occasion de les passer ailleurs et autrement qu’à Poudlard, à s’ennuyer ferme et à éviter sa génitrice, elle ne disait certes pas non. Et si, en guise de bonus, elle pouvait se rapprocher un peu de Rhian... et voir Cenlyn, hein, bien sûr, c’était tout bénef.

-Ça ne va toujours pas bien avec ta mère ?

Pour toute réponse, Louisa se contenta de hausser les épaules. Non, en effet, ça n’allait toujours pas, et elle voyait mal les choses s’améliorer. Ça faisait des années que ça durait, et les rancoeurs s’accumulant, ça devenait de pire en pire. Les gens lui en parlaient souvent comme si c’était une situation temporaire. Comme si, de toute manière, les choses finiraient par s’améliorer. Elle n’y croyait pas. Et même si une part d’elle en avait envie, la Louisa fière et bornée prenait toujours le dessus, et la situation restait au point mort. Elle préféra quand même ne pas jouer les râleuses, pas alors que Rhian évoquait sa propre mère. Contrairement à elle, lui, était vraiment très proche de sa maman, et il devinait que ce soir de Nouvelle année, ça avait vraiment été dur, dur pour tous les Potter.

-Elle va bien d'après elle, mais je sais que c'est difficile. Pareil pour Cenlyn, elles sont pareille de toute façon, trop fière pour dire ce qu'elles ressentent vraiment.

Que Cenlyn et Purdey Potter étaient fières comme des paons, ce n’était pas du tout une nouveauté. De ce côté là, Louisa ressemblait beaucoup plus à la soeur qu’au frère Potter. Louisa compatissait, elle savait à quel point les choses avaient dû être difficiles. Elle aurait aimé être là. Même si elle n’aurait pas pu faire grand chose à son échelle à par se faire massacrer à son tour. Louisa avait eu envie d’y aller de son mot rassurant, même si ce n’était pas du tout son genre, mais il avait repris la parole avant qu’elle n’ait le temps de parler.

-D'ailleurs... Je crois qu'elle va repartir... au front. Elle nous a dit qu'elle n'irait pas, mais je suis sur qu'elle va y aller.

Bizarrement, Louisa n’avait pas songé à cette option. Elle comprenait mieux pourquoi les jumeaux Potter lui semblaient si maussades dernièrement. Ils avaient peur qu’elle reparte au combat. Et la bleue et bronze considérait qu’ils avaient de sérieuses raisons de le craindre.

-Et... j'ai pas envie qu'elle parte.

Ça, elle le comprenait parfaitement. Cenlyn et Rhian avaient déjà perdu leur père au front. Comme Louisa d’ailleurs... Ils n’avaient pas besoin de ça. Personne n’avait besoin dans tous les cas de ça.

-Oh... hésitante, elle posa sa main sur l’épaule du rouge et or en guise de réconfort. Dingue ce qu’un simple contact pouvait chambouler en elle ! Je suis désolée, Rhian... Mais on pourrait peut-être trouver un moyen de la convaincre de rester ? Je pourrais en parler à ma mère ?

Ce qui signifiait parler à sa mère tout court, ce qui revenait à un sacré sacrifice de sa part. Mais si c’était pour Rhian...

« Tu… tu ferais ça ? »

Louisa hocha doucement la tête, s’étonnant elle-même d’avoir pris cette décision, et surtout d’avoir l’intention de formellement s’y tenir. Oui, elle ferait ça, elle allait le faire, et pour lui, uniquement pour lui – enfin, pour Cenlyn un peu aussi, mais si peu au final. C’était incroyable, tout de même, cette aisance que pouvait avoir l’esprit à se laisser dominer par ses sentiments. D’accord, ce serait acter pour une bonne cause que d’en toucher deux mots à sa génitrice. Elle estimait, Purdey, elle n’avait pas franchement envie de la voir risquer sa vie ou de voir les Potter devenir orphelins, c’était bien, c’était la chose à faire. Même si elle savait bien que ses motivations étaient singulièrement contestables. Le genre de motivations au nom desquelles elle était bien capable de se maudir elle-même et de s’en vouloir à mort. Ce qu’elle pouvait détester agir à mille lieux de qui elle était supposé l’être.

« Merci beaucoup ! »

Et là, au moment où il la serra dans ses bras, elle oublia complètement ce qu’elle avait pu haïr chez elle. Elle sentait son teint rosir, et puis, il y avait son coeur qui battait bien plus fort, à une cadence monstrueuse, en fait. Il la serrait juste dans ses bras, et c’était le moment le plus parfait de son existence. Rien à foutre d’être une gourde et d’être faible, si il acceptait encore de la serrer dans ses bras, si ça permettait d’éveiller en lui un nouvel intérêt pour elle, elle voulait bien le serrer dans ses bras un bon milliard de fois. Elle détestait sa mère, elle n’en démordrait pas (même si elle se mentait pas mal en affirmant ça), mais ce n’était pas de leur querelle, de leur conflit d’autorité, qu’il était question. Louisa appréciait et admirait Purdey, et elle savait que sa mère en était très proche. Là, de suite, c’est un peu tout ce qui pouvait bien compter. Ça, et puis Rhian, évidemment. Elle eut peine à mettre un terme à cette étreinte, mais il le fallait bien. Ça aurait paru trop suspect si elle l’avait laissé durer trop longtemps, même si ça ne l’aurait pas dérangé.

-Hum... de rien, c’est normal tu sais... Elle avait détourné le regard en prononçant ces mots, de crainte qu’il perçoive le rouge sur ses joues. Elle ne reposa son regard sur lui que lorsque ça se fut un peu atténué. T’en fais pas, je suis sûre que si ma mère va lui parler, elle changera d’avis.

Son ton avait été étrangement apaisant, de sa part, surtout.

-Et si jamais t’as besoin d’aide, d’en parler ou quoi, tu sais que je suis là...

De nouveau, elle ne se reconnaissait pas, mais elle était pourtant totalement sincère.

C'était prévisible, en arriver à quelque chose d’aussi futile que de nourrir des sentiments pour quelqu’un, ça devait forcément lui retomber sur la tronche. Non seulement la présence de Rhian la rendait aussi faible et éloquente qu’un veracrasse, mais maintenant, elle la poussait à faire des choses dont elle ne pensait même pas qu’elle était capable. Et pourtant, oui, puisqu’elle n’avait qu’une parole, elle allait effectivement parler à sa mère du cas Potter. De toute façon, c’était même une obligation morale, là. Louisa se mettait facilement dans la tête de Rhian et Cenlyn, elle savait ce qu’on éprouvait quand on perdait quelqu’un qui nous était cher. Son père aussi lui avait été enlevé par la guerre (côté moldu pour sa part), donc elle savait clairement ce que ça faisait, et même si c’est un truc qu’elle dirait jamais à moins qu’on l’y oblige, elle ne supporterait pas non plus de perdre sa mère. Si quelqu’un, à elle, lui donnait l’opportunité de s’assurer que rien ne lui arriverait, elle n’hésiterait pas, alors, comme elle pouvait être cette personne, elle allait le faire. Mais trêves de remerciements et tout ça, parce que ça la mettait encore plus mal à l’aise si possible. Elle sourit sincèrement quand il lui dit qu’il serait là pour elle, et là si elle avait besoin de se confier. Ça faisait du bien à entendre, et ça avait le don de faire s’emballer largement son petit coeur. Un peu troublée par cette discussion, elle sentait bien qu’il était temps qu’elle y aille, si elle ne voulait pas perdre pour de bon tous ses moyens déjà pas très nombreux.

-Merci. Elle déposa une légère bise sur sa joue, et elle le regretta illico tant la gêne lui fit monter le rouge aux joues. Elle était vraiment en train de perdre tous ses moyens là. Il faut que j’y aille. Où ça ? Pas la moindre idée, mais elle était certaine que ça valait mieux, encore quelques minutes, et elle ne contrôlerait même plus ce qu’elle disait. Je te tiens au courant, d’accord ? avait-elle ajouté en détournant les yeux pour qu’il ne voie toujours pas ses joues toutes empourprées. Pour garder de la contenance.

Et ni une ni deux, elle quitta la volière aussi vite qu’elle y était venue. Pas la moindre idée de ce qu’elle pouvait bien avoir à faire pour partir aussi vite, mais il ne le lui demandait pas, après tout. Enfin, c’est surtout qu’elle ne lui en avait même pas laissé le temps, mais ça... D’abord parler à sa mère. Ensuite on verrait.