Que c'était bon. Cela faisait bien longtemps qu'Anna n'avait pas eut cette chance. Techniquement, ce n'était pas si lointain. Mais c'était différent cette fois. Parce que cette fois, alors qu'elle se réveillait à quelques mètres de son neveu, elle savait qu'il serait là encore plusieurs jours. Ils pourraient encore profiter l'un de l'autre durant ces vacances de noël qui symbolisaient le repos et les festivités de fin d'année. Et cette fois, même si comme toujours les fêtes se passaient chez elle, Andreï aussi serait là pour tout préparer, décorer le manoir, faire les derniers achats, profiter, tout simplement. Oui, la belle voulait profiter de cette occasion qu'elle avait de passer du temps avec le jeune homme.

Qui disait vacances disait grâce matinée. Et oui, lorsqu'Anna se leva, il n'était plus six heure du matin. Mais ce n'était pas désagréable. Sauf que lorsqu'elle arriva dans le cuisine pour faire le petit déjeuner, ses chats ne se privèrent pas de lui faire remarquer qu'eux n'avaient pas encore eut le leur. Souriant un peu de les voir comme ça, elle s'executa et leur donna leur part. Elle retourna ensuite à ses fourneaux pour faire le petit déjeuner. Avec sa situation, la jeune femme aurait certainement eut plus d'une occasion de prendre un elfe de maison. Sauf qu'elle aimait bien faire tout ça elle-même. Un elfe de maison ferait gagner du temps. Mais elle cherchait plutôt à en perdre, du temps. Alors c'était très bien comme ça. Et puis, en faisant tout toute seule, elle se sentait plus utile. Sans compter qu'elle savait qu'Andreï aimait bien quand elle prenait soin de lui. Allant parfois jusqu'à la mère poule. Même si ce n'était pas sa place en fait.

Anna était donc en train de finir quand elle entendt du bruit. Se retournant rapidement, elle sourit en voyant que c'était Andreï qui venait de se lever. Elle espérait juste ne pas l'avoir réveillé en préparant le petit déjeuner. Mettant les assiettes sur la table, elle lui fit signe de s'asseoir. Passant derrière lui pour poser ses couverts, elle déposa un baiser sur sa joue en guise de bonjour. Anna vint ensuite poser ce qu'elle avait préparé sur la table et s'assit à son tour. Elle laissa son neveu se servir avant de faire de même.

-Tu as bien dormi chéri? Si tu as eu froid j'ai encore des couvertures dans le placard.

Mère poule je vous dit! Mais c'était surtout pour entamer la conversation. La journée promettait d'être radieuse. Il faisait beau, ils avaient commencé à prendre le repos dont ils avaient besoin, ils étaient ensemble, rien ne pouvait indiquer qu'il y aurait un dérapage. Mais à force, peut-être était-ce devenu leur malédiction...

Les vacances étaient un moment qu'Anna avait attendu depuis que son neveu avait formulé le souhait de les passer avec elle. C'était peut-être quelque chose d'un peu égoïste de sa part, mais elle était tout de même contente. À vrai dire, grâce à lui, elle retrouvait un peu de sa bonne humeur qu'elle avait parfois un peu délaissé ces derniers temps. Andreï était et avait toujours été son rayon de soleil. Avec lui, elle pouvait pouponner et câliner à sa guise. C'était tout ce qu'elle avait toujours voulut après tout. C'était ce qui lui permettait encore d'apprécier ce qu'elle avait. Lui, mais aussi Anya.

Bien sûr, elle avait toujours autant de mal avec ses agissements. Mais elle trouvait juste important de ne pas oublier ce qu'il y avait eut d'autre entre elles. C'était important tout ça. Elles avaient partagé beaucoup de choses depuis toutes ces années. Elles étaient sœurs et elles ne pourraient rien pour contrôler les sentiments qu'elles ont l'une pour l'autre. Cela serait certainement pesant lorsque les fêtes arriveront. Se retrouver tout les trois, seuls, face à cette tension et ces mensonges. Voilà qui serait plus que délicat. Pour tout le monde.

Mais pour le moment, Andreï avait l'air reposé, quoi qu'encore un peu endormi. Il avait l'air de ne pas non plus manquer d'appétit. Bonne nouvelle. Cela voulait dire qu'il était en pleine forme et de bonne humeur. Et donc qu'il n'avait plus ses problèmes en tête. De quoi mettre sa tante de bonne humeur. Enfin, plus qu'avant je veux dire.  

-J'ai dormi comme un loir, merci. Ça... hum... ça faisait longtemps...

Bon, un problème de moins. Si il dormait bien, son séjour serait plus agréable. Pour tout le monde. Si il gardait son sommeil agité, Anna aurait le même problème. Parce qu'elle s'inquièterait pour lui et ne pourrait pas non plus fermer l'œil. C'est ce que l'on appel un cercle vicieux. La jeune femme se contenta de lui sourire, visiblement satisfaite et un peu encourageante.

-ça sent super bon ! Ne me dis pas que tu t'es levée aux aurores pour préparer le petit-déjeuner.

Anna rit un peu cette fois. Elle avait de la motivation mais peut-être pas à ce point. Profiter de son bien être pour dormir un peu plus tard le matin était un plaisir qu'elle n'était pas prête à arrêter.

-Non, je te rassure. Je suis levée depuis maximum une demie heure. Je suis juste rapide pour la cuisine. Tant que c'est mangeable ça suffira.

Contrairement à la dernière fois, ces petites plaisanteries n'avaient pas pour but de cacher un malaise. Aussi pitoyables qu'elles puissent être Anna les pensait et voulait juste montrer qu'elle était de bonne humeur. Prête à passer une bonne journée avec le jeune homme qu'elle était ravie de revoir.

En somme, ce qu'il y avait de triste dans la vie de cette chère Anna, c'était que cette bel jeune femme était précisément douée pour les choses qu'elle ne pouvait pas avoir. Que je m'explique. Elle avait un instinct maternel plus que développé alors que justement elle se trouvait dans l'incapacité d'en avoir un seul. Frustrant, n'est-ce pas? Et bien c'était comme cette faiblesse naturellement mais assez bien dosée. Elle était une parfaite femme au foyer qui se retrouvait seule, sans le moindre homme à aimer et à chouchouter au retour du travail. Alors puisqu'elle avait Andreï qui était à la fois un grand enfant et un petit homme, elle avait toutes les raisons du monde de le chouchouter. Sans avoir l'esprit mal placé ceci dit. Anna était une femme censée et elle savait ce qu'elle faisait.

Ce qui faisait plaisir à voir, c'était ce vrai sourire aux lèvres d'Andreï. Sa tante n'avait pas eut l'occasion de le voir si radieux depuis des mois. Et il avait de très bonnes excuses. La jeune femme le savait. Mais elle était contente de le revoir ce sourire, parce que c'était avec elle qu'il l'arborait. Anna était très fière de pouvoir dire qu'elle lui avait redonné ce sourire. Tellement fière qu'elle avait certainement un peu le même. Et puis elle était tout simplement ravie de pouvoir passer autant de temps avec lui. Elle avait beaucoup d'affection à revendre et pas grand monde à qui la donner. Son comportement s'expliquait donc sans mal.

-Mangeable ! Tu parles, ça va être un festin, j'en suis sûr.

Anna rit doucement. Andreï avait tendance à la voir meilleure qu'elle ne l'était vraiment. Ce n'était pas désagréable en fait. Ça rendait confiance. Mais il fallait parfois avouer que c'était abusé. Et un peu de modesties ne pourrait pas tuer la jeune femme non plus. Le jeune homme se servit, visiblement ravit. Après avoir goûté les pancakes et pris un grand verre de jus de citrouille, il soupira. C'était bien loin de vexer Anna puisqu'il s'agissait d'un bon gros soupir satisfait. Celui avec un petit sourire un peu béat. La jeune femme commença donc à manger aussi, rassurée de voir que cela convenait à son neveu.

-Qu'est-ce que je disais. C'est un délice !

La belle lui sourit. Au moins, ça avait l'air de lui plaire. Mais d'accord. Elle pouvait admettre en savoir un rayon niveau cuisine. Enfin, ça faisait toujours plaisir de savoir ses efforts appréciés... et encore... le terme effort est un peu poussé.

-Merci chéri. Tu es mignon.

Oui, il fallait bien admettre que les compliments, ça faisait toujours plaisir. Quand ils venaient d'Andreï c'était un peu comme une récompense. Et elle savait les apprécier.

-Alors, tu veux qu'on fasse quoi, aujourd'hui ?

Si Anna avait un planning bien défini, c'était surtout pour se donner une idée. Elle était tout à fait ouverte à d'autres propositions si Andreï avait d'autres envie ou justement pas envie. Ceci dit, il y avait des activités qu'elle pouvait éventuellement faire seule si vraiment ça ne tentait pas le jeune homme. Ce qu'elle pourrait tout à fait comprendre.

-Et bien comme toujours c'est assez ouvert, mais j'aurais bien fait un peu de tri dans les albums photo aujourd'hui. En enlever certains de la bibliothèque pour les mettre au grenier. Si tu veux le faire avec moi on est pas obligé de seulement les ranger. On peut y jeter un œil.

En fait, Andreï devait s'en douter, mais Anna savait déjà avec précision quels albums finiraient au grenier. Du coup, c'était surtout une séance souvenirs qu'elle voulait partager avec le jeune homme. Parce que si cela ne le tentait pas, elle n'en aurait pas pour des heures. Loin de là...

Quand on y pense, Andreï et sa tante se ressemblaient pas mal. Ils étaient tout les deux assez sensibles, et ils aimaient faire les choses à leur manière. Ils avaient une grande sensibilité et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils avaient la main sur le cœur. Et aussi malheureux que cela puisse être, Anna et son neveu avaient une fâcheuse tendance à attirer les ennuis en ce moment. Que se soit elle, Anna s'en moquait. Mais Andreï était encore jeune. C'était affreux de voir à quel point il avait vécu des moments pénibles. Alors quand ces deux-là étaient ensemble, il était surprenant qu'ils puissent aller aussi bien. Et pourtant, il suffisait de regarder.

Andreï était en train de se régaler avec un petit déjeuner que lui avait amoureusement préparé sa tante et Anna souriait volontiers en lui parlant tranquillement. Sur le moment, leurs problèmes étaient à des kilomètres de leur pensé. Ils prenaient simplement le temps de profiter de cette matinée de vacances où tout semblait bien se passer. Ils étaient reposés et mangeaient un bon petit-déjeuner avant de se lancer dans une nouvelle journée. Vraiment, Anna était ravie. Ce n'était déjà pas si souvent. En ce moment, c'était plus qu'agréable.

Les photographies, ce n'était pas ici que ça manquait. Anna aimait beaucoup ça parce que ça permettait de garder pleins de souvenirs et de pouvoir fièrement les montrer à ceux qui n'étaient pas là ou trop jeunes. C'était tellement agréable de pouvoir se plonger dedans et de retrouver des sensations et de petits bonheurs. C'était même parfois amusant. Alors elle espérait qu'elle et Andreï pourraient encore rire de ces images qui trônaient dans la bibliothèque Armyanski.

-Ça me va tout à fait. Du moment que tu m'épargnes toute éventuelle photo de moi bébé et les fesses à l'air.

Anna avait des photographies d'Andreï dans des positions ridicules, c'est vrai. Mais il ne fallait pas abuser. La jeune femme était trop pudique pour oser le prendre comme ça. Parce que ses albums faisaient un peu le tour de ses rares amis ou de sa famille. C'était peut-être mieux pour son neveu ceci dit. Autrement bonjour la crédibilité... mais puisque sa tante était décidée à le taquiner dans la bonne humeur:

-Non, celles-là on les touchera pas. Elles resteront bien en évidence sur mes étagères.

Andreï la connaissait bien. Il devait comprendre qu'elle plaisantait. Mais il faut admettre que ça serait amusant de voir la tête du jeune homme face à une telle photo.
Sauf qu'aujourd'hui, il s'agissait surtout de retirer les moments immortalisés qui pourraient être trop douloureux à regarder. Il fallait donc supprimer une grande majorité de huit années de souvenirs. Elle savait à peu près ce qu'il fallait enlever. Mais il faudrait inévitablement vérifier. Parce qu'il n'y avait pas eut qu'Ivan durant ces huit ans. Entre autres, il y avait eut Andreï. Il était entré dans leur vie juste dans ces huit années à oublier. Alors il faudrait faire du tri.

Anna n'avait jamais été une grosse mangeuse. Ce n'était pas son truc. Ce qui explique certainement sa taille de guêpe et son attitude parfois un peu fragile. C'est vrai. Mais ce n'était pas le cas d'Andreï. C'était un jeune homme encore en pleine croissance et il fallait qu'il mange. La belle avait tendance à en faire trop avec lui, mais il faut bien admettre qu'il avait bon appétit en général. Sa tante avait donc fini de manger avant lui. Encore motivée, elle ne voulait pas attendre trop longtemps avant de commencer.

-Je vais commencer si tu veux bien. Je te laisse finir tranquillement. Tu me rejoindra en haut?

Anna débarrassa ses couverts et monta à l'étage. Une fois devant la bibliothèque, elle poussa un soupir avant de sortir un tas d'albums. Elle commença à regarder les dates inscrites dessus et commença à les classer. Elle était si absorbée par ce qu'elle faisait qu'elle ne fit pas attention à cette photographie qui était tombée de l'étagère. La seule et unique de cette personne. La seule qu'elle possédait et la seule qu'elle possèderais jamais. La seule qui n'aurait jamais droit à son étiquette et qui ne portait qu'une seule inscription au dos: Andrian Armyanski – 13 novembre 1929. Anna ne la voyait pas et c'était là une grosse erreur. Mais elle était trop occupée par ces souvenirs qu'il fallait retirer, ranger, loin, au fond du grenier, où elle nirait pas les chercher tout de suite.

Anna aimait beaucoup les photographies, on l'avait bien compris. Mais il y en avait aussi qui pouvaient devenir lourdes. Et elle ne voulait pas risquer de les recroiser au milieu de souvenirs bien plus heureux. Parce qu'il y en avait tout de même. Comme cette photo où elle tenait Andreï à côté de son premier bonhomme de neige. Il riait aux éclats et Anna souriait largement. C'était un beau moment dont elle se souvenait avec grand plaisir. Un souvenir largement gâché par la vue du couple Timorov qui était juste en face. D'un geste un peu agacé, elle retira la photographie de l'album pour commencer une pile qui finirait enfermée dans une boîte au grenier. C'était tout ce qu'elles méritaient.

Andreï avait fini par la rejoindre. Sa tante le vit du coin de l'œil et lui adressa un petit sourire. Puis elle se replongea dans ce qu'elle faisait. Visiblement, il y avait une erreur de classement. La voilà qui tombait sur une photo de 1911. C'était vieux ça. Mais amusant aussi. Une toute petite Ana qui tenait une encore plus petite Anna. L'une comme l'autre avaient l'air totalement perdues. Mais c'était amusant. La belle sourit un peu d'ailleurs. Elle voulut la tendre à Andreï pour qu'il la regarde mais elle vit qu'il avait déjà une photo dans les mains. Et pas n'importe laquelle...

-Tu as... fait tomber ça...

Pour une bêtise c'était une belle bêtise. Elle n'était pas sensé avoir cette image. Anya l'avait interdit. C'était trop affreux. Et quelque part, Anna comprenait. Raison pour laquelle cette photo avait toujours été séparée des autres. Cachée derrière les albums. Pour justement éviter ce qui arrivait. Voyant bien le regard perdu d'Andreï, sa tante ne sut pourtant pas quoi dire.

-Quand même... mon prénom n'est pas si difficile que ça à écrire.

Avait-il compris quelque chose ou au contraire était-il vraiment perplexe? C'était difficile à dire. Parce qu'il n'y avait aucune faute d'orthographe sur cette photographie et il ne s'agissait pas non plus d'une date de naissance. Malheureusement, ce n'était pas non plus un bon souvenir. Non, pas du tout. Et il ne fallait pas qu'Andreï puisse savoir ce qu'elle était vraiment, cette photo. Elle la pris assez rapidement et pour la fourrer dans sa poche. Elle reporta ensuite son regard sur les albums pour continuer... enfin, si on veut.

-Je devais être fatiguée ce jour-là, c'est rien.

Une photo, vite, il fallait qu'elle trouve une photo, de quoi changer de conversation. Elle commença à tourner les pages un peu paniquée. Le mieux qu'elle avait trouvé, c'était une photo d'Andreï... en robe. Oui, en robe. Il était au maximum âgé d'un an et sa grand-mère s'était fait un petit délire. Pathétique... non, il n'y avait rien à utiliser pour changer de sujet dans celui-là.
Anna tourna un regard un peu gêné vers Andreï, juste pour savoir où il en était. Chose qu'elle n'aurait certainement pas fait si elle avait eut un miroir en face d'elle. Parce qu'elle n'avait pas du tout l'air à l'aise.

Mentir, ce n'était pas le truc d'Anna. Pas du tout. Mais alors mentir à Andreï, là ça devenait franchement dur. Elle détestait ça en général, et maintenant que les mensonges avaient détruit son monde, ça serait encore pire. Sauf que la pauvre femme ne savait pas du tout ce qu'elle devait faire. Dans chaque cas, c'était une trahison pure et simple qu'elle devrait faire. Elle ne voulait pas continuer à mentir à Andreï sans broncher. Ça serait tout sauf moral et elle s'en voudrait beaucoup. Mais il y a seize ans, elle avait promis à sa sœur de ne jamais parler d'Adrian. Elle comprenait pourquoi et avait été d'accord. Du coup, maintenant, alors qu'elle devait prendre une décision, elle se sentait affreusement mal.

Elle pourrait peut-être changer de sujet, faire comme si il ne s'était rien passé? Non, clairement pas. Parce qu'Andreï la connaissait vraiment bien et qu'il voyait qu'elle n'était pas normale. Cette capacité qu'ils avaient tout les deux à se comprendre d'un regard, dans certains cas cela pouvait être très utile. Mais dans d'autres, c'était un piège pour l'un comme pour l'autre. Allez mentir à quelqu'un qui le sait tout de suite. Et allez soutenir ce regard qui vous accusait autant qu'il espérait de vous. Anna ne pouvait pas le faire. Pas avec lui. Maintenant, elle pourrait peut-être le faire avec sa sœur puisqu'elle lui avait menti pendant des années. Ça serait peut-être moins dur. Mais pas Andreï. Son pauvre chéri se méfiait assez comme ça.

-тітонька... Tu es sûre que tu ne me caches rien ?

La question piège par excellence. Elle poignardait Anna en plein cœur. Parce qu'elle lui rappelait qu'elle avait essayé de lui mentir. Alors qu'elle n'en avait concrètement aucune envie. Une situation assez horrible. Mais vraiment, elle ne voulait pas lui mentir. Elle lui devait un minimum de sincérité. Parce qu'ils avaient promis de se soutenir l'un l'autre. Si Anna continuait à lui mentir et à lui cacher des choses. Elle réfléchissait à toute vitesse, laissant malgré elle un petit regard triste s'afficher sur son visage. Et Andreï soupira. Quelle horreur.

-Si... Si tu me dis que je me fais des idées, que j'ai tort de croire que tu ne me dis pas tout, alors je te croirais, je ne te poserais plus de question, c'est juré. Mais... je peux pas m'empêcher de croire qu'il y a quelque chose...

Cette fois ce fut Anna qui soupira. Bien sûr, il savait ce qu'elle pensait comme si il lisait un livre ouvert. Ceci dit, la jeune femme n'avait jamais cherché à être très secrète. Du coup, les seules choses qu'elle voulait voir rester cachées, en général, elles ne le restaient pas.
Elle fit signe à Andreï de s'asseoir à côté d'elle. Disons qu'elle ne tenait pas vraiment à le voir la juger de haut. À choisir, elle préférait se faire juger à sa hauteur...

-Tu sais que je n'aime pas te cacher des choses. Alors je vais te dire ce qui ne va pas. Mais tu dois aussi savoir que je brise une promesse que j'ai faite à ta mère pour ça. Pardonne moi si c'est un peu compliqué. Si on ne t'a pas parlé de ça avant, c'est qu'on se sentait toujours un peu mal. Même nos parents ne le savent pas...

Comment justifier ce qui ne l'était pas... en pataugeant lamentablement comme Anna. Sans compter que ce petit discours risquait de l'inquiéter encore un peu plus. Elle chercha un peu par quoi commencer. C'était délicat à expliquer. Pour ça, elle redonna la photo à Andreï. Avec un peu de chance, il la regarderait elle plutôt que sa tante...

-Le problème dans cette histoire, c'est les dates. Adrian est techniquement né le 12 novembre. Quelque part, finalement, ça empêchait de faire le lien. Mais à vrai dire, ce n'est pas une journée qui l'a séparé de toi, mais quelques minutes. Adrian était ton jumeau. On a pas voulu en parler parce que ça s'était mal passé et qu'il n'avait pas vraiment vécu. C'était assez... lourd. Ça n'aurait pas été bon qu'on en parle. Ça nous serait retombé dessus. Surtout sur Anya en fait. Et elle pensait que si tu n'étais pas au courant, cela ne te ferait pas de mal. C'était toujours ça de moins pour te préoccuper. J'ai toujours pensé que si tu me le demandait, je t'en parlerais. Mais j'admets que je ne pensais pas que ça arriverait tout de suite...

Anna se sentait vraiment honteuse de lui parler de ça. Elle n'aurait pas aimé le faire, même plus tard. Au fond, même si elle avait été présente, c'était surtout lui et sa mère que ça regardait. Non, elle n'aimait pas ça. Mais quand on y pensait, c'était peut-être bien que ce soit elle. Parce qu'il auait moins de mal à venir reprendre ses esprits dans ses bras que dans ceux de sa mère. Avec elle, au moins, il n'était pas seul.

-Andreï je... je suis désolée. C'était plus simple pour nous et on pensait bien faire. Si tu m'en veux je comprendrais. Mais si tu en as besoin, je te promet que je ne te laisserais pas tout seul.

Son neveu pourrait toujours venir vers elle. C'était normal et ça avait toujours été le cas. Aucune raison pour que cela change... mis à part les changements d'envie de ce dernier. Peut-être allait-il la fuir elle aussi pour lui avoir caché qu'il avait eut un frère pendant maximum dix minutes.

Anna se disait que ça commençait à bien faire. Ça ne la gênait pas du tout d'être avec Andreï, au contraire. Elle avait toujours aimé passer du temps avec lui. Mais depuis quelques temps, passer du temps avec lui voulait aussi dire passer par des moments difficiles. La jeune femme ne le fuirait pas pour autant, certainement pas. Mais c'était toujours difficile. Et elle ne pensait pas que le sujet abordé devait l'être par elle. C'était à Anya de parler à son fils.
Adrian avait toujours été un sujet délicat et personne n'en parlait. De toute façon, il n'y avait pas grand monde pour en parler. C'était triste à dire mais c'était vrai. Et c'était voulu. Alors tant qu'à faire, Anna aurait bien laissé cette place délicate à sa sœur. C'était peut-être lâche mais c'était sincère. Enfin. Au moins, elle pourrait se dire qu'elle avait été sincère avec son neveu et qu'il ne pourrait pas lui reproché ça. De toute façon elle n'aimait pas mentir. Et ça faisait déjà ça de moins à lui cacher.

Lorsqu'elle lui racontait l'histoire de son frère... dans les grandes lignes, Anna le sentit tomber petit à petit vers on ne sait quelles sombres pensées. Bien sûr, ça ne devait pas être agréable. Il s'agissait tout de même d'un frère, d'un jumeau. C'était dur. Très dur. Assez pour faire couler quelques larmes. Anna détestait vraiment ça. Et c'était de sa faute. Si Andreï se sentait soudainement aussi mal, c'était parce qu'elle avait stupidement fait tomber cette photographie. Elle s'en voulait. Et quoi qu'il lui réponde, elle s'en voudrait encore un moment. Sans compter qu'elle avait trahis sa sœur en parlant d'Adrian au jeune homme. Et la belle n'était pas vraiment impatiente de lui dire d'ailleurs. Ça allait certainement refroidir encore un peu plus leur relation. Ce qui ne lui plaisait pas non plus. Mais au moins, elle avait été franche avec Andreï. Pour le moment, c'était lui qui avait le plus besoin de repères en ce moment. Lui mentir encore ne l'aurait clairement pas aidé. Et puis, sa tante n'aimait pas lui cacher des choses.
Une fois ses explications finies, elle ne parvint pas à se retenir et le pris dans ses bras. C'était un réflexe, elle n'aimait pas le voir pleurer. Il fallait qu'elle le rassure. Même si elle ne savait pas ce qu'il pensait pour le moment. Et elle le fit tout en sachant qu'il y avait un risque qu'il la repousse pour lui avoir menti.

-Je... je t'en veux pas... C'est pas à toi que j'en veux...

Pauvre Anya. Elle avait clairement cherché ce qui lui arrivait et elle devait s'y attendre finalement. Mais pour Adrian, c'était triste. Ne pas le dire à son fils, c'était un choix qu'elle pensait bon. Parce qu'il faut bien dire qu'au début Anna était d'accord avec elle. Mais il n'y avait pas moyen de savoir vraiment ce que cela ferait avant que cela n'arrive. Et aujourd'hui, la jeune femme comprenait que c'était peut-être une mauvaise idée. Le pauvre garçon était un peu plus touché encore. Et il en voulait encore plus à une femme qui ne demandait plus que sn amour. Oui, parce que même si elle avait mal agit, Anna était persuadée que sa sœur n'avait jamais voulut leur faire du mal, à elle ou à Andreï. Et pourtant, l'un comme l'autre étaient un peu plus déçus chaque jours.

-Comment est-ce qu'il est mort ?

Anna ne s'attendait vraiment pas à cette question. C'était assez horrible et la jeune femme ne tenait pas particulièrement à s'en souvenir. Mais si il lui demandait, elle voulait le faire. Elle lui devait bien ça. Elle avait bien compris que ça ne serait pas Anya qui lui en parlerait. Mais il avait bien le droit de savoir ce qui était arrivé à son frère. Même si c'était compliqué. Anna pris une grande inspiration et se lança... un peu comme elle pouvait.

-Comme je te l'ai dit ça... ça s'est mal passé. Adrian ne s'était pas bien présenté à la naissance. Il a suffoqué quelques minutes et il... il a arrêté de respirer je crois. Je... j'avoue que je n'ai pas tout suivi. Il se passait un peu tout en même temps...

Ce n'était pas grand chose, mais elle n'avait pas mieux. Elle avait été un peu perdu ce jour-là. Et pour le coup, Anna aussi versa sa petite larme. Après tout, ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait simplement ignorer.
En le voyant comme ça, si dépité devant cette image de son frère, Anna eut une idée qui finalement n'était pas une si bonne idée. Mais peut-être que cela lui ferait du bien? Elle ne le savait pas, mais avec un peu de chance, elle lui ferait un peu plaisir en lui proposant cela elle-même.

-Andreï est-ce que tu... tu n'es pas obligé de dire oui, mais... est-ce que tu voudrais aller le voir?

Savoir où il était et pouvoir être capable de concrètement savoir qu'on ne l'avait pas oublié pouvait peut-être l'aider à assimiler la chose. Et maintenant qu'il était au courant, il pourrait toujours compter sur Anna pour l'accompagner là-bas.

Le pauvre Andreï devait se sentir vraiment bizarre. Ce n'était pas facile à encaisser comme nouvelle. Si ça se trouve, il avait eut ce rêve quand il était petit, d'avoir un frère ou une sœur. Comme tout les enfants qui grandissaient sans cette présence fraternelle. Ce qui pouvait rendre la chose plus difficile encore. Mais finalement, Anna ne savait pas si il avait eut ce genre de rêves. Son neveu avait toujours été un garçon particulier. Parfois c'était dans le bon sens, et parfois dans le mauvais. Non pas que la jeune femme avait l'habitude de dire quoi que ce soit de mal sur son neveu. Elle ne se le permettrait jamais. Elle l'aimait trop. Et puis elle le trouvait bien trop adorable pour lui reprocher quoi que ce soit. C'était son petit chéri.

Pour le moment, Anna ne faisait que constater les dégâts. Et ce n'était pas brillant. La pauvre femme s'en voulait de se trouver aussi faible devant lui. C'était comme si elle ne pouvait rien lui refuser. Alors oui, là, ça aurait signifié lui mentir une nouvelle fois. Mais cela n'aurait-il pas signifié le préserver de quelque chose de douloureux? Certainement. Maintenant c'était trop tard. Et sa tante s'en voulait beaucoup de le voir dans cet état en sachant que c'était à cause d'elle.
Ceci dit, elle ignorait totalement ce que pensait son neveu sur sa mère et la naissance d'Adrian. Parce que jamais la jeune femme n'aurait été capable d'imaginer sa sœur perdre la vie lors de la naissance de ses fils. C'était tellement douloureux qu'elle n'y avait même jamais pensé. Elle n'avait jamais douté qu'Adrian aurait été un garçon charmant et qu'il aurait été très agréable de le voir grandir avec son frère. Mais Anna n'aurait pas supporté de perdre sa sœur pour autant... depuis quand la vie était belle?

La proposition que sa tante lui avait faite d'aller sur la tombe de son frère était certainement un peu osée. Mais elle voulait lui montrer qu'elle était ouverte et prête à l'accompagner. Si il ne voulait pas le faire maintenant, ils n'iraient pas. Si il avait besoin de pleurer cette disparition aussi soudaine, elle lui tendrait les bras. Si il voulait rester seul une journée pour assimiler tout ça, elle ferait le reste seule. C'était lui qui décidait. La jeune femme, ça faisait seize ans qu'elle avait assimilé. Lui, il venait de l'apprendre. Ça serait certainement encore long et difficile. Tout ce qu'il fallait maintenant c'était éviter qu'Anya apprenne que sa sœur lui avait parlé de cet accident.

-Oui... oui, je crois qu'il faut que je le vois.

D'accord, ils iraient. Le pauvre devait certainement situer un peu mieux les choses. Et de toute façon, Anna pensait y aller bientôt. Certainement à la rentrée. Quand Andreï ne serait plus là. Mais puisqu'il voulait y aller, ils iraient à deux.

-D'accord. Tu vas t'habiller?

Elle lui parlait gentiment, d'un ton très doux. Presque à  voix basse en fait. Mais ce n'était pas vraiment par gêne. Elle voulait juste être encore plus douce que d'habitude. Parce qu'Anna avait cette impression que c'était de ça qu'il avait besoin. Peut-être qu'elle se trompait encore. C'était possible. Mais au finale ça devenait surtout un réflexe.
Une fois habillés tout les deux, Anna les emmena jusqu'au cimetière. C'était un peu déprimant en fait. Mais d'habitude, elle venait seule ou avec sa sœur. Venir avec Andreï c'était... différent... et assez perturbant. La jeune femme lui avait dit qu'elle le ferait alors elle le guida dans les allées jusqu'à ce qu'ils arrivent devant une imposante pierre tombale en marbre blanc. Et oui, Anya voulait faire les choses bien, déjà à l'époque. C'est pourquoi cette tombe qui portait le nom de son fils se démarquait assez fortement de ses voisines. Une fois devant, Anna soupira une fois et regarda Andreï. Le pauvre chéri. La jeune femme passa sa main sur la joue de son neveu.

-Andreï, ça va?

Encore une fois, on l'entendait à peine. Mais ce n'était pas le but. Elle voulait juste s'assurer qu'il ne se sentait pas trop mal. Parce que de toute façon cela ne devait pas être brillant. Mais elle ne tenait pas à le ramasser à la petite cuillère... à cause d'elle...

Quand il était plus petit, Andreï allait parfois avec sa mère ou sa tante à différents cimetières pour voir les maris décédés de la veuve noire. C'était triste, c'était déplacé certainement pour un enfant aussi jeune, mais surtout c'était fini. Le jeune homme n'aimait pas ces endroits lugubres. Il ne voulait plus y retourner. C'était normal. Mais sa tante comprenait qu'il veuille tout de même retenter cette fois. C'était pour Adrian, ce n'était pas pareil qu'avec les maris d'Anya. Il s'agissait d'un frère, d'un jumeau. D'un enfant qui n'avait pas même eut le temps d'en devenir un. Et cette fois, la mort n'était qu'un accident. Un accident que tout le monde avait toujours regretté. Un cas tout à fait particulier et particulièrement triste.

Une fois devant cette pierre blanche, Anna ne savait plus vraiment quoi faire ou quoi dire. D'ailleurs, elle n'avait jamais vraiment parlé devant cette tombe. Parce que soit elle était seule, soit elle n'était que près d'Anya qui s'effondrait toujours. Si elle avait pleuré devant les tombes de ses maris, jamais elle n'avait été aussi faible que devant le marbre de celle-ci. Anna comprenait pourquoi maintenant. Et c'était affreusement déplaisant. Perturbant même.
Qu'elle demande à Andreï si il allait bien ne servait pas à grand chose finalement. Parce qu'il était évident qu'il n'allait pas bien. Et lorsqu'il s'accroupit, sa tante fit de même pour poser sa main sur son épaule. Le pauvre devait penser à tout un tas de choses en même temps. Et pas des plus agréables. Mais malheureusement, ce n'était pas fini. Ces deux-là ne devaient pas avoir eut leur dose de souffrances. Il fallait qu'ils subissent encore d'autres épreuves. La jeune femme essayait de le réconforter par le geste quand...

-Anna!

Elle se redressa pour ne pouvoir que constater ce qu'elle aurait aimé éviter à tout prix. Anya avait sans doute pensé qu'il serait bon de venir veiller son fils aujourd'hui. Elle avait voulut venir voir Adrian aujourd'hui, comme si le sort s'acharnait sur son fils et sa sœur. Anna se releva et voulut se justifier. Elle bredouilla quelques mots mais Anya la pris par le bras et l'entraîna un peu plus loin. Elle était visiblement folle de rage. Sa petite sœur ne savait pas qui dire, elle voulait s'excuser, ou au moins lui demander pardon. Elle ne lui en laissa pas le temps, ou pas vraiment. Anna commença très vite à pleurer devant un tel déluge de reproches.

-Mais à quoi tu pensais?! On était d'accord, on ne devait pas en parler!
-Il m'a demandé, je ne veux pas lui mentir et...
-Il t'a demandé? Et comment il l'a appris? Ne me prend pas pour une idiote Anna, tu m'a trahis, c'est tout!
-Pardon Anya, j'voulais pas te...

Anna fut coupée. Pas parce que sa sœur avait continué à déversé sa colère dans ses paroles. Mais parce qu'elle l'avait laissé s'échapper come jamais elle ne l'avait pas. Toute cette colère avait été lâchée d'un seul coup de la manière la plus forte jamais utilisée par Anya. Anna avait été coupée par une gifle que venait de lui donner sa sœur. Elle resta figée, ne faisant que porter sa main à sa joue. Jamais sa sœur n'avait levé la main sur elle. Et elle était plus que surprise.
Anya se retourna et alla vers Andreï.

-Et toi? Ça y est? Tu es content? Je suis enfin la méchante de ton histoire?!

Cette fois c'était elle qui était au bord des larmes. Anya était juste venu voir son fils. Elle voulait juste passer un peu de temps près de lui. Parce que même si ce n'était pas vraiment de sa faute, elle s'en voulait toujours de l'avoir perdu. Mais voilà, elle avait trouvé Andreï et Anna sur sa tombe de son bébé. La belle se tourna vers la tombe en ignorant sa famille.

-Allez-vous en maintenant. Vous n'avez rien à faire ici.

Anna revint vers Andreï sans rien dire et le pris doucement par le bras. Elle voulait faire ce que sa sœur demandait. Elle lui avait désobéit une fois aujourd'hui, c'était suffisent...

Anna n'aimait pas du tout la manière dont tout cela se passait. Pour commencer, rien que de venir ici était limite. Un cimetière et Andreï ça n'allait pas, et depuis un certain temps. Et là, il s'agissait de son frère pourtant encore inconnu. Le pauvre n'en menait pas large et c'était tout à fait normal. Et oui, n'allez pas croire que cet enfant n'était pas normal. Andreï Armyanski était un garçon tout ce qu'il y a de plus basique qui avait connu une histoire particulière. Et particulièrement désagréable surtout. Mais il semblerait qu'il devait subir une période extrêmement difficile. Une période qu'il devait visiblement partager avec sa tante. Ceci dit, Anna avait pris un peu d'avance avec son incapacité à avoir des enfants. Chose qui l'usait depuis plusieurs années. Mais bon, Andreï avait certainement sa dose à force. Et puis lui, il avait en partie le caractère bien trempé de sa mère. Oh oui, quand ce petit s'énervait, on le sentait passer. Il semblerait que cette fois, c'était sa mère qui devrait se prendre cette furie en pleine tête.

Anna était restée un peu bloquée après cette correction reçue de sa sœur. C'était inédit et elle espérait vraiment que plus jamais elle n'aurait à revivre ça. C'était affreusement humiliant d'abord, puis douloureux surtout. Mais pas seulement physiquement. Même si il était certain que ce picotement sur sa joue ne la quitterait pas tout de suite. Non, ce pincement au cœur qui lui faisait affreusement mal, d'un seul coup. Ce n'était jamais arrivé, mais c'était certainement ce que la jeune femme avait craint. Quelque chose avait été brisé entre elles. Quelque chose avait cédé entre les deux sœurs et la plus jeune ne se sentait plus à sa place. Elle avait eut peur qu'elles finissent séparées et fâchées comme leur mère et leur tante. Ça avait toujours fait peur à Anna d'ailleurs. Parce que sa sœur avait toujours été aussi sa meilleure amie. Mais quelle amie vous gifle comme ça? Quelle amie pourrait vous rendre si mal? Pas une amie. Une sœur qui vous en veut.

-Oh mais t'as toujours été la méchante de l'histoire, maman.

Non, non, qu'elles se fâchent entre elles d'accord. Mais Anya et son files avaient assez de mal comme ça. Il ne l'avait jamais appelé maman. Dans cette langue ça mettait tellement de distance. Il reniait  tout ce qu'elle lui avait appris et Anna ne pouvait plus rien faire. Et ce ton, cette colère qu'il avait contre elle, ça faisait peine à voir. Et c'était Anna la responsable. Si elle ne l'avait pas amené ici, rien ne serait arrivé.

-Essayes pas de nous apitoyer, d'accord. Anna a eu raison de m'emmener ici, elle a eu raison de m'en parler. C'est ce que t'aurais dû faire, toi aussi. Avant ou après m'avoir dit que t'étais une cinglée et une psychopathe, mais t'aurais dû m'en parler.

Quelque part, Andreï avait raison. Anya avait trop souvent pleuré pour des mensonges. Comment la croire maintenant? Mais en même temps, Anna ne pouvait pas s'empêcher de penser que sa sœur s'en voulait, ne serait-ce qu'un tout petit peu. C'était la première fois qu'elle la giflait et il pensait vraiment que cela ne lui faisait rien. Même si c'était étrange, voire même déplacé, Anna comprenait sa sœur. Bien sûr, elle ne se serait jamais permis de la frapper. Mais elle devait se sentir trahie de tout les côtés et elle se défendait comme elle pouvait. De bien piètre excuses d'une petite sœur qui cherchait à comprendre. Parce qu'Anya n'était pas une femme comme les autres. Elle tuait et trompait par plaisir. Mais ça, ni sa sœur ni son fils ne le savaient vraiment pour le moment.

-Alors, non, désolé, je partirais pas.

La jeune femme n'aimait pas du tout ces mots. Il défiait Anya et elle finirait forcément par craquer aussi avec lui. Elle les aimait, d'accord, mais c'était une femme colérique et il n'était pas trop tard pour leu montrer. Jusqu'à maintenant, jamais Anna n'avait vu sa sœur dans cet état. Raison pour laquelle elle ne savait pas du tout comment réagir face à elle. C'était... surprenant.

-Tu peux y aller, si tu le souhaites.

Andreï s'était tourné vers elle et lui avait dit ça si gentiment. Oui elle pouvait y aller. Oui elle voulait y aller. Mais elle ne le ferait pas. Parce que maintenant, quoi qu'il dise, sa mère était triste et visiblement en colère. Si elle devait décider de s'en prendre à lui aussi, Anna préférait être là pour limiter les dégâts. Elle sourit à son neveu et se rapprocha un peu de lui. Elle resterait là, avec lui.

-Moi je reste, j'ai pas l'intention de m'en aller. T'as pas tous les droits maintenant. Et surtout, t'as pas le moindre droit sur moi. Si tu veux me virer d'ici, il faudra que t'emploies la manière forte... mais vu la façon dont tu traite ta propre soeur.... je suppose que c'est pas un problème pour toi.

Il la provoquait. Il la cherchait visiblement. Et malgré les quelques larmes qu'elle avait au bord des yeux, Anya bouillonnait. Elle allait craquer, c'était obligé.

-Ne me provoque pas Andreï! Je vous aime, tout les deux, mais j'ai mes limites. Et j'aurais tout les droits sur toi tant que tu seras mon fils, ce qui n'est pas vraiment négociable.

Anya pointa ensuite la pierre blanche qui couvrait son fils. Celui qu'elle n'avait jamais eut l'occasion de connaître, d'élever et d'aimer.

-Par respect pour lui tu ne peux pas tout te permettre ici. Je me moque de savoir ce que tu penses de moi ou même d'Anna. Mais souviens-toi qu'Adrian n'a pas eut la même chance que toi. Je ne l'ai perdu lui que parce qu'il était plus grand que toi. C'est ta faiblesse qui t'a fait vivre Andreï. Tu es toujours faible aujourd'hui, essayes de ne pas l'oublier.

Anna trouvait la situation plus que pesante. Elle avait dévidé de rester près d'Andreï, c'est vrai. Mais elle n'avait pas prévu qu'Anya serait si blessante. Jamais elle n'avait été si blessante envers lui. Sur ce coup là, la jeune femme avait été terriblement naïve. Rien que la gifle devait lui mettre la puce à l'oreille. Parce que ça non plus Anya ne l'avait jamais fait. Alors cela pouvait faire plus qu'indiquer à sa sœur qu'elle était à bout et presque prête à tout. Comme pousser le vice jusqu'à rabaisser son fils. Mais Anna n'aimait pas ça. Pourtant elle ne pouvait rien faire. C'était une question de principe. Elle ne pouvait pas s'en prendre verbalement ou pas à son aînée.

Que ce soit Andreï ou Anya, ils étaient totalement furieux et une fois encore, Anna se trouvait au milieu. C'était la position la moins confortable de l'univers et elle détestait ça. Pourtant, c'était souvent au milieu de ces deux personnes qui comptaient le plus pour elle qu'elle se trouvait en ce moment. Douloureux? Certainement. Mais est-ce qu'elle avait le choix? Oui, aussi. Mais tant pis. Parce que c'était Anna et que le jour où elle s'imposerait face à l'un ou à l'autre, c'était pas tout de suite.

-Peut-être que ton fils n'est qu'un faible, mais ne compte pas sur cet argument pour que je me taise, parce que tu sais quoi ? J'en ai marre, du silence ! Il est en train de me bouffer, de me détruire. Peut-être que je suis juste une pauvre chose fragile, mais j'ai le droit de m'exprimer, et si je me permets de t'en parler devant la tombe de mon... frère. C'est parce qu'en trahissant mon honneur, tu as aussi trahi le sien.

Jamais Anna ne l'avait vu dans un tel état. Il était tellement... agressif. Ça faisait presque peur. Elle ne le reconnaissait plus. Andreï avait changé. Et pas seulement parce qu'il était maintenant un adolescent rebelle. Il avait vraiment changé. Ce n'était plus le garçon doux et plein d'affection qu'Anna avait chouchouté. Oh, elle le chouchouterait encore un certain temps si vous voulez mon avis. Parce qu'il était toujours son petit chéri. Mais maintenant, elle le verrait un peu plus... grand. Il s'affirmait de plus en plus et même si ce n'était pas une mauvaise chose, c'était un peu étrange.

-Tu as peur que je lui manque de respect, hein ? Mais je le respecte, moi, j'ai pas tué son père de sang-froid, moi ! De qui peut-on reprocher l'attitude ? De celui qui règle son compte devant la tombe de son frère où de celle qui a insulté la mémoire de trois hommes en allant pleurer des larmes de crocodile sur leurs tombes ?

Andreï avait l'air d'être décidé à frapper là où ça faisait mal bien qu'en réalité, Anya ne devait pas avoir si mal que ça. Parce qu'après tout, elle avait vraiment tué ces hommes. Si elle avait ressenti quelque chose en allant pleurer sur leur tombe, ce n'était pas maintenant qu'elle allait insister dessus. Ou même regretter.

-Le sang dira que je suis toujours que je suis ton fils, mais moi, maman, moi, jamais, non jamais, je ne te considèrerai plus comme ma mère. Non, t'as aucun droit sur moi. Dès que je serai majeure, je me barrerai loin de toi, et je... Je n'aurais plus de mère. Je me considèrerai comme orphelin, voilà.

Là il y allait fort. Anna ne dit rien, parce qu'elle n'avait rien à ajouter à cela. Andreï avait tout dit. Vraiment tout. Si il partait, si il se considérait orphelin, c'était aussi elle qu'il fuirait. Et elle ne voulait pas qu'il parte comme ça. Elle ne voulait pas le laisser tomber. Malgré elle, Anna exprima son angoisse en serrant un peu plus Andreï qu'elle n'avait pas lâché depuis qu'il lui avait proposé de partir. Elle l'aimait son petit neveu.

-Et bien quand tu seras majeur tu feras ce que tu veux. Mais pour le moment c'est toujours par moi que tes petites affaires passent. C'est toujours sous ma responsabilité que tu es et ça encore pour quelques temps. Quand au respect que je devrais à mes maris, je ne leur doit rien. Je ne pleur sur leur tombe que parce que je peut y danser. Et tu ne leur doit rien non plus. Mais Adrian, tu ne peux pas en parler comme ça. Oui c'était ton frère. Et je l'ai aimé autant que toi. même si tu es faible Andreï, tu es mon fils et tu trouveras toujours quelqu'un pour te protéger...  

Il y avait des situations qui ne semblaient pas pouvoir s'arranger. Et pas que sur le long terme. Regardez les Armyanski dans ce cimetière. Ils étaient totalement perdus dans des sentiments et des paroles qui les dépassaient tous. Anna était plus partagée que jamais. Elle ne voulait trahir personne ni ne blesser personne. Elle ne comprenait pas toujours les réactions qu'elle ne pouvait qu'observer. Andreï laissait parler des années de retenue qu'ils lui avaient bloqué l'esprit et le cœur. Il était comme possédé. Et Anya... sa sœur n'arrivait plus à la suivre. Elle était trop contradictoire. Mais ce qui était sûr, c'est que la mère comme le fils n'en avaient pas fini. Ils n'avaient pas encore complètement détruit leur relation. Si elle avait optimiste Anna aurait espéré que cette conversation finisse par leur ouvrir les yeux et qu'ils puissent se réconcilier. Mais il ne fallait pas trop espérer à ce niveau.

Il fallait dire que de son côté, Anya n'était pas la plus enchantée du monde non plus. Mais il faut dire que cette conversation avait du bon. Pour elle, que son fils parle un peu ne pouvait pas faire de mal. Elle supportait sans mal les reproches qu'il lui faisait. Après tout, elle l'avait mérité. Et puis ça lui ferait du bien, à lui. Depuis le temps qu'il se retenait.

-Je n'ai jamais dit de mal d'Adrian, et je n'en dirais jamais. Maman, ne va pas croire le contraire, absolument tous mes reproches t'étaient adressés. Si tu ne veux pas qu'on fasse une scène ici, alors casses-toi. Tu as pu fleurir cette tombe tous les jours, je découvre seulement qu'elle existe. Il est autant mon sang que le tien. J'avais autant le droit que toi de lui rendre visite tout ce temps.

Au moins Andreï restait clair et pensait plus ou moins raisonnablement. Adrian n'avait effectivement rien fait pour mériter le mépris de qui que ce soit. Ni même la colère de qui que ce soit. En fait, Adrian ne méritait que de l'amour et de la compassion. Un petit être humain qui avait tout juste eut le temps de se rendre compte de ce qu'était la vie avant de connaître sa fin. C'était juste triste. Et c'était parfois douloureux d'y penser. Pour ceux qui pouvaient y penser en tout cas. Et ils n'étaient pas beaucoup. Ils étaient un de plus maintenant, mais ça restait très restreint. Que la famille en fait. La famille proche... très proche.

-Oui, je trouverais toujours quelqu'un pour me protéger, et de toi en premier. Ce qui est certain, c'est que tu es la dernière personne au monde de qui je veuille la moindre protection.

Anna se doutait bien que sa sœur n'avait pas parlé de protection dans ce sens. Mais elle devait s'y attendre tout de même. Elle avait plus que tendu la perche. Pourtant, Andreï avait tord sur un point. Sa mère était une femme pleine de volonté et qui savait se faire comprendre. Elle pouvait protéger son fils mieux que personne. Enfin, sur certains points. Parce que du coup elle ne l'avait pas épargné non plus. Mais disons que si un jour il devait avoir des ennuis, elle serait la plus efficace. Ou toujours plus que sa sœur. Bien que si ça touchait Andreï, elle pourrait en surprendre plus d'un.

-Si tu veux. Mais si tu veux rester ici tu devras faire avec moi. Je n'ai pas fleuri cette tombe tout le jours comme tu dis pour arrêter maintenant.

Anna espérait qu'ils s'arrêteraient là et qu'ils puissent se supporter le temps de saluer Adrian. Une sorte de trêve le temps de penser un peu à ce pauvre petit. Mais sa sœur ne semblait pas d'accord avec cette idée.

-Quand à ta protection, j'espère pour toi que tu ne parlais pas de ta tante...

Anna fut des plus surprises d'entendre cette remarque. Anya la prenait pour une faible. C'est vrai qu'avec elle la jeune femme n'était pas particulièrement forte. Mais jusqu'à maintenant elle n'en avait pas eut besoin puisque c'était elle sa protectrice. Maintenant il faudrait qu'elle y réfléchisse plus sérieusement. Mais Anna n'avait pas vraiment envie d'entendre ça, là, ici et maintenant. Elle caressa l'épaule d'Andreï, lui fit un très léger sourire et partit. Il était grand, il pourrait rentrer seul. Et il le ferait quand il le voudrait.

Pour Anya, être ici, c'était particulier. Elle n'avait pas fait enterrer son fils au même cimetière que son père biologique. C'était une question de principe. Parce que ce n'était pas le même sentiment qu'elle avait pour l'un ou pour l'autre. Et de toute manière, Adrian n'avait aucune raison d'être près de son père. Puisque ce dernier ne l'avait jamais été. Tout ce que ce type avait fait c'était mettre enceinte Anya avant de mourir pitoyablement. Et puis c'est tout. Alors les jumeaux portaient le nom de leur mère et elle avait été la seule à vraiment les aimer comme un parent. Mais venir sur cette tombe était particulier. C'était le seul proche d'Anya qui été mort sans l'avoir mérité. Ce qu'il y avait d'ironique là-dedans, c'est de savoir qu'au début elle avait voulut se débarrasser de ce bébé qu'elle ne devait qu'à un accident. Mais alors qu'elle avait changé d'avis, elle se retrouvait quand même avec un fils décédé. Heureusement qu'il y avait eut Andreï. Autrement il était fort probable que les choses se seraient passé autrement.

Anna avait préféré partir. C'était peut-être le mieux, en effet. Anya n'était pas d'humeur à se montrer gentille et attentionnée avec elle. Pas du tout... et en fait, Anya n'était pas d'humeur à être gentille avec une autre personne qu'Adrian. Le pauvre n'avait rien fait et ne méritait pas tant de haine. La belle n'était pas particulièrement croyante, mais disons qu'elle avait tout de même cette impression que ses sentiments pouvaient passer ce voile de la mort pour aller jusqu'à son fils. Elle ne se l'expliquait pas et se moquait bien de savoir ce que les autres en pensaient. Ici, elle se sentait proche de son fils et ne s'en cachait pas.

-Tu sais quoi, maman ? Même un veracrasse saurait mieux prendre soin de moi que toi ! Anna aurait fait une mère exemplaire, elle. Et si il fallait que ni lui ni moi ne soyons jamais nés pour lui permettre, à elle, d'être mère, eh bien j'échangerais ma place sans problèmes.

Oui, là ça faisait un peu mal quand même. Bon, il fallait bien admettre qu'à ce niveau-là, Anna avait toujours été bien plus douée que sa sœur. Que la jeune femme avait plus que mérité de connaître ce plaisir d'être mère. Et que sa sœur était tout à fait d'accord avec ça. Mais tout de même. C'était bien Anya qui avait pris soin d'Andreï. C'était bien elle qui l'avait éduqué. C'était elle qui avait fait de lui ce qu'il était. Elle avait fait de son mieux pour qu'il reçoive une éducation plus que correcte, qu'il ne manque de rien, qu'il soit un minimum heureux malgré ce qui se passait autour de lui. Elle avait fait de son mieux malgré la situation. Mais jamais elle n'avait regretté d'avoir eut ce fils et cela lui faisait de la peine de le voir douter et renoncer à tout cela sans regrets.

-Et bien vas-y, retourne donc avec elle puisqu'elle est si bien.

C'était surtout la colère qui lui faisait dire cela. Parce qu'elle n'avait pas vraiment apprécié le voir partir de chez elle pour aller chez sa tante. D'habitude ce n'était pas un problème, mais d'habitude c'était juste pour un week-end, pour changer un peu, pour partager un peu de temps avec Anna. Mais là, c'était juste pour la fuir elle. C'était parce qu'il rejetait sa mère et allait s'en trouver une ailleurs.

-Mais crois-moi, si elle arrivait à se protéger elle-même pour commencer ça serait déjà bien. Tu as raté pas mal de choses et tu ne la connais pas si bien. Alors sois mignon et réfléchit un peu avant de parler.