Depuis qu'elle connaissait Aiden Fawcett, Morticia essayait de faire de petits efforts. Avec lui, c'était facile. Ce qui l'était moins, c'était à Poudlard. À l'école elle n'avait et ne voulait aucun lien particulier. À quoi cela pouvait-il bien servir au fond? Elle était professeur, pas mère ou psychologue de ses habitants. Non mais sans blagues. Ils ne devaient pas attendre après elle et l'ont d'ailleurs très bien compris. Ceci dit, depuis qu'il y avait Aiden, Morty se demandait si elle ne devait pas faire un petit effort.

Avant, elle se disait que c'était son caractère d'être désagréable et que de toute façon c'était comme ça. Mais maintenant qu'elle avait connu cette affection avec Aiden et qu'elle s'était vu capable d'être agréable, pourquoi pas? Si cela pouvait lui éviter d'être renvoyée, ce n'était pas une si mauvaise idée. Changer ne serait pas facile, surtout qu'elle avait ses habitudes et sa réputation. Et que tout le château la voyait déjà comme une femme sans cœur pleine de sadisme. Bon, il est vrai que parfois ce n'était pas totalement faux. Mais pas que. Et c'était ça qu'il fallait qu'elle travaille. Et pour commencer, elle avait certainement trouvé l'occasion et le sujet idéal.

Andreï Armyanski était un jeune homme qui se débrouillait assez bien en cours avec elle et qui avait la qualité appréciable d'être dans cette maison que le professeur aimait tout particulièrement. En bref, ce n'était pas le genre de garçon que Morticia prenait en grippe et il ne devait pas avoir à trop se plaindre d'elle. Du moins, pas autant que d'autres. Mais même en tant que professeur assez peu attentive, elle avait remarqué des choses. Avant, il était un minimum actif en cours, ou au moins attentif. Sauf que depuis quelques temps, il était plus... enfin moins... différent quoi. Si elle devait être reconnue plus sympathique par le château et ses habitants, il fallait bien commencer quelque part. Elle pouvait toujours essayer quelque chose avec lui. Au moins, ce n'était pas le jeune Armyanski qui lui poserait le plus de problèmes si cela ne marchait pas.

Après sa journée de cours avec Aiden, elle était revenue dans une humeur relativement bonne. Morty avait pris ses dispositions pour rentre à l'heure pour le rendez-vous qu'elle avait donné au jeune homme. Assise à son bureau, puisqu'elle avait un peu de temps, elle en profita pour sortir l'un de ses chéris. Les pauvre aussi avaient besoin de sortir un peu de ses appartement de temps en temps. Cette fois c'était son python blanc. Le professeur Mathews le laissait s'enrouler autour d'elle, posant sa tête directement dans sa main. La jeune femme ne s'inquiétait pas. Ses reptiles savaient qu'elle n'était non seulement pas une menace, mais en plus celle qui leur fournissait nourriture et protection. C'était aussi elle qui leur donnait de l'affection. Alors jusqu'à maintenant, ils n'étaient pas très agressifs. Et si jamais cette idée leur traversait l'esprit, elle préférerait les tuer elle-même que de les voir devenir un danger pour les autres. Il ne fallait tout de même pas exagérer.

Caressant toujours la tête de l'animal, elle entendit son élève toquer à la porte. Morticia l'invita à entrer d'une voix étonnamment cordiale et le fit s'asseoir sur la chaise vide devant son bureau. Il fallait pourtant y aller doucement. À la base, elle n'avait professionnellement aucune obligation envers le jeune homme. Et c'était même dans un but purement personnel. Mais cela ne pouvait pas non plus lui faire de mal à ce garçon.

-Vous savez, vos professeurs ne sont pas totalement aveugles. Et nous avons bien vu que quelque chose n'allait pas.

Oui, bon, jusque là, elle ne se mouillait pas trop. Mais le dire n'était pas superflu. On ne sait jamais. Et au moins ça plante le décors.

-Je ne veux pas non plus mettre mon nez dans des affaires qui ne me regardent pas, mais si vous avez des problème d'une quelconque nature il peut être bon d'en parler. Je ne vous dit pas non plus de forcément venir vers moi pour ça. Je ne vous oblige d'ailleurs à rien. Mais je suis bien placée pour savoir qu'il n'est pas bon de trop garder les choses pour soi. Maintenant, c'est à vous de voir.

Et oui, la sympathie ça s'apprend aussi. Or notre professeur était justement en plein apprentissage. Mais prenez aussi en compte que c'était Morticia et que c'était déjà pas si mal. Il ne fallait pas qu'il lui en veuille. Essayer de bien faire n'était déjà pas quelque chose de si courant pour elle.

Même après ce qui c'était passé avec Aiden, l'effet que son reptile faisait à son élève passait bien au dessus de la tête. La plupart du temps, ils effrayaient tout le monde de toute façon. Alors maintenant, elle ne faisait plus vraiment attention. Sans compter que ce n'était pas l'objet de son attention du moment. Et puis, même elle faisait peur ici. Elle n'avait donc aucune raison d'être particulièrement prévenante à cause de son serpent. Enfin bref, de toute façon elle s'en moquait alors nul besoin de s'attarder là-dessus.
Le jeune Armyanski réagit immédiatement à ses propos. Décidément elle avait visé juste. En même temps c'était pas très compliqué. Et Morticia était quelqu'un d'assez malin et observateur. Mais depuis peu c'était aussi une personne prévenante. Au moins un minimum. Raison pour laquelle elle n'avait parlé de ses doutes à personne du corps enseignant. Ils avaient qu'à faire ce qu'ils voulaient, elle ne leur devait rien à ces idiots. Puisque justement ils étaient assez idiots pour ne rien voir ou ne rien faire. Et après c'était elle la sadique? On croit rêver. Donc, personne n'avait été mis au courant et personne n'en avait besoin. Et puis, soyez sûrs que si les autres professeurs étaient au courant, ils auraient fait très attention à garder cette chère Miss Mathews bien loin de son élève. Et oui, c'était comme ça, on la voyait comme une femme profondément mauvaise. Et puis elle le vivait bien malgré tout.

-C'est... c'est rien. Il n'y a aucune raison de s'inquiéter pour moi. Je... je dois juste être fatigué, dernièrement, rien de grave, j'vous jure.

Alors ça c'était du mensonge. Sans blague, il la prenait vraiment pour une bille. Elle laissa d'ailleurs échapper un rire moins discret que d'habitude. Sans être tonitruant il avait le mérite d'être clair. Toujours dans ce sourire certainement nouveau pour lui, elle répondit très sincèrement au jeune homme. Vous voyez qu'elle fait des efforts.

-Fatigué, oui, oui. Cela pourrait marcher, oui. Mais vous Mr Armyanski, vous me prenez pour une idiote. Et aveugle avec ça. Parce que vous avez un problème et que je m'étonne d'être la seule à le voir.

Replaçant son python sur ses épaules puisqu'il commençait à un peu trop à descendre sur son bras et pesait son poids, elle soupira doucement. Il fallait peut-être replacer les choses dans leur contexte. Si l'avis général ne lui faisait ni chaud ni froid, peut-être Andreï avait-il besoin d'une autre approche. Cela ne coûtait rien d'essayer. Au pire on la prendrait un peu plus pour une folle. Au point où elle en était, cela n'allait pas changer grand chose.

-Bon, j'ai peut-être abusé un peu les choses tout à l'heure. Je ne sais pas si les autres enseignants ont vu quoi que ce soit et j'admets bien volontiers m'en contrefoutre. Mais même si ça vous surprends, j'ai des yeux et je vous déconseille très fortement de rester dans votre coin comme vous le faites.

Il y avait de fortes chances pour que cela ait changé quelque chose. En tout cas pour elle ça avait changé quelque chose. De le voir comme ça l'avait étrangement fait se sentir concernée par lui. Pas forcément par ses problèmes, mais juste par lui. L'air un peu plus sérieuse mais pas méchante pour autant, Morticia se pencha un peu vers son bureau pour légèrement s'approcher de lui. Ainsi elle pouvait parler moins fort et peut-être avoir l'air moins menaçante. Maintenant, c'était sa pensée et personne n'a dit qu'elle était logique.

-Vous savez, si vous voulez rester seul, c'est tout à fait votre droit. Mais je sais aussi que cela pourrait être dangereux. À force de retenir les choses, elles finissent par vous revenir en pleine tête. Et ce jour là en général les choses tournent très mal. Pas pour les autres bien sûr. Eux s'en moquent. Ils ne se sentent pas concernés. Mais pour vous. Cela peut vous entraîner dans des situations et des états d'esprit que vous n'imaginez pas. Alors vous pourrez toujours vous dire que cela n'arrive qu'aux autres et que vous contrôlez parfaitement la situation. Mais croyez-moi c'est loin d'être le cas.

Morticia préféra marquer une légère pause. Les choses étaient dites et méritaient d'être un peu comprises avant de continuer.

-Je me moque de savoir avec précision ce qui vous dérange. Ce que je ne veux pas en revanche c'est retrouver un étudiant totalement déboussolé dans les couloirs parce qu'il avait très idiotement refusé le peu d'aide qui lui était accordée.

En temps normal, Andreï Armyanski aurait certainement regretté d'avoir menti à son professeur avec autant d'aplomb. Sauf que là, non seulement le but de cette entrevue n'était pas de le traumatiser, mais en plus ce n'était pas les oignons de Morticia à la base. Elle ne pouvait donc pas lui en vouloir complètement. Ceci dit c'était agaçant. Elle détestait qu'on la prenne pour une idiote comme ça. Elle n'était pas aveugle, pas stupide non plus. Alors bon, trouver qu'il avait un problème n'était pas bien compliqué après. Ce qui l'était plus, c'était de parler à ce gosse sans qu'il ne la prenne pour une cinglée. Ça c'est franchement beaucoup plus compliqué.

Quand on y pense, Morticia n'avait aucune raison de s'occuper du cas de ce garçon. Il était donc tout à fait en droit de s'inquiéter. Et peut-être aurait-il raison de le faire d'ailleurs. On ne pouvait pas dire que son professeur était la meilleure dans le domaine de l'humain. C'était même presque le contraire. Faire des efforts ne faisait pas tout. Et justement, là, ça n'avait pas vraiment l'air de marcher. Bon, il faut dire que Morticia avait fait assez de coups tordus pour que plus grand monde ne la prenne au sérieux. Et ils avaient raison, bien sûr. On ne se refait pas totalement. Morticia Mathews ferait certainement encore deux ou trois coups bien méchants avant d'avoir des problèmes. Mais ce n'était pas pour aujourd'hui. Andreï n'aurait pas droit aux crises de son professeur... pas tout de suite en tout cas...

-Mais qu'est-ce que ça peut vous faire ! Je ne pose de problèmes à personne. J'ai de bon résultats, j'assiste à tous mes cours. C'est vrai que j'ai pas beaucoup d'amis... C'est peut-être vrai aussi que j'ai des problèmes, mais je n'ai pas l'impression que ça empêche qui que ce soit de vivre tranquillement. Vous n'êtes pas la justice descendue de son socle, tout le monde le sait. Si je me contente de vous promettre que mes problèmes ne dérangeront personne; ça devrait vous suffire, non ?

Bon bah lui, il avait le mérite d'être clair. Et visiblement, Morticia l'ennuyait au plus haut point. Ceci dit, il n'avait pas tout à fait tord. Andreï Armyanski allait en cours, qu'il réussissait la plupart de ses interrogations, et il avait toujours l'air aussi seul. En bref ça allait quoi. Ce gosse pouvait être aussi perdu qu'avant et Morticia se faisait des idées. Toujours aussi calme et peu décidée à le faire souffrir à sa manière, elle se leva pour aller mettre son reptile un peu en hauteur sur une bibliothèque avant de doucement revenir vers son élève.

-Je veux bien vous croire, et au fond je vous le répète, je ne vous oblige à rien. Mais si vous pouvez visiblement me promettre que vous ne dérangerez personne, pouvez-vous me promettre que vous ne serez pas dérangé par vos problèmes. Sans être « la justice descendue de son socle », je sais trop bien comment cela se termine pour vous laisser continuer sur cette pente bien trop glissante pour vous.

Sans blague, vous l'avez regardé la Morty? Ah bah elle elle y avait foncé sur la pente glissante. Et c'était pas fini. La seule chose étant qu'elle essayait de remonter un tout petit peu... ou au moins elle ne courait plus vers le mur...

-Si vous voulez partir je ne vous retiens pas. Mais n'oubliez pas que c'est de vous dont il s'agit et je ne saurais trop vous conseiller de rapidement vous entourer. Ces choses-là vont plus vite qu'on ne le pense.

Morticia comprenait bien que ce n'était pas évident. Pour plusieurs raisons. Déjà parce que le problème qui rongeait le jeune homme n'était peut-être pas quelque chose à crier partout. Un problème est bien souvent trop personnel pour qu'on en parle... surtout à un professeur. Et quel professeur!! justement, la seconde raison était tout à fait évidente: il s'agissait de Morticia Mathews. Personne ne veut parler de ses petits ou gros soucis à Morticia Mathews. D'ailleurs, personne ne veut lui parler de rien. C'est logique. Cette femme est une tyrannique de renommée... bon, pas mondiale... ni même nationale... mais au moins dans le monde de Poudlard.

Mais maintenant, à ce moment précis, aussi étrange que cela puisse paraître, Morty essayait vraiment de l'aider. Oui c'était bizarre. Oui elle s'y prenait comme un manche. Mais elle essayait. C'était déjà bien. Et le jeune Armyanski qui était loin d'être un imbécile avait très bien compris pourquoi. Son professeur avait certaines connaissances personnelles qui, en effet, pouvait lui faire voir comment Andreï risquait de finir. Et quelque soit l'option qu'elle voyait, ce n'était jamais très bon. Alors oui, elle, Morticia Mathews, voulait aider l'un de ses élèves. De ces élèves qu'elle détestait d'habitude. Mais lui, il n'était pas pareil. C'était un des rares à ne pas la chercher en cours, à se tenir tranquille, à travailler un minimum. Et probablement l'un des rares à la comprendre quand elle leur parlait, la plupart n'avaient pas envie de le faire, cela comptait aussi. Mais ce jeune homme avait l'air d'avoir un minimum d'envie. Ou alors des parents exigeants, ce qui est possible aussi.

-Je ne peux pas vous promettre ça... Je peux pas vous en parler c'est... c'est personnel, ça regarde que moi. Et oui, c'est grave, et non, je ne peux pas promettre que ça ne finira pas par avoir une mauvaise influence sur moi. Mais... très honnêtement, professeur, je ne vois vraiment pas ce que vous pourriez faire pour moi. C'est... quelque chose qui va me poursuivre, qui ne partira pas. Je ne peux pas l'empêcher, personne ne le peux. Ça restera en moi et vous ne pouvez rien y faire.

Le pauvre garçon. Il avait l'air hésitant et un poil chamboulé. Mais peut-être qu'il finissait par se laisser aller au doute vis à vis de son enseignante. Le fait qu'il n'ait pas encore passé la porte pouvait être un signe qu'il réfléchissait tout de même à la situation. Et pour une fois que Morticia avait de bonne intentions, c'était encourageant. C'était déjà assez rare comme ça. Si on se mettait à douter d'elle même les rares fois où elle était sincère, la situation risquait de très vite l'agacer.

-D'accord, d'accord. Ne m'en parlez pas alors. Mais je peux tout de même essayer de vous alléger un peu. Moi ou un autre professeur si vous préférez, je peux le comprendre.

Oui, bon, même après cette conversation, elle pouvait très bien comprendre que le jeune homme préfère aller vers quelqu'un comme Slughorn que vers elle. Même si elle ne pouvait pas sentir ce type, il fallait bien reconnaître qu'il avait l'air plus sympathique qu'elle. Et peut-être pas que l'air, c'est vrai. Enfin bref, il était fort probable que le jeune Armyanski ne préfère aller voir quelqu'un d'autre. Mais au moins, Morty aurait mis le feu aux poudres et l'affaire suivrait son chemin.

-Ne me parlez pas de vos soucis, ne me parlez pas tout court si vous ne le voulez pas. Mais aborder n'importe quel sujet peut parfois aider un peu. Vous savez, vous lâcher un peu de tout ce que vous gardez sur le cœur, sur des sujets différents.

Morticia essayait vraiment d'être la plus douce possible. Elle ne voulait pas l'effrayer. C'était encore un peu maladroit, mais elle avait le mérite d'essayer.

À force de travailler ici, en plus d'avoir mauvaise réputation, Morticia avait eut droit à un certain nombre de rumeurs. Et à force, elle en avait appris quelques unes. Il y avait par exemple la plus connue, qui disait que le professeur Mathews était un vampire. Un jour elle trouverait un moyen de l'exploiter. Un vampire. C'est gentil encore. Parce qu'il y avait aussi, par exemple, le fait qu'un membre de sa famille ait été une goule. Bon, pourquoi pas. C'était moins drôle mais pourquoi pas. Quand à la magie noire, tant que ça restait une rumeur, cela ne posait pas de problèmes. Une petite rumeur se répandait mais n'était pas prise au sérieux. Et tant que les ados restaient aussi peu pris au sérieux, il ne devrait pas y avoir de problèmes.
Donc, malgré tout ça, le jeune Armyanski semblait se détendre un peu. Si cela avait été un autre élève, un que Morticia avait bien plus dans le nez, la réaction aurait certainement été différente. Mais là, c'était Andreï Armyanski, un jeune homme qui ne posait pas vraiment de problèmes et elle-même n'avait pas cherché particulièrement les problèmes avec lui. Il n'avait donc pas particulièrement de choses à lui reprocher... en théorie.

-Je sais pas trop si je serai capable de ça.

Bon, bah au moins il lui répondait. Et il ne partait pas en courant se réfugier dans son dortoir. Pire que cela encore, il avait l'air sincère. Morticia comprenait bien que ce n'était pas évident. Elle s'attendait donc à ce qu'il lui dise avoir mieux à faire avant de tout de même partir. À sa grande surprise, le jeune homme osa même un petit sourire.

-Est-ce que ça vous ai déjà arrivé, de découvrir quelque chose, quelque chose de vraiment sombre, d'impardonnable, au sujet d'une personne à laquelle vous tenez ?

Visiblement, il commençait à lui faire confiance. Morticia s'appuya donc contre le dossier de sa chaise à la question du jeune homme. Elle avait intérêt à être à la hauteur maintenant. En temps normal, parler d'elle était un problème. Mais elle avait promis de jouer le jeu et de l'aider alors elle ne pouvait pas l'envoyer bouler. Il y avait plusieurs façon de répondre à cette question. Parce qu'il y avait plusieurs façons de trouver des côtés sombres à ses proches. Se frottant nerveusement les mains elle allait répondre malgré tout à son élève. Si cela pouvait l'aider, pourquoi pas. Elle ne rentrerait pas non plus dans les détails.

-Et bien... Je ne sais pas si ma situation est comparable à la votre, mais il m'est effectivement arrivé d'être très déçue par mes proches.

Rester concise n'était pas dans le but d'éloigner Andreï ou de l'envoyer paître. Mais elle ne  pouvait pas non plus lui parler d'elle et de son passé comme ça.

-Vous comprendrez que je n'en dise pas plus. Mais quoi qui puisse se dire dans cette pièce, cela restera entre nous tant que vous ne me demanderez pas d'en parler. Je veux vous aider, pas vous enfoncer.

Oui, c'était bien de le préciser. Peut-être que cela le rassurerait de savoir que rien ne sortirait de la pièce.

Morticia essayait de comprendre, d'adopter la bonne attitude. Andreï était un garçon qu'elle savait discret et peut-être un peu sensible. Ce qu'il y avait de triste, c'est qu'elle n'arrivait pas du tout à savoir comment agir. Et ce n'était pas seulement parce qu'elle était vraiment nulle avec les gens. Juste parce qu'il était une véritable énigme sur pattes. Le jeune homme avait vraiment l'air triste, perturbé, et certainement un peu seul. En général, il n'était pas le plus populaire ou même un peu entouré. Sinon, croyez-vous sincèrement qu'il serait encore devant son professeur qu'il savait être le plus détesté de toute l'école? Allons, soyons sérieux. Ils étaient aussi désespéré l'un que l'autre et puis voilà tout.

Malgré tout ses efforts, la pauvre femme ne pouvait pas imaginer ce que son élève devait supporter et ne pouvait donc pas adapter son discours à son ressenti. Et d'ailleurs, si elle avait su de quoi il s'agissait, elle ne se serait jamais lancé dans cette conversation. Pas parce qu'elle craindrait cette femme qui était une tueuse extrêmement douée ou parce qu'elle voudrait immédiatement la dénoncer. Simplement parce qu'elle ne se sentirait pas à l'aise avec la situation de son élève et ne serait finalement que d'un piètre secours. Mais elle n'en savait rien et la jeune femme qui, pour une fois, était pleine de bons sentiments laissa poursuivre le jeune Armyanski.

-Je ne comprends pas pourquoi vous vous donnez tant de mal pour moi.

Bonne question. C'est vrai, après tout, pourquoi s'acharnait-elle sur ce pauvre gamin. Lui qui ne lui avait rien demandé. Finalement, la réponse pouvait être un peu confuse, mais il y en avait une. Morticia se sentait peut-être un peu coupable de ne jamais s'être intéressé à une autre personne qu'elle-même ou à ses parents pendant une période qu'elle trouvait très longue. Mais ça, elle ne pouvait le dire au jeune homme qui se tenait devant elle. Ça tomberait dans le domaine du très privé et cela ne le regardait donc pas du tout. Alors oui, elle lui demandait un peu de faire pareil. Mais tout comme lui, Morticia ne pouvait pas parler d'elle et de ses propres petits soucis. Fixant ses mains un peu trop longtemps pour être un simple regard, elle tenta tout de même quelque chose.

-Je suppose que vous m'avez interpellé. J'ai mis trop de temps à comprendre certaines choses et je ne voudrais pas qu'il vous arrive la même chose. Je ne le souhaite d'ailleurs à personne...

C'était déjà beaucoup trop précis. Sans blague, il ne lui restait plus grand chose à chercher à ce jeune garçon totalement perdu. Au moins, il allait certainement comprendre pourquoi elle était aussi appréciée aujourd'hui. Enfin bref, mieux valait passer à la suite. Et heureusement pour elle, Andreï Armyanski ne se fit pas prier.

-Je ne fais pas un caprice, professeur, ce que cette personne a fait est vraiment, vraiment grave. Je ne veux attirer d'ennuis à personne, j'aimerais seulement... oublier.

Morticia le croyait sans aucune difficulté. Il n'était pas le genre de garçons à faire une crise juste  pour se faire remarquer. La plupart du temps, elle le sentait plus distant qu'autre chose. Ce qui indiquerait plutôt l'inverse. Il était juste mal à trop altruiste pour oser le dire. Et c'est là que son professeur préféré intervenait. Pas forcément de la bonne manière ni même en ayant été invitée. Mais tant pis. Elle comptait bien essayer de l'aider un peu.

-Je n'ai jamais parlé de caprices. Je ne crois d'ailleurs pas vraiment à cette théorie de la fameuse "crise d'adolescence". Et je ne peux qu'admirer votre volonté de ne pas nuire. Il faut que vous appreniez à faire abstraction de tout ça. Cela peut être dur, voire impensable, mais c'est nécessaire.

On se rapprochait. Andreï se laissait un peu plus aller librement. Ou disons qu'il était un peu moins stressé. Et pourtant c'était pas gagné. Parce que ce détendre devant Morticia Mathews, c'était impossible. Bon, sauf Aiden. Mais lui, c'était un cas à part. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle pataugeait un peu. Voire même beaucoup. Vouloir, c'était bien beau, mais il fallait pouvoir. Ça c'était autre chose. Quand on est pas doué, on est pas doué, c'est tout.

-Vous n'êtes pas un garçon très suivi. Cela pourrait vous jouer des tours. Oublier est réconfortant, mais un temps seulement. Je sais que ce n'est pas facile, mais ce n'est pas ce qui vous aidera vraiment. À ce niveau je suis incapable de vous aider, et je vous le dit très honnêtement. Mais vous ne vous en sortirez pas seul. Il faut que vous essayez de trouver quelqu'un pour vous soutenir, pour vraiment vous aider. Je peux être là, vous donner de mon temps et mon attention, mais il y a moment où vous toucherez nos limites à tout les deux... Mais en attendant je suis là... et si vous le voulez, je suis prête à vous écouter.

Morticia avait de plus en plus de mal à assumer sa décision. Parler avec ce garçon ne lui apporterait rien. Pas même un esprit tranquille d’avoir essayé de l’aider. Parce que visiblement, il ne voulait pas lui parler. Dans un sens il était un peu comme elle. Du genre à garder ses peines et ses problèmes pour lui, bien cachés au fond d’un cœur brisé. Car regardez-la bien la Morty. Vous croyez qu’elle avait toujours eut ce caractère insupportable? Cette malsaine habitude d’en faire baver à tout le monde? Ce besoin presque vital d’être détestée? Non, bien sûr que non. Il fut un temps où Morticia Mathews était une jeune fille délicieuse. Très docile et presque gentille même. Mais tant qu’elle restait une teigne, on lui fichait la paix et on ne cherchait pas plus loin. Et ce qui avait été une protection et une défense était vite devenu une habitude, un automatisme.

Mais visiblement, Andreï ne voulait pas parler. Tant pis. Son professeur lui avait bien dit qu’elle ne l’obligeait à rien. Elle tiendrait donc sa promesse et ne lui tirerait pas les vers du nez. Cela ne lui servirait à rien à elle. Si elle faisait cet effort, c’était surtout pour lui finalement. Si le jeune Armyanski ne voulait pas saisir cette main tendue, c’était son droit. Et même si cela ne pouvait que lui faire du bien, Morticia ne le pousserait pas plus. Pendant son silence, la jeune femme baissa les yeux, se disant que c’était raté. Elle s’appuya sur le dossier de sa chaise et s’apprêtait à doucement lui dire qu’il pouvait partir s’il le souhaitait. A sa grande surprise, il reprit la parole, attirant de nouveau toute l’attention de son enseignante.

-Jurez de ne le répéter à personne.

Voilà qui changeait tout. Alors le voilà prêt à se confier même en partie à une femme aussi peu engageante que Morticia… si c’était pas encourageant ça !! À la limite du génial. Mais il ne fallait pas le montrer ça. La situation ne s’y prêtait pas du tout. Alors la brune essaya de se faire plus rassurante que rassurée.

-Je vous le promets.

C’était un peu curieux comme phrase. Sans savoir de quoi il s’agissait, le jeune homme lui demandait de ne pas en parler. Dans le fond, Morticia n’avait rien contre. Mais elle le trouvait un peu naïf. Ce qui ne se savait pas beaucoup, c’est que lorsque Morticia donnait vraiment sa parole, elle la tenait. Bon, c’était pas souvent, c’est vrai. Mais elle ne prenait pas de risques. Ce qui expliquait qu’elle ne promettait pas souvent grand chose. Pour le coup, elle entendait bien tenir parole et ne rien divulguer de ce qui tracassait son élève.

- J'ai appris il y a pas longtemps que... qu'un de mes proches avait fait une chose vraiment horrible. Elle... - cette personne - a tué quelqu'un, plusieurs personnes, en fait.

Alors oui, Morticia était un peu solitaire dans l’âme. Oui elle restait très peu informée de ce qui se passait dans le monde. Mais il y avait une limité à son ignorance. Alors même si elle ne voulait rien affirmer devant le jeune homme, elle avait bien peur de comprendre ce qu’il disait. La famille Armyanski était finalement assez réduite. La plupart étaient morts. Il restait donc les parents, les deux sœurs et ce pauvre Andreï qui avait franchement l’air perdu. Les parents, on en entendait pas beaucoup parler. De toute manière, ils étaient en Ukraine. Anna Armyanski non plus ne faisait pas régulièrement parler d’elle dans la presse. En revanche, celle qu’on avait du mal à rater, c’était Anya Armyanski. Cette femme avec en plus un physique impeccable (qui rendait parfois Morticia un peu jalouse…) faisait beaucoup parler d’elle dans le sens où elle avait successivement perdu trois maris. La jeune femme doutait un peu que son élève n’ait d’autres proches. Le calcul était vite fait. A moins que la situation ne soit encore plus compliquée. Raison pour laquelle Morticia ne dit rien de peur de se tromper. Autant rester dans son sens et ne pas tenter d’expliquer ce qu’il ne disait pas. Le regard compatissant, elle se pencha vers lui.

-Je ne peux pas prétendre vous comprendre. L'empathie à ses limites. Ce que je peux comprendre en revanche, c'est que cette nouvelle est un poids bien trop important pour vous seul. Je ne vous demande absolument pas de le crier au monde entier. J'imagine que malgré tout vous tenez à cette personne et ne prendrez pas le risque de la mettre dans une situation compromettante. Mais simplement de trouver quelqu'un capable de vous comprendre et en qui vous pourrez avoir confiance. Je sais bien que ce que je vous dit n'est pas évident. Vous déciderez peut-être de ne pas m'écouter. Et c'est encore quelque chose que je peux comprendre.

Un discours que Morticia ne pensait pas être capable de produire. Elle ne se croyait pas non plus capable de le penser. En fait, c'était quelque chose qui ne lui correspondait pas du tout. Mais c'était venu tout seul. Un peu effrayant en fait. C'était comme si elle ne se connaissait pas elle-même.

-Je suis votre professeur. Je ne peux donc par définition pas grand chose pour vous. Mais comme vous l'aurez peut-être compris, je peux être présente et ne suis d'ailleurs pas si difficile à voir. J'espère simplement que vous prendrez un peu en compte ce que je vous dit. Pas pour satisfaire mon ego, mais bien pour vous et votre sécurité.

Andreï s'était pour ainsi dire ouvert à son professeur. C'était surprenant d'ailleurs. Très peu de gens auraient osé le faire. Elle était pour ainsi dire la pire personne pour le faire. Sans rire. Personne n'aurait voulu voir une femme comme elle se mêler de ses affaires. Surtout aussi personnelles. Et il semblerait que personne d'autre ne le ferait plus. Dans le cas même où Andreï décidait de continuer, ça serait déjà très surprenant.

Autant dire que Morticia se contentait de constater que le jeune homme avait accepté de lui parler à elle plutôt qu'à un autre enseignant. Ce qui était déjà pour elle un petit miracle. Il ne lui venait pas à l'esprit qu'il puisse être aussi difficile de le faire parler tout court. Que voulez-vous, on ne pouvait pas penser à tout. Et elle faisait déjà un gros effort. Elle s'en sentait largement récompensée puisque son élève avait visiblement accepté le peu d'aide qu'elle lui offrait, mais tout de même.

-Je crois que je comprends ce que vous dites, professeur. Ça me fait du bien... de parler de tout ça avec vous. Je ne peux rien expliquer de ce qui se passe, pas en détails, il y a... trop d'implications, vous comprenez ?

Bien sûr qu'elle comprenait. C'était même logique qu'il n'en dise pas trop. Quand on savait de quoi il s'agissait, on ne pouvait pas lui en vouloir. Et puis d'ailleurs, pourquoi un professeur en voudrait à son élève de ne pas lui raconter sa vie. Théoriquement parlant, Andreï agissait de manière très naturelle en restant très vague. Enfin, il montrait par là qu'il était sain d'esprit et attentionné. Morticia se dit qu'il aurait vraiment été dommage qu'il finisse mal. Parce qu'après tout, sans aide, c'était une fin presque inévitable.
Au moins, il avait compris où elle voulait en venir et avait la décence de l'admettre. Au moins, avec ça, la jeune femme était plutôt satisfaite. Elle avait pour ainsi dire fait sa BA de la journée. C'est qu'elle avait tout de même soulagé un élève. Elle. La terreur des cachots de Poudlard. La femme qui avait le don de faire fuir les gens sur son passage. Elle qui était célèbre pour sa mauvaise humeur naturelle et sa méchanceté non dissimulée. Et bien cette femme venait d'aider un élève à se sentir un peu mieux... un tout petit peu...

-Je comprends très bien, cela ne me pose aucun problème. Mais je suis ravie de savoir que me parler vous a aidé.

Ne nous mentons pas, Morticia était contente de l'avoir aidé. Un sentiment de satisfaction pourtant différent de celui qu'elle connaissait déjà. Pour une fois, ce n'était pas d'avoir ennuyé ou blessé physiquement ou moralement quelqu'un. Mais bien d'avoir soulagé l'esprit d'une autre personne. Et c'était bien agréable.

-Je vous remercie, vraiment. vous m'aidez beaucoup.

Alors là, Morticia ne savait pas du tout quoi répondre. C'était tout simplement surprenant. Et vraiment très très très agréable. Qu'on lui dise merci n'était déjà pas si fréquent. Que ce soit un élève l'était encore moins. Mais alors qu'on lui dise qu'elle aidait vraiment beaucoup était presque incroyable. Elle se contenta donc d'un sourire et d'une pointe de rose sur les joues. Ça aussi c'était assez incroyable.

-Si je revenais vers vous... quand... quand j'ai des doutes ou... Je sais que ce n'est pas votre rôle mais... vous accepteriez de m'écouter, comme vous le faites maintenant ?

Ce n'était pas son rôle... oui et non. D'un côté elle n'était pas psychologue (oui bon, ça va les commentaires hein!) mais de l'autre, elle était supposée de préoccuper de ses élèves. Elle se devait de garder une oreille attentive vers eux si le cas se présentait. Et puis, au fond, l'écouter ne la dérangeait pas vraiment. Avec un autre élève cela aurait été peut-être différent. Mais Andreï Armyanski n'était pas un jeune homme désagréable et ne posait pas particulièrement de problèmes.

-Si vous revenez vers moi Mr Armyanski, vous trouverez ma porte tout aussi ouverte qu'aujourd'hui. Je vous demanderais simplement de ne pas dire le pourquoi de vos visites à vos camarades ou à d'autres professeurs si cela vous est demandé. Vous n'êtes pas sans savoir que je ne suis pas la mieux vue ici. Ils ne comprendraient pas.

Ce qui se passait en ce moment dans ce bureau était tout simplement exceptionnel. Que des professeurs prêtent autant d'attention à un élève était assez rare malheureusement. Même l'infirmière était plus habituée à ce genre de situations. Mais pour une fois, c'était Morticia qui se faisait responsable pour sortir quelques instants Andreï Armyanski de ses problèmes. Dire que ce n'était pas gagné serait un euphémisme. C'était presque impossible. Et pourtant cette femme décidément pleine de surprise avait réussit cet exploit. Je peux vous dire qu'elle en était fière. Vraiment fière. C'était un peu la première fois. Disons qu'Aiden avait été une première. Andreï serait la première à l'école. C'était l'endroit où Morticia n'arrivait pas à se départir de son mauvais caractère.

Le jeune homme avait l'air assez détendu finalement. Il avait l'air en confiance. Ce qui était tout aussi rare avec n'importe quelle autre personne ne portant pas le nom de Fawcett. Et encore. Avec Erwan ce n'était pas encore ça. Enfin bref, Morticia était plutôt contente, Andreï aussi, il semblerait que tout allait bien.

-Ne vous en faites pas, je n'avais pas l'intention d'en parler à qui que ce soit.

C'est bien ça, tout allait bien. Pour eux en tout cas. Et même si ils étaient tout les deux un peu déboussolés en ce moment, même si on pouvait parfois parler de désespoir, ils allaient assez bien. Parce que Morticia voyait enfin ses efforts récompensés, et parce qu'Andreï se sentait un peu plus léger. Cela ne serait certainement que temporaire. Mais c'était un mieux non négligeable.
Morticia était aussi rassurée qu'il accepte cette petite close du contrat informel qu'ils avaient passé. Elle risquait d'être accusée à tord de vouloir le manipuler ou d'autres choses que, pour une fois, elle n'avait pas l'intention de faire. C'était étonnant, mais tout de même.

-Y'a-t-il autre chose que vous vouliez savoir, professeur ?

Autre chose? Et bien pas vraiment. C'était plutôt à lui de voir finalement. Que vouliez-vous qu'elle lui demande de plus maintenant? L'âge de sa grand-mère? Non, Morticia n'avait plus rien à lui demander pour le moment. La prochaine fois qu'elle lui posait une question risquait même d'être pendant un cours. Et encore. Il était attentif, mais discret. Les probabilités pour qu'il lui réponde étaient minces...

-Et bien si vous ne voulez plus rien me dire je n'ai plus rien à vous demander. C'est vraiment à vous de décider pour une fois. Profitez-en, vous n'aurez pas souvent l'occasion de décider pour l'un de vos professeurs.

Bon, elle n'était pas douée pour l'humour non plus. Mais on ne pouvait pas être parfait non plus. Et même si elle avait de la marge avant d'atteindre la perfection, Morticia essayait.