I

l était injuste, bien sûr, de la part d'Andreï que d'accuser Anya d'être une mauvaise mère. Elle ne l'était pas. Il était d'ailleurs assez surprenant de constater à quel point elle avait su se montrer une mère exemplaire quand on avait conscience de ses antécédents. D'accord, elle avait privé successivement le vert et argent de tous ses pères, mais elle était une mère célibataire hors pair. Elle lui avait livré la meilleure éducation possible, lui avait institué une échelle de valeur qui dénotait très clairement avec la façon dont elle-même la mettait en application. Elle avait été une meilleure mère que bien d'autres. Mais voilà, même si l'accusation était injuste, même si affirmer à mi-mot qu'Anna ferait une bien meilleure mère qu'elle était cruel, il ne reviendrait pas sur ses propos. Le but, après tout, était pour lui de rendre coup pour coup. Elle voulait qu'elle souffre à présent autant qu'elle l'avait elle-même fait souffrir en lui apprenant la vérité. Et en ce nom, il  n'aurait aucun scrupule à lui faire du mal. Et apparemment, ses propos faisaient mouche.

Andreï n'appréciait pas franchement les sous-entendus de sa génitrice. Il ne savait pas quelle valeur accorder aux propos de l'aînée des soeurs Armyanski. Elle aurait voulu pouvoir renier en bloc les doutes qu'elle laissait s'immiscer en lui. Mais non, ça lui était impossible. Il avait apprit, évidemment, trop de choses qu'il n'aurait jamais soupçonné, découvert trop de secrets pour ne plus se méfier. Pourtant, il ne voulait pas croire qu'Anna puisse être quelqu'un d'autre que la personne qu'il avait toujours pensé qu'elle était : douce, aimante, incapable de lui mentir, en aucune manière. Pour lui, elle était un ange, irréprochable. Comment imaginer qu'elle puisse, elle aussi, avoir des cadavres dans son placard ? Non, même s'il n'était pas entièrement confortable avec les propos de sa mère, il n'allait pas se faire influencer, et quoi qu'il en soit, c'était bel et bien du côté d'Anna qu'il comptait se positionner quoi qu'il arrive.

-Je n'aurais rien raté du tout si tu n'avais pas passer ton temps à me mettre à l'écart. Et au passage, c'est pitoyable, de discréditer Anna pour redorer ton blason. Oui, je retourne avec elle, et avec grand plaisir, et si j'ai l'occasion de m'épargner ta présence pour les deux années à venir, ce sera avec grand plaisir.

Il y allait fort, pour ne pas changer, mais il arrivait un moment où il ne voyait pas une autre manière d'agir. Il ne pensait pas qu'il puisse y en avoir d'autres. Il fallait se montrer cinglant, vindicatif, lui montrer qu'il n'était plus ce petit garçon qui ne se laisserait pas dicter sa loi ni ne se laisserait plus prendre pour un idiot. Son attention se retourna vers Anna, il n'avait pas eu envie de lui imposer ce genre de scènes, mais là, il avait eu des comptes à régler. Lui attrapant le bras, lui adressant un fin sourire, il lui dit :

-On peut y aller, si tu veux...

Il aurait préféré rester, mais il n'aimait pas la sentir mal à l'aise. Et apparemment, elle ne s'en irait pas sans lui.

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