C

omme toutes les têtes brûlées qui se respectent, Melody adorait les vacances, ou tout moment où elle n'avait pas besoin de se trouver dans une salle de classe. Ceci dit, les vacances s'accompagnaient désormais de soucis majeurs, qu'il était impossible à la demoiselle de complètement occulter. Évidemment, Mr et Mrs Farnsworth insistaient pour que leurs deux filles rentrent au domicile familial. Impossible d'y couper. Surtout à la période des fêtes de Noël. Melody devait bien admettre que jouer à la petite fille unie l'épuisait plus qu'autre chose, et qu'elle était bien heureuse qu'il y ait des cadeaux à la clé, pour justifier qu'elle fasse tant d'efforts. Certes, la situation entre les jumelles pouvait désormais s'assimiler à une mécanique bien huilée, froide... Melody ignorait sa soeur par principe et par rancoeur, mais elle n'éprouvait plus cette haine solide, quasi palpable, qui l'avait si longtemps aveuglé. Elle n'avait pas pardonné, parce qu'elle ne pourrait jamais pardonner, mais il n'y avait plus de colère en elle. Le temps de la vengeance était passé... ce qui ne rendait pas moins délicats ces moments passés entre soeurs, où rien ne se disait...

Au final, elle avait été plutôt heureuse de pouvoir retourner au château plus tôt. Elle avait prit la fameuse soirée qui devait avoir lieu à Pré-au-lard pour prétexte, insistant sur le fait qu'elle tenait absolument à y aller, parce que beaucoup de ses amis s'y rendaient. C'était faux, bien sûr. Tous les membres d'une Guilde pour le moins dissolue depuis le départ de Sebastian, étaient rentrés chez eux pour la fin de l'année. Yuûki, elle, était même partie au Japon... Et cette soirée n'intéressait pas tant Melody que cela, en définitive. Il n'y aurait sûrement que des vieux et des discours pompeux, elle préférait encore piquer en douce des bouteilles de bierraubeurre aux cuisines et s'en gaver dans son dortoir. Tout ce qui importait, c'est qu'elle y gagnait de retourner plus tôt au château, et de retrouve une certaine tranquilité d'esprit.

...Enfin, la tranquillité d'esprit demeurait tout de même une notion toute relative. Apparemment, le concierge de Poudlard, lui, ne prenait pas de vacances. Et justement, alors qu'elle se trouvait aux cuisines, à faire ses réserves pour fêter une nouvelle année digne de ce nom, il l'avait prise sur le fait. La sentence avait été immédiate. Vacances ou pas, être à Poudlard impliquait d'en respecter le règlement. au moins, la sentance était supportable. Il l'avait envoyé dans l'ancienne salle d'étude, avec plusieurs centaines de lignes à recopier. Dans un soupir résigné, elle avait donc pénétré cette pièce. Et le soupir s'était mué en légère grimacé quand elle avait remarqué qu'elle n'était pas seule. Et quelle compagnie. Linus... Elle s'était toujours arrangé pour ne pas se retrouver seule avec lui depuis leur rupture, s'étant contenté un certain temps de lui pourrir la vie à distance.

-Salut... répliqua-t-elle d'une voix blanche, avant que de s'asseoir à une distance raisonnable de lui, posant brusquement ses affaires sur la table. Si elle n'avait plus qu'une rancune de façade à l'égard de sa soeur, c'était différent en ce qui concernait le jaune et noir. J'ai appris que Cathy avait quitté Poudlard. remarqua-t-elle froidement en tirant plume et parchemins de son sac. Tu t'en remets où tu es déjà passé à autre chose ?

Vous voyez un sous-entendu désagréable là-dedans ? Vous avez raison. Il y en avait un.

code by Mandy

P

lus rien à foutre, non, de ces lignes qu'elle était supposée écrire à la chaîne. Et si elle ne le faisait pas, hein ? Qu'est-ce qui lui arriverait, de toute manière ? Elle aurait des lignes à faire en plus, la belle affaire. Elle se trouverait vite fait une plume à papotte pour se payer le boulot à sa place, et ce serait tout aussi bien. Pour le moment, il était clair que, même si elle l'avait voulu, jamais elle n'aurait su se concentrer avec le jaune et noir si proche de lui. C'était étrange... avec le temps, elle avait vraiment cru que toute cette affaire serait derrière elle. Elle avait la rancune facile, elle était partie du principe que jamais, elle ne pardonnerait à sa soeur et à son ex, et elle comptait s'y tenir. Mais elle pensait que la rancoeur, elle, aurait pleinement disparu. Cette histoire datait d'il y a presque un an, après tout ! Mais non, elle ne se sentait clairement pas indifférente quand elle était en présence de Linus. Non, ce n'était plus de la colère, elle avait dépassé ce stade... Après tout, leur rupture avait été un mal pour un bien, cela lui avait permis de se remettre en question, et de comprendre ses sentiments à l'égard de Yuûki, qui la rendait plus heureuse que n'importe qui mais une sorte d'irrepressible amertume. Elle n'y pouvait rien, c'était là. Ce n'était plus un coeur brisé, qui parlait, seulement une conscience qui ne savait pas tolérer l'attitude qu'avait eu le jeune homme. Et cela justifiait certainement le ton de sa voix, qui n'avait vraiment rien d'aimable.

-Alors au moins tu sais ce que ça fait, maintenant.

Elle devait l'admettre, elle était plutôt satisfaite, quand elle avait appris la rupture entre Linus et Catharina. Bon, le départ de Cath', lui, ne l'avait pas réjoui, par contre. Elles étaient un peu en froid, dernièrement, c'est vrai, mais cela n'ôtait rien à l'amitié qu'elle éprouvait pour la bleue et bronze. La voir s'en aller, alors qu'elles étaient loin d'avoir fait la paix, ça ne l'avait pas enchanté. Rien de dénoué. Arrière-goût d'inachevé.

-Tu sais, je suis ravie que ce soit elle qui t'ai brisé le coeur, cette fois. Comme quoi, y'a une justice.

Être désagréable et immature, c'était complètement déplacé et infantile ? Oui, mais elle s'en fichait, elle adorait ça. Non, ce n'étaient pas là les propos d'une demoiselle jalouse, qui ne savait pas tirer une croix sur la personne qu'elle avait aimé, plutôt le décret implacable d'une demoiselle à la fierté si démesuré qu'elle ne tolérait pas qu'on le salisse en aucune manière et demandait à ce que celui-ci, quand il était bafoué, soit réparé de la manière la plus voyante possible. Il avait commis une erreur, mais il l'avait fait auprès de la mauvaise personne. C'est du moins ainsi qu'elle voulait qu'il voit les choses.

code by Mandy

P

ourquoi ne s'en était-elle jamais rendu compte avant ? À présent, ça lui sautait au visage, évident, manifeste, mais jusqu'ici, jamais elle n'avait vraiment été frappée parce qui lui semblait pourtant flagrant à cette seconde, et qui pouvait justifier bien des choses. Peut-être était-ce parce que, comme le dit l'adage, l'amour rend aveugle, et elle avait su faire l'impasse sur les défauts de Linus tout comme ce dernier avait su faire abstraction un temps des siens - très nombreux (avant de les comparer avec la perfection que Lysandre devait incarner pour lui ). Ou bien, peut-être était-ce son ressentiment qui l'invitait à s'agacer de ce qu'elle avait su aimer chez le jaune et noir un jour. Parmi ces qualités que la bleue et bronze avait apprécié chez Linus au point de vouloir devenir sa petite amie, c'est parce qu'il était beaucoup plus calme et pondéré qu'elle, il parvenait à apaiser un peu la tornade qu'elle pouvait être, et c'était bien loin d'être un mal.

Sauf que ce calme, à présent, Melody l'observait plutôt comme une sorte de passivité. Il subissait engueulades, ruptures, séparations, réconciliations, et il accueillait le tout de la même manière, semble-t-il, jamais un mot plus haut que l'autre, jamais il ne pleurait, jamais, concrètement, il ne manifestait ses émotions dans toute la violence qu'elles pouvaient mériter. C'était ça qui la dérangeait, au final. Ça lui donnait l'air de se foutre de tout. Ce n'était sûrement pas le cas, mais le fait qu'il ne s'emporte absolument jamais en donnait la très nette impression. Et c'est parce qu'ils n'avaient pas eu d'engueulades digne de ce nom, parce qu'elle était la seule à avoir fait autant dans l'excès, qu'elle avait d'autant plus de mal à lui accorder ce pardon qu'elle ne pensait pas pouvoir lui concéder encore, puisqu'il était à présent bien trop tard pour ça.

-Ça t'arrive, parfois... je sais pas, moi, de te foutre en colère, de chialer, ou de... n'importe quoi qui me donne pas l'impression de parler à une vulgaire marionnette ? Elle poussa un soupir. Après tout, autant dire ce qu'elle avait sur le coeur. Ce n'était pas comme si elle avait encore une raison quelconque de le ménager. Au contraire, plus elle pouvait l'inviter à se bouger et à voir les choses différemment, mieux ce serait, en définitive. Je suis en train de te foutre sur la tronche, là. Alors défends-toi, j'sais pas. Elle marqua une pause. Dis un truc, fais un truc...

... Ou leur conversation serait stérile et la rancoeur ne risquait pas de quitter son âme, à aucun moment.

code by Mandy

E

lle faisait tout son possible pour le faire réagir, l'invitant à se manifester, à faire preuve de l'une de ces émotions humaines supposées régir la vie de chacun, mais quelles que soient ses tentatives, elle ne parvenait à rien. Il était comme, totalement détaché émotionnellement, comme si elle ne lui inspirait plus rien qu'une profonde indifférence. Et oui, cette situation lui faisait du mal. Elle-même n'avait jamais su être indifférente. Encore maintenant. C'est que lui, avait peut-être su tourner la page, mais elle, elle avait renoncé à ce qui comptait le plus pour elle au terme de cette histoire, elle avait renoncé à son tout, à sa soeur, celle avec laquelle elle avait toujours tout partagé. Sa peine de coeur, elle l'avait soigné depuis longtemps. Auprès de Yuûki, elle retrouvait un nouveau souffle, elle touchait au plus près à un bonheur qu'elle n'avait jamais espéré, elle avait trouvé un équilibre. Mais dans la foulée, elle avait perdu Lysandre, et pour cela, et pour la peine qu'il avait fait à Lysandre en plus de lui en faire à elle (parce que si elle était fautive, il avait tout de même sa part de responsabilité, il avait renfoncé le couteau dans la plaie en sortant avec Catharina), elle ne pouvait pardonner, pour cela, elle ne savait abandonner sa colère, et pour cela, il aurait voulu qu'il se montre plus... Plus. Tout simplement. Elle ne voulait pas l'entendre lui donner raison, non, elle préférait qu'il lui dise qu'elle avait tort. Tort, tort et encore tort.

-Sans doute, hein... grinça-t-elle avant de s'avachir sur une chaise, avant de pousser un soupir exaspéré. Tu fais chier, Linus...

Pourquoi s'énerver, hein ? Lui gueuler dessus, c'était comme hurler face à un mur. Dans le genre sans intérêt, ça se plaçait là...  Mais Merlin, quelle frustration ! Vous n'imaginez pas l'ampleur de l'envie qu'elle avait, celle de le secouer comme un prunier, que ça porte enfin des fruits, même des fruits pourris.

-Tu comprends pas que j'en ai besoin, moi, de ça ? D'une vraie, bonne engueulade ? T'es tellement passif... T'as détruit quelque chose en moi. T'avais pas le droit de t'en tirer sans la moindre séquelle. Et va pas me répondre que je suis amère parce que j'ai toujours des sentiments pour toi ou quoi. Je suis avec quelqu'un, et je me sens mieux avec elle que je ne l'ai jamais été avec toi.

C'était la première fois qu'elle admettait officiellement être en couple. Et pour cause, personne n'aurait pu approuver une telle relation. Raison pour laquelle, bien sûr, elle se gardait bien de révéler l'identité de celle qu'elle fréquentait.

code by Mandy