« Je suis ton serviteur, fidèle et sans peur » | Vince & Tom

« Bravo à tous, c'était un bel entrainement ! Reposez vous ! »

C'est avec un soupir de soulagement que je ramassait mon balai et quittait le stade de Quidditch. Cette séance avait été longue et fatigante, je sentais à peine mes jambes sous moi. Mes muscles étaient tétanisés et le vent glacial ne rendait pas les choses plus simples. J'avais vraiment besoin d'une douche bien chaude et relaxante. J’aperçus dans un couloir Elena qui discutait avec Olive et lui adressait un clin d’œil charmeur. Après tout, je n'avais plus rien à cacher à la serpentard, puisqu'elle était au courant de notre relation.

« Vince, on dine ensemble ce soir ?
- Et bien si je n'ai pas d'imprévu, ce sera avec joie.
- Un imprévu ? Tu veux dire le genre d'imprévu auquel je pense ?
- Pas ici mon cœur...
- Pff, d'accord... Il passe avant tout hein ? »

Elle s'éloigna vexée, la tête haute en compagnie de son amie, et je soupirais de nouveau. Peut être avait elle raison, peut être que je devrais m'inquiéter d'avantage à propos de notre relation, au lieu de me dévouer complètement à Tom. Pourtant je ne pouvais m'en empêcher, ce n'était pas comme si j'avais le choix entre eux deux, puisqu'ils dirigeaient chacun une partie de ma vie et de ma personnalité qui différaient totalement. Elena avait mon affection et ma tendresse, et Tom avait ma discrétion et mon efficacité. La seule chose que j'offrais aux deux était ma loyauté, unique et inébranlable. C'était en songeant à cela que je prenais le chemin vers la salle de bain des préfets, qui devait être vide à cette heure-ci. Une fois dans la pièce, l'atmosphère chaude et réconfortante qu'elle dégageait en permanence m'aida à chasser ces pensées lugubres de mon esprit. La douche fut apaisante, et j'en sortit détendu et souriant. Alors que je nouait la ceinture de mon jean, la porte s'ouvrit. D'abord je fus surprit, puis gêné. J'enfilais rapidement ma chemise et saluait le garçon qui venait d'entrer.

« Bonjour Tom... » fis-je en attendant une quelconque réaction.

Tom avait pour habitude de posséder un contrôle absolu sur toute chose. Il ne laissait jamais rien lui échapper, et toujours, il s’arrangeait pour être celui qui tirait profit de chaque situation. Se retrouver démuni, affaibli, apercevoir une fissure, une fêlure, dans ce qu’il avait mis soin et rigueur à construire n’était en ce sens pas une sensation qui lui était vraiment connue. Jusqu’à il y a peu, du moins. À présent, il y avait les nouveaux. Être ainsi dupé par des étrangers, des individus en apparence si insignifiants était bien plus difficile à accepter pour l’Héritier que s’il s’était agi d’un de ceux dont il se méfiait vraiment, Dumbledore en tête. Il devait savoir. Comprendre qui ils étaient, comment ils avaient pu en apprendre autant sur lui, et quelles étaient leurs véritables intentions. Il avait gagné un léger avantage sur eux, dernièrement, mais la partie n’était malheureusement pas gagné, et il fallait à Tom mettre beaucoup de sa fierté de côté pour bien vouloir l’admettre. Il fallait qu’il trouve le moyen de les neutraliser, définitivement. Et pour cela, il devait parvenir à les connaître aussi bien qu’eux-mêmes semblaient le connaître. Par où commencer? Là était la question. Il avait bien sûr la ferme intention de jeter un coup d’œil à leurs dortoirs, d’autant plus qu’il était désormais convaincu que son journal devait s’y trouver, mais l’occasion ne s’était encore jamais présenté, pour s’y rendre et passer inaperçu, il lui aurait sûrement fallu une cape d’invisibilité, qu’il n’avait pas, ou du polynectar, qui était long à préparer. Devant donc attendre le moment propice, et songeant, en attendant, à demander à Elena d’aller fouiller du côté d’Aulne… ou de Luna, du moins, puisque tel était son vrai nom, il n’avait d’autre choix qu’en revenir aux recherches les plus basiques.

Tom savait pertinemment qu’il y avait bien peu de chances pour qu’il trouve quoi que ce soit de concluant à la bibliothèque, ni même à la réserve, mais en toutes choses, il fallait bien commencer quelque part, en l’occurrence, il n’avait pas tellement le choix. Ce fut donc à ses recherches que l’Héritier occupa sa matinée et son début d’après-midi. En vain. Dès le départ, il avait été convaincu que tout cela ne le mènerait nulle part. Il s’était majoritairement penché sur des livres de généalogie, mais à quoi bon, puisque les nouveaux ne révélaient pas leur véritable identité? Pour avoir l’avantage, il devait avoir leurs noms, et c’était désormais son objectif. Plusieurs idées, déjà, lui étaient bien sûr venues à l’esprit. Glisser du veritaserum dans leur verre, caresser Slughorn (les professeurs devaient être au courant de cette mascarade) dans le sens du poil une fois de plus, jusqu’à le faire avouer... Il savait, dans tous les cas, qu’ils n’obtiendraient pas d’eux des aveux par l’intimidation, son entrevue avec Meredith lui avait permis de constater leur volonté de fer et leur pugnacité. Il ne l’admettrait jamais, mais il avait trouvé là des adversaires à sa taille. Restait Aulne, la plus faible, peut-être, mais Daniel et sa maladresse avaient presque anéantit toute possibilité d’obtenir quoi que ce soit d’elle non plus. Il lui fallait une solution, et il la trouverait… mais après de longues heures de vaines recherches, il dû bien se rendre à l’évidence que les réponses ne se trouvaient pas dans les livres.

Il quitta donc la bibliothèque pour se rendre à son dortoir, dans lequel il ne resta qu’un court laps de temps, afin de récupérer ses quelques affaires de toilette. Ayant choisi de prendre d’assaut la bibliothèque le plus tôt possible, afin de profiter du plus de calme et de solitude possible, il n’avait pas encore procédé à ses ablutions matinales. Profiter de la salle de bain des préfets en pleine après-midi, qui plus est, permettait, la majeure partie du temps, d’être un peu tranquille (sauf lorsqu’une geignarde ectoplasmique venait mettre fin à votre quiétude). Pas cette fois. Mais exceptionnellement, Tom s’accorderait à dire que c’était une bonne chose. En effet, lorsque Tom poussa la porte de la salle de bain, il constata que quelqu’un se trouvait déjà : Vincent, son larbin le plus fidèle après Daniel, se trouvait là. Il fallait qu’il tombe sur lui par hasard. Il faut dire que dernièrement, Vincent se faisait bien plus absent qu’auparavant, et Tom l’avait parfaitement remarqué. Hors il avait besoin de tous ses éléments forts pour leur venir à bout le plus rapidement possible.

« Bonjour. » répondit-il, ignorant sublimement la gêne qu’il avait pourtant perçu dans la voix de Vincent. « Ne pars pas tout de suite » ajouta-t-il, lui signalant ainsi qu’il allait recourir à ses services.

Cette rencontre était imprévue, mais ne pas en tirer avantage aurait été bien stupide, plus encore en la situation. Sans compter que l’endroit était idéal, il y avait peu de chance qu’on vienne les déranger ici.

Bien entendu, j'avais envisagé un bref instant de partir en courant, de profiter du petit avantage que j'avais puisque j'étais maintenant plus proche de la porte que Tom, mais après qu'aurais-je fait ? Courir dans les couloirs à moitié trempé, risquer de me prendre un sale sortilège dans la tronche, et puis fuir où, quand, comment ? Non c'était à la fois stupide et dangereux, je ne pouvais pas mettre ma place près de Tom en péril à cause de ma relation avec Elena, ça la mettrait elle aussi dans de beaux draps. Elle m'en voudra, mais je n'ai pas tellement le choix. Arrivant à cette conclusion, je remarquais vite qu'il ne me restait aucun autre alternative que de m'assoir tranquillement sur le banc du vestiaire et attendre qu'il m'expose son plan, dans lequel je jouerais à tous les coups un rôle de pion assez important. Je souriais de façon sadique en pensant à Daniel, qui avait lamentablement échoué à sa dernière mission. L'estime que Tom avait pour cet imbécile avait du largement chuter, ce qui me ramenait en première position. Non pas que le jeune Serpentard ai besoin de moi, mais bien le contraire ! Tom était le roi de l’échiquier, et sans lui la partie était finie. Mon sourire se transforma en grimace en songeant que ce jeu ressemblait beaucoup aux échecs à la version " sorciers ", ces derniers temps. Brutal et dangereux. L'ordre que me donna alors Tom tomba presque à l'eau, puisque j'avais déjà abandonnée l'idée de partir...

« Ne pars pas tout de suite.
- J'en avais pas l'intention. »

Une réponse simple et sèche à sa requête qui l'avait été tout autant. J'avais beau être à son service et l'adorer comme un croyant vénèrerait un dieu, je demeurais un électron libre. Je n'étais pas un chien galeux comme Daniel, et Tom allait devoir faire avec. Tout se paye ici, et je refusais de donner mes services sans avoir de respect en retour. Après tout j'étais plus âgé que lui. A cette heure-ci personne ne viendrait les déranger, ce qui était plutôt agréable à penser. Autant ça ne le dérangeait pas d'en parler devant Léna et Olive puisqu'elles faisaient partie du groupe, autant il tenait à ce que cette histoire ne s'ébruite pas. Aux yeux des autres élèves, Daniel, Tom, Olive, Lou, Elena et moi n'étions que des amis ordinaires qui aimaient passer du temps ensemble. Rien ne devait clocher, rien ne devait attirer l'attention, et surtout pas celle des intrus. Moi et Elena avions apprises beaucoup de choses et de par ce fait étions montés dans l'estime de Tom. Ça avait ses points positifs et négatifs. Plus de respect, mais moins de temps pour se voir en tête à tête. Quelque chose me disait que le repas en amoureux de ce soir allait être largement reporté...

« Alooors... Je peux faire quelque chose pour toi ? Tu as l'air pensif. »

Je ne lui parlait pas comme à un maitre mais comme à un ami, ce qui différait des techniques des autres. Les murs de ce château avaient des oreilles, sans parler des tableaux qui étaient friands de ragots. Il était hors de question que quelqu'un sache qu'autre chose que de l'amitié existait entre Tom et moi. Enfin... Autre chose que de l'amitié et des rapports plus tendres comme j'avais souvent soupçonné Daniel d'en avoir. M'installant sur le banc dans une posture détendue et nonchalante, j'attendais que le petit prince Serpentard veuille bien s'expliquer.

Pensif… évidemment, qu’il l’était. Tom ne faisait pas partie de ces individus qui ne pensent pas (contrairement à d‘autres…), son esprit ne prenait jamais de repos. Alors évidemment, il pensait, il pensait toujours, il ne fallait jamais baisser la garde quand on avait des ambitions comme les siennes. Bien sûr, il était pensif, ce qui poussait Vincent à faire une telle remarque était sans doute le fait que dernièrement, il devait se laisser assaillir par plus de pensées que d’ordinaire, quand ses questions trouvaient des réponses, elles entraînaient aussitôt de nouvelles questions, encore et encore. C’était un cercle vicieux. Pour que Tom puisse à nouveau se concentrer sur ses objectifs de départ, il fallait qu’il mette un terme définitif à cette succession d’interrogations, qu’il y trouve une réponse ultime, le plus rapidement serait le mieux. Et en ce sens, l’aide de Vincent pourrait effectivement lui être utile.

« Effectivement oui. »

Sa réponse avait tout de la pure rhétorique. Il était à ce moment précis évident qu’il n’avait pas demandé à Vincent de rester pour que tous les deux se tapent la causette et discutent Quidditch (ce qu’il pouvait détester ce genre de convenances sociales!). Oui, il allait avoir besoin des services de Vincent, tout comme il avait demandé ceux de Daniel, d’Elena, et d’Olive. Puisque les nouveaux venus étaient les nouvelles cibles à abattre, il ne s’agissait plus de mettre seulement quelques uns de ses larbins sur le coup, ils devaient tous être à son entière disposition, afin que cette menace (puisqu’il devenait clair que c’en était une) soit au plus vite réduite à néant.

« As-tu déjà parlé aux nouveaux? »

Connaissant le serpentard, fier de son sang et de sa maison (ce qui, en partie, expliquait qu’il ait rejoint ses rangs, d’ailleurs), il doutait fort que c’ait été le cas. Il n’avait sans doute pas eu de temps à perdre avec cinq élèves portant les couleurs de Gryffondor et une illuminée de Serdaigle. En un sens, c’était une bonne, chose, Vincent partirait avec un handicap plus léger que Daniel, qui aurait bien plus de mal à montrer patte blanche devant les nouveaux après les erreurs qu‘il avait commises. S’il n’ajouta rien de plus à sa phrase, et l’avait prononcé comme s’il s’agissait de la chose la plus banale du monde, Vincent saurait expliciter ce qui n’était pas dit. Somme toute, que cette question cachait un ordre, et aurait pu être interprétée de la sorte : « Tu n’as pas encore parlé aux nouveaux? Il est grand temps de le faire, alors ».
Il n’ajouta donc rien, n’ordonna rien. Pas encore, il attendait que Vincent y aille de ses propres questions. Et elles pouvaient être nombreuses. Jusque là, Tom avait confié à Vincent des missions diverses, mais jamais en rapport avec les voyageurs. Il avait laissé cela à Daniel et Elena. Dans un premier temps. À présent, il était plus que jamais temps d’agir. Les nouveaux, eux, ne s’en étaient pas privé, et semblaient l’avoir directement provoqué en pénétrant dans la chambre des secrets, d’une manière que Tom n’était toujours pas capable de s’expliquer. Il connaissait leurs actions, ce qui n’était déjà pas négligeable, il lui manquait leur motivation, et il comptait bien la découvrir.

S'expliquer. En effet, rien n'aurait pu être plus clair que sa réponse. Après tout je l'avais voulue, et j’avais cherchés les ennuis en provoquant un peu Tom. Toujours nonchalamment installé sur le banc, les bras croisés derrière ma tête dans une posture qui m'était devenue habituelle, je scrutais les yeux de mon interlocuteur histoire d'en savoir plus, en vain. Ce type était bel et bien un mur pour moi, qui avait pourtant des dons pour ce qui était de sonder les âmes. Sa voix avait été posée, ni froide ni chaleureuse, juste la voix habituelle de Tom.

« Effectivement oui. As-tu déjà parlé aux nouveaux ? »

Naturellement il fut inutile à Jedusor de préciser que cette question était en fait un ordre dissimulé. Or, cela me posait un petit problème non seulement d'éthique, mais aussi de principe. En tant que préfet en chef et idole des élèves de tout âges, j'avais une réputation à tenir, comprenez vous ? Traîner avec ces gamins bouseux et complètement démodés ferait de moi un nul, ou pire...une personne aimable ! D'un autre côté, rendre un tel service à Tom en remplissant d'un même coup la tâche où Daniel ( ce vigoureux crétin ) avait lamentablement échoué. Gloire, reconnaissance, popularité... Qu'étaient ces quelques minutes de ma vie que j'hésitait à offrir aux nouveaux élèves, en comparaison de l'estime que Tom aurait pour moi si je parvenait à remplir ses ordonnances ? Un sourire mesquin et assuré se dessina sur mon visage, signe approbateur qui ne nécessitait pas de mots pour le traduire.

« Non en effet, mais c'est une erreur que j'entends bien corriger dès que possible. Je n'ai pas la chance d'être dans la même maison que l'un d'eux, comme Elena, néanmoins je les croise assez souvent dans les corridors. Engager la discussion ne me posera aucun problème. »

Et ce n'étaient pas des paroles en l'air. Après tout, rien ne m'était impossible, ou du moins presque rien. Mon attention s'était vaguement portée sur ce qu'il semblait être leur meneur, le petit brun binoclard. Son attitude était étrange, et chaque membre de leur curieux groupe semblait suivre ses moindres faits et gestes comme s'ils adoraient un dieu. Je devais en apprendre plus, combler ma curiosité maladive et les besoins d'information de Tom. Pourquoi ne pas tenter ma chance vers le terrain de Quidditch ? Le vestiaire était un vrai nid à confidences pour qui savait attirer la sympathie des bonnes personnes...
Pourtant, en dehors de cette histoire je sentais que Tom avait autre chose sur la conscience, quelque chose de plus lourd et de plus sombre. Qu'était-ce ? Que pouvait il y avoir de si dangereux dans cette stupide école miteuse pour le rendre si songeur ?

« Il y a autre chose, n'est-ce-pas ? Qu'est-ce-qui te préoccupe à ce point ? »

J'avais depuis longtemps gagnée plus ou moins gagnée la confiance de Tom, et l'erreur de Daniel ne faisait que la renforcer d'avantage. Je n'espérais pas une discussion " entre potes " comme j'en avait tant d'autres avec les autres garçons de mon âge, mais bien au moins une explication à cette mélancolie intrigante qui l'avait envahit. Ce qui était de mauvaise augure pour Tom, l'était pour nous tous.

Tom se contenta de hocher la tête, quand Vincent lui assura qu’il allait s’intéresser de plus près aux nouveaux, puisque tel était son désir. Il avait parfaitement compris sa demande implicite (en même temps, depuis le temps qu’il « travaillait pour lui », il savait décoder son langage), parfait. Pour Tom, c’était le point important. Le reste… à vrai dire, il était toujours fermement décidé à ne pas expliciter les raisons qui le poussait à surveiller au plus près les voyageurs. Personne, pas même Daniel ou Vincent, ne devaient être au courant, concernant les horcruxes. Leur faire la confession du morcellement de son âme n’était pas dans ses projets, et il comptait bien ne le faire qu’en dernier recours. C’était une chose qu’il savait judicieux de ne pas partager, avec qui que ce soit. Il était cependant, il est vrai, légitime de la part de Vincent de vouloir en comprendre davantage, se voir confier une mission sans en connaître les tenants et aboutissants rendait cette mission plus difficile, et ses résultats moins certains.

Vincent lui fit comprendre, à sa manière, qu’il voulait en savoir plus, une manière qui n’était pas au goût de l’Héritier. Tom ne voulait pas sembler préoccupé. Si ceux qui lui devaient allégeance constataient son trouble, voyait qu’il n’avait pas le contrôle total sur tout, alors il faisait montre de faiblesse… Et Tom n’était pas un individu faible, ne voulait certainement pas l’être… et encore moins qu’on l’observe comme tel. Et pourtant, c’est vrai, il était bel et bien préoccupé. Tant qu’il n’aurait pas découvert le secret des voyageurs, tant qu’il ne les aurait pas réduit au silence, son esprit ne trouverait malheureusement pas le repos. Leur secret, quel qu’il soit, devait être quelque part lié au sien, et il ne voulait certainement pas voir tout son travail gâché par ces gens qui semblaient tout savoir de lui sans qu’il puisse comprendre une seule seconde pour toi.

« Ils ont quelque chose qui m’appartient, et je compte le récupérer au plus vite. »

C’était une réponse très vague, qui n’expliquait pas grand-chose, mais il n’avait pas l’intention d’être très explicite. Il n’avait pas la moindre intention de révéler à Vincent quel était le quelque chose en question et à quel point il était vital qu’il le récupère. Il en avait dit très peu à Daniel également, seulement que quelqu’un était entré dans la chambre, que quelqu’un avait pris son journal, à présent, il savait qui était ce quelqu’un, mais il ne voulait pas entendre de la part de Vincent des réactions similaires à celles, inutiles, qu’avaient eu Daniel. Un « mais c’est impossible » ou « en quoi ce journal est-il si important » ne l’aideraient pas. Tout ce qu’il voulait, c’était voir Vincent agir concrètement. Que le secret des voyageurs soit découvert était tout ce qui comptait. Le reste, il s’en chargerait. S’il fallait récupérer son journal, d’ailleurs (et bien sûr, il le récupèrerait), il tenait à le faire lui-même. Il ne tenait pas à ce qu’un morceau de son âme se retrouve entre d’autres mains que les siennes… en plus de celles qui s’étaient déjà permis de lui dérober son précieux.

Le ton qu'employa Tom fut froid et distant ( enfin, encore plus que d'habitude quoi ), mais je n'y prêtait pas particulièrement attention. Apres tout, bien que son regard soit noir eut effrayant, même si son esprit n'etait pas des plus rassurants, il restait un jeune garçon de seize ans. Ce qui me préoccupait le plus se situait loin de cette pièce et de cette discussion, loin dans la tour de Serdaigle, quelque part dans la salle commune. La révélation que m'avait faite Elena restait bien ancrée dans mon esprit, tournait et retournait dans tous les sens. Je ne savais pas bien si je devais avoir peur d'elle ou l'admirer encore plus. La disparition de ses parents prenait d'un coup tout son sens. Ma petite-amie était une meurtrière, et contrairement à ce que je pensais, ça ne m'inquiètent pas vraiment. Je trouvais ce nouveau trait de sa personnalité très attirant, animal, sexy... Hum hrm... Bref.

Pendant que je réfléchissais, mon regard s'était posé sur le mur en face de moi, alors que j'étais assis nonchalamment sur le banc du vestiaire. Quand Elena était en compagnie de Tom, elle était obnubilée par chacun de ses mouvements, comme si elle avait l'impression de côtoyer un dieu, ce qui avait don de m'énerver. En fait, plus le temps passait et plus elle ressemblait à cette pédale refoulée de Chaser. J'aurais voulu la haïr rien que pour ça, la trouver encourante, douter sur sa fidélité quand à notre relation, mais je n'y arrivait pas. Personne n'avait jamais obtenue ma confiance de façon aussi complète, à part moi-même bien entendu ( i'm sexy and i know it ). Finalement, Elena m'avait bien demandé d'en parler à Tom si je le croisais, alors pourquoi pas maintenant ? Apres une brève et profonde inspiration, je me jetais à l'eau sans appréhension aucune.

<< Je vois... Au fait, tu es au courant de la disparition des parents d'Elena ? >>

De toute manière, s'il avait des doutes à ce sujet, ils ne pouvaient être que très minces, puisque ma chérie avait très bien oeuvré, tout en discrétion et en mensonges impeccables, elle avait réussi à persuader tout le monde que cette perte l'avait anéantie, promenant dans les couloirs une mine détériorée qui tromperait le ministre en personne. Merveilleuse actrice, garce puissamment sexy, dangereuse meurtrière au sang froid... Elle avait tout pour plaire, et elle était à moi ! Rien qu'à moi ! Enfin presque...

<< Elle a plutôt bien préparé son coup, hein ? Qui pourrait croire qu'elle a tués ses parents de sang froid et qu'elle s'est debarassé des corps avec autant de discrétion et de calme ? C'est à la froid excitant et inquiétant. Une chance qu'elle soit de notre coté... >>

Voilà comment annoncer une nouvelle étonnante avec calme et dignité.

Vincent n’insista pas, ne posa pas de questions quant au fameux objet qui était entré en possession des nouveaux. Il avait du comprendre que poser la moindre question aurait été inutile. Il n’aurait pas répondu de toute manière. Il choisit donc de passer un tout autre sujet. Introduire sa remarque par « au fait » était totalement superflu, puisque ce qu’il dit ensuite n’avait absolument aucun rapport avec ce dont-ils parlaient plus tôt. Peu importait cette digression à Tom, il avait demandé ce qu’il avait à demander, avait donné ses directives, ce qu’il devait résider du temps qu’ils continueraient à parler devait équivaloir à du vide dans son esprit. Ou bien… La remarque de Vincent, bien que mal amenée, avait le mérite de l’éclairer sur un point demeuré quelque peu obscur jusqu’ici (mais il faut également dire que trop de choses avaient préoccupé l’Héritier pour qu’il prenne réellement le temps de s’en soucier) : la mort des parents d’Elena. Il savait, comme beaucoup d’autres, que la jeune fille avait perdu ses parents au cours des vacances de décembre. Durant les rares moments où il s’était attardé sur la question, l’idée qu’Elena ait pu être elle-même à l’origine de leur assassinat lui avait traversé l’esprit. Elle était très compétente, elle possédait un don en matière de magie que très peu d’autres avaient à son âge, elle savait tuer (elle le lui avait prouvé) et elle n’avait jamais vraiment montré de véritable affection pour ses parents - avant que ceux-ci ne soient morts et enterrés, du moins. Ceci dit, ça n’avait été qu’une hypothèse parmi d’autres, peut-être influencée par le fait que lui-même avait détruit ce qu’il lui restait de famille au cours de l’été dernier, il ne s’était pas intéressé à cette histoire d’assez près pour nourrir une véritable opinion à ce sujet.

Vincent confirma que c’était cette hypothèse-ci qui devait primer : Elena avait bel et bien tué ses parents, elle les avait tué de sang froid, et s’était arrangée afin de ne pas être incriminée. Effectivement, c’était impressionnant, et effectivement, avoir la jeune fille de leur côté, de son côté, était une excellente chose. Mais il n’en avait jamais douté. Elena lui ressemblait beaucoup, c’était parce qu’il avait reconnu un peu de lui en elle (pas trop quand même, n’oublions pas qu’il considère que personne ne lui arrive à la cheville). Il avait toujours été convaincu qu’elle n’hésiterait pas à faire couler le sang si la situation l’exigeait, elle en avait la force de caractère. Plus de force de caractère que Daniel ou même Vincent. Elle était un pion particulièrement puissant sur son échiquier. Ce que lui rapportait le vert et argent le lui confirmait… et pourtant, ses propos provoquait en lui un certain agacement, qu’il se garda bien de montrer, ce n’étaient pas les actes d’Elena qu’il remettait en cause, ni même le fait qu’on se permette de lancer des fleurs à quelqu’un d’autre que lui en sa présence (mais ça jouait tout de même un peu quand même, je vous l’accorde), c’était que les propos de Vincent ressemblait au pathétique discours d’un amoureux transi. Tom se moquait bien qu’il y ait amourette ou non entre ces deux là (même si, sans avoir eu à employer ses talents de legillimens, il s’en était bien aperçu). Il était certes malheureux de constater qu’aucun de ses larbins ne semblait échapper à ce sentiment d’une faiblesse inouïe, mais du moment que cela n’altérait pas leur façon d’être et d’agir envers lui et pour lui, cela lui était égal… Sauf que là, la stupide idylle entamée par ses deux larbins et dont il n’avait cure changeait Vincent en créature soumise non pas à lui mais à Elena. On ne peut plus pathétique.

« Effectivement, Elena est un excellent élément. »

remarqua-t-il sans en ajouter davantage, quiconque connaissait Tom savait qu’il était particulièrement avare en compliments. …et quand il en faisait, ce n’était pas forcément bon signe.

« Tu peux apprendre beaucoup à son…contact. »

Ou finir abruti, noyé sous une avalanche de miel et de guimauve. Son ton était ce qu'il y a de plus détaché, comme s'il se contentait de lui donner un conseil amical : autrement dit, s’il trouvait Elena si impressionnante, il ne tenait qu’à lui d’en prendre de la graine. Lui aussi possédait des compétences certaines, sinon jamais Tom n’aurait prit la peine de l’intégrer à son cercle.

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