Elle avait laissé passer le temps. Trop de temps. Reportant, encore et toujours... La vérité, c'était qu'elle redoutait un peu ce qui allait en ressortir. Alors elle avait fait comme si rien ne s'était passé. Elle avait ignoré Pomona, se contentant de réponses banales à des questions qui l'étaient tout autant. « Bonjour. » « Ca va bien? ». Non. Aucune conversation digne de ce nom. Et pourtant, toujours autant de questions qui tournaient dans la tête d'Olive. Et la majorité commençaient par l'adverbe pourquoi.

Et depuis la fin des vacances, les raisons de parler à la serpentard qui partageaient son dortoir s'étaient multipliées. Bien qu'elle ne comprennent pas les dessous de l'affaire, il semblait y avoir quelque chose de pas très clair entre sa cousine et la septième année... Mais bon, là encore, Olive avait laissé coulé. Oh, elle s'inquiétait un peu pour Jo, bien sûr, mais ce qu'elle avait pu imaginé avec le peu d'informations qu'elle possédait n'étant pas dramatique, elle n'avait pas harcelé Pomona Fitz de questions. Il faudrait bien qu'elle le fasse un jour... Mais cela ne pressait pas. Et estimant la jeune fille, elle n'avait pas très envie d'imaginer sur quoi pouvait déboucher quelques phrases assassines...

Elle repensait à tout ça, aujourd'hui, alors qu'elle remontait les escaliers dans le but d'aller à la bibliothèque travailler un peu. Les Aspics arrivaient à grand pas, et le trou qui occupait maintenant son emploi du temps à la place des heures de Métamorphose ne demandait qu'à être utilisé à bon escient... Oui, elle y repensait... A Pomona. A Jo. A Daniel aussi...

Levant les yeux, son regard s'accrocha à une chevelure brune, quelques mètres devant elle. Quand on parlait du loup... Elle accéléra le pas. Hésita un instant. Inspira un bon coup. Se décida enfin. Rattrapa la jeune fille et empoigna son bras.

- Faut qu'on parle...

Et, sans lui adresser le moindre regard, de peur de voir tout son courage partir en miettes, Olive s'engouffra par l'ouverture qui menait à la salle des trophées, toujours vide en dehors des heures de retenues. Et le mercredi, juste après le déjeuné, il n'y avait pas beaucoup d'élèves collés...

Lâchant sa camarade, Olive fit quelques pas, hésitant sur la manière d'aborder les choses. Elle aurait voulu parler de Jo, des cauchemars qu'elle faisait et du prénom, celui de Pomona, qu'elle avait prononcé. Demander pourquoi? Demander ce qu'il avait bien pu se passer. Mais il n'en fut rien. Car lorsqu'elle se retourna et fit face à la jeune fille, ce fut ses problèmes à elle qui prirent le dessus, sortant de l'endroit lointain où elle les avait enfouis...

- Pourquoi t'es allée tout raconter à Chaser? Hein? Pourquoi?

L'énervement et la colère se lisait sur son visage. Après s'être contenue tout ce temps, exploser de cette manière lui faisait du bien, lui ôtait un poids. Le ton incisif et colérique qu'elle venait d'employer s'effaça pour laisser la place à un faible murmure, dépité.

- C'était important pour moi... Je te faisait confiance...

Elle avait baisser les yeux au sol, tournant la tête sur le côté pour ne plus apercevoir Pomona. Elle se sentait pathétique. Nulle. Et elle détestait ça.

- Je suis désolée.

Avec un rire nerveux, Olive releva le regard. Ainsi, Pomona était désolée. Désolée. Ce stupide mot, qui ne changeait rien du tout à la situation. Qui ne permettait pas de changer le passé. Tout simplement parce que rien ne permettait de changer le passé... Mais à ce moment là, Olive s'en fichait.

Tout ce qu'elle voyait, c'était l'ironie toute entière contenue dans ce pauvre mot. Et pourtant, sa camarade était sincère. Elle le voyait bien. Et à vrai dire, elle n se souvenait pas avoir déjà vu Pomona aussi … mal à l'aise? Coupable? Elle n'en savait trop rien, mais cette remarque faite par son cerveau glissa sur elle sans trouver de prises auxquelles s'accrocher.

Elle planta ses pupilles dans celles de la jeune fille, un regard chargé d'amertume et de rancœur.

-J’ignorais le proportions que ça avait. Ça n’excuse absolument rien, je sais. J’ai été égoïste.

Un éclat de colère brilla au fond des prunelles noisettes. Au final, garder cela au fond d'elle 'avait peut être pas été une si bonne idée... Ce qui en résultait? Un profond ressentiment envers sa camarade verte. Elle avait jeté sur elle toutes les fautes. Celles qui lui incombaient, mais également celles de Tom et celles dont elle s'était rendue coupable... C'était toujours plus simple ainsi. Faire porter aux autres le chapeau, n'est-ce pas?

-Non, ca n'excuse rien. Rien du tout même.

Un ton sec. Elle qui préférait onduler dans l'ombre et tendre ses pièges dans l'obscurité n'était pas vraiment à sa place. Mais peu lui importait en cet instant. Mais les circonstances ne lui permettait pas cela. Et Olive en ressentait le besoin, de mettre les choses au clair, face à face.

Nerveusement, elle remit une mèche de cheveux en place derrière son oreille, et laissa son regard arpenter la pièce, s'assurant une fois de plus qu'elle était vide.

-Tu sais, je ne sais pas si j'arriverai à te le pardonner un jour. C'est comme... Une trahison, pour moi.

Sa voix était devenue plus douce. Plus froide aussi, néanmoins. C'était une remarque. Tout simplement. Un état des choses. Elle lança à Pomona un regard incertain, et soupira. Un court instnt, elle se demanda pourquoi Pomona avait choisit Daniel. Tout aurait été plus simple si elle avait parlé à quelqu'un d'autre... Ou du moins, Olive aimait y croire.

- Pourquoi alors? Pour savoir? La curiosité, c'est tout? Ta stupide curiosité mal placée?

Elle voulait comprendre. Mais même ainsi, elle ne pouvait s'empêcher d'enfoncer le clou. Oh, elle aurait pu tout pardonner. Tout oublier. Mais non. Elle n'aurait pas été elle sinon. Elle n'était pas vraiment tolérante, ne pardonnait pas facilement et avait une petite fierté très mal placée.

- Je pourrais essayer de me défendre et de ne pas me faire passer pour la méchante mais c’est inutile. Le résultat est là. Et c’est de ma faute. Quoi qu’il t’ai fait, je suis vraiment désolée.

A ces mots, Olive se radoucit nettement. « Quoi qu’il t’ai fait, je suis vraiment désolée. » A vrai dire, ça aurait pu être pire. Largement et définitivement pire. Elle s'était d'ailleurs attendue à un désastre lorsqu'elle avait compris qu'Il savait. La punition était au dessous de ses élucubrations. Mais il y avait eut des répercussions tout de même. Et elle avait perdu une partie de sa confiance, lui semblait-il.

- Il est trop tard, maintenant, mais je ne me mêlerais plus de tes affaires, ni des siennes. Tu pourras le lui dire, j’ai retenu la leçon.

Olive hocha la tête automatiquement. Ce ne fut que l'instant d'après qu'elle se posa des questions. La leçon? Quelle leçon? Et comprendre quoi? Elle fronça les sourcils sous l'incompréhension. Certaines choses dans cette école lui passait décidément bien au dessus de la tête... Et pourtant, Olive aimait fouiner partout pour découvrir tout et rien. Qu'importe. Avec le peu que lui avait dit Pomona, elle n'arriverait pas à tirer de conclusions qui tiennent la route. Alors, rangeant le tout dans un compartiment de sa mémoire, elle revint à ses moutons.

Soupirant, la jeune fille se passa une main dans les cheveux, se rappelant pourquoi, initialement, elle avait voulu parler à sa camarade.

- Au fait... Elle hésita un court instant, ne sachant trop comment présenter la chose. Ni même si Pomona lui répondrait après qu'elle l'ait accablée de tout ses maux... Jo est venue dormir chez moi pendant les vacances.

Elle jeta un regard en biais à la serpentard, haussa les épaules et continua.

- Elle a fait un cauchemar. Et elle t'a mentionné. Elle disait... Que tu n'avais rien fait. Ou un truc du même genre. Et qu'elle ne voulait pas.

Elle ramena la bandoulière de son sac sur son épaule et fixa la brune dans les yeux.

- Ça te dit quelque chose? Parce que je ne comprend pas trop. Et elle n'avait pas l'air très bien donc... Enfin, je m'inquiète un peu.

Scrutant le visage de la septième année, Olive essaya de deviner à l'avance si Pomona allait lui répondre. Si elle avait la clé à son questionnement. Si elle allait bien vouloir la lui donner. Et ce que Jo pouvait bien ne pas vouloir faire...

Si ça se trouvait, elle avait tout simplement rêvé qu'elle se trouvait en haut d'une falaise de barbe à papa, et qu'elle devait sauter dans le vide avec son parachute en réglisse. Le rapport avec Pomona? En cherchant un peu, elle imagina Hagrid, tout en bas de la falaise, qui avait kidnapper Pomona et qui exigeait que Jo saute de la montagne rose et sucrée pour libérer la verte et argent.

Bon certes, c'était tiré par les cheveux et le monde ne se résumait pas à un magasin de sucreries pour demi-géant, mais dans le monde des rêves, tout est possible, non? Et soudain, Olive se sentit bête d'être venue embêter Pomona avec un monde de barbe à papa et de parachute-réglisse...

Elle se sentait idiote. Un peu plus et elle aurait éclater de rire, essayant de faire passer les absurdités qu'elle venait de proférer pour une blague stupide et pas du tout hilarante. Mais le sujet lui tenait trop à cœur pour qu'elle le tourne en ridicule. D'autant plus que la vérité n'était peut être pas si loin que cela. Et de toute manière, Olive avait énormément de peine à s'imaginer Pomona se moquant d'elle dans les couloirs du château au sujet de cette conversation. Après tout, c'était son job à elle, ça. Et celui d'Inès, Lou et quelques autres. Mais pas celui de Pomona.

Pomona, c'était la fille discrète qui ne disait trop rien et qui se contentait d'observer. D'aller quêter des informations aussi, lorsqu'elles venaient à lui manquer. Mais clairement pas le genre de fille qui se moque. Elle analyse, souvent, elle trouve les autres stupides et inintéressant, parfois, mais garde ça pour elle. Pour elle et pour son carnet.

C'était l'image qu'Olive se faisait de sa camarade en tout cas. Les yeux baissées vers le dallage, la verte et argent réfléchissait, tandis que les prunelles noisette d'Olive se promenait sur elle, cherchant un indice quelconque qui aurait pu la préparer à ce qui allait suivre. Peut être que Pomona avait-elle quelque chose d'intéressant à lui dire, après tout... Car s'il s'agissait d'un stupide cauchemar sans queue ni tête de sa cousine, la Septième Année n'aurait pas prit tant de temps à réfléchir pour lui dire simplement qu'elle n'en savait strictement rien. Non? Alors oui, il y avait quelque chose. Sauf que ce quelque chose s'obstinait à échapper à notre Olivette.

Et lorsque Pomona leva soudainement les yeux vers elle, et que ceux -ci se plantèrent dans ses prunelles, Olive se sentit frissonner. A vrai dire, elle ne s'était pas attendue à autant d'intensité dans ce regard. Ce qui lui semblait auparavant anodin semblait être bien plus compliqué que cela. Un simple cauchemar qui aboutissait sur … Sur quoi d'ailleurs? Mal à l'aise, Olive remonta la bandoulière de son sac sur son épaule, d'un geste mécanique.

- Ton secret contre le mien.

Le geste qu'elle effectuait se suspendit un instant. Les paroles de la jeune fille flottèrent un moment dans sa tête avant qu'elle ne les analyse. Qu'elle n'en comprenne le sens cachée. L'expression de surprise qui s'était installée sur son visage fit place à une moue contrariée. Ses yeux légèrement écarquillés et le regard qu'elle rendit à sa camarade était teinté d'une rage impuissante.

« Désormais, je t’interdis de ne serait-ce que mentionner notre relation à qui que ce soit, ou le moindre élément se rapprochant de près ou de loin à notre serment. »

Les paroles de Tom, gravée au fer rouge dans son cerveau lui revinrent un mémoire, lui faisant pincer les lèvres. Amère, elle prit la parole, toisant Pomona avec mépris.

- Ce que tu me demande est impossible à faire. Et tu le sait très bien.

Droite, froide, elle fixa sa camarade un instant, bras croisés.

- Tu me prêtes des connaissances que je n’ai pas.

Une moue dépitée se peignit sur le visage d'Olive. Elle avait espéré que, par elle ne savait quel miracle, Pomona comprendrait. Comprendrait tout. Qu'elle comprendrait ses problèmes, qu'elle la comprendrait elle, qu'elle saisirait l'ensemble de la situation improbable dans laquelle elle était engluée.

Mais non. C'était la vie, rien de plus, rien de moins. Et ici, pas de miracles, pas d'interventions divines, rien. Juste une magie ancestrale qui lui compliquait de plus en plus l'existence. Pensive, elle laissa son regard trainer sur les différentes récompenses qu'avaient gagnées les élèves au cours des siècles. Elle ne pouvait en vouloir à Pomona. Après tout, à sa place, elle aurait aussi échoué à la compréhension de cet amas gluant et impénétrable qui constituait son histoire.

- Mais puisque c‘est comme ça, tant pis. Je suppose que tu pourras l’apprendre d’une autre façon, de toute manière. Demande le lui, par exemple.

Sa dernière phrase l'avait fait sursauter. Elle chercha du regard la médaille attribuée à leur préfet, et détourna le regard dès qu'elle l'aperçue. Jedusor. Tout revenait à lui, inexorablement. Une grimace apparut un instant sur le visage d'Olive, avant qu'elle l'efface pour observer sa camarade avec une expression neutre.

Soucieuse, elle ne put s'empêcher de froncer les sourcils. Ainsi, Jedusor était encore fourré derrière tout ça? Et même si sa conversation avec la serpentard ne lui apprenait rien en soit, elle y trouvait quand même son bonheur.

D'une, le cauchemar de Jo n'était pas si banal que cela, et pouvait être recoupé avec le réalité. Aucun rapport avec un monde irréel peuplé de barbe à papa et de guimauve rosâtre.
De deux, il semblait y avoir bien plus derrière cela. Quelque chose qui concernait Pomona directement, et que la jeune fille défendait plus ou moins contre sa curiosité.
De trois, Tom s'en était mêlé. Et cela, ça ne voulait rien dire de bon. Une petite voix désagréable lui souffla qu'il s'agissait de sa punition pour avoir trop parlé. Pour avoir trop parlé à Pomona. Mal à l'aise avec l'idée d'avoir mis en danger sa cousine avec ses actes irréfléchis et aventureux, elle ramena une mèche en place d'un geste nerveux.

- Désolée de t'avoir embêtée avec tout ca...

Une voix sans vraiment d'intonation, et un sens qu'elle ne pensait pas vraiment. Elle avait avancée, au moins un peu, et si Pomona avait dû subir une conversation peu plaisante avec elle et bien... Au final, ce n'était pas bien grave. Ne voyant plus trop ce qu'elle pouvait bien ajouter, elle adressa un regard à sa camarade. Décidément, la vie semblait bien compliquée pour deux jeunes filles même pas encore sorties de Poudlard...

Elle s'était contentée de hausser les épaules. Comme si les excuses d'Olive, bien que peu sincères, ne valaient pas grand'chose. Elle avait haussé les épaules, avant de s'excuser à son tour, plus sincère que sa camarade.

- C’est moi qui suis désolée.

Et Olive eut envie, à son tour, de hausser les épaules. S'excuser, ça semblait bien quand c'est nous qui prononcions les mots. Pour la forme. La politesse. Se débarrasser d'éventuels scrupules. Mais ce n'était que lorsqu'on les entendait, de nos propres oreilles, qu'on se rendait compte à quel points ces pauvres mots étaient vides de sens. S'excuser. C'était bien beau. Se faire pardonner, c'était bien mieux. Bien plus dur, aussi. C'était ce à quoi pensait Olive, alors que le regard de Pomona s'était fixé sur elle. Ses prunelles noisette détaillèrent un instant la verte et argent, avant qu'elle ne reprenne la parole.

- À plus tard, alors…

Et, faisant demi-tour, Pomona Fitz s'éloigna. Le regard dans le vague, Olive se entraperçu le dos de la jeune fille qui s'éloignait, et quittait la salle. Elle n'avait pas dit mot. A quoi bon? De toute manière, elle n'avait rien à dire.
Rien à dire à Pomona.

La conversation qui venait d'avoir lieu lui semblait presque irréelle, tellement elle avait été étrange aux yeux de la serpentard. Elle avait l'impression d'avoir assisté, et participé, à une pièce de théâtre où les scènes étaient jouées dans le désordre, et dans laquelle plusieurs moments avaient été oubliés.

Sans trop savoir quoi faire, Olive resta quelques minutes ici, seule, debout. A ne rien faire, hormis réfléchir avec la lenteur d'un escargot. Elle finit par cligner des paupières et se mettre en branle.

Le cours de Métamorphose était loin d'être terminé. Il lui restait du temps à occupé. Alors que faire? Bibliothèque? Elle ne se sentait pas vraiment en état pour réviser, même si c'était son but premier avant de croiser Pomona. Alors, la jeune fille sortit en douceur de la salle des trophées. Tourna à gauche. Se dirigea vers le dortoirs des verts et argents, sans nul doute vide de monde à cette heure de la journée.

Et en chemin, elle trouverait bien quelque chose à faire...