C'était étrange de se retrouver dans une configuration où ce que l'on avait connu depuis bien longtemps se retrouvait à changer soudainement de forme, comme ça, sans prévenir. Le manoir des Black, Walburga y avait passé beaucoup de temps, que ce soit dans son enfance ou son adolescence, et pourtant, y mettre les pieds à présent ne représentait plus la même chose qu'à l'époque : parce que c'était une dynamique très différente qui primait, maintenant. En se rendant en ces lieux qui avaient été longtemps pour Walburga "la maison d'Orion", elle se rendait à présent chez ses beaux-parents. Certes, pas encore officiellement, puisque le mariage n'avait pas encore été prononcé, mais la date fatidique approchait néanmoins, et si Walburga s'en réjouissait, une nervosité naturelle de jeune mariée commençait, doucement mais sûrement, à prendre le pas sur le reste de ses pensées.

Elle n'était donc pas aussi à l'aise qu'à une époque au moment de frapper à la porte du manoir. Elle savait qu'elle n'était plus seulement observée comme la fille de Pollux Black et grande amie d'Orion. Elle était la fiancée de leur fils, celle qui leur donnerait des petits-enfants, celle qui devait porter haut et clair les valeurs de leur famille. Soit, étant donné que son nom de famille était déjà le bon, elle les portait d'ores et déjà, ces valeurs, en réalité, mais son identité serait à présent complètement corrélée à celle de son époux, et ça ne pouvait bien sûr que faire une sérieuse différence et changer de nombreuses habitudes.

Elle avait été conviée à un dîner qui ne devait rien avoir de très formel, et qui n'était pas le premier depuis ses fiançailles, qui devait leur permettre notamment de progresser concernant l'organisation du mariage. Rien de formel techniquement, non, mais grandes familles de sangs purs oblige, il fallait tout de même respecter un certain protocole, une certaine décence, des manières précises. Raison pour laquelle Walburga était habillée sur son trente et un. Elle frappa à la porte et fut accueilli par l'elfe de maison, qui la mena jusqu'à sa belle-famille. Elle les salua tous avec politesse et déférence. Au jeu de la petite fille modèle, elle avait de l'entraînement : elle savait s'y prendre.

-Bonsoir, je vous remercie encore de votre invitation, c'est toujours un plaisir de passer du temps avec vous. Comment allez-vous ?

De manières en rond de jambes, elle tourna un regard vers Orion, elle comptait sur lui pour ce qui était du soutien moral, toujours nécessaire dans ce genre de situation, comme elle lui en apportait chaque fois qu'Orion devait se retrouver en présence de son père.

Pour Melania, l'organisation du mariage de son fils relevait bien davantage de la corvée, de l'obligation que de toute autre chose qui prêterait, d'une manière ou d'une autre, au moindre enthousiasme, de près comme de loin. Elle n'était pas spécialement impatiente de voir ces noces arrivées, qui représenteraient pour elle un effort absurde de sociabilisation avec ses pairs sous le regard vigilant de son mari qui s'inquiéterait du moindre faux pas de sa part. Bien sûr, bien sûr, c'était une très bonne chose que son fils ait trouvé une fiancée, et qui plus est une fiancée qui non contente d'être bien sous tout rapport était aussi une jeune femme pour qui il nourrissait des sentiments (encore que cela pouvait être autant un inconvénient qu'un avantage, en réalité, c'était le genre de situations qui pouvaient compliquer les choses rapidement... les sentiments mettaient toujours un joyeux bordel dans la vie des uns et des autres)... Mais elle avait tout de même hâte que ce moment soit passé.

Elle savait que d'autres seraient ravies de combler le vide de leur existence de bonnes mères et épouses de sang pur en jouant les organisatrices de mariage, mais ce genre de fantaisies ne lui plaisaient pas spécialement. Certes, Melania aimait son fils, même si elle ne le montrait que fort peu, était-ce pour autant qu'elle prenait plaisir à tout ce cérémonial ? Pas spécialement. Mais semble-t-il qu'il fallait en passer par là malgré tout, et donc, ils s'en retrouvaient à assister aux dîners du genre... Elle avait, bien sûr, relégué la plupart des tâches à l'elfe de maison, mais avait tout de même pris le parti de faire un minimum d'efforts. Maintenant, elle espérait surtout que ce moment passerait rapidement et ne serait pas aussi embarrassant qu'il donnait le sentiment de devoir l'être peu importe les circonstances.

Walburga, parfaitement ponctuelle, se présenta à l'heure, alors que la table était mise et le repas prêt à être servi. C'est un sourire de circonstance que Melania déposa sur ses lèvres au moment de l'accueillir, répondant à la politesse de la jeune femme par une autre. Puisqu'elle faisait preuve de bonne volonté, il n'y avait aucune raison valable de lui mettre des bâtons dans les roues, évidemment.

-Bonsoir Walburga. C'est toujours un plaisir de t'accueillir sous notre toit, tu sais bien, tu es toujours plus que bienvenue. Je me porte à merveille, et j'ai même une excellente nouvelle pour toi. Les hommes exigeront sans doute de remettre cette conversation à plus tard, mais sache que cela concerne ta robe.

Chose dont Melania avait dû se charger, puisque Walburga n'avait pas de mère pour le faire... et c'est bien connu que les robes et autres chiffons étaient une affaire de femmes.

-Et si nous passions à table ? Notre elfe de maison a fait un travail absolument exceptionnel, tu verras.

Walburga qui passe du temps à la maison, ce n'est pas une nouveauté, avant d'être ma fiancée, elle a surtout été ma meilleure amie, et nos parents respectifs ont été habitués à nous voir constamment dans le sillage l'un de l'autre depuis qu'on est hauts comme trois pommes, mais tout est différent, maintenant. Quand Walburga se joint à notre table, elle n'est plus seulement mon amie la plus précieuse et la plus importante, elle est un futur membre de la famille. Bon, si on veut chipoter, elle est déjà un membre de la famille, en vérité, mais vous m'avez parfaitement compris, pas vrai ? Bien sûr que vous m'avais compris.

Et donc, alors qu'elle vient dîner avec mes parents, on sait à quoi s'attendre, ça va discuter mariage, encore et encore, et même si nous marier a été notre décision (surtout pour nous éviter d'autres fiançailles), tout le décorum autour n'est pas ce qui nous passionne le plus. Mais ne nous en déplaise, nous n'avons d'autre choix que de jouer le jeu. C'est ce qu'on attend de nous, et nous faisons toujours ce qui est attendu de nous, c'est ainsi.

Walburga arrive, et comme à son habitude, elle est parfaite. Elle fait montre d'une politesse remarquable et se montre particulièrement déférente. Je me rapproche d'elle et dépose une bise pudique sur sa joue avant de lui souffler quelques mots d'encouragement à l'oreille.

C'est alors à maman de prendre la parole, elle fait la conversation, évoque la robe de Walburga (et elle n'a pas tort, je n'ai pas envie d'entendre parler de ça, même si, en revanche, je suis impatient de voir ma fiancée dans sa robe le jour J).

-En tout cas, ça sent particulièrement bon, je confirme avec un fin sourire avant d'ouvrir la marche vers la salle à manger, main dans la main avec ma fiancée.

Nous prenons finalement place, et l'elfe de maison se charge de nous servir. Nos verres remplis, je considère le mieux. J'aurais préféré qu'il n'y ait que de l'eau dans le verre de maman, mais ça...

-Et si nous portions un toast ? je suggère en essayant de montrer aussi confiant que possible. A notre famille ? je suggère en me disant que ce n'est pas le genre de toast qui devrait prêter à contradiction, pour le coup.

Ce n’était pas la première fois que Walburga venait diner chez eux, elle avait souvent au l’occasion de le faire avant et même depuis ses fiançailles avec Orion, mais c’était toujours un moment… important. Avant le mariage, ça le devait parce que le jugement sera toujours là et qu’ils en profitaient pour peaufiner les détails de la cérémonie, après le mariage ça le sera parce qu’il faudra juste continuer sur cette lignée. Arcturus était heureux pour son fils, au vu de ce qui s’était passé, il s’en sortait à merveille et en prime, il avait choisi sa fiancée. Les sentiments n’étaient pas un argument à prendre en compte, mais Orion avait fait les choses correctement. Walburga était parfaite, elle allait porter haut et fort les valeurs de leur famille (en grande partie parce qu’elle portait déjà leur nom d’ailleurs), son choix était idéal. Arcturus salua Walburga comme il se devait.

Mais tant que ce mariage ne sera pas célébré et les deux jeunes gens officiellement mariés, la tension de Arcturus sera toujours présente. Parce qu’il craignait une nouvelle déconvenue, tout comme il craignait aussi la cérémonie en elle-même. Ce moment allait devoir être parfait, parfaitement parfait et… il y avait quelques détails agaçants. L’homme espérait que ces détails n’allaient pas poser problème ce soir-même d’ailleurs. Melania semblait plutôt de bonne composition quand elle commença à faire la conversation, mentionnant la robe de mariée de Walburga. Effectivement, cela était une affaire de femme et Arcturus était satisfait que son épouse ait prit le relai de la mère de Walburga, il ne l’aurait pas réellement parié au début tant elle était capable d’être nonchalante par moment. Cela dit… Arcturus hésitait quand même presque à mettre son nez dans l’histoire pour s’assurer que son épouse ne faisait pas n’importe quoi. Mais non, il lui ferait confiance pour le moment.

Quand ils furent installés pour le repas, que Arcturus avait effectivement assez hâte de déguster après une journée de travail, Orion prit les devant en proposant un toast. Arcturus observa son fils, qui fit preuve de prudence certes, mais d’une bonne manière. À leur famille, ce qui importait le plus.

« À notre famille. » Répondit Arcturus en levant son verre également, observant les uns après les autres les trois personnes autour de lui. Son regard, en plus de se porter sur son épouse, se posa rapidement sur le verre de cette dernière. Si ça ne tenait qu’à lui, elle ne boirait d’alcool, mais il ne pouvait malheureusement pas y faire. « À vous deux. » Ajouta-t-il en reportant son attention sur Orion et Walburga. « Et à tout ce que l’avenir va pouvoir vous apporter. » Cette famille qu’ils allaient fonder et offrir enfin à Arcturus et Melania qui pourrait compter sur eux pour avoir de vrais petits enfants, contrairement à Lucretia. « Je suppose que vous devez avoir hâte d’en finir avec tout ça et pouvoir enfin être tranquille tous les deux, mais ne vous en faites pas, ça va arriver vite. »

Et Orion allait quitter la maison familiale, laissant ses deux parents seuls avec eux même. Joie bonheur.