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ien de plus primordial que l'amitié, et pourtant, par moments, James se rendait bien compte qu'il avait tendance à négliger ses amis au profit de... eh bien de rien, il n'avait pas d'excuses si ce n'est celle de ne pas vouloir s'imposer, une excuse qui ne valait pas grand-chose, en somme. C'était ainsi, ça avait toujours été dans son caractère : il redoutait toujours d'être de trop, il n'avait aucune envie de faire intrusion dans la vie de ses proches, et chacun avait sa vie, une vie bien chargée qui plus est. Sans compter que le libraire avait bien conscience de n'être que rarement de bonne compagnie, et de ce point de vue-là, même si certaines choses avaient effectivement changé, la morosité ne l'avait pas déserté pour autant.

Oui, les choses s'étaient apaisées avec Lindsay (encore qu'il avait bien conscience d'être sur la corde raide avec elle, et qu'elle ne lui pardonnerait pas la moindre erreur), et il avait à présent l'occasion de voir son fils de temps en temps, ce qui était à ses yeux le plus grand privilège qu'il puisse espérer, mais il n'empêche qu'il se sentait... désespérément seul, comme dépossédé de lui-même depuis le départ d'Ethan. Il avait, semble-t-il, fallu attendre qu'il ait dépassé les trente ans pour affronter ce que d'autres connaissaient bien avant lui : son premier vrai chagrin d'amour, et le temps avait beau passer, les jours se changer en semaines, puis en mois, la blessure ne se refermait pas, ou à peine. Par moments, il réussissait à ne plus penser à lui, puis un rien, un détail, le ramenait inexorablement à ce sentiment de vide, comme si on l'avait dépossédé d'une part essentielle de lui-même. Ce qu'il avait connu avec Ethan, il ne le retrouverait plus jamais avec qui que ce soit d'autre. C'était comme ça, une complicité, une relation, ce quelque chose perdu dans un temps et un espace à présent inaccessibles... et s'il pouvait ouvrir une fenêtre sur ces instants perdus, il ne pourrait jamais y retourner.

Oui, vraiment, il fallait qu'il voie plus souvent ses amis, c'était assez de broyer du noir comme ça, ça ne menait évidemment nulle part. Et ce n'était pas juste non plus pour ses proches, qui avaient leurs propres histoires, leurs propres problèmes à régler. Il était tout naturel qu'il soit là pour eux. Il avait donc répondu avec plaisir à l'invitation d'Elros qui, il l'espérait, ajouterait de la gaieté et de la bonne humeur à son quotidien morose. Il avait sonné à sa porte avec une bouteille de vin des elfes sous les bras.

-Bonsoir Elros, ça me fait plaisir de te voir. Je vais bien, assura-t-il plutôt que de commencer à partir dans des circonvolutions à n'en plus finir. Ce soir, il passait du temps avec un ami, alors oui, il allait bien. Et toi ? Comment tu vas ? Comment ça se passe, les préparatifs du mariage ? Et comment va Mina ?

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l avait l'air plutôt en forme... vraiment ? Eh bien, tant mieux. Il ne savait pas trop quelle tête il avait, il savait seulement qu'il n'était pas rare qu'on lui fasse remarquer qu'il avait l'air triste et maussade, parce qu'il était effectivement triste et maussade. Oui, les choses allaient mieux avec Lindsay, et donc avec Gabriel, mais ce n'est pas pour autant qu'il se sentait bien, ou heureux. Non, il se sentait seul, démuni, et il se faisait doucement à l'idée que ça ne changerait pas. Il avait perdu la moitié de lui-même, il ne pouvait pas l'effacer si facilement, c'était même absolument impossible. Mais il devait faire bonne figure auprès de ses proches quoi qu'il en soit, et qu'Elros considère qu'il avait l'air d'aller bien le rassurer, ça voulait dire que son sale moral ne devait pas forcément gâcher celui des autres.

De toute manière, il n'avait pas envie de penser à lui et à ses états d'âme à l'heure actuelle, il préférait largement s'intéresser à Elros, à sa vie, et à tout ce qu'il pourrait avoir d'intéressant à lui raconter, et qui serait à mille lieues du bourbier que pouvait être sa vie parfois, il ne voulait entendre que des bonnes nouvelles. Elros avait toujours été un concentré d'optimisme, et il comptait sur lui pour lui remettre les idées en place comme il avait toujours si bien su le faire.

Elros lui apprit qu'il avait beaucoup de travail en ce moment. C'était une chose que James concevait sans mal, il se doutait que ce n'était définitivement pas le travail qui devait manquer ces derniers temps. Mais ce n'était pas mal, quelque part, ça avait le mérite de vous occuper, quoique ce qui valait pour James ne valait pas forcément pour Elros, c'est vrai.

-La dernière fois que tu l'as vue... ? demanda James d'un ton concerné, mais il n'eut pas besoin de demander plus de précisions, plus qu'Elros les lui donna immédiatement.

Mina Murray faisait son petit bout de chemin dans le Quidditch professionnel, ce qui signifiait par conséquent qu'elle était souvent absente ou en vadrouille. Et donc que le couple de fiancés ne se voyait presque plus. Certes, c'était une chance et une très bonne chose que Mina puisse poursuivre ses rêves, mais James ressentait de la frustration de la part d'Elros... Ce n'était sans doute pas ainsi qu'il avait envisagé que leur vie de couple une fois que Mina aurait quitté Poudlard, ce que James comprenait parfaitement. Le libraire espérait surtout que son ami n'allait pas essuyer une déconvenue sentimentale. Il était bien placé pour savoir combien certaines pouvaient être tout bonnement insupportables.

-Et comment tu le vis ? Ce n'est pas trop difficile pour toi ?

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our avoir connu l'amour, le vrai, celui qui bouleverse vos préconçus et vous oblige à tout reconsidérer, James estimait pouvoir au moins se mettre à la place d'Elros quant à sa situation amoureuse... Oui, la différence d'âge entre Mina et lui l'avait questionné, même s'il s'était senti aussitôt très mal placé pour apposer la moindre once de jugement à ce sujet ou aucun autre (il ne saurait être le juge des relations de qui que ce soit au regard de ses propres préférences, selon lui, car il était tout de même encore biaisé par les préjugés qui couraient dans sa famille depuis plusieurs générations - ce n'était pas qu'un luxe offert par les sangs purs).

Alors oui, il savait que quand on était vraiment amoureux - enfin, là encore, il était biaisé par son expérience sans forcément réaliser que non, ce n'était pas le cas de tout le monde -, on avait envie d'être constamment avec l'autre, sa présence nous était essentielle, indispensable... Alors bien sûr qu'il peut se mettre à la place d'Elros et se dire que àça devait être difficile d'être ainsi éloigné de la femme qu'il aimait. Lui devait à présent vivre pour de bon sans Ethan, et c'était un calvaire de tous les instants pour lui, alors clairement, il était capable de comprendre.

-Oui mais... Et tes rêves à toi ? osa demander James.

Il estimait que le comportement d'Elros vis-à-vis de sa fiancée était très sain, il avait tout à fait raison de l'encourager à vivre ses rêves, surtout si la jeune femme savai se donner les moyens de parvenir à ses fins. On ne pouvait pas entraver l'autre et devenir la seule chose dans sa vie, ce n'était jamais une bonne chose de se comporter ainsi. Mais pour savoir construire quelque chose, le manque, l'absence, la résignation, voire même les reproches refoulés n'étaient jamais forcément une bonne chose, loin s'en faut.

-Je veux dire... Est-ce que tu penses que la vie dont tu rêves est compatible avec la vie dont rêve Mina ?

Peut-être qu'Elros lui en voudrait d'exposer les choses ainsi, mais c'était en toute amitié que James osait lui poser la question, pour le coup. Parce que justement, Mina et Elros n'étaient que fiancés, il était peut-être encore temps de se poser les bonnes questions sur leur compatibilité, et même si ce n'était pas forcément simple, c'étaient peut-être le genre d'objection que James aurait voulu entendre avant d'épouser Lindsay - quand bien même ça ne l'aurait sans doute pas dissuadé de le faire pour autant.

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ames n'aimait pas l'idée de semer le doute dans l'esprit d'Elros. C'était une manière de faire insidieuse, il en avait bien conscience, d'un autre côté, il ne se voyait pas taire ses doutes alors que ces mêmes doutes pourraient bien décider de l'avenir de son interlocuteur. Ce n'était pas juste de le laisser potentiellement aller droit dans un mur alors que James avait le sentiment de le voir se profiler à l'horizon. A tort ou à raison, peut-être. Son opinion n'était peut-être pas demandée, mais il se permettra de la donner tout de même.

-Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te donner des conseils mais... Il se permettrait de le faire tout de même. Tu vas l'épouser, tu t'apprêtes à engager ta vie entière, tu as l'intention de rester avec elle pour le reste de ta vie... Je pense que si tu dois avoir le moindre doute, il est préférable de l'avoir maintenant que quand il sera trop tard.

Un mariage était un engagement des plus sérieux, et James en savait quelque chose. Il regrettait de s'être engagé si rapidement avec Lindsay. Certes, à l'époque, il était sûr de lui... mais rétrospectivement, ils étaient trop jeunes, ils ne se rendaient pas compte des répercussions. Bien sûr, le divorce était possible, et c'était ce qu'ils avaient fini par faire, mais leur réputation s'en était vue entachée, et James se sentirait toujours particulièrement responsable de Lindsay, dont les péripéties sentimentales qui avaient suivi leur séparation s'étaient révélées particulièrement douloureuses.

-Peut-être serait-il une bonne chose que vous ayez ne serait-ce qu'une conversation ouverte à ce sujet, afin d'être clairs avec vos envies et vos attentes avant de vous engager pour la vie.

Bien sûr que les conseils de James en disaient long sur son point de vue, mais on ne pouvait pas dire qu'il soit mal placé pour en parler après l'échec de son propre mariage... Il ne savait pas si ses conseils seraient les plus judicieux et les plus bienveillants. En revanche, on ne pourrait certainement pas lui reprocher sa sincérité. De ce point de vue-là, il était totalement honnête avec lui-même, et avec les circonstances.

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