Cassiel Rowle était le seul garçon qu’Uriel et Hécate Rowle étaient parvenus à avoir et, de ce fait, il était celui sur qui reposait tous les espoirs de prospérités que son père souhaitait pour sa famille et son nom. Pourtant il fit un mariage simple, loin du faste qu’Uriel aurait souhaité : il épousa Calista Avery, une jeune fille d’une famille de Sang-Pur sans grande prétention. S’aimaient-ils ? Non. Ils avaient été fiancés tôt, avaient appris à se connaître et avaient développée une solide amitié, mais il n’y eut jamais de sentiments entre eux. Seulement un soutient indéfectible et une loyauté à toute épreuve. Ils avaient grandi dans l’optique de leur mariage et de leur vie commune, cela allait donc de soi, et ce serait ainsi que se déroulerait leur vie. Chacun s’en contentait et y trouvait son bonheur.

Le mariage eut lieu très tôt, à peine Calista eut-elle terminé ses classes à Serdaigle – car, après tout, pourquoi attendre ? Les premières années passèrent dans une douceur peu commune pour les mariages de Sang-Pur – Cassiel se consacrant corps et âme à sa carrière dans la Coopération Magique Internationale et Calista s’adonnant à sa passion de la botanique et suivant son époux dans ses déplacements. Mais, très rapidement, la question de la descendance se posa. Après cinq longues années – dont les deux dernières furent lourdes de la pression paternelle qu’Uriel Rowle faisait peser sur le couple pour que ce dernier ait enfin un enfant – Calista donna naissance à une petite fille, Achlys Rowle. Ce fut à la fois un grand bonheur et une grande déchirure pour la jeune mère : la grossesse, compliquée, avait abouti à une naissance compliquée également et l’enfant était chétive, faible, de mauvaise condition. Achlys fut, dès sa naissance, obligée à de fréquents allers-retours à l’hôpital pour surveiller sa santé fragile et, par la suite, elle fut obligée de vivre la plupart du temps alitée. Calista et Cassiel consacrèrent beaucoup de leur énergie à rendre la vie de leur fille aussi facile que possible, même s’ils ne purent jamais supprimer son handicap ni l’amère sensation d’échec qui les marquait au fer rouge devant cet être si chétif.

Deux ans plus tard, ce fut Calista qui demanda à son époux un autre enfant. Elle fut très vite de nouveau enceinte et, cette fois-ci, le couple prit toutes les précautions du monde. Neuf mois plus tard, un nouvel enfant Rowle voyait le jour : Castiel, du haut de ses quelques secondes de vie, fut alors immédiatement investi de tous les espoirs de sa famille.

La naissance de Gabriel, elle, ne fut pas prévue et surpris tout le monde : persuadée de ne plus être capable d’avoir d’enfant après avoir difficilement réussi à en avoir un deuxième, Calista ne se rendit compte de sa grossesse qu’au moment de l’accouchement. Gabriel naquit ainsi le 26 octobre 1914, trois ans après Castiel. La fratrie était enfin complète et commença alors le fort des aléas de la vie familiale.

Très vite, en effet, les deux garçons se révélèrent particulièrement doués pour les bêtises, l’aîné entraînant constamment le plus jeune dans son sillage. Gabriel était alors un petit garçon défini par l’ombre de son grand frère, constamment second, admirant et aimant Castiel autant qu’il pouvait parfois le jalouser, voir le détester. Même sa première manifestation de magie – qui consista à léviter à travers tout le salon pour passer outre la surveillance de ses parents – ne fut pas suffisante pour l’élever au range de Castiel, qui semblait le surpasser en tout. Son frère était si adulé, si aimé, que même lui ne pouvait le haïr tant il semblait être parfait.

La mort de leur père vint mettre un terme à ce début de haine fraternelle qui se nouait. Ce fut en 1924 qu’on vint leur annoncer le décès de Cassiel, attaqué lors d’un de ses voyages à l’étranger et tué sans autre forme de procès avant d’être dépouillé comme un vulgaire moldu. Il fallut rapatrier le corps, organiser les obsèques, essuyer les larmes de leur mère… Gabriel fut énormément impacté par la mort de son père, qu’il voyait encore, du haut de ses dix ans, comme un géant invincible. Toute cette admiration, il la reversa alors sur son frère qui, du haut de ses treize ans, passa sous la coupe de leur grand-père Uriel pour être formé à son futur rôle de chef de famille.

L’atmosphère radicalement différente qui s’imposa alors – passant d’une chaleureuse douceur à une poigne de fer intransigeante – permis paradoxalement à Gabriel de s’émanciper et de prendre un chemin différent de celui de son aîné. Ce fut le début de son insubordination : profondément rebelle face à l’autorité du vieillard, qui tentait de museler sa tristesse, Gabriel prit le parti de n’en faire qu’à sa tête. Et, après tout, pourquoi pas ? Il était le second dans l’ordre de succession, il n’avait pas à s’embêter des mêmes responsabilités que son frère qui, peu à peu, s’affirmait sous la poigne de son grand-père et semblait suivre les traces de la grandeur de leur père.

En 1925, un an après la mort de son père, Gabriel fit alors son entrée à Poudlard et fut réparti à Serpentard, un peu à la surprise générale – le petit n’ayant jamais montré des signes particuliers de malice ou quoi que ce soit en rapport avec les valeurs des verts et argents. Au fond, entre sa sœur malade et son frère prodige, c’était juste qu’on faisait trop peu attention à lui pour voir l’ambition dévorante qui l’animait déjà à cette époque.

En 1929, Uriel mourut à son tour et ce fut presque naturellement que, du haut de ses dix-huit ans, Castiel reprit la tête de la famille, soutenu par sa mère et sa grand-mère. Trois ans plus tard, Gabriel terminait Poudlard, avec des résultats excellents. Durant sa scolarité, il avait eu le temps de se passionner pour les coups d’éclats, pour les affaires des autres - qui l’empêchaient de penser aux siennes – et avait travaillé une certaine plume, plutôt bonne et acérée. Il fut pris en tant que stagiaire à la Gazette du Sorcier et traça son chemin tranquillement, laissant Castiel assumer les responsabilités, ne pointant le bout de son nez que pour détendre l’atmosphère. Le plus jeune des Rowle vivait de façon peu sérieuse, ayant intégré que son rôle comptait peu et que, de toute façon, l’importance serait toujours confiée à quelqu’un d’autre.

Grave erreur.

Castiel, sur les conseils de son grand-père, c’était orienté dans une carrière chez les Aurores. Très fier de son début de carrière, il n’avait pu s’empêcher de faire du zèle, d’autant plus qu’une fois de plus, on ne pouvait que reconnaître son génie. Ce fut ce qui lui coûta la vie, en 1936 : un coup d'éclat, un sortilège de mort, et voilà qu’il en était fini avec l’étoile montante des Rowle, ce cher grand frère prodige…

Plus de grand-père. Plus de père. Et maintenant, plus de frère, plus de figure splendide à laquelle se raccrocher et un chagrin incommensurable. En l’espace d’un claquement de doigt, le petit dernier des Rowle, celui qui avait toujours pensé qu’il n’était là que pour faire joli, se retrouva propulsé sur le devant de la scène. A vingt-deux ans, sans préparation aucune, avec à peine un premier emploi de gratte-papier, Gabriel se retrouva chef de famille. Cet enfant qui avait toujours fuit toute sorte de responsabilité dut donc faire face, bien malgré lui, aux responsabilités d'un chef de famille et à la douleur d'un deuil supplémentaire.

Il s’entoura alors de la famille qui lui restait et découvrit, à son immense surprise, un appui de qualité en sa sœur, de laquelle il n’avait jamais été bien proche. Porté par Achlys, par sa mère et par Hécate, sa grand-mère, qui, d’une main de fer dans un gant de velours, dirigeait parfaitement les actions internes, Gabriel fut élevé en tant que dirigeant et se composa un masque allant avec. Il ne pouvait, de toute façon, plus reculer. Il se lança alors à corps perdu dans son travail, se mettant brusquement à gravir les échelons. Attiré par les coups d’éclats et les scandales, Gabriel prit rapidement goût à étaler le linge sale des gens au grand jour et devint donc journaliste d’investigation en 1941.

Il met depuis un point d’honneur à maintenir la réputation qu’il s’est fait au sein de la Gazette : quand il apparaît quelque part, c’est qu’il y a quelque chose à déterrer. Perdu entre le détective en quête de justice et le flic véreux, Gabriel se plonge corps et âme dans son travail pour fuir ses responsabilités qui, avec le temps, deviennent de plus en plus conséquentes. Il tente notamment d’éviter la question du mariage et laisse toutes ces affaires à sa sœur, qui est bien plus à même que lui pour gérer tout ça.