Force est de constater que rien, mais absolument rien, ne destinait Hawthorn Jeremy Reed Avery, à devenir un jour mangemort. Mais le destin, comme les dieux, est capricieux et aime particulièrement à se jouer des mortels, même sorciers, et même lorsque ceux ci débutent en théorie bien dans la vie.

Pour comprendre, il faut commencer par un autre Avery : Jeremy Avery. Issu d'une branche cadette de la famille, ce personnage truculent avait récupéré de son père, Reed Avery (premier du nom), une intelligence féroce, et de sa mère un tempérament bonhomme et philanthrope, mais aucunement le sens des affaires des affaires de son père, contrairement à ce qu'il croyait, et qui passerait uniquement à son frère, Rowland. En quelque sorte laissé en friche, aucune obligation réelle ne pesant sur lui comme cadet d'une famille de sang pur en dehors du mariage, le jeune Jeremy développa une personnalité aimable et excentrique. Fasciné par les créatures magiques, et le quidditch, il décida qu'il ferait son métier de permettre aux autres de voler. Cultivé et ouvert, il décida de s'associer avec un autre camarade de classe, Setor Hammond, sans prêter attention à son statut du sang. Du point de vue de Jeremy Avery, le statut du sang ne valait pas grand chose, par rapport à l'intelligence, aux livres qu'on avait lu, et à la valeur humaine des personnes. Et c’est ainsi que naquit la  Avery & Hammond's Broomsticks Company, ou plus simplement A&H, une des premières sociétés anglaises de fabrication de balais volants grand public.

Ce fut là sa double erreur de jugement. D'abord parce qu'il était sans doute trop avant-gardiste pour son temps : sa famille ne comprit pas, et on commença peu à peu à le mettre de côté lui, puis ses descendants, ce qui continue aujourd'hui. On les tolère, mais on ne les aime guère.  Ensuite parce qu’il avait peut-être tort de faire confiance à la nature humaine et à la bonté de son prochain : si quelqu’un avait le sens des affaires, c’était bien son partenaire.

Dans un premier temps, cependant, la vie réussit à Jeremy. Il avait une femme, une entreprise, et des amis. C’est dans ce contexte que naquit Hawthorn, son premier et seul fils. Ledit Hawthorn passa une enfance heureuse. Si ses parents n’étaient guère aimés, au moins n’étaient-ils pas affligés du caractère froid et distant des sang purs classiques et du carcan rigide qui allait avec, si bien que Thorn fut relativement protégé des moqueries et des scandales. Lui aussi grandit un peu en friche ; son père n'était pas porté à être sévère. Il pouvait déambuler à sa guise dans le manoir, restait fasciné, des heures devant les prototypes de balais de ce dernier, et s'essaya très vite au dessin, développant un tempérament aimable, mais parfois porté à la solitude, les longues balades dans la campagne lui offrant l'occasion de s'exercer à dessiner. Mais les enfants Hammond lui tenant lieu de fratrie, on ne peut pas vraiment dire non plus qu'il ait été vraiment solitaire - disons que Jeremy fit de son fils, comme lui, un doux rêveur.

Il fallut attendre Poudlard pour qu’il comprenne à quel point la situation s’était dégradée pour ses parents, et le choc fut donc brutal. En réalité, A&H allait plutôt mal, et son père était moqué de toute part pour ses excentricités, qui faisaient plutôt couler l’entreprise qu’elles ne l’aidaient. Du côté des sang purs, toutes les preuves de modernité et d’ouverture montrées par Jeremy passaient très mal : des fiançailles de son fils, un Gryffondor, en plus, avec la fille ainée de son ami, la petite Amy Hammond ? Vous n’y pensez pas ! Et, les enfants étant parfois plus cruels que les adultes, Hawthorn prit cela dans la figure sans aucune espèce de filtre ni préparation. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela fait mal, quand vous êtes adolescent, que vous pensez que votre père est un héros et que vous vous destinez à prendre sa suite. Encore plus quand vous êtes un sang pur et qu’on vous a malgré tout appris que si écraser les gens est mal, ils vous doivent le respect, car vous êtes un Avery…

Ce qui sauva Thorn ? Peut-être le fait d’être un bon gamin, sociable et capable de faire bonne figure, ou le fait de pouvoir explorer Poudlard à sa guise et donc de semer ses harceleurs pour dessiner. Ou le fait de savoir manier une batte, à l'occasion : peu colérique, il apprit cependant vite à ne pas laisser marcher sur les pieds, même s'il était blessé.  Les Avery n’étaient pas du genre à ne pas communiquer, et il pouvait parler à ses parents s’il avait un problème, mais il fallait faire donner le change pour les autres. Il avala la couleuvre, une première fois. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il en a avalé un paquet depuis. Mais au sein de sa maison, il était heureux, et dans les matières où il se décidait à travailler - où il fallait concevoir des choses, dessiner, imaginer des plans - Hawthorn optint de bons résultats. Sans parvenir, cependant, à se corriger totalement : trop rêveur et trop inventif pour se canaliser, il laissa rapidement tomber ce qui ne l'intéressait pas, pour continuer à inventer ses projets, dessiner, jouer au quidditch surtout.

Populaire comme joueur de Quidditch, il fit la fierté de son père en décidant de devenir joueur professionnel à sa sortie de Poudlard en 1934. Batteur professionnel, il passa dans plusieurs clubs avant de se fixer au sein des Faucons d'Appleby. A ce moment là, Hawthorn pensait encore que tout pourrait lui réussir. Il avait du temps du temps devant lui, une fiancée, et il se disait que lorsque son père prendrait sa retraite, il prendrait son poste et qu’avec un peu plus de sens des affaires, il finirait bien par rattraper les choses et par reprendre un peu la main sur Setor pour que le A&H reprenne tout son sens. Dans ses heures de temps libre, il continuait d’ailleurs à dessiner et à monter des maquettes de balais volants.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se trompait et que la chance ne comptait pas plus lui sourire qu’à son père. Tout commença par une mort cruelle, celle de Ashton Hammond, le fils de l’associé de son père, d’une dragoncelle pourtant normalement peu grave à cet âge. Il y aurait quelque chose à dire sur la malchance qui a aussi frappé la famille Hammond, car il est toujours triste de perdre un enfant, et à ce moment là Hawthorn lui-même s’en rendait compte, pleurant au passage un ami, mais cela fait longtemps qu’il a perdu de vue cela. Car à partir de 1941, la situation s’est brutalement dégradée. Suivant de loin les événements familiaux, il ne réalisa pas à quel point la maladresse de Jeremy avait pu faire des ravages chez Setor. Comme pour son père, d’une certaine manière, pour Hawthorn, devenir le seul héritier et le seul futur dirigeant de A&H était normal, puisqu’il ne restait plus que des filles du côté Hammond et qu’il était fiancé à l’une d’elle. Mais ce fut là le début de la fin d’une situation déjà délétère.

Cela commença par la fin de sa carrière de joueur de Quidditch en 1942. Un accident bête, une chute due à un cognard pris en pleine tête, une hospitalisation longue : désormais, Hawthorn ne peut plus monter sur un balai sans être pris de vertige. A présent cloué au sol, il mit du temps à s’en remettre, ce qui valait peut-être mieux…ou pas, selon le point de vue. Les nouvelles qu’il apprit à sa sortie n’étaient pas mauvaises : elles étaient catastrophiques. Criblé de dettes, Jeremy n’avait plus la force de se battre, trop inquiet pour son fils. pµPour éponger celles-ci, il avait vendu ses parts à son associé, désormais largement seul propriétaire de l’ex Avery & Hammond’s Broomsticks Company, rebaptisée mesquinement Hammond & Avery’s Broomsticks Company (H&A pour le grand public). Un service d’un ami, ou une vraie vacherie, qui en dissimulait une autre, la rupture des fiançailles de leurs enfants. De chagrin, de douleur, ou de honte, l’inventeur se mit à vivre de plus en plus reclus, au grand désespoir de son fils, qui dès qu’il sortit de Sainte-Mangouste, se vit en tête que cela ne pouvait ni durer, ni simplement être. Mais il n’y avait pas de solution, contrairement à ce que Hawthorn croyait. Les avocats lui fermèrent leur porte ; le reste de la famille lui rit au nez. Un temps employé au Ministère, il finit par démissionner, ne supportant pas l’impression d’être coincé dans un travail de bureau, fut-il pour la Ligue de Quidditch, qui ne lui permettait ni de fabriquer, ni de dessiner, et encore moins de reprendre le contrôle de la compagnie.

A l’enterrement de son père, en 1943, il n’y avait strictement personne. Une nouvelle couleuvre. Une de plus. Et pas la dernière, là encore. L’inventaire de l’héritage de Jeremy laissait seulement deux choses : des dettes à n’en plus finir, et un manoir délabré, qui n’avait plus rien à voir avec celui que Hawthorn connaissait enfant et où il avait grandi. Une fois le second vendu pour payer une (infime) partie des premières, il constata qu’ils étaient ruinés. Ils n’avaient plus rien, sinon un nom qui ne signifiait plus grand-chose pour personne. Tout devint un combat constant. Trouver un taff, payer les dettes, payer un loyer, mettre sa mère à l’abri, payer le prochain repas, retrouver du taff, payer les factures, fuir les huissier, payer…payer, payer, payer, payer, toujours et encore. A bout, il a fini par revenir supplier Setor Hammond de lui donner du travail : le voilà ingénieur chez H&A.

Des balais pour tous. La devise de son père. Il y pense chaque matin en passant le portail de H&A depuis 5 ans, bientôt 6. Trop bon, trop con, oui, corrige maintenant Hawthorn avec amertume. Il donne le change, prend un café, dessine ses balais, dit « bonjour Monsieur Hammond », sourit, travaille. Le prochain plan est le bon. Le prochain plan lui permettra de retrouver le contrôle de l’entreprise et de restaurer la mémoire de son père.

Mais, parce que le destin est cruel, ce serait oublier que Hawthorn Avery, s’il a la même obstination que son père, et un optimisme à toute épreuve malgré une certaine amertume, n’a pas plus le sens des affaires que ce dernier. Au final, chaque plan n’est qu’une nouvelle galère, qui l’entraine un peu plus au fond que les autres. Comme celle qui l’a conduit, alors qu’il espérait emprunter un peu d’argent à un cousin, à prêter une oreille attentive à ce que disait celui-ci, encouragé en ce sens par des amis, dont Reha Shafiq, à suivre un jeune homme qui était à Poudlard avec ledit cousin. Un certain Jedusor et son groupe, les Mangemorts. A priori, resté très éloigné des événements liés à Grindelwald et assez indifférent à la politique, Hawthorn n’était pas vraiment la cible idéale de ce genre de recrutement. Mais à s’enferrer dans ses mensonges, à vendre des contacts qu’il n’a pas, et à espérer obtenir un diner gratuit –  par Godric, il ne s’invite pas, non, on l’invite – il a fini par céder à ce beau mirage et par les rejoindre. Et puis il y croit un peu. Après tout, n’a-t-il pas mérité une revanche ? Setor Hammond n’est-il pas de ces sang mêlés qui profitent de la bonté des sangs purs, n’a-t-il pas escroqué son père ? Si, bien sûr que si.

Et c’est ainsi que par un triste coup du sort et l’accumulation d’une série d’événements peu fortuits, Hawthorn Avery a mis la main dans un engrenage qu’il ne peut plus arrêter, et pris le chemin d’une grande fuite en avant. Par hasard. A cause de la faute à pas de chance. Comme quoi, le destin…