Isabel, bien souvent, voudrait être capable de se dédoubler. Elle aimerait être capable d'être présente pour tous ceux qui l'entouraient et à qui elle tenait, tout en ayant le temps de se consacrer à son époux, à ses actions caritatives, à sa vie qui n'oubliait jamais d'être excessivement chargée de bien des manières.

Malheureusement, il n'y avait qu'une seule Isabel, et elle n'avait d'autre choix, sans être partout à la fois, de faire de son mieux pour partager le temps qu'elle avait et le distribuer judicieusement auprès des personnes à qui ce temps pouvait vraiment servir.

Dernièrement, c'était un peu ce qu'elle ressentait, et plus elle sentait qu'elle avait des choses à faire, plus elle avait tendance à se focaliser sur une seule chose plutôt que de se répartir, au risque de s'éparpiller. Ces temps derniers, elle avait mis l'accent, la priorité, sur son mariage. Et ça lui semblait tout à fait normal.

Parce que Bill avait besoin de guidance dans sa nouvelle vie à l'air libre... parce que sa rencontre avec Phèdre Snowden et Thésée Dragonneau ne lui disaient rien qui vaille... sans parler de sa conversation houleuse avec Seth il y a quelques mois. Et aussi parce qu'elle ne désespérait pas de le convaincre d'accepter d'être le père de ses enfants, un sujet qui l'obsédait de plus en plus.

Malgré tout, elle savait qu'elle ne devait pas totalement se laisser accaparer par ses considérations personnelles. Elle tenait à rester tourner vers les autres, pour elle, c'était important : c'était essentiel, même. Alors elle avait décidé de se retrousser les manches.

Elle était allée voir Amy. Sa conversation avec Sarah l'avait alarmée : elle avait besoin de comprendre, d'en avoir le coeur net. Et pour cela, il n'y avait pas mille manières de faire. Il n'y en avait qu'une, même. Aller lui parler directement, en espérant qu'elle accepterait de se confier.

Elle ne s'était pas signalée, elle espérait qu'Amy serait là et surtout qu'elle ne lui en voudrait pas d'être passée à l'improviste. Elle avait hésité à se signaler, mais l'idée ne lui avait pas semblé bonne, finalement. Elle aurait pu ne pas répondre et ne lui laisser aucune sorte d'occasion de discuter avec elle.

"Isabel... ? Qu'est-ce que tu fais ici ?"

"Bonjour Amy. Je ne te dérange pas, j'espère ? Je passais dans le quartier, je me suis dit que si tu avais un peu de temps, on pourrait en profiter pour bavarder toutes les deux."

Le coup de "je passais dans le quartier". Indétrônable.

-N... non, tu ne me déranges pas. Entre...

Le malaise et l'anxiété d'Amy étaient malheureusement palpables. Isabel n'aimait pas la voir ainsi, malheureusement elle n'en était pas surprise. Elle connaissait bien assez Amy pour savoir que son tempérament craintif ne s'était pas résorbé avec le temps. C'était même tout l'inverse, il lui donnait le sentiment de s'être accentué par certains aspects.

Elle aimerait que les choses aillent mieux pour elle. Elle continuait d'espérer que la compagnie de ses parents adoptifs, leurs séances de psychanalyse, feraient des miracles, mais ce n'était jamais aussi simple. Elle souffrait d'un mal-être profond, qui ne se résolvent pas en deux seconde.

Elle espérait que le dialogue l'aiderait un peu, et si Isabel pouvait être capable, d'une façon ou d'une autre, de contribuer à faire qu'elle se sente mieux, elle comptait bien tout mettre en oeuvre pour cela. C'était d'ailleurs en partie la raison de sa présence, même si ce n'était pas gagné.

-Tu peux t'installer où tu veux.

Isabel entra donc à la suite d'Amy et s'installa à sa demande, prenant tout le soin possible de ne surtout pas la brusquer dans ses habitudes. Quelque part, le comportement d'Amy la poussait à se faire toute petite quand, bien souvent, elle avait tendance à prendre beaucoup de place.

- Tu voulais me voir pour une raison particulière ?

Isabel esquissa un sourire, prise la main dans le sac. Evidemment, le coup de "je passais dans le quartier" n'allait pas prendre aussi facilement. Oui, Amy Benson était une jeune fille introvertie. En revanche, elle n'était pas une idiote, loin s'en faut. Bien au contraire, même.

On pouvait plutôt lui reconnaître qu'elle était diablement intelligente, comme fille. Elle ne s'en laissait pas compter, en tout cas, et elle était visiblement décidée à le prouver une fois encore.

"Pour ne rien te cacher", répondit Isabel qui préférait par conséquent privilégier l'honnêteté en la circonstance, "oui", ajouta-t-elle doucement, en espérant qu'Amy ne le prendrait pas mal ou ne se sentirait pas trop prise au dépourvu. C'était toujours assez difficile à déterminer, avec elle, et donc il n'était jamais vraiment simple de savoir de quelle façon s'y prendre plus précisément. "J'ai revu Sarah, Sarah Reeves, il n'y a pas très longtemps. Elle m'a dit que vous vous étiez rencontrées, toutes les deux."

Ce n'était peut-être qu'une impression de la part d'Isabel, mais elle avait le sentiment que son interlocutrice lui cachait quelque chose, que quelque chose avait changé dans sa voix et dans son regard quand Isabel avait évoqué Sarah.

Elle avait du mal à comprendre. Elle ne savait pas ce qu'elles s'étaient dit, elle ne savait pas ce qui s'était passé entre elles, mais il y avait quelque chose. Elle en avait eu le sentiment quand elle parlait à Sarah, et c'était encore plus probant, évident, quand elle se retrouvait face à Amy.

C'était compliqué de se faire une idée de ce qui lui traversait l'esprit tant la jeune femme était d'un naturel nerveux, anxieux, de son côté. D'ailleurs, il était difficile de demeurer calme et à son aise en sa compagnie. Cet espèce de stress permanent qu'elle avait l'air de ressentir constamment avait quelque chose de particulièrement communicatif, qu'elle s'en rende compte ou non.

Mais malgré tout, au-delà de son état habituel, Isabel sentait bien qu'il y avait autre chose, et il était grand temps qu'elle ait le fin mot de cette histoire. Dans tous les cas, ça ne pouvait pas continuer comme cela. Amy se faisait du mal, constamment, et Isabel ne supportait définitivement pas de la voir ainsi.

-Qu'est-ce qu'elle t'a dit d'autre ?

Elle était sur la réserve, ça se voyait immédiatement. Il fallait qu'elle tire cette affaire au clair, et elle espérait qu'en se montrant très sincère, Amy daignerait se montrait sincère envers elle.

Il n'y avait peut-être rien à savoir, et Isabel s'imaginait des choses qui n'existaient pas. Elle préférerait que ce soit le cas, évidemment. Mais dans le cas contraire, il valait mieux qu'elle fasse de son mieux pour essayer d'obtenir le fin mot de toute cette histoire.

"Honnêtement, elle ne m'a pas dit grand-chose, elle m'a seulement laissé entendre que tu n'allais pas très bien ces derniers temps et que je ferais bien de venir te parler. Qu'elle n'avait pas forcément trouvé les mots qu'il fallait, avec toi."

Elle ne trouvait pas de meilleure manière de lui exposer la situation, et elle espérait qu'Amy ne se braquerait pas en entendant cela. Ce qui n'avait rien de certain.

-Elle ne t'a pas tout dit.

Isabel fronça les sourcils, intriguée. Elle ne savait vraiment pas quoi penser de ce qu'Amy était en train de lui dire. Elle ne comprenait pas de quoi il retournait.. Amy en disait trop, ou elle n'en disait pas assez. Dans un cas comme dans l'autre, la jeune femme ne réussissait pas à comprendre de quoi il retournait, mais elle espérait bien que son interlocutrice l'aiderait à y voir plus clair.

Amy avait l'air d'en avoir gros sur le coeur. Son traumatisme n'était pas récent, il remontait à quelque chose ce qu'il y a de plus lointain. Mais il semblait que des événements récents aient accentué cette fragilité si facile à discerner chez elle. Isabel n'aimait vraiment pas voir ça, elle n'aimait vraiment pas voir ça du tout.

Si Sarah lui avait caché des choses, Isabel espérait pouvoir les éclaircir, ne pas rester dans la pénombre et dans l'hésitation. Amy était hésitante, inquiète, même, elle ne savait pas vraiment quoi penser plus précisément... Elle avait l'impression qu'il s'était passé quelque chose d'important, pour ne pas dire grave, et elle avait le plus grand besoin de savoir quoi ce qu'il en était.

Ou bien elle t'a tout dit et tu me mens.

D'accord, donc à présent, en plus d'être inquiète et terrorisée, Amy lui prouvait aussi qu'elle était paranoïaque. Isabel fit de son mieux pour ne pas prendre la chose personnellement. Amy était quelqu'un de franc. Elle détestait le mensonge par-dessus tout.

Il pouvait lui arriver de mentir par omission, dans l'intention de protéger autant qu'elle le pouvait ses proches, mais là, elle n'avait aucun intérêt à dissimuler quoi que ce soit, et elle voulait comprendre d'où venait cette impression, cette suspicion de la part de son interlocutrice... en espérant qu'elle réussirait à ne pas la braquer dans le processus, chose qui n'était pas forcément gagné, malheureusement.

Merci d'être venue et de t'inquiéter. Mais tu ne peux rien faire pour moi.

"N'en sois pas si sûre", répondit Isabel en tentant de s'en convaincre elle-même.

Elle n'en savait rien, en réalité, mais elle ne comptait pas repartir sans avoir du tout réussi à se rendre utile pour la jeune femme alors qu'elle sentait bien qu'elle était en souffrance, et qu'elle avait vraiment besoin d'aide.

"Qu'est-ce que Sarah ne m'a pas dit ?" demanda-t-elle ensuite avec une légère prudence.

Un instant, Isabel eut peur qu'Amy ne se referme comme une huître et décide de ne rien lui apprendre du tout. La jeune femme pouvait se montrer particulièrement difficile d'accès, ce n'était pas nouveau, et il n'était jamais bon de la pousser dans ses retranchements... mais en même temps, c'était certainement une nécessité à l'heure actuelle, parce que pour une fois, ce qui la touchait était quelque chose sur laquelle Isabel pouvait peut-être avoir une influence positive, et cela arrivait si rarement en ce qui concernait Amy...

Le tout était de réussir à lui tirer les vers du nez tout en y allant en douceur. Il était hors de question de la mettre mal à l'aise ou de la brusquer. Non, bien au contraire, il était préférable d'y aller doucement, mais sûrement.

Et il semblait que cela porte ses fruits, en effet, puisque la jeune femme consentit à se confier sur ce qui s'était dit entre elle et Sarah... ou à lui confier une piste, en tout cas. Et quelle piste.

-Est-ce qu'elle t'a parlé de Tom ? de Tom Jedusor ?

Isabel se sentit un peu décontenancée par cette question, mais fit au mieux pour le montrer le moins possible, tentant de décrypter les émotions de son interlocutrice, au-delà de l'angoisse pure qui paraissait l'étreindre et ne pas vouloir la lâcher.

Tom Jedusor était un enfant bien étrange, et on ne pouvait occulter la possibilité que la jeune femme ait en partie été angoissée par sa seule présence à l'orphelinat, tout comme Dennis. Après tout, on n'avait jamais su ce qui s'était passé dans cette fameuse caverne. On savait seulement qu'ils y avaient été tous les trois, et que si Dennis et Amy en étaient revenus considérablement traumatisés, Tom, lui, ne s'en était, selon Mrs Cole, pas si mal porté.

"Elle m'a parlé de lui, mais elle ne m'a pas dit grand-chose."

Qu'il avait de grandes ambitions, qu'elle pensait qu'il irait loin. Maintenant qu'elle y pensait, c'est vrai que Sarah avait semblé un peu étrange au moment de parler de lui. Mais ce n'était pas une raison pour en tirer les conclusions les plus hâtives non plus, il était même préférable de ne pas trop se précipiter à ce sujet. Elle ne comptait incriminer personne, ni Sarah, ni Tom. Pas sans de bonnes raisons en tout cas.

"De quoi aurait-elle dû me parler ?"

-Pas grand-chose, c’est déjà quelque chose. Quoi, exactement ?

Isabel avait rarement vu Amy à ce point vindicative dans son discours. C’était assez impressionnant… mais assez alarmant, aussi. Ça en disait long sur l’état d’agitation dans lequel elle se trouvait à l’heure actuelle, et qui la poussait à forcer au-delà de sa propre nature.

Isabel doutait fort que ça puisse être une bonne chose. Bien sûr, c’était une bonne chose qu’Amy s’affirme, gagne en confiance et en conviction, mais pas comme ça, mais pas de cette façon.

Isabel se disait qu’elle ne parviendrait pas à rassurer son interlocutrice à moins de lui donner des réponses précises. Mais même en se montrant précis, il n’y avait vraiment pas grand-chose à dire, pour ne pas dire rien du tout, en réalité, car vraiment, les paroles qu’elles avaient échangées au sujet de Tom Jedusor se réduisaient à très peu de choses. Malgré tout, Isabel tenta de convoquer les souvenirs de cette conversation pour en transcrire les propos prononcés avec le plus d’exactitude possible.

Elle ne pensait pas que Sarah lui reprocherait d’avoir été plus précise. Après tout, ce point en question n’avait rien de franchement secret, et paraissait en revanche véritablement tenir à cœur de sa jeune interlocutrice. Si cela pouvait l’aider à se rapprocher d’elle et de mieux comprendre ce qui se cachait derrière son attitude, alors ils y auraient tout de même gagné quelque chose.

-Je lui ai demandé si elle était encore en contact avec certains anciens de l’orphelinat, et elle m’a appris qu’elle avait revu Tom. Quand je lui ai demandé comment il allait et ce qu’il devinait, elle m’a seulement répondu qu’il avait de grandes ambitions, qu’il irait très loin. Honnêtement, c’est une chose que j’ai toujours pensé.

Elle n’avait jamais eu de réelle affection pour cet enfant vraiment étrange, mais elle lui reconnaissait une intelligence redoutable et une ambition dévorante… Avec ça, oui, il pouvait aller loin, effectivement.

"Nous ne nous sommes rien dit de plus à son sujet."

-Il est dangereux… vraiment dangereux…

Isabel observa un instant son interlocutrice, inquiétée par de tels propos. Qu’entendait-elle par là ? Est-ce qu’elle se laissait dominer par ses névroses ou y avait-il autre chose.

"Qu’est-ce que tu veux dire ? Tu l’as revu ? Il s’est passé quelque chose ?"

-Oui, je l'ai revu. Dennis aussi l'a revu...

Isabel écoutait Amy très attentivement. Tout ceci ne lui disait définitivement rien qui vaille.

Elle aurait voulu se réjouir au moins du fait qu'Amy ait repris contact avec Dennis et que les deux soient soudés dans l'adversité, peu importe que cette adversité soit le fruit de leur imagination ou non, mais elle avait toutes les peines du monde à interpréter les choses de cette manière, parce que ce qu'elle retenait, c'était l'inquiétude dans le regard de son interlocutrice.

Non, pas de l'inquiétude, mais de la peur pur et dure. Elle le sentait : Amy était véritablement terrifiée, et Dennis aussi, apparemment. Elle ne pouvait pas les laisser en proie à une telle angoisse et ne pas vouloir intervenir, même si elle ne savait pas exactement ce qu'elle serait en mesure de faire ou non.

- Il m'a menacée...

Isabel afficha des yeux ronds. C'était triste à dire, mais elle estimait que tout ce qui s'échappait des lèvres de l'hypersensible Amy Benson était à prendre avec des pincettes. Malgré tout, en la circonstance, elle était incapable de ne pas la croire. Elle était forcée et contrainte d'admettre que son interlocutrice disait certainement vrai, et cette pensée lui fendait terriblement le cœur.

Elle l'avait menacée, elle était incapable de remettre ce propos en question, il était sûr et certain que c'était effectivement ce qui s'était passé. Et elle avait peur, terriblement peur. Isabel ne pouvait certainement pas se contenter de ces mots, et encore moins de ceux qui allaient suivre, sans compter intervenir, d'une façon ou d'une autre.

-Reste à distance de lui... et de tout ça, ça vaut mieux.

Rester à distance de Jedusor n'avait pas été un souci jusqu'ici, mais avec tout ce qu'elle entendait, elle commençait à se dire que, bien au contraire, elle devrait se soucier bien davantage du devenir de ce jeune homme. Et surtout, elle ne comptait pas abandonner ni Amy, ni Dennis à leur sort. S'il leur arrivait quoi que ce soit, elle estimait qu'elle avait le devoir moral et impérieux d'intervenir, et elle le ferait, quoi qu'il lui en coûte.

"Qu'est-ce que tu entends par le fait qu'il t'a menacée ? Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement ?"

Même si ce ne serait pas agréable pour Amy, elle allait avoir besoin de détails.

-Si... si je t'en parle, ce sera encore pire, tu ne comprends pas ?

Non, elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas parce qu'on ne lui donnait pas encore suffisamment d'informations pour tout comprendre. Ce n'était pas faute de le vouloir, pourtant, mais bien des détails lui échappaient encore. Elle devinait que le danger était réel, ou qu'il était en tout cas très réel dans l'esprit d'Amy, ce qui était suffisant aux yeux d'Amy pour s'alarmer, mais il n'était pas question que de ça.

Elle était intimidée, peut-être qu'on l'avait menacée ou qu'on la faisait chanter. Dans tous les cas, cela ne lui disait absolument rien qui vaille. Il fallait, impérativement, d'une manière ou d'une autre, qu'elle comprenne la teneur, la nature de ce danger, afin de réussir à le prévenir dans la mesure de ses moyens. La situation devait paraître diablement désespérée à son interlocutrice, et elle pouvait tout à fait le comprendre, vraiment.

- Mais c'est... c'est sérieux. Et je veux pas qu'il t'arrive quelque chose, alors... Ne m'en veux pas, s'il te plaît. Je préfère que tu arrêtes de poser des questions.

Oui, là-dessus, Isabel que son interlocutrice était très sincère, mais cela n'allait certainement pas convaincre à agir d'une autre manière, tout au contraire. Elle avait besoin de plus d'éléments, ce devenait même indispensable, à ce stade.

"Et tu ne crois pas que le meilleur moyen d'empêcher qu'il m'arrive quelque chose est justement d'empêcher de savoir ce qui devrait éventuellement me menacer, vous menacer Dennis et toi ? Tu ne peux pas me demander de me contenter du peu que tu me donnes, Amy, c'est impossible."

Elle ne lui en voulait pas de se montrer à ce point taiseuse, surtout qu'Isabel savait pertinemment que c'était dans la nature d'Amy que de se comporter ainsi. Cela ne voulait pas vraiment dire qu'elle prenait plaisir à jouer la carte du mystère. Mais elle était vraiment paniquée des conséquences de se dire, ce fait-là ne prêtait à aucune sorte d'équivoque, de quelque forme que ce soit.

"Je suis dans l'obligation d'insister. Je pense que tu es capable de le comprendre, n'est-ce pas ?"

Qu'elle le comprenne ou non, ce serait la même chose, Isabel ne pouvait définitivement pas agir d'une autre manière que celle-ci.

-Je comprends que tu insistes.

Encore heureux qu'elle le comprenne. Comment Isabel pourrait-elle faire autrement, en réalité ? Elle serait bien incapable d'agir d'une autre manière que celle-ci. Isabel tenait à Amy. Certes, depuis que la miss avait quitté l'orphelinat, leurs liens s'étaient distandus, et c'était bien normal, mais Isabel l'avait vue grandir et évoluer.

Il était logique qu'elle s'intéresse à ce qu'elle éprouvait, aux épreuves qu'elle rencontrait, à ce qu'elle ressentait. C'était même la moindre des choses. Elle avait besoin de s'assurer que rien de mal ne lui arriverait. Elle en avait déjà tellement subi, la pauvre, il serait terrible qu'elle doive rencontrer plus d'obstacles encore. Malheureusement, la vie prend bien souvent les décisions à votre place. Et vous de votre côté, vous ne pouvez que subir... ou accepter les mains tendues, quand elles se pointent dans votre direction et vous invite à ne pas porter seul un fardeau bien trop lourd.

- Et ça me fait plaisir… que tu insistes… ça fait plaisir de savoir que tu… enfin, que tu te soucies… Tu serais pas obligée d’en avoir quelque chose à faire, oui…

"Je me soucierai toujours de toi, Amy. Tu comptes beaucoup pour moi, tu sais. Tout comme Dennis. Je ne veux pas qu'il vous arrive du mal, je suis sincère à ce sujet."

Elle voulait que cette affirmation soit bien claire et incontestable. Ce n'étaient pas des mots qu'elle prononçait à la légère. C'était quelque chose qu'elle pensait, très sincèrement et de tout son coeur, et elle ne voulait pas que ce puisse en quoi que ce soit être remis en question dans tous les cas.

Oui, elle se ressentait une obligation vis-à-vis d'eux, comme si elle avait passé un contrat tacite auprès d'eux, et elle devait respecter ce contrat, dorénavant, peu importe l'énergie qu'il lui faudrait dépenser, peu importe combien il lui en coûterait.

-Moi aussi je suis obligée d’insister… Je peux pas, c’est tout, je peux pas…

Isabel pourra un soupir.

"Très bien, je ne vais pas insister davantage.", lui assura-t-elle. "Mais si jamais tu changes d'avis... tu as encore mon adresse ?"

Elle ne baissait pas les bras, mais elle avait bien compris par contre qu'elle allait devoir s'y prendre autrement si elle voulait obtenir gain de cause.