Assit au fond du pub londoniens, Jester avait bien conscience alors qu’il parcourait la salle des yeux, qu’il jouait un peu avec le feu. Mais en même temps, la vie ne serait pas la vie s’il n’y avait pas un peu de piment pour la rendre savoureuse non ? Jester n’avait évidemment aucune envie de retourner en prison, à choisir il devait bien avouer qu’il préfèrerait encore mourir. Et il y avait de forte chance qu’il meurt de toute façon, plutôt que de retourner là-bas. Parce qu’on ne le laisserait pas y aller en se disant qu’il pouvait potentiellement sortir de nouveau, même s’il y avait peu de chance que des murs explosent tous les jours.

Ils avaient définitivement eu beaucoup de chance ce jour-là, très clairement. Jester avait conscience que cette chance n’avait pas été donné à tout le monde et il avait bien l’intention d’en profiter pleinement. Et pas en gâchant tout donc, même s’il prenait quelque risque à donner rendez-vous à Carlotta dans un pub. Mais il était prudent, il s’était assuré qu’il n’était pas suivi, il se doutait que Carlotta se montrait particulièrement prudente aussi de son côté. Parce qu’ils n’avaient aucune envie de retourner là-bas. C’était bête, mais Jester avait eu besoin de revoir la jeune femme. Ils n’avaient clairement rien en commun, mais dans cette froideur qu’était Azkaban, ils avaient été proches. Parce qu’ils étaient des âmes vivantes ensemble dans la même galère, ça rapprochait forcément. Dans un tel endroit, plus rien n’était normal, plus rien n’était habituel. Et même quand on y passait moins de temps, on était forcément touché par tout ça, définitivement. Même quand on avait peu de temps encore à tirer en prison, on ne pouvait qu’avoir envie de partir, c’était une question de survie. Personne ne pourrait décider de rester une seconde de plus dans cet enfer, ce serait particulièrement idiot. Et ceux qui ne le comprendrait pas, l’était clairement idiot.

Quand Carlotta arriva Jester afficha un sourire en la voyant. C’était bizarre de pouvoir la revoir dans un contexte bien, vraiment bien, différent. Jester n’avait au fond aucune idée de comment les choses allaient se passer, mais en cet instant précis il était heureux de retrouver Carlotta. Mine de rien, c’était vraiment une expérience bizarre de passer de cet endroit à une liberté étrange – où on n’était pas réellement libre parce que les Aurors étaient quand même à notre trace –, solitaire. Carlotta avait été celle qui était arrivée en dernière derrière les barreaux, mais elle avait contribué à ce que ces mois soient plus supportable pour Jester.

« Salut ! » Dit-il quand elle vint s’installer en face de lui. « Comment tu vas ? C’est sympa que tu sois venue. »

Il en avait douté ? Non pas réellement, mais elle aurait pu considérer que c’était trop risquer et elle aurait bien raison. Au vu de la situation, il valait quand même mieux se faire lourdement oublier.

Jester afficha un large sourire en entendant Carlotta exprimer avec une telle évidence qu’elle allait venir. Le jeune homme aimerait bien affirmer qu’il n’avait pas douté une seule seconde de sa venue, qu’il avait été sûr à cent pour cent qu’elle allait venir. Mais ce n’était pas le cas, il n’avait pas été entièrement sûr non. Ce n’était pas tant un doute envers le fait qu’ils puissent partager encore quelque chose, mais plus sur le fait que la jeune femme ne pouvait que se rendre compte qu’il y avait un fossé entre eux. Parce que ce fossé était énorme et même s’ils en avaient parfaitement conscience depuis le début, les circonstances de leur rencontre et du temps qu’ils avaient passé ensemble donnaient cette possibilité d’oublier complètement ce fossé. Sauf qu’une fois dehors, il était beaucoup plus difficile de l’oublier.

Sauf que ça n’avait pas empêcher Carlotta de venir le trouver et Jester s’en sentait vraiment soulagé. Il était arrivé en prison bien avant la jeune femme, il avait tenu le coup pendant ce temps sans elle, mais les prisonniers ne pouvaient pas nier que sans la présence des autres, tout aurait été beaucoup plus difficile. C’était complexe à expliquer, sans vivre la situation telle qu’elle était, il était évident qu’on ne pouvait pas comprendre ce qu’ils avaient vécu. Cette prison avait le don de changer quelque chose en nous, de provoquer quelque chose qu’il était vraiment difficile à effacer. Ça pouvait créer justement des liens inattendus. Même si de prime abord, Carlotta et Jester n’avaient aucune raison de s’entendre, et n’avaient au final rien en commun, il y avait un lien inéluctable entre eux à présent. La question maintenant était de savoir comment ce lien allait vivre à présent.

« Tu mets déjà la main à la pâte ? » Demanda-t-il, toujours dans un sourire, sans aucune once de justement. Non, au contraire, Jester devait bien avouer qu’il était quand même vraiment impressionné par la détermination de Carlotta. Quand il avait entendu la raison pour laquelle la jeune femme s’était retrouvée en prison, il devait bien avouer qu’il avait trouvé ça risible de prime abord. Mais force lui avait été quand même de constater que cette jeune femme avait subit le pire supplice pour une idée qu’elle défendait et ça c’était quelque chose qui donnait à réfléchir. « Tu as déjà une idée de ce que tu vas faire ? »

Il devait bien avouer qu’il était quand même un peu curieux de ce que Carlotta pouvait préparer. Et pas spécialement parce qu’il pouvait avoir envie de défendre les idées de la jeune femme, pour le coup il n’avait aucune sympathie pour les moldus. Non, juste parce qu’il était question de Carlotta et que c’était elle qui l’intéressait.

« Ça va, franchement… au vu des circonstances, j’ai l’impression de ne pas pouvoir être mieux. » C’était faux bien sûr, mais il fallait le temps de retrouver la vie normale, de retrouver ses marques après tout ce temps passé en prison. « Même si… je dois bien avouer que je trouve tout… beaucoup trop calme maintenant. »

Pas tout le temps bien sûr, mais pendant deux ans Jester n’avait pas connu de réel silence. Alors maintenant, quand il se retrouvait dans le silence, ça avait un quelque chose d’assez angoissant.

Jester hocha de la tête en entendant Carlotta lui dire qu’elle avait des dizaines d’idée, puisqu’elle avait eu le temps de cogité lors qu’elle se trouvait en prison. Ça, il était bien placé pour le comprendre. C’était sans aucun doute un moyen pour elle d’ailleurs de ne pas lâcher l’affaire, de pouvoir tenir le coup. Il fallait se raccrocher à quelque chose quand on se trouvait dans une cellule de la prison d’Azkaban, il fallait une étincelle, n’importe laquelle. Ça ne suffisait pas toujours bien sûr, mais c’était quand même important et il n’était donc pas étonné que Carlotta ait peaufiné plusieurs plans pendant ces quelques mois en prison. Leurs discussions avaient été agréables et les avaient aussi aidé à tenir un peu, mais ça n’aurait pas suffit sans autre chose.

En tout cas, les quelques mois en prison n’avaient définitivement pas entaché la motivation de Carlotta, bien au contraire. Jester l’observa avec des yeux pétillants alors qu’elle lui expliquait ce qu’elle voulait, la manière dont elle voulait s’y prendre. Elle avait l’intention de frapper d’un grand coup, elle avait envie de s’attaquer à la source de son problème. Il aimait voir autant d’ambition dans les propos et le regard de Carlotta, il aimait voir autant de détermination. Elle allait les faire tomber, elle ne parlait même pas d’essayer de le faire, elle était persuadée qu’elle allait le faire tout simplement. Et ça, c’était quelque chose que Jester appréciait. On n’avait rien sans rien dans la vie, malgré ce que beaucoup devait penser, parce qu’ils avaient eu de la chance à la naissance, mais dans la vraie vie, il fallait se battre pour obtenir ce qu’on voulait. Carlotta était ce genre de battante, et ça lui plaisait tellement. Le fait qu’elle ait déjà tout perdu, que son évasion nécessaire puisque vitale l’entrainait dans un chemin qui ne lui permettrait pas de retrouver une vie normale, devait aider à sa détermination. Il la comprenait, il avait le même sentiment.

Et la proposition de la jeune femme était particulièrement tentante.

« Je ne dis jamais non à un peu d’agitation. » Répondit-il d’abord.

En vérité, le jeune homme n’en manquait pas de son côté, parce qu’il avait ses propres combats, parce qu’il avait ses propres ambitions. Il trouvait de quoi s’occupait, il le fallait bien s’il n’avait pas envie de devenir encore plus fou qu’il ne l’était déjà mais… un peu plus ne serait pas désagréable non plus, il ne pouvait pas le nier. Quand bien même, les idées de Carlotta n’étaient pas vraiment les siennes… il n’en avait que faire des moldus, et même il devait bien avouer qu’il les méprisait. Et en même temps, il en avait que faire du secret magique aussi, comme il avait une aversion particulière pour le gouvernement. Alors… pourquoi pas.

« Si tu as besoin de renfort, tu peux compter sur moi sans aucun problème. Dis-moi ce que tu as besoin que je fasse pour toi, et je le ferais avec grand plaisir. Surtout que tu t’attaques à un sacré morceau et que ton ambition est incroyable, comment refuser ? »

Il s’engageait peut-être trop vite et Carlotta ne devrait peut-être pas tant que ça compter sur lui, mais pour l’heure il était sincère.