Les vacances scolaires sont un moment qu'elle attend toujours avec impatience. Le silence s'installe, et un calme presque religieux baigne le château d'une aura exceptionnelle et plaisante. Bien sûr, l'on peut compter sur Peeves pour transformer le havre de paix en foutoir sans nom, mais l'école est grande, il n'est pas si difficile de l'éviter et de trouver de la solitude si on le choisit.

Bien sûr, parfois, la solitude est pesante même pour Helena, mais après plusieurs mois passés à flotter au milieu d'élèves survoltés, c'est une pause plaisante, qui rassure le fantôme des serdaigles. Cette dernière se complaît dans un état de méditation dans lequel elle s'enferre alors, mais qui ne lui apporte que peu de répit malgré tout, et aucune paix de l'esprit. Ses vieux tourments demeurent, même après tant d'années. Après deux mois de calme, elle reconnaît quand même la vertu de hanter un lieu occupé, si bruyamment occupé, et elle se rappelle à sa routine, toujours la même, d'année en année. Les élèves changent, les siècles défilent, mais en elle, tout est pareil, froissé et intact en même temps.

Mais la pause estivale n'est jamais que temporaire. Les habitudes reprennent leurs droits. Et le vacarme estudiantin de même. La rentrée a commencé.

Elle flotte au milieu des couloirs de l'école, sans but précis, car si l'on sait errer de son vivant, si l'on s'y prend bien, ce devient indispensable quand on est mort, une manière de se préserver autant que possible, même si elle ne mérite pas d'être préservée... Il faut bien aller quelque part, flotter d'un endroit à l'autre, ce qui n'a pas forcément de raison d'être ni n'a forcément de raisons d'en avoir. Tout comme elle-même, au fond.

Alors qu'elle évolue ainsi, elle se retrouve face à face avec une élève. Une gryffondor. Son visage lui est relativement familier mais elle a renoncé depuis longtemps à retenir les noms.

-Ce n'est pas un endroit à fréquenter à cette heure de la journée, observe-t-elle avec neutralité.

C'est un fait. Ce couloir est généralement déserté par les étudiants, ce n'est pas pour rien si Helena apprécie de s'y rendre, même inconsciemment, il ne mène nulle part. Et de ce que le fantôme sait, le couvre-feu a été dépassé depuis un moment. Mais toute notion du temps est devenue relative pour elle.

Elle est accueilli par une réaction de terreur... Helena est habituée. C'est l'un ou l'autre. Soit son existence (sa non-existence) s'oublie pour de bon, et elle se fond dans le décor, soit cette même existence se rappelle aux âmes alentours, et elle ne suscite que des émotions négatives. On oublie l'humanité derrière le voile de transparence. Helena reste impassible face au comportement de la rouge et or. Elle ne s'alarme pas, ne s'en va pas, ne s'excuse pas, elle attend simplement que la jeune fille reprenne ses esprits, admettant qu'il n'y a pas grand-chose à faire de plus.

Elle écoute les "réprimandes" de l'adolescente sans vraiment les entendre. Elle a plusieurs centenaires de mort derrière elle. Ce n'est pas une vie de moins de deux décennies qui va lui apprendre comment ne pas vivre. Elle ne va pas signaler sa présence, comme les élèves n'en prennent pas la peine, elle ne va pas s'excuser d'être là. Elle se contente donc d'attendre que la demoiselle en ait fini, et la demoiselle ne manque absolument pas d'aplomb. C'est bien même ce qui pourrait la caractériser.

Helena n'apprécie pas qu'on lui manque de respect, elle n'apprécie pas d'être considérée comme autre chose qu'humaine, mais Brittany Carlson a oublié la politesse, si elle en a même vraiment connu les préceptes un jour. Ce dont le fantôme de serdaigle doute un peu à l'heure actuelle. C'est la manière de faire.

-Je pourrais faire l'un et l'autre, qui sait, répond-elle en toisant sa jeune interlocutrice d'un regard sévère.

Elle pourrait. Elle n'a pas l'intention de le faire. Elle a mieux à faire que de jouer les délatrices. C'est le genre de préoccupations qui ont depuis bien longtemps cessé de l'intéresse. Mais le manque de respect, elle ne veut pas le laisser passer. Alors si la menace d'une punition, directe ou indirecte, peut apaiser ne serait-ce qu'un peu le caractère de cette furie atitrée, ce serait une très bonne chose.

Elle a peut-être moins de consistance physique, mais son esprit est millénaire. Et elle ne se laissera pas dominer par l'esprit impétueux d'une jeunesse absolument insolente.

Helena a longtemps été capricieuse, capricieuse parce que jalouse, elle aurait été capable de menacer et d'exécuter ces mêmes menaces. Elle le pourrait encore, et oui, ses propos ont l'accent d'une menace, mais elle n'a plus vraiment le coeur ou les raisons de s'exécuter. Elle regrette simplement que son interlocutrice n'ait pas regardé au travers d'elle, comme tant d'autres, ce qui aurait sans doute été plus simple pour toutes les deux. Elle est susceptible d'autorité, sa voix peut être entendue si elle le décide, mais cette voix, elle l'étouffe autant que possible, elle redoute même qu'on l'entende.

Elle a fait une enfreinte à ses principes de discrétion, elle le regrette, mais à présent, la discussion est engagée, et quand on chasse le naturel, il revient bien souvent au galop. Elle ne peux pas s'en laisser compter sans être tentée de répondre.

Elle ne se laisse néanmoins pas démonter (ce serait un comble, face à une gamine), elle ne risque pas grand-chose à répliquer ou même tenir tête à cette enfant. Cette enfant qui ne sait pas encore. Qui finira par comprendre, comprendre que ce qui lui semble acquis ne l'est pas et ne le sera jamais. Mais elle est jeune, il est assez normal qu'elle ne soit pas apte à le comprendre, pas encore tout du moins.

-Ce ne sont pas des menaces, c'est un avertissement. Placer une enfant face à ses erreurs et l'inviter à y remédier, ce n'est pas gamin, c'est être responsable. Tu finiras par le comprendre un jour. Du moins je te le souhaite.

Parce que si la rouge et or doit décider de rester sur cette même lignée, autant dire de ne jamais grandir, ça ne risque pas de s'arranger. Mais la vie est ce qui vous pousse souvent à grandir, et cela malgré vous. La Dame grise, elle, a pris beaucoup trop de temps. Elle n'a appris à grandir qu'au moment de ne plus pouvoir vieillir, et le simple fait qu'elle se retrouve là, à errer entre les murs de ce château, prouve qu'elle n'a pas été apte à être grande à temps. Maintenant qu'il est trop tard, elle peut bien faire ce qu'elle veut, mais ça ne change absolument rien.