La rentrée approche, et Octavia, à vrai dire, n'est pas franchement pressée de devoir retourner à Poudlard. Entre l'agression de Joan et le début des vacances, le temps écoulé a été au fond minime et lui a permis de ne pas vraiment se confronter aussi directement qu'elle l'aurait pu aux conséquences de ses actes au sein de l'école, d'autant que Joan n'était pas là, et qu'il avait fallu attendre qu'elle ait la stupidité de passer aux aveu. Elle le sait, la rentrée à venir sera différente. Qu'elle le veuille ou non, Octavia est forcée et contrainte de faire face aux conséquences de ses actes, positives comme négatives.

Les récents événements l'ont rodée à l'exercice, c'est rien de le dire : elle n'a eu de cesse que de vouloir prouver à Tom Jedusor que si elle est parvenue à attirer son attention, ce n'est pas pour rien, et qu'elle mérite bel et bien sa pleine et entière attention et considération. Quant aux conséquences négatives...

L'enlèvement de sa soeur l'a évidemment beaucoup travaillée, il pouvait difficilement en être autrement... Sans oublier bien sûr que même si elle a su passer entre les mailles du filet, elle reste sur la corde raide. Oui, sous ses airs supérieurs et sûrs d'eux, plus simples à afficher publiquement qu'au sein du cocon familial, Octavia Yaxley n'est, en réalité, pas sereine. Pas sereine du tout, même. Elle ne peut plus ignorer que ses actes ont forcément des conséquences, et que si certains ne lui sont pas encore connus, ils la rattraperont tôt ou tard.

Octavia n'a vraiment pas envie de penser à cela, et certainement pas à la rentrée à venir, pour tout ce qu'elle supposera de difficultés pour elle (même si elle estime qu'elle sera, dans tous les cas, capable de les surmonter - que ne serait-elle pas capable de surmonter, pas vrai ?), mais elle ne peut pas non plus passer à côté de l'évidence, les choses ne se passent pas comme ça... Et puis, forcément, les courses traditionnelles d'avant-rentrée doivent la rappeler à ses obligations. Encore que pour l'heure, c'est à sa garde-robe qu'elle songe avant tout, ce qui aide à faire passer la pilule pour la coquette vert et argent, qui ne veut jamais rien laisser au hasard. Elle doit racheter de nouveaux uniformes sur-mesure, mais elle compte bien en profiter aussi pour compléter sa garde-robe de quelques tenues raffinées, élégantes, à la dernière mode : de quoi faire pâlir d'envie toutes ses camarades.

Elle met un pied dans la boutique et tombe nez-à-nez avec une parmi ses camarades qu'elle avait le moins envie de revoir aussi rapidement. Mais on ne lui demande pas son avis, bien sûr. Elle va donc devoir composer avec la présence d'Augusta Londubat.

"Londubat, je m'étonne de te retrouver ici, je doute fort que Mme Guipure propose des tenues adaptées à..." Elle la dévisage de haut en bas. "... ta physionomie."

Une grimace hautaine en guise de réponse. Le discours d'Octavia n'a pas grand besoin d'être inspiré, il a juste besoin d'être efficace, et la vert et argent veut croire que c'est le cas. Il n'est pas pire affront que l'ignorance aux yeux de l'adolescente, et donc, tant qu'on rétorque, tant qu'on réplique, elle se sent exister, et cela lui convient. Jamais, ô grand jamais, Octavia Yaxley ne passerait à côté de la perspective d'une joute verbale, ce serait bien mal lui ressembler, elle préfère, bien au contraire, mener celle-ci de front, et si elle doit, au final, ne pas en sortir avec l'avantage, elle fera mine du contraire, car rien ne saurait importer davantage à ses yeux que son petit ego, qu'elle aime à flatter de mille et une manières, toujours dans l'emphase et jamais dans la réserve.

Alors elle estime que ses tentatives de provocation ne sont pas que des tentatives, non, car si ce devait en être, elle est absolument convaincue du fait que son interlocutrice ne réagirait pas du tout de cette manière. Cette réaction, c'est son Graal, une réaction, c'est son Graal, elle a réussi son coup. Et s'il n'y a que peu de chances pour que ce moment soit plaisant pour elle, il est plus que probable qu'il le soit encore moins pour Augusta Londubat, et au final, c'est tout ce qui importe, tout bien considéré.

"Oh vraiment ? Je vois mal ce qui te permet de l'affirmer avec autant d'assurance", répond Octavia avec le détachement naturel qui la caractérise, un trait qu'elle n'hésite pas à forcer, au demeurant, quand elle sent que celui-ci a le don d'incommoder son interlocutrice comme c'est ici le cas. "Ce n'est pas parce que ta folle de meilleure amie est capable des plus absurdes mensonges pour rendre pitoyable sa vie ô combien morne et triste que cela a la moindre chance de m'impacter en quoi que ce soit." Elle toise Augusta avec une souveraine arrogance, mêlée d'un fond de provocation qu'elle ne conteste absolument pas. "Tu es bien stupide pour boire ses paroles sans envisager, même un instant, qu'elles puissent être fausses, ce n'est pourtant pas faute de l'écouter déblatérer plusieurs dizaines de conneries à la seconde. Mais j'imagine qu'à force, tu t'es habituée... Et vu ton propre quotient intellectuel, il est également plus que probable que tu n'aies absolument rien remarqué."

Octavia enquille les remarques déplaisantes. C'est un sport, un jeu pour elle, et elle sait qu'elle est particulièrement douée pour ça. Elle n'a pas son pareil pour créer des problèmes et en inventer de nouveau, que ce soit pour se tirer de situations dommageables ou pour son propre plaisir. Rien ne l'arrête jamais. C'est dans ses attributions.

C'est de l'arrogance et une infinie suffisance qui marque les traits d'Octavia quand Augusta affirme que sa parade est très faible, et que plaider la folie de Joan Colton ne peut pas tenir la route une seule seconde. Si elle pense vraiment cela, c'est qu'elle est bien naïve. Il n'est pas difficile de prêter à autrui l'image que l'on décide de lui prêter. Faire et défaire des réputation, c'est un peu la spécialité de la vert et argent, et c'est un domaine dans lequel elle excelle tout particulièrement.

Alors oui, si elle le décide, elle est convaincue de pouvoir invalider le discours de son ennemie. Et plus cette dernière s'égosillera afin de prouver son innocence, plus elle perdra en crédibilité, c'est inévitable. Augusta est aveuglée par son amitié, mais non, tout le monde ne pense pas que Yaxley est quelqu'un de parfaitement raisonnable.

"Mais bien sûr, Londubat, tu es dans les petits papiers de la police magique, et ton témoignage à charge contre moi est d'une valeur d'Evangile puisque chacun sait que tu n'as pas une dent contre moi et que ton discours n'est pas biaisé", répond posément la vert et argent.

Elle n'est pas surprise d'entendre qu'Augusta a été interrogée dans le cadre de l'enquête. C'est logique. C'est vrai que ça ne la rassure pas le moins du monde, mais elle essaie de prendre de la distance par rapport à ça. Augusta ne sait rien, après tout. Elle peut chercher à la compromettre autant qu'elle le souhaite, ça ne change absolument rien au fait que sa parole ne vaut pas grand-chose, d'autant plus que sa parole est biaisée dans tous les cas. En l'attaquant, elle pourrait presque lui rendre service. Surtout quand on connaît la virulence de la rouge et or, qui a tendance à ne pas mâcher ses mots, et à ne pas suffisamment réfléchir avant de l'ouvrir.

"Est-ce que tu me menaces, Augusta ? Tu penses vraiment que le meilleur moyen de gagner en crédibilité est de m'attaquer ou de chercher à m'intimider ?"

Elle la toise avec un regard qui transpire le mépris le plus total. Non, elle n'a pas la moindre intention de se laisser intimider. En même temps, elle a beau donner le sentiment d'être totalement en confiance, ce n'est pas complètement le cas, en réalité. L'idée ne la rassure pas le moins du monde, l'idée, même, l'inquièterait plutôt... Elle ne sait pas comment va se passer l'année à venir à Poudlard, mais elle se doute quand même que ça ne va pas être une partie de plaisir pour elle. Elle sait qu'elle aura besoin de prendre sur elle plus encore que d'ordinaire.

L'intimidation a toujours été, il est vrai, une des méthodes de prédilection d'Augusta, qui y trouve une source constante de satisfaction... C'est une méthode basse, mais qui porte ses fruits la plupart du temps. A partir de là, comment ne pas succomber à cette facilité. Mais ce n'est pas parce qu'elle en use et abuse qu'elle va davantage l'accepter chez les autres. Pour elle, ça n'a absolument aucune forme de rapport, et c'est à peine si c'est quelque chose de comparable, d'accord.

Augusta parle de se rabaisser à ton niveau, mais la vérité, c'est qu'Octavia la considère si en-dessous d'elle qu'elle estime que c'est une chose impossible, et ce serait une vraie perte de temps pour elle que de ne serait-ce qu'essayer de se trouver à un niveau similaire au sien. Pourtant, elles sont issues de milieux similaires, et leurs parents sont cousins, mais ça n'y change absolument rien. Elle ne saurait qu'être une déception pour quiconque daignerait y regarder de suffisamment près, et Octavia, pour sa part, n'a jamais oublié de le faire : en long, en large et en travers.

Elle ajoute que non, elle ne lui adresse pas des menaces mais qu'elle formule en cet instant une promesse solennelle. C'est quelque chose qu'Octavia retient. Elle compte bien retourner ce discours contre elle si l'occasion doit se présenter, et Augusta ne pourra pas prétendre qu'elle ne l'aura pas cherché. Elle se met d'elle-même dans cette situation, en même temps.

"Et tu n'hésiterais pas à répéter ce que tu viens de me dire devant les autorités compétentes, bien sûr", réplique Octavia d'un ton détendu et mesuré. "Tu es en train de t'avadakedavriser le pied toute seule, c'est absolument ridicule, mais en même temps assez amusant. Quand je pense avoir fait le tour de ta pathétique personne, tu trouves toujours un nouveau moyen de te ridiculiser davantage, c'est assez divertissant, je dois dire."

Est-ce qu'elle ne prend pas les menaces d'Augusta au sérieux ? Si, en réalité, et elle s'en inquiète bien plus que ce qu'elle daigne bien montrer, elle s'en inquiète même beaucoup, car elle sait qu'à la rentrée, il lui faudra bel et bien assumer les conséquences de ses actes, et elle ne s'y sent pas prête. Malgré tout, elle n'a pas le sentiment d'avoir le choix, alors elle compte bien dégainer toutes les armes qu'elle a à sa disposition. Et ça va, elles ne sont pas si terribles que cela.

Octavia se délecte, en réalité, du défaitisme de son interlocutrice. Cette dernière a complètement baissé les bras, elle ne croit plus dans la justice, et c'est tant mieux ! ça veut dire qu'elle préférera régler ses problèmes elle-même plutôt que de se tourner vers ceux qui auraient la légitimité de l'aider. Oui, en ce qui la concerne, c'est vraiment une chose qu'elle observe avec une satisfaction. Augusta s'isole et se met une balle dans le pied toute seule. Elle devra s'en prendre à elle-même quand tout ça se retournera contre elle. Clairement, Octavia ne voit pas du tout Augusta comme une menace : elle se rit, clairement, de la menace qu'elle représente. Parce que c'est une non-menace à ses yeux.

Elle ne recevra pas la monnaie de sa pièce, pas plus qu'elle ne l'a déjà reçu. C'est du moins ce dont Augusta a été parvenu à se convaincre. L'enlèvement de Gaia, c'était la monnaie de sa pièce, et elle a eu suffisamment peur, elle s'est suffisamment angoissée à ce sujet pour en avoir retenu sa leçon. Pas au point de renoncer à rejoindre le seigneur des ténèbres ou d'envisager une option différente, mais suffisamment pour considérer que c'était la seule et unique chose à faire.

Elle, elle continuera de trouver ridicule de défendre son amie quand cette amie est Joan Greene-Colton. Elle ne mérite absolument pas d'être défendue, elle ne mérite franchement pas que l'on veille à ses intérêts. Elle ne mérite absolument rien. Et certainement pas que ses chiens de garde la défendent en montrant les dents. Mais de la part de personnalités comme les leurs, faut-il franchement être surpris ? Non, bien sûr que non : c'est leur manière de faire, c'est ce qu'ils sont. C'est certes pathétique et proprement lamentable, mais ce n'en est pas moins ce qu'ils sont malgré tout, à n'en pas douter.

"Forcément, pour avoir le sens de l'humour, il faudrait que tu en aies, de l'humour, et à l'évidence, ça te manque terriblement. Tu passes ton temps à râler, à t'offusquer et à t'agiter dans tous les sens en brassant du vent. Tu y gagnerais vraiment davantage à te détendre et à t'amuser un peu."

Plutôt que de lui coller aux basques et de vouloir lui faire la misère. Au bout d'un moment, il faut reconnaître que l'on obtiendra pas ce qu'on veut et passer autre chose. Il arrive effectivement un moment ou insister, encore et encore, devient perceptiblement ridicule. C'est ça, aux yeux d'Octavia, Augusta se donne en spectacle et se rend ridicule. Elle, ça l'affecte très peu, il n'empêche qu'elle devrait vraiment arrêter ça.

Elles ont évolué dans les mêmes cercles toutes les deux, et pourtant, elles pourraient difficilement avoir des principes et des valeurs plus éloignés. Les deux sont le jour et la nuit. Evidemment que ce qui fait sourire l'une fera grincer l'autre des dents. C'est assez évident. Pour ne pas dire que c'est même assez logique, dans le fond. Octavia, en ce qui la concerne, n'en estime pas moins être dans son bon droit et être celle dont le jugement est le plus sûr quoi qu'il en soit. Pour ce qui est d'Augusta... Honnêtement, elle ne réussit pas à la comprendre. Comment, en ayant été éduquée par la sublime Callidora Londubat, qu'Octavia estime tellement, elle a aussi mal pu finir. C'est que ça doit venir du père, à tous les coups.

"En effet, c'est ce que je fais", répond calmement Octavia, avec un petit sourire satisfait aux lèvres, quand Augusta suggère qu'elle se fout de sa gueule. "Tu m'excuseras, mais le fait est que c'est beaucoup trop tentant", affirme-t-elle ensuite avec un doux mélange d'assurance et de provocation.

Est-ce que son seul divertissement est vraiment de regarder les autres souffrir ? Non, voir d'autres souffrir ne la rend pas forcément heureuse. Elle ne s'est pas sentie heureuse de savoir sa soeur en souffrance, elle n'est pas heureuse de savoir Clarice en souffrance non plus... Tout dépend d'à qui elle a affaire. Une chose est sûre, si Augusta était en souffrance, elle, et si elle était à l'origine de cette souffrance, elle n'aurait pas de scrupule, et elle ne serait pas malheureuse.

"Ne joue pas les hypocrites, Londubat." Octavia plante son regard sombre dans celui de son interlocutrice. "Admets que si tu me voyais souffrir, toi aussi tu te délecterais. Ce n'est pas monstrueux, c'est humain", décrète-t-elle, obligeant par la même son interlocutrice à faire face à ses propres contradictions.

Elle veut bien croire que ça ne lui plaise pas. En attendant, c'est le cas, et la vert et argent est entièrement convaincue de voir juste, là, tout de suite. Quoi que pourra en dire son interlocutrice. Non, elles n'ont pas des valeurs bien différentes. Augusta essaie par tous les moyens de se convaincre qu'elle vaut mieux qu'elle, mais la vert et argent veut croire que très vite, plus vite qu'on ne l'imagine, elle pourrait faire les pires choix possibles et se retrouver de ce côté de la barrière qui à première vue la révulse tant. C'est tellement évident... Elle est totalement capable de basculer de ce côté qui la révulse tant sous un prétexte aussi peu noble que celui de la vengeance. Alors, partant de ce principe-là, elle ne vaut clairement pas mieux qu'elle.

Oui, à l'évidence, quand vient le moment de jauger la nature humaine, Augusta et Octavia ont toutes deux des conceptions tout à fait différentes : pas forcément incompatibles, certes, mais dont il s'agit tout de même de relever la singularité. Tout dépend de si l'on accorde un minimum de foi en l'humain à se racheter, et aux yeux d'Octavia, qui concerne le tout avec le plus grand cynisme. Elle ne se verrait pas adopter la même vision que Londubat dans tous les cas, elle aurait le net sentiment de se compromettre, et c'est évidemment inacceptable, intolérable.

"Toi et moi n'avons pas la même définition de la vie en général, et c'est heureux... il n'y a rien au monde que je souhaiterais voir à travers tes yeux", répond Octavia avec une froide et sévère neutralité, dans la voix tout le jugement du monde.

Et non, en effet : elles n'ont pas la même vision des choses, toutes les deux : la preuve qu'en grandissant et en évoluant dans des contextes pourtant très similaires, on peut finalement adopter des trajectoires de vie qui n'ont pas le moindre rapport au monde. L'une réussira dans la vie, l'autre sera jetée au rebut, Octavia est absolument certaine de cela. Et elle sait, pertinemment, de quel côté de la barrière elle se situe exactement.

"Tu t'entends parler ? Je suis un monstre, carrément ?" plaisante Octavia qui n'a pas la moindre intention de se laisser décontenancer par le discours de son interlocutrice.

Est-ce qu'il lui arrive de se dire ce qu'elle est trop loin, et de se remettre en question ? Non, ou très rarement. Ou trop rarement. Elle a, oui, éprouvé ses scrupules à l'enlèvement de Gaia, mais ce n'est pas pour autant qu'Augusta trouve cela monstrueux en quoi que ce soit. Elle sait qu'elle a fait ce qu'elle devait faire, un point c'est tout. Et elle a obtenu le résultat qu'elle voulait. Certes, il y aura des répercussions qu'elle aurait voulu empêcher, mais ça c'est encore autre chose.

"Qui dit ce genre de choses... ? Ce n'est pas moins monstrueux de faire preuve de si peu de foi dans la bonté d'autrui, je pensais que c'était ton truc, à toi, de voir du bon dans tout le monde. Comme quoi tes belles leçons de morales ont d'évidentes limites."

Mieux vaut avoir conscience de ne pas être irréprochables plutôt que de le prétendre et de ne tout simplement pas savoir s'y tenir le moins du monde. Elle, elle est convaincue qu'elles ne vaillent pas mieux l'une que l'autre, mais avec cette situation, vraiment.

Augusta Londubat est véritablement dramatique quand elle s'y met. Est-ce que ça la surprend ? Pas spécialement, en vérité. Elles sont loin d'être proches, toutes les deux, mais elles se sont suffisamment pris la tête durant leur courte vie pour que la vert et argent ne doute en rien de la tendance prononcée de son interlocutrice pour le mélodrame, à croire qu'elle est bien incapable de s'en empêcher, à croire que c'est plus fort qu'elle. Non, Octavia a conscience que ce qu'elle a fait peut être considéré comme monstrueux, en revanche, elle refuse de se laisser considérer comme un monstre, car elle estime que ce n'est pas le moins du monde ce qu'elle est, et bien au contraire. Elle se considèrerait plutôt comme une jeune femme pragmatique et bien humaine. Il y a de la cruauté en chaque humain, ça ne fait pas d'eux des monstres pour autant. Non, ça fait d'eux des humains, justement. Ne leur en déplaise.

Elle n'est pas certaine qu'Augusta croie elle-même dans ses propres paroles quand elle affirme qu'elle n'a jamais dit qu'il y avait du bon en chacun, et que c'est elle qui extrapole. Elle en doute très fortement. Parce qu'Augusta est une idéaliste, et même Octavia, aurait tendance à penser, en réalité, qu'il peut y avoir du bon en chacun. C'est juste que ce qui est bon pour certaines personnes ne peut pas l'être pour d'autres. Les notions de bien et de mal, de juste et d'injuste, varient en fonction des personnes, et c'est bien normal, après tout, alors on ne peut clairement pas juste se fier à ces préconçus, il faut savoir les observer d'une manière un peu différente.

"C'est si inhumain de dire ce genre de choses", répond Octavia pour le seul plaisir d'inverser la situation. "Dis-moi, tu ne penses tout de même pas détenir seule la vérité absolue ? Tu ne t'imagines tout de même pas que ta vision du bien, du mal ou de la justice sont des visions universelles. Tu es tellement biaisée, et même pas pour les bonnes raisons, en ce qui te concerne. Ce qui t'intéresse, ce n'est pas de prôner le bien ou des comportements que tu considèrerais comme moraux, absolument pas. Ce qui t'intéresse, à toi, c'est ta petite rébellion stupide contre ta mère, elle serait une pro-moldue invétérée que tu aurais sauté à pieds joints dans le camp inverse."

Octavia jauge Augusta avec un petit sourire satisfait. Parce qu'elle croit dur comme fer dans ce qu'elle est en train de dire, et on pourrait difficilement la convaincre d'autre chose.

Octavia lève les yeux au ciel, pas le moins du monde convaincue par les arguments de son interlocutrice qui, voulait-elle penser, ne devait pas y croire elle-même (comment est-ce qu'elle pourrait y croire elle-même ?). Bien sûr que sa famille et son éducation avaient tout à voir avec le fait qu'elle la détestait. Si elle avait été issue d'un milieu différent, sa petite crise de rébellion lui paraîtrait tellement ridicule qu'elle n'y prendrait même plus franchement garder.

Non, les raisons qu'elle avait de détester Octavia ne pouvait définitivement avoir aucun rapport avec cela. Par contre, oui, le fait qu'elle s'en soit pris à Joan pesait bien évidemment dans la balance. Mais Augusta n'avait pas attendu cela pour la détester viscéralement. Disons que ça donnait surtout davantage de valeur et d'impact à la haine affichée qu'elle lui adressait de manière à ce point virulente.

"C'est toi qui le dis", répondit Octavia qui, une fois de plus, n'allait naturellement pas avouer si facilement. Elle était toujours dans l'optique de nier - sans faire beaucoup d'efforts pour nier malgré tout (parce qu'il ne s'agirait pas d'exagérer non plus). "Si j'avais voulu tuer ta copine, elle serait morte", ajouta-t-elle en pure provocation. Elle ne devrait pas en rajouter, c'est vrai, mais c'était plus fort qu'elle, pour le coup. "Si tu étais une si bonne amie, tu prendrais soin d'elle, là, tout de suite, plutôt que de t'attaquer inutilement à moi", reprit-elle très sérieusement.

Elle ne se sentait pas attaquée quand son interlocutrice suggérait qu'elle n'avait pas d'amis. Parce que, après tout, même si c'était le cas... eh bien, où était le souci ? Elle est d'avis qu'elle se suffit à elle-même. Les crétins qui l'entourent sont là pour le décorum, mais ils ne lui sont absolument pas indispensables, et ils ne lui seront jamais indispensables. Elle préférait avoir des amis qui n'en avaient que le nom, et auxquels elle n'était pas attachée le moins du monde.

De fait, si elle doit s'en séparer, ce ne sera pas une grande perte. Elle préfère largement voir les choses sous cet angle, en ce qui la concerne. Elle n'a pas besoin d'amis, en revanche, elle apprécie de se faire des ennemis, car ces ennemis lui permettent ,de cette façon, de prendre le dessus sur eux... et de s'en séparer sans aucune peine si cela doit arriver. Elle veut croire que les personnes qui l'entourent on besoin d'elle, mais elle, elle veut croire qu'elle n'a absolument pas besoin d'eux : pas le moins du monde. Et ça lui est totalement égal.

"Tu sais que ton insistance à vouloir t'occuper d'elle et à jouer les chiens de garde pour elle prêterait presque à confusion... Encore un peu et je vais croire que tu es amoureuse de Greene-Colton."

Ce qui ne devrait en rien être considéré comme une insulte en est non seulement une dans l'esprit d'Octavia, mais se doit d'être perçue comme telle par son interlocutrice, d'autant plus qu'Octavia s'évertue elle-même à trouver le mal où elle serait susceptible de le commettre. Cela dit, est-il encore à prouver que la vert et argent est tout sauf une personne morale ? Certainement pas. Et pour cause, elle ne l'est pas le moins du monde.

N'en déplaise à Londubat, Octavia n'a pas la moindre intention de dégager du paysage, elle n'a certainement pas l'intention de s'éloigner du chemin qu'elle a choisi, et par conséquent, n'importe qui se placerait sur sa route devra très logiquement s'exposer à ses foudres les plus violentes : c'est ainsi, et elle refusera toujours catégoriquement d'y changer quoi que ce soit. Elle continuera donc sur sa lancée, et enverra autant de piques bas de gamme que nécessaire à son interlocutrice tant que celle-ci se révélera inapte à admettre qu'elle a raison (le moins que l'on puisse dire, c'est que tout ceci a par conséquent de très fortes chances de durer particulièrement longtemps.

Le sourire fier affiché par Octavia prouve bel et bien le fond de sa pensée, et le fait que oui, concrètement, c'est définitivement ce qu'elle pense être. C'est un fait des plus avérés : Octavia Yaxley s'imagine intouchable. Le fait qu'elle s'en tire à si bon compte en dépit du témoignage accablant qui pèse contre elle ne le prouve-t-il pas déjà assez ? Ne répondez pas à cette question, Octavia le fera à votre place : oui, et au centuple.

"J'espère que tu as du temps avant toi", répond Octavia d'un ton las tandis qu'Augusta suggère une fois de plus que sa place est en prison et que cela finira pour elle à Azkaban.

Octavia, de son côté, ne croit pas que c'est là qu'est sa place. Même si elle devait vraiment payer pour ses crimes un jour, elle serait libérée fissa, comme l'avaient été tous les prisonniers d'Azkaban, récemment. C'est ainsi, oui, c'est bel et bien ainsi, tout à fait.

"Ton esprit est réduit aux possibilités que te dictent ton intellect diminué, c'est normal que la situation manque tant de nuance à ton discours, c'est très logique. Stupide, certes, mais logique."

Si Octavia n'était pas décidée à détester si cordialement son interlocutrice, elle serait capable de trouver amusants ses traits d'esprit et son sens de la repartie. Le coup du dictionnaire, elle serait assez tentée de le récupérer à son compte, mais bien sûr, ça lui fait du mal que de reprendre à son compte une blague de l'"ennemie" (encore qu'elle n'est pas sûre que la blague soit d'elle). Certes, cette réflexion ne lui fait ni chaud ni froid, car son coeur, de marbre, n'a pas réellement de difficultés à encaisser ce coup qu'elle ne trouve pas si bas, mais elle admet que son interlocutrice ne manque pas du tout d'aplomb, loin de là. Ce qui force sa détestation pourrait forcer son admiration si le contexte était différent. Mais comme ce n'est pas le cas, elle feint seulement de l'ignorer.

"Je pense que tu as trop souvent tendance à confondre émotions et impulsions. Ce n'est pas parce que je n'exprime rien que je ne ressens rien. Je ne ressens pas le besoin de me tourner en ridicule et de me donner en spectacle comme tu le fais, c'est tout", réplique Octavia en toisant son interlocutrice d'un regard ce qu'il y a de plus austère, qui ne dissimule rien ou pas grand-chose de la profonde hostilité qu'elle lui inspire assez naturellement.

Elle ne le dit pas pour se laisser plaindre ou pour suggérer qu'elle possède elle aussi des émotions qu'il ne s'agirait pas de heurter. Elle se contente de garder la tête haute et de faire valoir le bien fondé de sa cruauté et de sa froideur. Elle n'a pas spécifié quelles émotions elle ressent en cet instant. Des émotions aussi pures qu'elles sont violentes, d'une violence certaines, que quelques-uns estimeraient particulièrement insupportable.

"T'es en forme aujourd'hui, dis donc", remarque Octavia qui, même si elle ne le devrait pas, ris de la nouvelle saillie d'Augusta. Elle ne l'admettra pas frontalement, mais bon sang, elle tuerait pour un tel sens de la repartie. De son côté, ses quelques remarques, toutes acerbes et acides soient-elles, semblent tomber terriblement à plat, et c'est évidemment un bien triste constat. "Quel dommage que ton sens de la rhétorique doive servir des objectifs si médiocres."

Augusta Londubat aurait pu être la digne fille de sa mère, mais son besoin constant et absurde de rébellion a, de toute évidence, tout gâché : Augusta trouve cela beaucoup trop dommage, mais visiblement, ça n'empêchera personne de voir les choses de cette manière.

"Reconnaître quoi exactement ?" répète Octavia avec cette suffisance appuyée qui fait d'elle l'inénarrable tête à claque que l'on connaît tous, bien décidée à aller au bout de ses pensées sans se soucier d'incommoder profondément son interlocutrice (ou au demeurant qui que ce soit) dans le processus. "Je suis innocente", reprend-elle avec un dédain orgueilleux qui devait servir, naturellement, à faire sortir Augusta de ses gonds.

Innocente jusqu'à preuve du contraire, ce n'est même pas elle qui le dit, c'est la justice. Elle, elle se contente d'approuver cette décision judiciaire profondément injuste et de l'applaudir des deux mains. Certes, elle ne devrait certainement pas se montrer si sûre d'elle alors qu'il est absolument évident, dans tous les cas, que quelque chose ne va pas, que quelque chose de sérieux, quelque chose qui risque de la ronger elle-même si elle n'y prend pas garde, mais rien de ceci ne l'intéresse ni ne l'inquiète en cet instant : ses intentions pourraient se résumer en une phrase très simple et une seule : elle veut gagner, un point c'est tout.

Alors non, Octavia ne reconnaîtra rien à Augusta Londubat. Elle ne l'aurait fait dans aucune forme de contexte et encore moins celui-ci. Augusta a perdu, fin de l'histoire. Ce qui est fait ne peut être défait, ce qui est arrivé à Joan ne peut pas être effacé, et les conséquences d'un tel acte non plus : Octavia en a pris son parti, et elle n'en est pas le moins du monde offusquée ou affligée. Elle estime qu'elle a fait ce qui devait être fait, et elle a obtenu en retour exactement ce qu'elle souhaitait : elle ne peut pas considérer que cela a été un mauvais choix dans ces circonstances.

"Débouche-toi les oreilles, Londubat. Jamais, tu m'entends, jamais de toute ma vie je ne te ferais le moindre compliment. Je n'aime pas mentir", a-t-elle le culot ultime d'affirmer alors qu'elle ne fait que cela, mentir, depuis tout à l'heure, avec une effronterie qui dépasse l'entendement.

A-t-elle l'intention de s'en excuser pour autant, ou bien, qui sait, d'admettre ses tors ? Personne ne se pose vraiment la question, n'est-ce pas ? On sait très bien que non, certainement pas, non.

"Je pense sincèrement qu'on devrait s'arrêter là. C'est toi qui commences à faire preuve de mauvaise foi, et tu ne veux pas devenir ce genre de personne, pas vrai ?"