C

e jour là, Melissa travaillait à l'étage inférieure. Depuis quelques temps, elle avait délaissé le service client pour s'isoler dans le travail minutieux de la couture, loin des attentes et des faux semblants. Depuis noël, et la soirée qui avait été organisée au Ministère...

Lorsqu'une collègue vient lui annoncer qu'une de ses clientes régulière, Agrippine Tuft, était là... Dans un premier temps, elle est tentée de dire qu'elle ne veut pas la voir. De l'ignorer, et faire son sport préféré (et seul sport pratiqué) : faire l'autruche.

La dernière fois qu'elle l'avait vue avait été lors de la soirée organisée au Ministère... Ou cette arrogante sans vertu avait dansé avec son mari. Devant tout le monde. Ou ils avaient fait preuve d'une complicité que Geoffrey et Melissa n'avaient plus... murmurant, susurrant, leurs messes basses la rendant folle de jalousie et de colère. Geoffrey la prenait pour une idiote, s'il croyait qu'elle n'avait pas remarqué qu'il la trompait, mais elle n'aurait jamais cru qu'il irait jusque là, jusqu'à danser avec une de ses amantes juste devant elle.... Sans scrupules. Comme si elle ne verrait pas, la manière dont ils se comportaient ensembles. Ou qu'ils avaient disparus de la salle, tous les deux, trop longtemps pour un simple détour pour se rafraîchir... Elle avait tenu bon, en public, avait continué sa conversation avec Elros comme si de rien n'était, même si au fond d'elle ce coup supplémentaire à son égo déjà fissuré était difficile à accepter.
Rien que d'y penser, ça la rend malade. Ses mains en tremblent, et elle rate son ourlet, ce qui ne lui arrivait jamais.
Melissa se lève avec précipitation pour aller aux toilettes rendre son petit déjeuner. Par Merlin. Elle les imaginait ensemble et... ça lui retournait l'estomac. Tout simplement.

C'est cette colère sous-jacente, qui la pousse finalement à monter dans la boutique, après s'être rafraîchie et avoir pris le temps de reprendre contenance. Melissa n'était pas une femme impulsive, loin de là. Sa colère pouvait être assez froide, calculatrice ; bien souvent elle se contentait de passive-agressivité, mais le plus souvent elle le cachait et gardait le sourire.
Mais pas cette fois.

Elle arrive dans le petit coin réservé aux essayages, loin des regards, et après s'être raclée la gorge pour annoncer sa présence rejoint la jeune femme rousse.

« Miss Tuft. Navrée de vous avoir fait attendre. Je vois que vous êtes déjà dévêtue.. comme c'est surprenant. » La fin de sa phrase est marmonnée, mais assez fort pour qu'Agrippine entende. Melissa n'était que rancœur. Encore plus lorsqu'elle constate qu'Agrippine est toujours aussi belle. Toujours aussi jeune.

La voir ravive encore plus les émotions négatives. Car elle se souvient, de tous ces essayages, de toutes ce remarques lancées avec soi disant innocence, sur l'honneur massacré des femmes trompées... Son insolence !

« J'espère que mon époux à apprécié mes derniers conseils de lingerie. » dit-elle avec un ton détaché, ses yeux fixés dans ceux d'Agrippine dans le reflet du miroir. Une remarque glaciale, ce qui cassait complètement son image habituelle. Une attaque détournée qui donne mot aux terribles doutes qu'elle avait depuis noël... Qu'Agrippine soit l'amante de Geoffrey.

Faites qu'elle soit juste paranoïaque.

code by Mandy

D

ernièrement, si Agrippine avait quelques motifs à se plaindre (notamment sa santé qui faisait des siennes sans qu'elle s'explique pourquoi - en même temps, si elle prenait la peine de voir un médecin, elle en saurait immédiatement plus, mais elle fuyait ces gens comme la peste), ce n'était certainement pas de l'état de ses finances, qui étaient au beau fixe. Les affaires juteuses s'accumulaient, et Agrippine n'avait qu'une hâte, à présent, et c'était de tout dépenser le plus vite possible en choses futiles et inutiles.

Encore que, en l'occurrence, l'achat de nouvelles tenues serait tout  sauf superflue, parce que dernièrement, Agrippine rentrait difficilement dans nombre de ses tenues. Oh, elle ne s'en inquiétait pas vraiment. Clairement, elle s'était fait plaisir durant les fêtes de Noël. Agrippine n'avait jamais été très regardante sur ce qu'elle consommait, et elle était gourmande de nature. Elle avait juste la chance de disposer d'un métabolisme que beaucoup lui envieraient, ce qui ne voulait pas dire que son poids jouait parfois au yo-yo. Elle s'en fichait pas mal. En fait, ça lui convenait même plutôt bien, à vrai dire, parce que sa prise de poids de ces dernières semaines faisaient qu'elle avait le sentiment que sa poitrine n'avait jamais été aussi généreuse (je sais, je sais, il faut lui laisser le temps de raccorder les wagons... comme quoi, dans certaines situations, c'est plus compliqué que dans d'autres).

Bref, elle avait donc de l'argent à dépenser, des vêtements à acheter, alors quoi de mieux que de se rendre chez Madame Guipure. Elle demanda Melissa - qui d'autre ? - mais ne l'attendit pas pour rejoindre les cabines d'essayage après s'être saisie de quelques robes qui lui semblaient particulièrement seyantes. Melissa débarqua peu de temps après, alors qu'elle se trouvait plus que légèrement vêtue.

Et ses propos donnèrent le ton. Faisant fi de son attitude habituelle, passive-agressive en diable, elle se montrait beaucoup plus directe et incisive, et ce changement de comportement fit sourire Agrippine, qui était loin, bien loin de s'en inquiéter et aimait autant les confrontations directes que celles qui se passaient en toute discrétion. Facile de comprendre les raisons de sa colère, elle les explicita clairement. Elle savait. Leur petit numéro le soir d'Halloween n'avait pas dû passer inaperçu. En même temps, Agrippine avait voulu qu'il se remarque, et elle aimait beaucoup la tournure que prenaient les choses.

-Vos conseils ont toujours fait le bonheur de mes amants, Melissa, comment pouvez-vous seulement en douter ? répondit Agrippine sans se laisser démonter un sel instant. La plus belle femme qu'il ait jamais vue... je crois que c'est ce qu'a dit le dernier en date quand j'ai porté cette magnifique robe dos nu que vous m'avez vendue la dernière fois.

Elle ne confirmait pas. Mais elle ne niait pas non plus. Ce qui voulait tout dire.

-A ce sujet, d'ailleurs, je suis impatiente d'entendre vos conseils aujourd'hui. Je tiens à entretenir la flamme.

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C

’est la douche froide. Même si Melissa avait déjà des doutes (plus que des doutes, mais son déni était redoutable) ce n’était pas la même chose que de l’entendre dire de vive voix. Elle savait que Agrippine était une femme de petite vertu (ou plutôt, une femme libérée comme il y en avait trop peu, une femme comme Melissa ne serait jamais, pour le meilleur et pour le pire), elle savait très bien qu’elle avait son lot d’amants et d’aventures, ce n’était pas comme si elle s’en était caché. Ce que Melissa n’avait jamais compris, cette assurance, le fait d’assumer sa mauvaise vie avec fierté sans se soucier des conséquences. Comme si c’était une qualité et pas une preuve de sa profonde vulgarité. Et dire qu’elle l’avait vêtue, conseillée, pendant toutes ces années, prenant sur elle et ses préjugés pour laisser une cliente satisfaite et souriante.

Elle ne comprenait pas. Agrippine n’était pas le genre de femmes que Geoffrey pouvait aimer…
Ah, le déni…

La pâleur de ses phalanges s’accentue alors qu’elle serre les pans de sa robe avant de se reprendre et de sortir sa baguette, l’agitant plus sèchement que d’habitude pour qu’un mètre magique brillant en sorte. Sa colère est froide, oui, comme la peau des serpents de son ancienne maison, comme son cœur le devenait de plus en plus au fil des ans et des tromperies supposées.
Melissa ne sourit pas. Pas cette fois.

Elle ignore pourtant ces remarques, après une respiration tremblante. « Commençons par reprendre vos mesures dans ce cas, vous avez gagné au moins une ou deux tailles depuis la dernière fois. Se faire entretenir est un commerce lucratif, semble-t-il. » Il n’avait fallu qu’un coup d’œil habitué à Melissa pour voir que la sorcière bien trop belle et trop sensuelle avait pris, des hanches, du ventre… Elle se rapproche et le mètre entoure la jeune femme, comme une corde à son cou. Melissait fait en sorte de bien agiter devant elle son alliance sertie d’un magnifique diamant, qu’elle ne portait habituellement pas au travail mais qu’elle avait enfilé avant de monter s’occuper de cette cliente des plus particulière. On se battait avec les armes qu’on avait. « Mes pièces de couture font souvent cet effet-là, je serais une bien piètre couturière si je n’étais pas capable de mettre en avant les atouts de mes clientes, même si elles en ont peu dignes d’être relevés. » Qu’importe sa colère, Melissa n’était tout simplement pas capable d’être frontale dans tout ce qu’elle faisait, la petitesse, la rancœur et la suspicion s’enroulant autour d’elle comme un nuage noir. Mais Agrippine n’avait encore rien confirmé ni infirmé… Peut-être y avait-il une petite chance qu’elle se soit trompée, que Geoffrey n’ait partagé qu’une danse avec cette gourgandine…

« Le problème avec les flammes, Miss Tuft, c’est qu’elles se transforment bien vite en feudeymon hors de contrôle. »

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A

grippine ne perdit pas son sourire quand Melissa lui fit la remarque du poids qu'elle avait pris. La remarque n'était guère plaisante, mais elle se félicitait d'avoir manifestement pris des rondeurs où elles pouvaient être le plus agréables au regard masculin... Ses seins, notamment, avaient pris du volume, et si Agrippine comprenait bien qu'elle allait certainement devoir freiner sur l'alcool et les patacitrouilles si elle voulait demeurer attirante et profiter pleinement de ce que les hommes appréciaient de ce physique affriolant, elle avait l'impression que la situation n'avait pas outre mesure échappé à son contrôle... sans réaliser que si, justement, c'était le cas, et que ces rondeurs dont elle décidait de faire fi en étaient la preuve. Non, elle refusait catégoriquement de voir les choses ainsi. A la place, elle se leurrait, dans les grandes largeurs, et c'en était presque pathétique à ce stade, de refuser de voir cette évidence que son corps lui désignait de bien des manières qu'elle négligeait toujours presque aussitôt, comme si ce qui arrivait aux autres ne pouvait tout bonnement pas lui arriver à elle, sans plus d'explication que cela.

-Vous devriez peut-être essayer, on dirait que vous n'avez que la peau sur les os, répliqua Agrippine sans se laisser un seul instant démonter par les propos de Melissa, mais s'en défendant tout de même.

Elle était habituée, à présent, à être considérée comme la catin de service, et prétendre qu'elle ne prenait pas plaisir à en jouer serait définitivement mentir, mais quand bien même elle y était habituée, ce n'était pas pour autant que le jugement que l'on portait sur elle, toujours hâtif et péjoratif, ne l'affectait pas d'une certaine manière. Savoir parfaitement prétendre le contraire ne signifiait pas qu'elle ne soit pas touchée, d'une certaine manière. Elle refusait seulement de le montrer à une personne qui, elle en était convaincue, prendrait plaisir à se nourrir du moindre signe de faiblesse de sa part. Bon, elle l'avait cherché, elle ne pouvait pas non plus dire le contraire, à ainsi provoquer la femme de son amant. Elle tirait une satisfaction malsaine à faire cela, et elle devait bien l'avouer.

-Je n'ai jamais trop aimé être dans le contrôle, confia Agrippine avec un grand sourire. Je préfère avoir eu chaud toute ma vie et me consumer rapidement que de mourir de froid jusqu'à mes cent soixante-dix ans parce que j'aurais été effrayée par une petite flamiche, ajouta-t-elle, ce qui en soi était effectivement vrai.

C'était sa philosophie de vie, Agrippine brûlait la chandelle par les deux bouts, et à ce compte, il fallait sans doute s'attendre à ce qu'elle ne vive pas très longtemps, mais ce n'est jamais une chose dont elle s'est vraiment inquiétée au final.

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