C

edrella n'aimait pas du tout se rendre au ministère. En même temps, il y avait de quoi... quand on n'y travaillait pas, pourquoi aurait-on envie ne serait-ce que d'y mettre les pieds. Même si le ministère de la Magie englobait un très grand nombre de domaines, Cedrella l'associait tout de même très largement à de l'administratif pur, et quand on recevait une lettre du ministère, on sautait rarement au plafond... alors oui, Cedrella voudrait être n'importe où ailleurs sinon ici... et pourtant, elle était bel et bien là.

Masochisme de sa part ? Pas tout à fait, non. Ce n'était clairement pas parce qu'elle aimait se faire du mal qu'elle était là, mais bien par amour, par contre. Puisqu'apparamment, pour passer un peu de temps avec son fiancé, elle avait tout intérêt à aller directement le trouver dans son bureau. Oh, elle le savait, elle n'avait pas le droit de reprocher à Septimus de trop travailler, mais elle était bien incapable, en réalité, de s'en empêcher, parce que le temps qu'elle passait seul dans leur petit appartement était un temps qui pesait sur son moral, et elle voudrait que l'homme qu'elle aimait ne soit là que pour elle, et n'ait d'autre impératif que d'être à ses côtés. Bien sûr, la vie ne fonctionnait pas ainsi, et c'était aussi pour leur offrir une vie plus confortable qu'il se tuait tant à la tâche. Mais si profiter pleinement de vivre avec Septimus impliquait de vivre dans une mansarde, Cedrella était honnêtement prête à l'accepter et à en prendre son parti... pour lui.

Mais donc, en attendant, et puisque Septimus l'avait prévenu qu'il devrait travailler tard (si tard qu'elle serait peut-être déjà couchée quand il rentrerait), elle avait pris les devants en lui suggérant de lui amener à dîner, qu'ils partagent au moins ce petit laps de temps ensemble avant que Septimus ne doive retourner à ses obligations. Et c'est ce qu'ils avaient fait. Elle sortait tout juste de son bureau et s'apprêtait à gagner l'atrium quand, dans les couloirs, elle croisa la rouge de Jester.

Depuis quand ne s'étaient-ils pas vus ou parlés tous les deux ? Un sacré bail. Il faut dire qu'à la fin de la scolarité de Jester, les choses étaient devenues un peu... étranges, pour ainsi dire, et Cedrella avait largement préféré prendre ses distances avec lui. Mais ça, c'était de l'histoire ancienne, des pures broutilles de collégiens. De l'eau avait coulé sous les ponts, et Cedrella, surtout, n'était définitivement plus du tout la même que celle qu'elle était à Poudlard (et franchement, tant mieux).

-Jester, ça faisait longtemps ! Je vais bien et toi ? Qu'est-ce que tu deviens ? Tu travailles ici je suppose ?
   

   

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J

ester se montra particulièrement peu bavard au sujet de sa situation et des raisons de sa présence. Certes, il ne lui devait pas des explications détaillées sur ce à quoi ressemblait sa vie, mais elle était convaincue qu'il avait plus à dire que ce qu'il pouvait bien affirmer. Quand elle lui demandait s'il travaillait au ministère, elle lui demandait tacitement quel poste elle y occupait, mais ce dernier n'avait pas donné plus de détail.

Il pouvait aussi bien diriger un département ou distribuer le courrier, impossible pour elle de le savoir plus exactement. Pas que ce soit non plus une information qui l'intéresse terriblement. Elle ne mourra pas de ne pas en savoir davantage, mais sa curiosité à vif la poussait tout naturellement à vouloir en apprendre, en entendre davantage. Quitte à rattraper le temps perdu, autant le faire de cette manière, non ?

Mais soit, puisqu'il lui disait ne pas devenir grand-chose, la jeune femme se doutait bien du fait qu'elle devrait insister et s'y prendre différemment pour extorquer davantage d'informations à son interlocuteur. Et pour cela, le plus simple serait encore de répondre le plus honnêtement possible à ses questions afin d'abattre une bonne fois pour toutes cette barrière naturelle qui se dressait entre eux, qui n'avait pas forcément lieu d'être en soi, mais qu'ils devaient l'un et l'autre à leurs éducations respectives et au contexte dans lequel ils avaient évolué et grandi, même si les choses avaient beaucoup changé depuis, évolué d'une manière très différente.

Pour cette raison, ils avaient forcément du mal, l'un et l'autre, à savoir sur quel pied danser, mais sans doute qu'en répondant à la question de Jester, elle donnerait le ton. En évoquant tout naturellement ce nom qu'on ne devait pas prononcer au sein de sa famille, comme on s'abstenait généralement de prononcer le nom de Jester, par ailleurs.

-Je suis allée voir Septimus. Si je veux glaner du temps avec mon fiancé, j'ai plus de chances de le trouver au ministère que chez nous, ajouta-t-elle avec un sourire, sur le ton de l'humour, même si c'était terriblement vrai malgré tout. Beaucoup trop vrai, définitivement.

En tous les cas, oui, elle abordait le sujet Septimus Weasley sans détour, parce qu'après tout, c'était un fait connu que la paria de la famille Black avait tout abandonné, y compris ses futures noces, pour se jeter dans les bras d'un "amoureux des moldus".

-Ne me dis pas que tu ne deviens pas "grand-chose", je suis certaine que c'est faux. Qu'est-ce que tu fais au ministère ? demanda-t-elle afin d'obtenir les informations qui jusqu'ici lui avaient échappé, ou plutôt qu'il n'avait pas accepté de lui confier en première instance.


   

   

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R

ien de glorieux, c'était toujours quelque chose, dans le fond, c'était du moins ce qu'avait envie d'arguer Cedrella qui préférait, dans ce cas précis, s'attarder sur la vie d'autrui plutôt que de se focaliser sur la sienne. Elle allait s'attarder sur quelque chose d'un peu moins complexe, et elle voulait vraiment croire que dans n'importe quelle situation, tout le monde avait toujours quelque chose à dire, il fallait seulement réussir à tirer les vers du nez des uns et des autres. Ce n'était pas impossible. Ce n'était pas impossible le loin du monde.

-Il n'y a rien de déshonorant à ça, fit-elle quand Jester se présenta comme un simple gratte-papier.

Une autre version d'elle, une version qui n'aurait pas rencontré Septimus, ne serait pas tombée amoureuse de lui et n'aurait pas tout abandonné pour lui, aurait probablement considéré que c'était, bien au contraire, un choix de carrière bien pathétique, et qui convenait très bien à celles et ceux qui n'avaient pas la moindre ambition, mais elle devait admettre que, même si elle restait le fruit de son éducation, elle avait tout de même changé, elle avait définitivement changé, et même si certains ne le pensaient pas, elle estimait malgré tout avoir clairement changé pour le meilleur, et uniquement pour le meilleur.

-Fort heureusement, notre travail ne nous définit pas, et il n'y a pas besoin que de ça dans la vie...

C'était quelque chose qu'elle disait avec une certaine... frustration, parce que si elle avait tendance à le penser, elle avait vraiment l'impression, ces derniers temps, que Septimus consacrait plus de temps à son travail qu'à elle. Bien sûr, elle avait conscience du fait qu'il le faisait pour leur bien à tous les deux, mais ça ne l'empêchait pas de se sentir singulièrement frustrée malgré tout. Elle n'y pouvait rien, c'était tout simplement plus fort qu'elle. Elle savait qu'il fallait faire des sacrifices, elle savait qu'elle devrait savourer son bonheur, mais ce n'était pas toujours aussi simple, c'était même souvent loin d'être très simple.

-Je ne sais pas si c'était du courage ou de la folie, soupira Cedrella quand son interlocuteur évoqua le sujet de Septimus. C'était attendu, personne ne pouvait s'en empêcher en sa présence. C'était un sujet des plus brûlants. Mais... Elle marqua une légère pause, choisissant ses mots avec toute la parcimonie du monde. Je ne regrette pas mon choix. Pas une seule seconde.

C'était le cas, elle n'avait définitivement aucun regret. Bien sûr que ce n'était pas toujours simple, bien sûr que sa famille lui manquait. Mais elle avait fait ce qu'elle devait, quand elle le devait. Voilà tout.

   

   

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