Ils progressaient, pas à pas. C'était infime au point d'en être frustrant, mais au moins, Pomona n'avait plus le sentiment de faire du surplace... Certes, il faudrait qu'ils progressent mieux et plus vite s'ils voulaient réellement parvenir à leurs fins, mais il fallait savoir saluer également les plus maigres victoires, car c'étaient sans doute elles qui, mises bout à bout, leur permettrait d'obtenir gain de cause. Quoi qu'il en soit, oui, Pomona se sentait plus que jamais motivée à mener la résistance jusqu'au bout... et ce regain de motivation valait aussi pour le fait qu'elle craignait de perdre prise sur tout le reste.

D'oublier sa culpabilité. Sur le moment, se remettre avec Seth avait été une évidence. Il lui avait beaucoup trop manqué, et elle l'aimait beaucoup trop, surtout. Mais entre sa conversation incendiaire avec Andreï (à qui elle n'avait pu donner tort qu'avec un soupçon de mauvaise foi, même si la résistance continuait de passer avant tout le reste pour elle) et les révélation de McDowell, qui savait à présent toute la vérité, n'avaient rien arrangé.

Tout le monde lui faisait comprendre qu'elle avait tort d'aimer Seth... et sans doute tort, aussi, de lui laisser une seconde chance. Ses décisions d'aujourd'hui ne changeaient sans doute rien à ses actions passées. Mais c'était plus fort qu'elle... son regain de motivation, elle le devait aussi à Seth. Il lui communiquait une force qu'elle n'aurait pas autrement. Elle avait besoin de lui, tout simplement. Même si ça n'avait peut-être pas de sens, même si ça faisait d'elle la pire des hypocrites...

Elle devrait peut-être décider de tout arrêter... ou de dénoncer Seth, pour faire amende honorable, puisqu'il lui avait fait parvenir l'adresse où il était caché. Mais elle ne le ferait évidemment pas. Elle avait beaucoup trop besoin de lui, terriblement besoin de lui, et ça ne cesserait jamais.

Elle aurait voulu le rejoindre dès l'instant où elle avait eu vent de sa nouvelle adresse, mais c'était impossible. Maintenant que Christopher était au courant, maintenant que Seth était un criminel recherché, c'était tout bonnement inenvisageable. Il avait fallui qu'elle guette le moment propice et trouve le prétexte adéquat. Et finalement, oui, elle avait trouvé l'occasion.

Elle avait fait le chemin en plusieurs étapes, le plus discrètement du monde, de sorte de ne croiser la route de personne. Et elle était enfin arrivée, dans cette cabane qui ne payait pas de mine, très bien localisé... Seth avait su trouver la planque idéale. Qu'attendre d'autre, en même temps, de sa part ?

Fébrile, impatiente... anxieuse, aussi, elle frappa à la porte, attendant que Seth lui ouvre. En espérant que c'était bel et bien lui qu'elle trouverait de l'autre côté de la porte.

La porte s’ouvrit, et ce fut bel et bien Seth qu’elle trouva de l’autre côté. Quand leurs regards se croisèrent, elle oublia tout des dilemmes qui la gardaient éveillée au beau milieu de la nuit et de la culpabilité qu’elle éprouvait à le fréquenter encore en sachant pertinemment qui il était et ce qu’il avait fait, repenti ou pas. Dans cet instant où elle l’eut face à lui, il n’y eut plus qu’une chose pour compter, et c’était sa présence.

Quand ses lèvres s’emparèrent des siennes, elle relégua pour de bon (ou momentanément plutôt) ses piteuses considérations aux oubliettes et savoura juste le fait d’être avec lui, de pouvoir se serrer contre lui, de pouvoir l’embrasser, avec le sentiment que son cœur apprenait à battre auprès de lui, ce qui aurait dû être une bonne chose mais se révélait surtout dangereuse. Elle aurait tout le temps d’avoir des états d’âme plus tard, mais pour l’heure, elle ne pouvait de toute façon nier le fait que si elle avait pris le risque de venir jusqu’ici, ce n’était pas pour donner crédit à la voix de la raison mais bien plus à celle du cœur, et elle n’avait, en fin de compte, pas envie de penser à quoi que ce soit d’autre.

« Tu m’as manqué. »

Le mot était sans doute encore trop faible mais évidemment approprié. Elle aimait l’entendre lui dire qu’elle lui avait manqué, et pour cause, lui aussi lui avait manqué, de façon inimaginable. L’indépendante Pomona Fitz se laissait happer dans une relation qui finissait par la rendre dépendante à une autre personne, et quelque part heureuse de l’être, surtout heureuse de constater une réciproque qu’elle avait cessé de vouloir remettre en question.

Seth ne se jouait pas de lui, pas en ce qui concernait ses sentiments, en tout cas, elle en avait acquis la certitude et elle était convaincue de ne pas se tromper. Le problème, ce n’était pas sa loyauté ou la force de ses sentiments pour elle, le problème, c’était quelque chose de plus profond, et par conséquent de bien plus insoluble : c’était lui, sa nature profonde… Et il n’y avait peut-être rien à faire contre cela.

"Toi aussi", répondit-elle doucement, car il est évident que pour prétendre le contraire, il lui faudrait mentir dans de considérables proportions. Et elle n’avait pas envie de lui mentir… elle n’avait en fait envie de rien d’autre si ce n’est de profiter de sa présence.

Elle pénétra à sa suite à l’intérieur de la demeure qu’il avait pris pour planque, et elle fut incapable de s’empêcher de la passer mentalement au crible. L’endroit était simple, mais Seth semblait y disposer de tout ce dont il avait besoin, et c’était le principal, cela va sans dire. Du moment que l’endroit demeurait intraçable et hors d’accès des mangemorts autant que de leurs anciens collègues respectifs, c’était très clairement tout ce qui pouvait bien leur importer.

"Comment tu vas ?" demanda-t-elle, détournant les yeux de l’antre où elle venait de pénétrer pour poser un regard à la fois soucieux et scrutateur sur Seth… Vu les circonstances, la réponse pouvait ne pas en être bien glorieuse, elle le craignait fort. "Christopher est venu… me mettre en garde contre toi", précisa-t-elle afin qu’il détermine d’office à quel point elle était déjà au courant de sa situation.

« Mieux maintenant. »

Pomona devrait peut-être remettre en question les propos du jeune homme, mais elle ne le faisait pas. Elle avait cessé de se méfier de lui. Elle avait pleinement conscience de qui il était et de ce dont il était incapable, et c'était un fait qui la torturait sans cesse, mais pour la peine, elle avait aussi conscience de ce qu'elle représentait pour lui et de ce qu'il pensait d'elle.

Il avait passé l'épreuve du sérum de vérité, et ce faisant, elle ne doutait plus un seul instant des sentiments du jeune homme et du fait qu'il ne la trahirait jamais... Et cela rendait en réalité la situation encore plus difficile.

S'il se jouait d'elle, s'il n'avait pas le moindre sentiment à son égard, alors il serait simple, si simple de lui dire au revoir et de tourner la page. Mais il l'aimait. Et elle aussi, c'était évident, elle l'aimait. Alors face à ce constat, les solutions les plus évidentes se dérobaient derrière une absence de volonté dont elle n'était pas fière. Quand elle était dans ses bras, quand ils s'embrassaient, elle oubliait le monde, et surtout, elle comprenait qu'elle ne pouvait pas vivre sans lui. Contradictoirement, elle avait besoin de lui pour réussir à supporter sa situation, quand bien même il avait évidemment le don de la compliquer encore plus.

« Ça n’a pas été trop dur ? »

Seth ne manifesta aucune surprise. En même temps, c'était normal. Ils connaissaient bien McDowell tous les deux (et c'était peut-être pour cette raison qu'ils réussissaient à le duper... et Pomona détestait ce qu'elle faisait à cet homme qu'elle admirait énormément). Alors il semblait logique qu'il soit venu lui parler.

Elle appréciait quel angle Seth choisissait d'adopter. Il admettait d'office que la situation était difficile pour elle, qu'elle pouvait en souffrir. Elle lui était définitivement reconnaissante d'admettre que sa position était difficile. Quitte à se torturer, elle n'aurait pas apprécié qu'il ne soit pas à même de comprendre combien tout ceci était difficile pour elle.

Elle hocha la tête.

"Si..." Elle marqua une légère pause. "Je me sens horrible..." soupira-t-elle.

Ce n'est pas qu'elle voulait forcément accabler son interlocuteur, mais il était le seul avec qui, contradictoirement, elle pouvait partager ce qu'elle ressentait vraiment, cesser de prétendre être forte et reconnaître ses tourments.

"Je lui ai dit qu'on ne s'était pas revus. Que quand je t'ai reconnu, je suis partie avant que tu aies eu le temps de me voir."

« Tu as bien fait. »

Pomona baissa les yeux sur leurs mains jointes. A la pensée de ce qu'elle perdrait si elle ne mentait pas si effrontément, elle avait envie de le penser, oui, qu'elle avait bien fait, pour préserver ce qu'elle avait, et dont elle ne pouvait absolument pas se priver, mais en même temps, objectivement, aucun des choix qu'elle faisait dernièrement n'était réellement le bon.

Ils étaient biaisés, constamment, par ses sentiments personnels, le genre de choses qui devaient n'arriver qu'aux autres et qui tout à coup lui arrivait à elle.

Non, elle n'avait pas bien fait, ce n'était pas quelque chose de "bien", mais c'était plus fort qu'elle, même si des excuses de type "c'est plus fort que moi" lui paraissaient franchement... faciles.

« Je suis désolé de t’imposer une telle situation. »

Pomona leva les yeux vers Seth. Elle savait que de sa part, ses excuses étaient forcément pensées. Ce n'était pas le genre de mots qu'il prononçait à la légère, il avait beaucoup trop de fierté pour ça. Elle appréciait qu'il comprenne sa situation, qu'il ne la minimise pas... même si cette dernière restait inchangée.

Elle ne savait pas quoi répondre. Elle ne voulait pas dire qu'il ne devait pas être désolé, au contraire, c'était important pour elle qu'il le soit, qu'il comprenne combien cette situation la faisait souffrir et la rendait complètement malade.

"Je ne sais pas quoi faire", dit-elle après un moment de silence. "Je peux pas continuer comme ça..." Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration. "Je suis une imposture."

Elle n'aimait pas s'entendre parler. Elle avait l'impression d'être une chouineuse de première catégorie, alors qu'elle devait clairement prendre sur elle et assumer ses erreurs. Le problème, c'est qu'il y avait un gigantesque fossé entre ce qu'elle savait pertinemment devoir faire et ce qu'elle voulait faire.

Il fallait qu'elle se dénonce, qu'elle avoue à Christopher qu'elle avait menti, qu'elle laisse les rennes de la Résistance aux voyageurs temporels... mais elle n'avait pas envie de laisser tomber, elle voulait participer à la chute de Tom Jedusor. Mais elle n'était pas légitime.

Ce qu'elle devrait faire, aussi, surtout, c'était faire arrêter Seth, renoncer à lui... mais c'était au-dessus de ses forces... Il n'y avait pas de bonnes solution, pas de bon choix, juste un constat qui, forcément, lui faisait un peu de mal.

Pomona savait que Seth n'avait pas besoin de ses états d'âme, et ce serait sûrement plus simple pour eux deux s'ils compartimentaient, si elle décidait de distinguer Pomona la résistante, et Pomona, la complice d'un criminel. Mais ça ne pouvait pas marcher comme ça. Dans tous les cas, elle n'arrivait pas à faire semblant ou à feindre l'indifférence.

« Ne dis pas ça. »

Elle pourrait bien ne rien dire, taire le fond de sa pensée, prétendre qu'elle était... au clair avec elle-même, que toute cette situation ne lui posait aucun cas de conscience, mais Seth était au final la seule personne avec laquelle elle pouvait, à ce jour, se montrer complètement honnête et transparente, et elle ressentait le besoin sincère et pressant d'en parler... même s'il devait ne pas apprécier entendre ce qu'elle pouvait bien dire...

Oui, elle était une imposture. Elle ne prononçait pas ce mot à la légère, dans l'optique de se plaindre ou d'être contredite... c'était juste un constat, et elle avait eu besoin de le prononcer à voix haute.

Qu'elle le dise ou qu'elle se taise n'y changeait rien. Ce qui était était, et oui, elle était une imposture. Il n'y avait pas d'autres manière de le dire ou de le présenter... c'était ainsi.

« Il n’y a qu’une seule solution raisonnable… Si tu ne peux pas continuer comme ça, je ne veux pas te forcer à le faire. Tu ne devrais pas être ici… »

Ces mots lui glacèrent l'échine... Seth ne lui disait rien qu'elle ne sache pas déjà, mais pour rien au monde elle n'aurait voulu l'entendre prononcer ces mots malgré tout.

Oui, il n'y avait qu'une seule solution à tout cela : elle devrait... cesser de voir Seth. Et pire encore, elle devrait avouer à tous, à Christopher en priorité, ses mensonges et tout ce qu'elle savait... elle devrait cesser de le voir et de le protéger.

Elle y avait pensé. C'était ce que sa morale et sa conscience exigeaient d'elle... mais à l'idée de ne plus jamais revoir Seth, et pire encore, de peut-être le vouer à un sort pire que la mort, auquel elle-même avait échappé de justesse, elle avait le sentiment qu'elle perdrait toute volonté de se battre, parce qu'elle perdrait un élément essentiel, crucial à son existence.

Oui, elle devait faire ça. Mais elle ne pouvait pas faire ça. C'était encore pire que Seth le lui suggère. Il ne saurait y avoir preuve plus évidente des sentiments qu'il avait pour elle... car elle était convaincue qu'il ne cherchait pas à la manipuler en cet instant. Il était prêt, pour elle, à assumer n'importe quelle conséquence. Et elle, elle se sentait... d'autant plus perdue.

"Tu ne me forces à rien", répondit-elle doucement. Ce qui était vrai, c'était plus fort qu'elle, oui, mais ça n'avait rien d'une contrainte. Davantage un besoin. Elle avait besoin de le voir, c'est tout. "J'y arriverai pas..."

Elle serait incapable de lui tourner le dos, elle n'arriverait pas à le trahir, elle ne réussirait pas  à se passer de lui. Et plutôt que de le fuir, elle se serra aussi fort que possible dans ses bras. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait, mais ici, tout de suite, elle était avec lui, et elle avait besoin de lui.

« Tu es la femme la plus forte que je connaisse, tu peux tout réussir. »

Elle était forte... C'était ce qu'elle avait longtemps cru. Elle avait passé un temps infini à s'en convaincre, et à vouloir en convaincre les gens autour d'elle, une éternité à ne faire que prétendre, à jouer un rôle si élaboré qu'elle avait cru à sa propre comédie.

Elle voulait être forte, elle devait être forte, parce qu'elle avait pensé que c'était la seule issue : pour échapper au sort que ses parents avaient voulu lui réserver, Pour tenir tête à ses géniteurs, pour choisir sa propre voie, pour affronter un ennemi plus puissant qu'elle. Elle devait être forte, irréprochable, implacable, digne.

Mais elle ne l'était pas, elle ne l'était définitivement pas. Comment pourrait-elle prétendre l'être ? C'était impossible. Elle ne s'était jamais sentie aussi fragile en cet instant, et elle en voudrait presque à Seth de la laisser face à un tel dilemme. Elle aurait voulu qu'il tranche pour elle, qu'il s'en aille ou s'impose et n'aille nulle part. Et une fois encore, ce n'était pas la manière de penser d'une femme forte. C'était bien au contraire une marque de lâcheté à nulle autre pareille.

"Je ne suis pas forte", répondit-elle doucement. Elle ne prononçait pas ces mots dans l'espoir qu'on la rassure, dans le but d'être contredite, elle avait juste besoin de se libérer de ses pensées les plus négatives... Il le fallait. "J'essaie, constamment, d'être cette personne que tout le monde veut voir en moi, mais je ne suis pas forte."

Elle n'était pas un exemple à suivre, elle n'était pas un parangon de vertu, elle ne méritait pas sa place. Les reproches d'Andreï avaient été difficiles à entendre à l'époque et elle les avait entendus avec une feinte indifférente, mais il était celui qui avait vu le plus clair en elle, les deux facettes de la médaille, sans affection préalable pour venir fausser ce jugement.

Elle souffrait du sentiment constant d'être une imposture total, et c'était dans les bras de Seth qu'elle se savait l'être complètement. Elle étreignait ses contradictions, et prétendait seulement que tout allait bien... Ce n'était même pas qu'elle ne savait pas quoi faire. Elle savait pertinemment quoi faire. Elle ne le voulait pas, c'est tout. Cela faisait une grande différence. Qu’elle n’arrivait pas à assumer convenablement.

"Je veux juste être faible, passer ces prochaines heures avec toi, et ne plus y penser..."

Elle prenait la fuite, ce qui était encore pire. Définitivement, elle n'avait rien de forte.

« Si les moments que tu passes avec moi veulent dire que tu es faible… ça me va parfaitement que tu le sois. »

Pomona afficha une esquisse de sourire. Sa réflexion ne manquait pas d'un rien d'égoïsme, mais Pomona ne le lui reprochait pas, parce qu'elle savait ce qu'il entendait par là. Il la voulait à ses côtés, il n'avait pas envie de la perdre, et elle pensait exactement la même chose de son côté.

Elle aimait Seth, et même si tout concordait à se détacher, à la condamner, à le dénoncer, elle n'avait pas envie de le perdre non plus. En se blotissant dans ses bras, elle avait fait ses propres choix, un choix qui allait à l'encontre de toutes les décisions qu'elle avait jamais prises jusqu'alors, mais son choix. Et qu'elle radicaliserait bientôt, pour sa propre sécurité d'esprit, pour cesser de mentir, de se mentir à elle-même et de mentir à tous les autres.

« Je pensais être fort moi avant, et de me rendre compte maintenant que je n’ai jamais été aussi fort que quand tu es à mes côtés, capable de tout surpasser. »

Elle s'en voulait de ne pas pouvoir lui retourner le compliment de manière aussi catégorique. C'était peut-être injuste de lui apprendre qu'elle le rendait faible au moment où lui-même lui assurait toute la force qu'elle lui communiquait. Mais c'était plus compliqué que cela. Oui, Pomona se sentait forte, quand elle était aux côtés de son petit ami, mais il était aussi sa plus grande faiblesse. Elle était trop honnête pour lui mentir ou prétendre le contraire.

Pour ce qui était de tout surpasser... Comment prétendre que sa présence l'aidait à tout surpasser... quand c'était leur relation, ses sentiments pour lui qu'elle devrait surpasser ?

"Et qu'est-ce que tu as envie de surpasser, maintenant ?" demanda-t-elle.

Elle avait conscience des épreuves qu'elle devrait surpasser, mais parfois, elle avait peine à savoir quel cheminement intérieur faisait Seth. Il n'avait plus rien, il n'était plus un mangemort, il n'était plus un Auror, éjecté d'un camp comme de l'autre. Alors quels étaient ses objectifs à présent, quels étaient les obstacles qu'il voulait franchir ? Il était sans cesse présent pour elle, et elle l'assommait de ses états d'âme. Mais lui aussi avait les siens.

« Surpasser ma peur constante qu’il t’arrive quelque chose et que je sois incapable de t’aider, coincé ici. »

Pomona baissa les yeux. C’était une peur qu’elle était parfaitement capable de comprendre, parce qu’elle ressentait bien souvent la même. Leur situation ne leur permettait pas de communiquer comme bon leur semblait, et il pouvait s’écouler un temps très long, selon les circonstances, avant qu’ils aient le temps de se revoir. Dans ce temps-là, ils le savaient, ils s’exposaient tous deux à un danger qui pourrait définitivement les priver l’un de l’autre. Et certains affirmeraient que ce n’était que justice.

Cette peur, elle la partageait, et elle ne pensait pas qu’ils seraient capables de la surmonter un jour… parce qu’elle avait peine à déterminer comment cette situation se conclurait… Elle était seulement convaincue qu’elle n’aurait pas d’issue heureuse, que ce soit pour lui ou pour elle. C’était pessimiste si l’on voulait, Pomona estimait surtout que c’était réaliste, qu’on le veuille ou non.

« Mon envie constante de sortir d’ici. »

Cela aussi elle pouvait le comprendre. Toute casanière qu’elle était, elle-même commençait à souffrir de l’isolation, encore qu’au moins, de son côté, la solitude était moins pesante (même si l’ambiance avec les voyageurs était souvent pesante).

Elle espérait être capable de l’aider à surmonter ce sentiment en particulier, car elle ne voulait pas le voir se mettre inutilement en danger, surtout pas.

« Surpasser qui je suis… ce qu’on a fait de moi. »

Là-dessus, c’était sans doute la tâche la plus compliquée qu’il pouvait s’imposer à lui-même. Est-ce qu’on pouvait vraiment effacer sa nature profonde pour devenir qui l’on voudrait être ? Pomona en doutait de plus en plus, elle en était la preuve vivante. Il y avait un fossé profond entre qui elle était et l’image que l’on avait d’elle. Les deux ne seraient plus compatibles longtemps.

Et pourtant, Pomona voulait croire en Seth, lui faire comprendre que qui il était, ce n’était justement pas ce qu’on avait fait de lui. Elle avait pu le voir sous un jour que très peu connaissaient, elle en était convaincue. Et ce jour-là, c’était le vrai Seth. Elle avait envie de le lui dire, de le lui faire comprendre par-dessus tout. Mais elle n’eut rien le temps de dire, les mots qui voulaient s’échapper de ses lèvres furent interrompus dans leur course par les mots que Seth lui adressa alors.

« Avant de venir me cacher ici, j’ai recroisé la route de mon beau-père. »

Des mots qui voulaient tout et rien dire. Elle savait ce que son beau-père avait fait. Ce qu’elle ignorait encore, c’est ce que ce retour avait engendré de complications pour Seth. Ils s’étaient vus et… ? Elle avait un peu peur de la suite.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Il est venu chez moi, il voulait régler nos comptes. »

Cette pensée terrifia la jeune femme. Elle songea à tout ce qui prenait fin du jour au lendemain, à tout ce qui pouvait se briser juste comme ça, par surprise, en un claquement de doigt.

Seth ne s'était pas attendu à la présence et à l'agression de Bill Beresford, cet homme dont il pensait qu'il se trouvait encore en prison... Et s'il n'avait pas été capable de se défendre, qui sait ce qui se serait passé ? Cette pensée l'angoissait beaucoup. Et il était loin de tout lui avoir appris encore.

« On… s’est battu. Il n’a rien perdu de sa force, au contraire. Et cet enfoiré a brisé ma baguette. À un moment, j’ai cru qu’il allait me tuer. Mais j’ai réussi à m’en sortir, et… »

Pomona avait compris que le beau-père de Seth était un homme redoutable. Mais les souvenirs que Seth avait associés à cet homme étaient liés à un passé terrible, à son regard d'enfant sur des événements particulièrement tragiques. Il aurait pu être biaisé, ou la prison aurait pu changer le comportement de cet homme. Ce n'était pas le cas.

Seth avait été un Auror aguerri, il était un sorcier puissant et combatif, et pourtant, cet homme, un simple moldu, avait bien manqué d'avoir eu sa peau. S'il avait dû arriver quelque chose de grave... à l'idée de perdre Seth pour de bon, Pomona eut la vive impression de perdre une partie d'elle-même. C'était un sentiment absolument horrible.

« J’aurais pu le tuer, j’étais prêt à le faire, mais j’ai… pas eu le temps. »

Cette dernière réflexion lui glaça le sang. Elle n'allait pas faire mine de ne pas savoir quel genre d'homme était Seth, mais malgré tout, elle continuait pas de voir en lui un criminel. Seth était un homme qui avait en lui une violence profonde, mais ce n'était jamais ce qu'il montrait de lui en sa présence. Elle dévoilait de lui une facette très différente, une facette qu'elle aimait profondément. Et elle voudrait vraiment qu'elle l'emporte sur sa trop profonde noirceur.

Pomona laissa passer un temps de silence. Elle ne pouvait laisser passer un tel discours. Elle comprenait la rage profonde de Seth. Bill Beresford était à l'origine de la violence. Quelque part, même elle pouvait admettre que s'il tuait cet homme qui ne mériterait pas réellement de vivre, la boucle serait bouclée, elle n'estimait pas que résoudre l'une ou l'autre situation dans le sang puisse fonctionner. Sauf s'il était question de Tom Jedusor, là c'était une autre affaire.

"Est-ce que... si je t'aide à le retrouver, tu peux me promettre qu'on s'en occupera ensemble... d'une autre manière ?"

Il y avait d'autres façons de faire payer à Bill Beresford ses crimes... d'autres manières de le rendre inoffensif. Ou en tout cas, il leur fallait d'autres recours.

"Tu as pu récupérer une autre baguette ?"

« Oui, j’ai eu le temps d’en avoir une autre. »

Pomona hocha la tête, satisfaite qu'ils n'aient pas ce problème-ci à régler. Elle ne savait pas comment il s'était procuré cette nouvelle baguette, il était préférable qu'elle ne sache pas comment, l'essentiel, c'est qu'il avait avec lui cet objet indispensable à tout sorcier, surtout quand, comme dans le cas de Seth, on était constamment sur le qui-vive, et on risquait sa vie à tout moment.

Pomona pourrait lui poser plus de questions, sur la manière dont il s'était procuré sa baguette, notamment. Sa curiosité naturelle la poussait au questionnement. Oui, mais elle savait que même si c'était un tort, il y avait des questions qu'il valait mieux ne pas poser si on n'avait pas spécialement envie d'entendre la réponse. Et clairement, elle n'avait pas envie d'entendre la réponse.

« Et… je n’ai aucune envie que tu prennes des risques à cause de lui. »

Pomona aurait bien des choses à redire à ce sujet. Si elle décidait de prendre des risques, ce ne serait certainement pas pour cet homme violent qui avait frappé sa femme à mort, ce serait pour Seth, l'homme qu'elle aimait et qui lui avait tant apporté dans la vie (y compris des problèmes, mais ça c'était une autre affaire).

Et pour ce qui était de prendre des risques, que ce soit pour Seth et autrement, elle n'était plus à ça près. Elle considérait que tout ce qui concernait le jeune homme la concernait également, et elle estimait qu'elle avait un devoir envers lui, de soutien et de transparence. Alors elle l'aiderait dans cette affaire, qu'il le veuille ou non, et même s'il devait estimer qu'il n'y avait aucune aide à apporter.

« Techniquement, il a déjà payé pour son crime… je ne vois même pas ce qu’on pourrait faire contre lui. »

"Dis plutôt que tu ne veux pas trouver une solution moins radicale que celle que tu as déjà à l'esprit."

C'était dit sans agressivité, juste un constat. Elle savait que demander à Seth d'agir autrement, c'était aussi le guider à l'encontre de sa nature. Mais rien n'était inné ou acter. Elle savait que Seth valait mieux que ce qu'on pouvait bien imaginer.

"Il a payé pour son seul crime connu, mais on sait toi comme moi qu'il en a beaucoup plus à son actif." Elle planta son regard dans le sien. "On peut le faire tomber, et pour longtemps. Si tu me fais suffisamment confiance."

« Je te fais confiance. »

Pomona appréciait de l'entendre, sincèrement, mais elle restait sur sa réserve malgré tout, et pour cause, elle se doutait bien que ce n'était pas si facile, ce n'était pas si évident.

Il y avait, il y aurait un mais, qui prouvait donc que cette confiance n'était pas absolue... Dans ces circonstances, ce pouvait être compréhensible, en effet, même si elle aurait aimé qu'il soit capable de l'écouter sans contre-argumenter.

« Mais… pour ça il faudrait passer par la justice non magique. La justice magique n’en aura rien à faire d’un moldu comme lui, surtout si son seul crime est de s’en être pris à un… homme comme moi. »

Voilà, le mais tant attendu, mais qui n'était pas un argument si irrecevable, ni vraiment un obstacle non plus. Il était évident que la justice magique ne se préoccuperait pas du cas de Bill Beresford, mais il n'était pas nécessaire d'en passer par la justice magique. Même, Pomona avait envie de penser qu'il serait plus simple d'intervenir en faveur d'une justice qui leur était favorable, ce qui n'était clairement pas le cas de celle du ministère, qui les recherchait activement aussi bien l'un que l'autre.

Ce n'est pas pour autant que la justice moldue ne pouvait pas faire de son côté un travail tout aussi efficace. Pas besoin de détraqueurs, il fallait seulement que Bill Beresford retourne derrière les barreaux, et y demeure, cette fois. Ce devait forcément être possible, jouable, d'une manière ou d'une autre.

« Et du côté moldu, la seule chose qu’il puisse craindre c’est… ce qu’il est capable de faire à sa nouvelle femme. Mais… tu penses qu’on pourrait s’y prendre comment ? »

"Tu ne penses pas ce que tu dis", répondit Pomona du tac-au-tac, tout de même soulagée d'entendre que Seth attendait de connaître son avis, son opinion. "Être susceptible de s'en prendre à son épouse n'est définitivement pas le seul crime qu'il est capable de commettre ou a commis. Cet homme est violent, il a littéralement essayé de te tuer. Tu penses vraiment que tu es le seul à avoir été victime de son agressivité ? Il a plus d'un cadavre dans son placard, ça ne doit pas être si difficile de trouver des preuves et de les présenter à la police moldue." Elle marqua une pause. "On a un avantage stratégique sur lui. Avec notre magie, on peu réussir aisément à le surveiller, à le suivre, à guetter ses erreurs et à en donner des preuves. Bien sûr, ça va demander de s'armer de prudence, mais ça n'a rien d'infaisable."

De prudence, oui, car il ne fallait quand même pas oublier que ceux qui recherchaient Seth surveillaient peut-être son beau-père... mais Bill Beresford n'était certainement pas intouchable, ils pouvaient faire quelque chose.

« S’armer de prudence et de… patience. »

"On est plutôt bien rodés à cet exercice, maintenant, tous les deux, pas vrai ?" remarqua Pomona en observant Seth avec douceur, une douceur infinie.

Elle comprenait très bien, vraiment, que Seth était terriblement frustré, particulièrement frustré. Et elle le comprenait parfaitement, elle aussi était frustrée de tout cela, elle aussi voudrait qu'ils puissent agir vite et bien, mais il fallait bien qu'ils observent les circonstances telles qu'elles étaient, et sans détourner le regard.

Et oui, ils ne faisaient que cela, s'armer de prudence et de patience, parce que le danger était partout et, les concernant, pouvait venir de toute part. Mais Pomona estimait, pour sa part, qu'ils y parviendraient bel et bien. Elle espérait vraiment qu'il serait capable de la comprendre et se rangerait à son opinion au bout du compte, parce qu'elle considérait pour sa part que c'était définitivement la meilleure chose à faire.

« D’accord, ça se tente. »

Pomona en éprouvait un certain soulagement. Elle savait que l'influence qu'elle pouvait avoir sur Seth était limitée, mais elle ne voulait pas le voir prendre des décisions impulsives qui, au bout du compte, lui causeraient plus de tort que de bien. Elle avait vraiment besoin que Seth prenne conscience des alternatives qui lui étaient offertes. Il n'avait que trop longtemps connu la violence, il n'en était pas responsable. Il l'avait subie et reproduite. Mais c'était un schéma qui pouvait être brisé. C'était un schéma que Pomona ferait en sorte de briser, de toutes les manières possibles et imaginables.

« On va faire comme ça. Trouver des preuves et le faire tomber grâce à la justice moldu. Par contre… Je vais tout faire pour le faire tomber comme ça mais… si ça devait ne pas fonctionner, je ne pourrais pas juste le laisser en liberté. »

Evidemment, Pomona se doutait qu'il y aurait un "mais". Elle grimaça, elle n'aimait pas cette approche, elle n'aimait pas sa vision, mais elle le connaissait, elle savait qu'il le penserait dans tous les cas, et elle préférait largement qu'il le dise directement plutôt que de se dérober derrière de faux prétextes.

"Ne présume pas du pire pour justifier d'avance un comportement que tu devras te faire pardonner auprès de moi. On va le faire tomber, on va le faire incarcérer. C'est tout. Il n'y a pas de "si" ou de "mais" qui tiennent", ajoute-t-elle avec la plus grande détermination, tout en caressant ses joues du bout des doigts pour ancrer son regard au sien.