Dernièrement, Lindsay avait le sentiment de ne plus avoir une seule seconde pour elle-même. C'était pour d'excellentes raisons, bien évidemment, et elle ne le regrettait évidemment pas, mais par moments, elle avait juste envie de se poser, de se relaxer, de prendre du temps pour elle...

On avait beau vous prévenir de combien un enfant peut être chronophage et exiger de vous tout votre temps et tout votre énergie, on ne comprend à quel point que lorsqu'on le vit directement, ce qui était le cas de Lindsay à présent.

Elle avait beau avoir renoncé à son travail afin de pouvoir consacrer tout son temps à Gabriel, elle avait l'impression d'être plus fatiguée et mise à contribution qu'à l'époque où elle bossait chez Honeydules.

Elle n'avait presque pas dormi de la nuit, et elle se sentait un peu à la ramasse, mais heureusement pour elle, elle pouvait compter sur son époux, tendre et prévenant, qui exceptionnellement ne travaillait pas ce jour-là. Il lui avait offert de s'occuper de Gabriel toute la journée afin qu'elle puisse elle-même en profiter pour prendre du temps pour elle. Il était décidément parfait. Et Lindsay avait évidemment sauté sur l'occasion.

Elle avait passé une bonne partie de sa journée à dormir et à flâner, ce qui lui avait fait le plus grand bien, et elle avait décidé de conclure sa journée en se rendant à Pré-au-Lard histoire de revoir certains vieux amis.

Un détour par Honeydukes lui avait permis de passer le bonjour à certains de ses anciens collègues, qu'elle avait été très heureuse de retrouver, et avant de rentrer chez elle, elle avait décidé de faire un saut aux Trois-Balais afin de boire une bonne bièraubeurre.

Elle s'était donc installée dans la taverne sorcière. Et alors qu'elle ne s'attendait plus à voir aucun visage familier aujourd'hui, elle tomba sur Deena. Ou l'inverse.

Les deux femmes avaient été plutôt proches du temps de Poudlard. La vie et leurs choix respectifs les avaient un peu éloignées l'une de l'autre, mais ça n'empêchait pas Lindsay d'être plutôt contente de retrouver son interlocutrice ici, d'autant plus que elle aussi ne s'y attendait pas.

"Je pourrais te dire la même chose.", dit-elle alors avec un léger sourire. "J'étais dans le coin", ajouta-t-elle comme si elle devait s'en justifier. "Comment vas-tu ?"

"Je me porte bien et toi comment vas-tu ? C’est devenu rare de te voir dans ce genre d’endroit aussi bien reposer."

Lindsay ne pouvait pas s'en empêcher, elle se demandait si son interlocutrice se souciait sincèrement d'elle ou sin au contraire, sous couvert de s'intéresser, elle se moquait doucement.

La jeune maman voyait peut-être le mal partout, elle n'allait pas le nier du tout, avec tout ce qui lui était tombée dessus dernièrement, elle avait eu la fâcheuse tendance à sombrer dans la paranoïa. Elle savait que c'était quelque chose qu'elle devait améliorer et corriger, mais elle n'y pouvait rien, ce n'était vraiment pas simple pour elle.

Ce n'était pas pour autant que ça devait retomber sur son interlocutrice. Certes, elle n'avait pas à encaisser les conséquences de ses humeurs ou des récents événements dans sa vie pas...

Bref, c'était tout de même vrai qu'il était de plus en plus rare que Lindsay fréquente ce genre d'endroit. Et c'est vrai qu'elle ne s'était pas sentie aussi reposée depuis longtemps, même si sa vie n'était pas encore un long fleuve tranquille. Être maman, c'était un travail de tous les instants, clairement.

"Tu as le temps pour t'installer avec moi et partager un verre, ou tu as d'autres choses à faire ?"

Bon, elle avait l'air de vouloir faire un premier pas vers elle, Lindsay n'allait pas faire sa mauvaise tête et refuser. Elle se doutait qu'il y aurait vite de sujets de friction entre elles, mais c'était peut-être aussi l'occasion de remettre les choses à plat, et ils en avaient besoin.

"Un verre, c'est une très bonne idée." Elles s'installèrent donc et commandèrent leurs boissons. "Pour répondre à ta question, je vais bien. Je viens d'aller rendre visite à mes collègues, et Gabriel et Christian me rendent chaque jour un peu plus heureuse." Elle afficha un sourire. "Et toi, comment ça se passe avec ton Christian ?"

Pas simple de parler de leurs époux respectifs, qui s'étaient arrangés pour avoir le même prénom. Et forcément, aborder le sujet du mari de Deena pouvait revenir à s'engager sur un terrain glissant. Mais ça ne l'inquiétait pas, il falait sans doute en passer par là pour crever l'abcès, et il y avait de la matière à exploiter, en l'occurrence.

« Ça se remarque sur ton visage que ta vie te rend heureuse et ça te vas vraiment très bien. »

Lindsay choisit d'accepter le compliment comme tel et de ne pas se poser davantage de questions. Elle n'avait pas envie de rentrer en conflit avec son interlocutrice, surtout si cette dernière faisait des efforts comme maintenant. Alors Lindsay, toujours paranoïaque, se demandait vraiment si son compliment en était un mais décidait de croire que oui.

Après tout, c'était vrai qu'elle était rayonnante. Certes, elle était fatiguée parce que Gabriel lui pompait une bonne partie de son énergie, mais elle n'avait pas le sentiment pour autant de faire une tête de six pieds de long, et ça c'est parce qu'elle n'avait aucune raison de le faire.

Elle était effectivement heureuse, plus qu'elle ne l'avait jamais été, sans doute (même si elle le serait encore davantage quand la garde complète de son fils lui aurait été accordé et que James aurait définitivement disparu de sa vie). Oh, elle l'avait été aussi, avant. Dans les premiers temps de son mariage avec son ex-mari, elle avait baigné dans le bonheur... elle n'avait pas remarqué qu'il y avait quelque chose, un secret profond et violent, qui finirait par tout gâcher.

Oui, elle était heureuse, et elle tenait à ce que tout le monde le sache. Elle n'accepterait pas, d'ailleurs, qui que ce soit remette en cause son bonheur présent. Elle savourait vraiment le moindre instant de son existence. Elle était une femme choyée, une maman épanouie, c'était sa grande satisfaction.

« Ça se passe bien avec mon Christian, il est fatigué à cause de son travail. »

Oui, c'était commun. Lindsay aurait pu répondre "moi aussi", car il est certain que son Christian n'était pas non plus le dernier des bourreaux de travail et se donnait réellement beaucoup de mal. Mais elle ne voyait aucun intérêt à verser dans la surenchère, alors elle s'en abstint, ce qui lui semblait être le mieux à faire.

Elle se contenta de hausser les épaules.

"S'il travaille beaucoup, c'est qu'il a de l'ambition, c'est une bonne chose", observa-t-elle simplement, certaine de sa philosophie. "Et avec sa fille, ça se passe comment ?" enchaîna-t-elle aussitôt.

Ce n'est pas qu'elle voulait forcément aborder d'office tous les sujets épineux. Elle considérait seulement qu'ils n'étaient pas anodins, donc difficiles à occulter.

"Il a toujours été d’une grande ambitions, c’est une des qualités qui m’a conquise chez lui."

La jeune femme hocha la tête et afficha un fin sourire. Elle ne serait certainement de nature à juger une femme sous prétexte qu'elle se laisserait séduire par le sens de l'ambition de l'homme qui partageait sa vie.

Elle n'avait pas forcément estimé que c'était un trait de caractère essentiel, sans quoi elle ne serait pas tombée sous le charme de James, qui ne demandait rien plus que de vivre tranquillement sa vie sans poser problème à qui que ce soit.

Mais elle devait reconnaître qu'elle aimait, justement, le sens de l'ambition dont disposait Christian, son Christian à elle. C'était un homme qui savait ce qu'il voulait, et qui ne passait pas par quatre chemins pour l'obtenir. Après le mal profond que lui avaient fait les indécisions constantes de James, trouver un homme droit dans ses bottes, qui savait où il allait, et n'hésitait pas, surtout pas, à poursuivre sur cette voie, c'était à ses yeux une excellente chose, vraiment.

Alors oui, c'était en toute sincérité qu'elle pouvait comprendre et reconnaître les qualités que Deena trouvait à son mari, ses réserves se trouvaient ailleurs.

"Les choses ne changent pas entre elle et moi, elle en veut toujours à Christian et m’en veut aussi à moi d’avoir brisé le couple de ses parents. Peut être qu’un jour les choses changerons, c’est tout ce que j’espère pour Christian qui souffre vraiment de cette situation."

Donc, du côté de la belle-fille, rien de nouveau. Lindsay aurait aimé dire qu'elle était surprise, mais ce n'était pas vraiment le cas. Ce genre de réaction était prévisible. La miss était encore très jeune, peut-être que sa crise lui passerait si Deena faisait les efforts nécessaires, va savoir. Dans tous les cas, Deena allait devoir prendre son mal en patience, car ces choses-là avaient de bonnes chances de prendre du temps.

"Ca ne doit pas être facile, en effet." Elle marqua une légère pause. "J'espère que les choses vont rapidement s'arranger."

Elle mettait de l'eau dans son vin, mais en même temps, elle était sincère. Dans cet te situation, les trois protagonistes semblaient souffrir. Lindsay n'était pas toujours bien intentionnée, mais elle n'avait jamais souhaité la souffrance réelle, profonde et incurable de qui que ce soit.

« Les choses qui m’entourent ont toujours était compliquées, mais peut être que je vais faire quelque chose pour que les choses s’arrangent. Même si je n’ai aucune idée de comment faire vu que je ne fais pas ce genre de chose normalement. »

Lindsay pouvait se reconnaître au moins dans une partie du discours de son interlocutrice. Elle songeait, à mesure que ça vie avançait, que les vies simples ne devaient pas exister. On en abreuvait les fictions et les publicités pour faire croire au commun des mortels que c’était quelque chose de réel, mais à la vérité, il n’existait rien de tel, il n’y avait pas de vie facile, il n’y avait que des situations compliquées, qui trouvaient parfois un semblant de répit, à quelques rares occasions qui se devaient par conséquent d’être savourées.

Alors oui, elle n’avait aucun mal à se mettre à la place de Deena. Parce qu’elle aussi avait l’impression que tout ce qui l’entourait était compliqué. Sa relation avec Christian était sa constante, cet élément dans sa vie qui ne variait pas et lui apportait un semblant de confort. Mais ensuite, il y avait… eh bien, tout le reste, en fait. Il y avait sa vie de jeune maman, qui n’était pas simple tous les jours, ses amis, qui avaient l’air de s’éloigner les uns après les autres, James et ses… inclinations. Tout ça lui donnait matière à réfléchir, certes, mais surtout à frôler de près la folie en certaines occasions.

En revanche, elle estimait en effet que veiller à ce que les choses s’arrangent était peut-être la meilleure des choses à faire. Il ne fallait jamais se reposer sur ses acquis, il fallait savoir se battre pour ce que l’on voulait, exactement. Elle ne pensait pas que c’était quelque chose de simple, loin de là, et elle pensait qu’il fallait être fou pour penser de la sorte, mais elle estimait que ce n’était une nécessité absolue quoi qu’il en soit.

Si Deena avait choisi de prendre de bonnes résolutions, et encore plus si ce n’était pas dans ses habitudes en temps normal, Lindsay estimait qu’elle devait être la première à l’encourager, quitte à ce qu’elle fasse quelques choix de vie drastiques qui devaient impacter durablement son existence et son comportement. Le changement faisait peur, parfois, mais Lindsay n’y voyait pas une mauvaise chose, loin s’en faut.

"Comment est-ce que tu penses que tu pourrais arranger les choses ? Je peux peut-être t’aider à trouver des solutions ?" suggéra Lindsay.