Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités. (Christopher)

Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités.

Hermès se sentait coupable, responsable du sort de Christopher. Il savait que ce dernier ne lui reprochait rien. C'était lui qui était venu le trouver en panique après la mort du ministre qui avait précédé Mrs Tuft pour lui apprendre la situation et les circonstances et lui demander de l'aider à déguiser l'évasion des voyageurs temporels et de Pomona, il ne pouvait sans doute s'en prendre qu'à lui-même, mais c'était une mascarade bien orchestrée à laquelle le directeur d'Azkaban avait pris part sans hésitation. Et encore maintenant, il ne regrettait pas son acte, même s'il savait qu'il finirait certainement par avoir des répercussions sur lui aussi, même si, pour le moment, c'était surtout Christopher qui en accusait les conséquences.

Hermès avait hésité à rendre visite à Christopher. Il estimait qu'ils se devaient l'un à l'autre une conversation, dans ces circonstances, mais ce qui l'inquiétait était surtout de peut-être mettre son ami en plus de difficulté qu'il ne l'était déjà, et se mettre en difficulté lui-même. Les amitié de Christopher ne lui rendaient pas forcément le plus fier des services, ces derniers temps. Entre lui et Henry, autant dire qu'ils pouvaient facilement entretenir des soupçons que le temps avait de bonnes chances de confirmer.

La demeure de Christopher était certainement surveillée, comme le moindre de ses faits et gestes devait être épié, mais au fond, est-ce qu'il ne serait pas plus suspect de ne pas venir le voir ? Les soupçons étaient là, qu'il les nourrisse ou non, et il serait sans doute plus curieux encore qu'il ne rende pas visite à son ami alors que ce dernier avait de toute évidence besoin de soutien. Alors il s'était finalement rendu chez lui, avec un léger sentiment d'appréhension tandis qu'il frappait à sa porte.

Il ne savait pas vraiment dans quel état il allait retrouver Christopher. Ces derniers temps, il n'était déjà pas au meilleur, Hermès, et d'autres sans doute, l'avaient constaté. D'abord, Purdey était décédé, puisse son fils avait disparu. Enfin, il avait été successivement trahi, d'abord par Seth Beresford, puis par Pomona Fitz elle-même. C'était beaucoup à encaisser. Sans oublier les circonstances actuelles, évidemment.

-Bonsoir Christopher, le salua-t-il quand le concerné lui ouvrit, un fin sourire aux lèvres, qu'il ne savait que forcer dans ces circonstances assez délicates. Comment vas-tu ? Tu tiens le coup ?

Ʃkaemp はは

Je me sens épié. Ce n'est pas un sentiment nouveau. Je crois que quand on décide de mener une vie en partie secrète, et même si rien ne le justifie, on éprouve toujours cette sorte de sentiment... quelque chose qui tient de l'instinct de survie, je dirais. On sait que si l'on n'y prend pas garde, si l'on n'est pas constamment attentif aux mouvements et aux regards des autres, tôt ou tard, l'un de ces mouvements, l'un de ces regards, pourra signer notre fin. Je dirais que c'est mon avantage en la circonstance : je sais au moins parfaitement qui m'épie et pourquoi.

Et ce n'est pas de la paranoïa que j'éprouve, mais un juste et judicieux sentiment qu'un piège que j'ai en partie orchestré s'est refermé sur moi. En somme, j'ai récolté la monnaie de ma pièce, et quelque part, c'était une chose que je voulais, une chose que j'attendais. Je ne pouvais plus vivre de cette manière, et j'en avais entièrement conscience. Je ne sais pas ce qui va se passer ensuite. Henry avait raison, il était temps que je prenne ma retraite, et il fallait que l'on m'y force pour que je m'y résolve. Perdre mes fonctions n'est pas vraiment ce qui me dérange. En revanche, je redoute ce qui peut arriver ensuite, et aussi la position dans laquelle j'ai mis, par la force des choses, tous ceux que j'avais fait le choix de protéger.

Les voyageurs, les résistants... Pomona... J'ai précipité leur situation, et maintenant je dois les abandonner à leur sort. Autant dire que ça ne me réjouit pas, mais que faire d'autre ? Agir, intervenir, dans la situation présente, ce serait prendre un risque que je ne peux pas me permettre d'embrasser. Je dois faire confiance en leur instinct et dans leurs décisions. Même si l'exemple de Pomona a tôt fait de me prouver que ça n'a pas toujours été pour le meilleur.

Quand on frappe à ma porte, je ne sais pas à quoi ni à qui m'attendre. Je suis heureux de voir Hermès sur mon palier. Venir me voir ne va pas forcément lui rendre service, mais il aurait sans doute été plus suspect encore que nous nous ignorions tous deux alors que chacun sait que nous sommes amis tous les deux. C'est bien là l'un des noeuds évidents du problème.

-Je vais beaucoup trop entendre cette question prochainement, j'en ai peur, je réponds enfermant la porte derrière nous. Je vais bien. Et je tiens le coup. J'esquisse un sourire. Je vais bien, et je tiens le coup. Et c'est sincère. Je devrais te retourner la question. J'imagine que le bureau doit te coller au train ?

Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités.

Hermès afficha un fin sourire d'excuse au moment d'entendre son ami lui répondre qu'il n'allait que trop entendre ces questions prochainement. Ce n'était pas l'idéal, c'est sûr. D'un autre côté, c'était une bonne chose que ces questions lui soient posées. Christopher en avait peut-être assez de les entendre être répétées, mais en attendant, ces questions répétées prouvaient qu'il était bien entouré, et dans ces circonstances compliquées, on ne pouvait pas dire que c'était un moindre luxe. Il aurait pu se retrouver isolé, ses proches auraient pu se retourner contre lui. Mais il pouvait compter sur un socle suffisamment solide pour que ce ne soit pas un problème, pour qu'il ne soit pas complètement laissé de côté ou démuni face aux problèmes qu'ils rencontraient, et qu'il finissait par assumer en leur nom à tous au bout du compte.

Ce qui comptait, aussi, c'était la réponse de Christopher, et elle était plutôt encourageante. Il ne semblait pas non plus au meilleur de sa forme, il avait l'air fatigué (ils l'étaient manifestement tous les deux, en l'occurrence), mais au moins, il semblait au clair avec lui-même. Et au clair aussi, donc, avec ce qu'il allait lui falloir affronter. Personne n'aurait pu lui reprocher de perdre un peu les pédales dans de telles circonstances, mais il semblait plutôt en phase avec les circonstances, même si les circonstances étaient ce qu'on pourrait qualifier de fondamentalement désastreuses.

-Tu imagines bien, et je ne l'ai pas vraiment volé. Je ne serais pas surpris de subir le même sort que toi. La seule chose qui me retient de me dénoncer, c'est la perspective de voir Aristide être nommé à ma place. Il poussa un soupir. Mais je le ferais si tu estimes que c'est nécessaire. Les Aurors ne sont pas dupes de toute façon... Comment veux-tu qu'on justifie que tu n'aies eu aucune complicité interne à la prison...

Il ne faisait dire que des choses que Christopher savait déjà pertinemment, bien sûr, mais c'était une manière pour lui de mettre ses idées au clair pour mieux décider de ce qui allait suivre. Enfin, c'était plutôt une tentative de mettre ses idées au clair. Ses pensées n'étaient plus qu'épais brouillard. Il lui était presque impossible de réfléchir à quoi que ce soit dans de telles conditions.

Ʃkaemp はは

J'adresse à Hermès un sourire compatissant. Il ne l'a pas volé, sans doute, mais il n'a pas à s'en vouloir ou à se le reprocher. Je l'ai mis devant le fait accompli, et s'il a agi en toute connaissance de cause, il n'a pas à s'en vouloir pour autant. Nous avons fait ce qu'il fallait au moment qui le nécessitait, c'est aussi simple que cela... Et même s'il sera difficile de nous en défendre auprès du grand public, je continue de penser que nous avons fait ce qu'il fallait. Nous ne devons pas nous reprocher d'avoir sauvé des vies humaines qui ne méritaient définitivement pas d'être condamnées à la pire des sentences.

Il y aurait peut-être eu de meilleures manières de faire. Sans doute qu'il y en aurait eu de pires également. Nous avons agi en notre âme et conscience, tout simplement, et pour ce qui est d'encaisser le blâme, je sais qu'Hermès y est prêt tout autant que moi, mais ce n'est pas ce que j'attends de lui. Je sens qu'il attend après mes directives, quelque part, il ne veut pas contrarier d'éventuels plans de ma part. Mais de plans, je ne peux que prétendre en avoir.

La grande vérité, c'est que tout ceci reste particulièrement flou, en fin de compte, et je ne sais pas réellement à quoi m'en tenir, pas plus que lui. Je sais juste qu'il serait absurde et inutile de plonger en masse... d'autant que certaines positions les plus stratégiques, et celle d'Hermès l'est à coup sûr, exigent que nous agissions avec vigilance mais en toute conscience de ce qui pourra être le plus favorable ensuite à nos plans et projets.

-Ce sera difficile à justifier, je confirme quand même, faute de pouvoir prétendre l'inverse, car à l'heure où je dois préparer ma défense, je ne sais pas moi-même à quoi je dois m'en tenir. Mais pas impossible.

Je fixe un instant Hermès. La situation est grave, oui, mais il n'est pas nécessaire pour autant que nous soyons deux à plonger. Les suspicions sont là, mais s'il n'y a pas de preuves tangibles pour les appuyer, ils ne pourront rien faire. Et fort heureusement, je garde suffisamment de bonnes relations en interne pour que toute cette situation n'échappe pas complètement à notre contrôle.

-Nie en bloc, d'accord ? Tu n'étais pas au courant, tu ne sais pas comment tout ça est arrivé. Peu importe qu'on ne te croie pas, ça doit rester ta version officielle.

Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités.

Difficile à justifier, c’était rien de le dire. Il n’y avait pas besoin d’être un fin limier ou un Auror de compétition pour comprendre qu’il y avait anguille sous roche dans cette histoire. Comment pourrait-il réellement prétendre ne pas avoir été complice de tout ceci alors que le moindre indice converge dans sa direction. Il trouverait tout à fait logique d’encaisser le blâme, mais il savait aussi que Christopher, s’il affirmait que la tâche n’était pas impossible, le pensait réellement. Des deux, il était le plus intelligent, le plus avisé. Il devait déjà avoir réfléchi à tout ça.

Même s’ils étaient pris de court, Christopher avait dû envisager la possibilité qu’ils soient démasqués. De son côté, Hermès l’avait aussi envisagé, mais il n’en avait pas fait grand-chose, et plus le temps passait, plus il avait commis l’erreur de se rassurer, de se conforter dans l’idée que rien ne lui arriverait. Il s’était convaincu du fait qu’ils avaient la situation bien en mains, qu’ils géraient tout ça convenablement… mais dans la vie, rien ne se passait jamais comme on le voudrait. Il avait déjà eu l’occasion de le remarquer.

Hermès hocha la tête quand Christopher lui demanda de nier en bloc, de ne surtout pas apprendre la vérité à ceux qui l’interrogeraient. Autant le dire, il n’aimait pas du tout cette directive, mais il ne comptait pas s’y opposer. Dans ces circonstances très complexes, il avait des cartes en main, même si elles lui semblaient faibles, et ce n’était pas à lui de décider de comment les jouer. Il avait confiance en Christopher. S’il estimait que c’était préférable pour lui de se taire, alors il se tairait… L’évidence même rendrait sans doute son déni assez peu convaincant. Mais il était prêt à prendre des risques, à prendre tous les risques, si on lui assurait que c’était pour la bonne cause.

-D’accord, répondit-il, résigné. Il ne pouvait pas refuser cela à Christopher, même s’il redoutait de l’enfoncer encore plus que nécessaire alors qu’il se trouvait déjà dans une situation de laquelle il risquait fort de ne pas sortir indemne. Mais dis-moi au moins que tu as un plan, ajouta-t-il tout de même.

Si son plan était de tomber en leur nom à tous, alors il allait définitivement falloir trouver une solution plus acceptable. Celle-ci ne conviendrait en aucun cas à Hermès.

Ʃkaemp はは

Je sens qu'il en coûte à Hermès de me faire cette promesse. Je voudrais qu'il y ait une autre manière de faire. Vraiment, je le voudrais. Mais il n'y en a pas, non. Enfin si, mais aucune que j'accepte en dehors de ce que je déciderais. Je ne devrais peut-être pas faire le choix pour tous les autres, mais en même temps, je ne vois pas pourquoi nous devrions tous tomber alors qu'il est possible de faire en sorte que je sois le seul à tomber. On va limiter la casse.

La place d'Hermès à Azkaban est stratégique en plus d'être essentielle, il n'est vraiment pas question que nous y renoncions, ce serait définitivement une perte. Il consent et c'est ce qui compte. Je redoutais qu'il n'insiste et ne s'oppose. Je crois qu'à sa place, je ne l'aurais même pas consulté, je me serais d'office dénoncé, voire j'aurais cherché à m'innocenter dans la foulée. Heureusement, Hermès n'est pas aussi impulsif que moi. C'est une chose qui me rassure. Je ne sais pas si j'ai le contrôle sur la situation. Il est bien probable que non. Mais je fais du mieux que je le peux, du moins.

-Je le peaufine encore, je réponds quand Hermès me demande si j'ai un plan.

C'est un demi-mensonge, destiné à le rassurer un minimum. Ce n'est pas entièrement faux. J'ai été pris au dépourvu, comme nous l'avons tous été. J'avais envisagé la possibilité d'être découvert, mais je croyais qu'il y aurait des signes annonciateurs, je pensais avoir le temps de mettre au point un plan solide, en béton armé.

Ce n'est pas le cas. J'y travaille, c'est ce que je fais à tout instant. Je compte plaider ma cause. Perdre mon poste ne me dérange pas, j'ai fait mon temps, mais je refuse en revanche de perdre davantage. Je ne renoncerai pas à ma liberté. Et encore moins à l'Ysbridion. Je le dois à mes frères d'armes, je le dois aux Résistants, et je le dois à Purdey.

-Je vais répondre de mes actes devant la Justice, et je suis bien entouré, je peux m'en tirer à bon compte, j'en suis même certain.

En suis-je si certain ? Non, mon sort n'est pas scellé. Mais rien n'est vraiment en ma faveur. Mais je ne vais pas m'en inquiéter. Il n'en est pas question.

Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités.

"Je le peauufine encore", traduction, aux yeux d'Hermès en tout cas : il n'avait pas de plan du tout. Et c'était bien normal. Pour avoir le moindre plan en tête, il faudrait qu'ils aient été capables de présumer tout cela, et c'était impossible. Ils avaient été pris de court. Leur erreur avait été de passer à côté de certaines variables indispensables qui leur auraient permis d'éviter tout cela.

Il n'était sans doute pas possible d'envisager tous les scénarios, il était certainement impossible de vraiment deviner un scénario à ce point chaotique, apocalyptique, mais ils y étaient, alors il fallait impérativement qu'ils en prennent leur parti, que cela leur plaise ou non. Hermès se sentirait plus rassuré si Christopher avait un plan tout fait. Mais puisqu'il n'en avait pas, il fallait voir les choses sous un autre angle. Pas de plan tout fait, soit, mais ça voulait dire qu'ils pouvaient en décider ensemble, et donc décider de trouver une solution qui sauverait Christopher. Qu'il veuille endosser la responsabilité de ses actes était une chose, qu'il soit prêt à renoncer à sa carrière aussi, mais qu'il sacrifie tout sans réfléchir à une autre option, ça, Christopher n'avait aucune envie de l'entendre. Hermès n'était pas entièrement rassuré. De tout l'Ysbridion, il estimait être le plus lâche, qu'on attende de lui qu'il joue les planqués ne l'étonnait pas réellement, mais il n'en avait absolument aucune envie.

-Tu ne peux pas en être sûr à cent pour cent, non.

Hermès n'avait aucune envie de casser l'ambiance, loin de là, mais il estimait nécessaire, en revanche, de présenter les choses comme elles étaient, sans tourner autour du pot. Oui, il avait des alliés forts de son côté, mais ils étaient connus pour être ses amis, justement. Alors leurs témoignages perdraient en valeur, et ce n'était pas le genre de Christopher que de cautionner le favoritisme. Et par ailleurs, si Christopher avait des amis influents, il avait aussi des ennemis qui l'étaient tout autant. Avec une personnalité aussi affirmée que la sienne, on ne pouvait pas s'attendre à autre chose.

-Je vais faire ce que je peux de mon côté pour réduire ta peine au maximum. Tu sais déjà qui tu comptes prendre pour avocat ?

Il ne fallait rien négliger. Sa défense devrait être en béton armé. Il était hors de question qu'il paye pour eux tous.

Ʃkaemp はは

Bien sûr que je ne suis pas sûr à cent pour cent de m'en sortir, et ce n'est pas ce que je dis. Dans la situation où je me trouve actuellement, il serait navrant de naïveté que d'aller m'imaginer que je puisse m'en tirer à si bon compte. Non, bien sûr que ce n'est pas le cas, bien sûr qu'il est très probable que la justice fasse le choix de me condamner, bien au-delà d'une mise à pied. Mais j'assume mes actes. Je sais que j'ai fait ce qu'il fallait, ce que je me devais de faire. Sur ce point, je n'ai absolument aucune forme de crainte ou de doute.

Est-ce que j'aurais préféré que les choses se passent différemment ? Cela va sans dire. Mais ça n'a pas été le cas, et ce qui importe, à présent, c'est que ceux qui sont vraiment innocents ne soient plus punis pour des torts imaginaires. Je ne m'inscris pas dans ce cas de figure. J'ai lutté au nom d'une Justice dans laquelle je continue de croire dur comme fer quoi qu'il arrive. Mais je ne suis pas innocent.

J'apprécie la dévotion d'Hermès à cette situation. Je sais que si je devais atterrir à Azkaban - mais j'en doute, mes années de bons et loyaux services (ou presque) au service du Ministère devraient me l'épargner. Il y a parfois des privilèges auxquels il serait assez absurde de renoncer -, je sais que je bénéficierais sans doute d'un traitement de faveur. Si Hermès parvient à conserver son poste, ce qui n'est pas dit, mais nous allons tout faire pour. Dans les circonstances actuelles, tout est comme en suspens. C'est un constat qui n'est pas agréable, mais qu'il nous faut bien faire.

-Oui, ne t'en fais pas pour ça, j'ai entièrement confiance dans l'avocat que j'ai choisi. Je suis certain qu'il fera un excellent travail à préparer ma défense. Je laisse passer un temps de pause. Et si ça ne doit pas suffire, Hermès, il ne faudra pas que tu te le reproches. On connaissait les risques. On ne peut pas prétendre être surpris, maintenant.

C'est ainsi, nous ne pouvons prétendre que nous agissions sans nous douter que la situation pouvait dégénérer. Elle a dégénéré. C'est comme ça. C'est peut-être un mal pour un bien. Il fallait ces grands bouleversements pour que nous progressions dans un autre, nouveau sens.

Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités.

L'une des choses que l'on pouvait reconnaître concernant Christopher, sans la moindre inquiétude quant à la possibilité de se tromper, c'est que l'homme avait des relations et savait s'entourer. C'était à double tranchant dans des circonstances qui laissaient suggérer que c'étaient ses connivences qui lui avaient permis de s'en tirer à bon compte jusqu'ici, mais au moins pouvait-il compter après une défense qui soit à la hauteur de ce que l'on attendait des circonstances. Même le meilleur avocat du monde ne pourrait peut-être pas faire de miracles dans ces circonstances, cela étant dit, mais il fallait savoir y compter malgré tout, ne serait-ce que parce que le nombre de leurs alternatives était minime. Ils devaient accepter la situation et les circonstances comme elles étaient, même si elles étaient déplaisantes, même si elles étaient forcément insuffisantes.

Comme Christopher ne manqua pas de le faire remarquer. "Si cela devait ne pas suffire". Il n'avait vraiment pas envie de raisonner de cette manière, mais ne pas le faire serait clairement un très mauvais choix. Il fallait qu'ils admettent cette possibilité plus que probable, la possibilité qu'il y ait de la casse, et si ça devait arriver, il faudrait accepter les choses comme elles étaient. Hermès hocha la tête, plus par réflexe que parce qu'il était vraiment d'accord avec ce que son ami était en train d'affirmer.

Il ne pourrait que se le reprocher si les circonstances devaient vraiment déraper. Il espérait que ce ne serait pas le cas, oui, mais il n'y croyait pas réellement. Il se disait que, d'une façon ou d'une autre, ils ne pourrait pas s'en sortir complètement à non compte. Il y aurait forcément quelque chose qui se passerait mal. Et donc, il ne devrait pas se le reprocher. Mais c'était impossible. Bien sûr que si la situation devait dégénérer, Hermès se le reprocherait. Il ne pourrait pas prétendre n'y être pour rien, il avait joué une part active dans toute cette histoire, il estimait injuste, vraiment, de s'en tirer sans aucune forme de dommage.

-Tu me demandes quelque chose d'impossible, et le pire, c'est que tu en as pertinemment conscience, soupira-t-il, malgré tout résigné. Il ne pouvait se permettre de n'en faire qu'à sa tête sous prétexte de mauvaise conscience, il y avait trop de choses en jeu. Que je me taise ou non, dans tous les cas, je vais être passé au rouleau-compresseur par ces messieurs du ministère. Il n'est pas dit que j'en sorte indemne.

Ʃkaemp はは

Je ne prends pas la peine de relever quand il me fait remarquer qu'il me demande une chose impossible, et que j'en ai parfaitement conscience. Oui, il a raison, c'est bel et bien le cas. J'ai conscience que ce que je lui demande dépasse de très loin ce que je peux me permettre d'exiger de sa part, mais les circonstances l'exigent, et je ne lui imposerais aucune autre alternative. Il serait stupide, selon moi, de tomber tous les deux quand il nous est possible de l'empêcher.

Bien sûr, je voudrais qu'il puisse en être autrement, que nous disposions d'autres alternatives, mais pour le moment, c'est le plus proche de ce que j'estime possible, accessible. Une façon de limiter la casse. Ce n'est pas dans mes manières de faire, en temps normal, j'évite qu'il y ait de la casse tout court, mais ce genre de méthodes ne fonctionnent pas à tous les coups, et quand elle ne suffisent pas, quand ce n'est pas assez, il faut bien savoir en passer par d'autres méthodes.

-Comme bien souvent, tu te sous-estimes, Hermès, je réponds d'un ton calme et posé quand Hermès affirme qu'il ne parviendra sans doute que difficilement à survivre au "rouleau-compresseur" qu'est le ministère.

Il a raison de penser qu'il va être dans leur ligne de mire. Peu importe que j'endosse toute la responsabilité de la situation, ne pas tirer des circonstances les conclusions qui s'imposent et ne pas voir en Hermès Diggory un complice idéal, ce serait naïf. Mais ils ne peuvent rien contre l'obstination pure, et je sais qu'Hermès est à même de l'être, obstiné, plus que ce dont il se soupçonne pourtant capable. Il peut être surprenant de remarquer quelles frontières on se sent à même de franchir, quelles limites on se découvre à même de dépasser, au nom d'une cause qui nous tient à cœur, pour défendre des intérêts qui nous apparaissent supérieurs.

-Je ne vais pas prétendre que le ministère ne t'aura pas dans sa ligne de mire, ce serait mentir, mais je ne m'inquiète pas de ta capacité à en sortir parfaitement indemne. J'ai confiance en toi.

Et je voudrais qu'il ait confiance en lui-même également, mais je le connais, par certains aspects, il est resté le même qui ne s'était jamais senti à la hauteur du reste des Warden, dont tout le potentiel n'a toujours pas été exploité.

Il n'y a pas d'amitié sans responsabilités.

Hermès l'avait souvent entendue, celle-là, qu'il se sous-estimait. Encore plus de la part de son interlocuteur. Est-ce qu'il devrait commencer à le croire et à l'écouter, par conséquent ? Peut-être bien, mais il ne le faisait pas pour autant. Il en faudrait bien plus pour qu'il se sente à la hauteur ou pour qu'il finisse par avoir foi dans ses compétences. Et ce n'était pas sans raison. Entre le jour de leur rencontre, quand il était dévasté par la mort de son épouse, qui avait toujours été beaucoup plus courageuse et brave que lui, et maintenant, il avait gagné en courage et en volonté, c'est vrai, mais nombre de ses défauts demeuraient particulièrement présents, et dans des circonstances critiques comme celles qu'ils vivaient en cet instant, elles lui pourrissaient très clairement la vie.

Lui-même admit que le ministère l'aurait forcément dans sa ligne de mire, ça, ça ne faisait aucun doute. Il faudrait se montrer bien naïf pour croire qu'il puisse en être autrement. Oui, il serait forcément dans le viseur des Aurors et de la police magique, et le fait qu'il y ait quelques relations ne sauverait pas tout, au contraire, cela pourrait même l'enfoncer plus qu'autre chose, comme par exemple quand il lui fallait se tenir face à la ministre de la Magie et lui mentir dans le blanc des yeux alors qu'ils étaient des amis de longue date.

-Eh bien, ça en fait au moins un sur deux, comme ça, reconnut Hermès avec une légère esquisse de sourire, sans pour autant se sentir complètement rassuré.

Il ne saurait trop dire si Christopher croyait véritablement en lui ou s'il prononçait ces mots uniquement dans le but de le rassurer, pour que, justement, il soit capable de donner le meilleur de lui-même. Dans les deux cas, il n'était pas sûr d'être à la hauteur. Il avait l'impression d'être complètement dépassé sans avoir le droit de l'être. Il faisait de vrais efforts pour que cela change.

-De toute façon, mis devant le fait accompli, je n'aurais pas d'autre choix que de faire en sorte de te donner raison. Et je te tiendrai au courant de tout ce qui sera dit, bien sûr, ajouta-t-il avec évidence.

Il le faudrait bien, surtout qu'il aurait besoin de ses conseils, au fur et à mesure des événements, même si Christopher aurait forcément d'autres chats à fouetter.

Ʃkaemp はは

Je m'épargne tout commentaire quand Hermès répond qu'il y en a au moins sur deux pour avoir confiance en lui-même. On aurait pu croire qu'après tout ce temps, Hermès aurait gagné un semblant de confiance en lui-même et dans ses compétences, mais ce serait mal comprendre qui était vraiment Hermès Diggory. Depuis le temps que je le connais, je ne l'ai jamais vu faire autre chose que diminuer la portyée de ses propres actions, et pourtant, il a de l'intelligence à revendre.

Sa place au sein de l'Ysbridion n'a certainement pas été volée, bien au contraire, il la mérite plus que n'importe qui, mais il ne m'a jamais donné le sentiment d'en avoir véritablement conscience. Non, il semble toujours surpris de ses exploits, et anxieux de la moindre de ses actions. Est-ce que ça ne lui portera pas préjudice dans les temps à venir ? C'est malheureusement possible, mais je veux avoir confiance en lui malgré tout. Je sais qu'il fera ce qu'il y a de mieux, et surtout qu'il fera ce qui est le plus juste, même si cela doit lui en coûter. Il sait où est sa place, et plus encore, il sait la tenir, cela ne fait aucun doute.

La façon dont il se reprend me met en confiance en tout cas. Il a effectivement raison de raisonner de cette manière. Quand il sera mis devant le fait accompli, c'est bel et bien vrai, c'est un fait, il n'aura d'autre choix que de me donner raison, il sait les enjeux, et il sait par conséquent qu'ils ne sont pas que personnels, non il n'est pas question que de cela. Les enjeux sont autrement plus importants, et même ces enjeux nous dépassent dans les grandes largeurs.

-Oui, je n'en ai pas douté un seul instant, je confirme dans un hochement de tête approbateur quand Hermès me promet de me tenir au courant du déroulé des événements au fur et à mesure. Je ne m'inquiète pas de le voir tenir promesse, là encore, je sais que je peux lui faire confiance (même si j'ai, très souvent - trop souvent - accordé ma confiance un peu trop à la légère). Je pense que tu devrais y aller, j'ajoute ensuite, sans pourtant vouloir le chasser, passer trop de temps en ma compagnie a peu de chances d'arranger tes affaires, j'en ai peur.

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