L

es mois de juin et juillet faisaient partie des plus lucratifs, pour la plupart des commerces du Chemin de Traverse, dont Madame Guipure. C’était le moment ou tous les parents d’élèves venaient faire leurs courses pour Poudlard, et capes de sorciers et chapeaux pointus se faisaient par centaine. Avoir l’exclusivité des fournitures scolaires de prêt à porter était évidemment une aubaine pour Madame Guipure, ce qui faisait de sa boutique la plus fréquentée de tout le chemin... Cette popularité était à double-tranchant : elles avaient à peine le temps de souffler, lorsque les vacances tombaient. La boutique n'était jamais vide, pas même à l'ouverture.

Elles avaient donc dû embaucher quelques petites mains supplémentaires pour aider en boutique, en plus des quelques employés fixes, dont une vendeuse, et deux aides-couturières supplémentaires, pour pallier pendant les vacances de certaines. Melissa n’avait pas pris de jours, elle. Geoffrey était beaucoup trop occupé pour pouvoir prendre des vacances, à vrai dire il était trop occupé pour qu’ils sortent autrement que pour les repas professionnels. Elle ne se souvenait plus exactement de leurs dernières vacances… Mais cela faisait plusieurs années déjà. De fait Melissa était, à son habitude, fidèle à son poste, occupée à prendre les mesures d’une petite première année, lorsque la cloche de la porte d’entrée retentit à nouveau. Elle tourne la tête et sourit en reconnaissant l’adolescente rousse qu’ils attendaient : « Margareth, peux-tu t’occuper de mes clients s’il te plaît ? Je vais accueillir la stagiaire. Excusez-moi… »

Elle sourit au client et va chercher la jeune stagiaire rapidement : « Bonjour Melody, ravie de vous voir parmi nous. Venez avec moi à l’arrière, qu’on dégage un peu le passage. » Elle montre le chemin, l’emmenant vers un escalier qui descend dans l’arrière-boutique ainsi que l’atelier et les vestiaires des couturières. Si la boutique en elle-même n’avait pas l’air plus grande qu’une autre, avec ses deux étages, les sous-sol étaient magiquement agrandis pour laisser un espace de travail confortable. Les dessous de chez Madame Guipure étaient plein de surprises, comme peux le découvrir Melody en arrivant en bas, dans une suite de larges pièces ou pouvaient s'apercevoir des machines à couture magique, patrons, mannequins, travails inachevés ou en cours... Les tissus partout, dans un bazar organisé, enfin pas à première vue. « Je vais déjà vous montrer ou poser vos affaires, puis je vais un peu vous expliquer le fonctionnement et ce que l’on va attendre de vous ces prochains jours. C’est moi qui serait votre référente, mais vous pouvez aussi poser des questions à tous les autres employés sans aucun problème, si vous voyez que je suis occupée. Madame Guipure est désolée de ne pas pouvoir t’accueillir elle-même, mais elle ne sera là que demain. Laisse-moi te débarrasser. » Elle explique tout en l'emmenant dans une pièce plus petite. Souriant avec bienveillance, elle retire à Melody sa veste d’un mouvement de baguette et la dépose sur le porte manteau, avant de lui montrer ou ranger ses affaires. « Pas trop nerveuse ? » elle demande avec un petit sourire affectueux. Melissa avait apprécié ses quelques échanges hiboux avec la jeune sorcière, sa passion certaine et son envie de faire ses preuves. Si elle pouvait lui permettre de réaliser un rêve en venant prêter main forte sur son temps libre, pourquoi pas ! Bien sûr elle ne pourrait pas trop lui en montrer –il y avait quelques secrets de fabrication qui étaient confidentiels, Madame Guipure se méfiait comme de la peste de ses concurrents- mais ces quelques jours pouvaient être très instructifs pour l’adolescente.

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Q

uelques jours, c'était définitivement trop peu pour tout ce que Melody avait envie de faire et de voir, mais elle ne pouvait bien sûr pas cracher sur l'opportunité qui lui était donnée. Un stage chez Madame Guipure, même s'il ne devait durer que quelques jours, c'était une opportunité de choix, et à côté de laquelle elle ne pouvait définitivement pas passer. Melody rêvait de devenir couturière professionnelle, la mode était une véritable passion pour elle, et elle ne pouvait certainement pas passer à côté d'une occasion de découvrir le milieu de plus près... et qui sait, si elle faisait suffisamment bien son travail, on se souviendrait d'elle pour plus tard ? Elle l'espérait en tout cas, et elle comptait tout faire pour donner la meilleure image d'elle possible.

La voir ainsi impliquée et consciencieuse n'était pas donné à tout le monde. Elle ne faisait généralement preuve d'autant de zèle que lorsqu'elle fomentait un sale coup au service de la Guilde. Mais à situation exceptionnelle, efforts exceptionnels. La situation le valait bien. Et par ailleurs, elle avait très sérieusement besoin de ça en ce moment. Parce que dernièrement, on peut le dire, rien n'allait, sa vie était un bordel sans fin duquel elle peinait à s'extirper, elle avait bien besoin de cette intermède pour se recentrer un peu sur elle-même et se retrouver sur un terrain qu'elle était susceptible de maîtriser (enfin, ça restait à éprouver, mais elle l'espérait en tout cas). Après une longue hésitation sur le look à adopter, elle avait choisi une robe en soi assez sobre et élégante, mais qu'elle avait pris soin d'accessoiriser avec des éléments de sa création. Elle ne voulait pas trop en faire, mais montrer aussi de quoi elle était capable, le tout exigeait donc un dosage particulier.

Ce fut Melissa Waldman, avec qui Melody avait déjà échangé plusieurs hiboux, qui l'accueillit. La bleue et bronze aurait adoré rencontrer Madame Guipure en personne mais n'en prit pas ombrage, elle était ravie que Mrs Waldman, pour qui elle avait beaucoup d'estime, soit sa référente.

Elle fit de son mieux pour ne pas perdre tout contrôle en découvrant son futur lieu de travail. C'était encore mieux que tout ce dont elle avait rêvé. Tous ces tissus, ces matières, ce matériel de pointe. Elle était absolument séduite. Et elle se retenait de sautiller sur place comme la gamine qu'elle était.

-Un peu, avoua Melody quand son interlocutrice lui demanda si elle n'était pas trop nerveuse. Bien sûr qu'elle l'était, d'autant qu'elle se mettait beaucoup de pression pour ce boulot. Mais en même temps, elle était aussi surexcitée. Mais j'ai vraiment hâte de me mettre au travail.

Et ses yeux pétillants ne devaient pas mentir à ce sujet et certainement pas lui permettre de le faire.

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C

’était assurément une chance exceptionnelle, pour la jeune Melody Farnworth, d’obtenir un stage d’observation chez Madame Guipure, la plus réputée boutique de vêtements du Royaume-Unis, qui réunissait les meilleures couturières du pays. Le fait que Melissa ait désigné et cousu quelques-unes des tenues de Celestina Moldubec était, évidemment, un petit plus pour l’enseigne déjà adorée par les sorciers. A la fois abordable et de qualité, leurs marchandises, et leur savoir-faire était, de l’humble avis de Melissa, sans égal. Pas qu’elle soit particulièrement épanouie, ou satisfaite, de faire partie de ce savoir-faire bien inférieur à ce qu’elle aurait espéré avoir… Contrairement à l’étudiante, Melissa n’avait jamais souhaité coudre pour autre chose qu’un passe-temps. A dire vrai, elle n’aimait même pas coudre, il se trouvait juste qu’elle était douée à ça donc le choisir comme « carrière » avait semblé évident, facile. Une réussite au goût bien trop fade, même l’aigreur avait disparu, avec le temps, pour une indifférence teintée de mépris. Elle ne s’était jamais satisfaite de sa place.

Mais Melissa sourit, et Melissa jauge d’un coup d’œil expert la tenue de la stagiaire. Un sourire qui devient appréciatif, alors qu’elle écoute sa réponse. « C’est très bien, que vous soyez aussi motivée. Ces quelques jours vont être quelque peu.. intensifs, comme vous avez pu le voir, nous sommes en plein rush d’été. Par chance cela vous permettra de voir ce travail sous différents aspects. La couturière doit aussi savoir être polyvalente, savoir gérer le contact du client et s’adapter à ses envies. C’est du moins le cas ici. » Elle agit sa baguette pour modifier le rythme des vêtements qui se cousaient tout seuls dans un coin, la magie était partout ici. « J’aime votre style. Cela ne vient pas de chez nous, je crois ? » Elle ne connaissait pas forcément tout ce qui sortait de chez Madame Guipure, mais avait quand même une certaine idée, et le style des accessoires de Melody ne lui disait rien, mais révélait d’une originalité prometteuse.

Melissa sort quelques papiers soigneusement pliés qu’elle met dans la poche de sa robe de sorcière, et va attraper une boîte à couture rangée dans un coin. Elle avait préparé elle-même le nécessaire pour Melody, si jamais elle avait l’occasion de pratiquer, aiguilles, ciseaux, quelques fils basiques.

« C’est pour toi, le temps de ton passage ici. En espérant que cela te convienne. Si tu as des questions pose-les moi ma chère. »

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M

elody afficha un sourire, un peu plus détendue, quand son interlocutrice affirma apprécier sa motivation. Tant mieux car elle n'était pas feinte du tout, la jeune femme avait véritablement hâte de se mettre à l'ouvrage et de montrer de quoi elle était capable. Elle s'était figuré ce stage tant de fois en pensées qu'elle voulait faire en sorte qu'au moins une partie de ce qu'elle avait imaginé se concrétise. Oh, elle se doutait qu'elle n'allait pas être douée au point qu'on lui confie sa propre collection, qui serait d'office promue par la sublime Celestina Moldubec, elle savait quelles limites donner à ses rêves, mais elle voulait au moins se donner au fond, montrer qu'elle était capable, qu'elle ne s'était pas juste imaginé le don qu'elle pensait avoir pour la couture... et qui sait, se faire des relations qui lui permettraient de se positionner une fois qu'elle aurait fini ses études à Poudlard ? Elle ne savait pas s'empêcher de l'espérer, en tout cas.

Melissa lui apprit que les prochains jours allaient être intensifs, et Melody était aux anges de l'apprendre. Elle n'avait pas peur, du tout, de travailler dur, quitte à faire des heures supplémentaires, elle avait même besoin de ça, ça lui éviterait de trop penser, et elle aurait réellement le sentiment de se rendre utile. On n'allait pas, visiblement, la cantonner à la paperasse ou à la préparation du café, et ce simple constat l'enchantait déjà. Oui, elle était prête à se donner à fond. Gérer le contact avec le client ne la dérangeait pas plus, Melody n'avait jamais été du genre timide, elle allait facilement vers les autres. A choisir, elle préférait coudre, mais ça lui plaisait bien de pouvoir toucher un peu à tout et découvrir tous les aspects du métier.

-Merci, j'ai composé ma tenue moi-même, répondit Melody, heureuse de voir que sa robe faisait son petit effet. Elle se doutait que le compliment ne venait pas de nulle part, et elle se sentait mise en confiance.

Elle n'ajouta rien, attendant que son interlocutrice ait fini de tout lui expliquer. Elle se sentait dans son élément, elle était aux anges. A vrai dire, il y avait un moment qu'elle ne s'était pas sentie à ce point heureuse, et ça faisait du bien. Quand Melissa lui tendit un nécessaire de couture, ce fut encore mieux.

-Merci, c'est vraiment parfait ! dit-elle en observant la boîte à couture... sous toutes les coutures (hum). Et maintenant, il ne lui restait plus qu'à poser toutes les questions qu'elle voulait. Mais la première qui lui venait à l'esprit était évidente : Par quoi est-ce que vous voulez que je commence ?

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M

elissa ne pensait pas être particulièrement généreuse, mais elle savait flairer les opportunités et le talent. Elle n’aurait pas été si affable, si Melody n’avait pas du potentiel, elle n’aurait jamais pris la peine d’encourager dans la vide. Aussi professionnellement maîtrisait-elle l’art de l’hypocrisie et des sourires vides, elle conservait certaines valeurs, et il ne lui viendrait pas à l’idée de donner de faux espoirs à une adolescente pleine de rêves. Certes, pour atteindre ses rêves il fallait de la détermination, une force de caractère, une résilience particulière (dont avait clairement manqué Melissa lorsqu’elle avait abandonné sa carrière pour les beaux yeux de son époux) mais aussi un minimum de talent. Il serait inutile de s’entêter sans talent, une simple perte de temps.

Melody Farnsworth n’était, selon Melissa, pas une perte de temps.

Elle tend une courte de cape, légère et pratique, à la jeune fille, portant son nom et son statut de stagiaire. « Très bien, passons aux choses sérieuses alors. Enfilez cela, Miss Farnsworth, et suivez-moi. » Elle attend que les directives soient suivies avant de remonter les marches vers la boutique bondée. Avant la couture, un petit baptême. Elle repère un jeune première année avec sa mère attendant leur tour, et s’approche d’eux en demandant à la femme si cela ne la dérange pas qu’elle forme leur stagiaire en s’occupant de leur fils. Avec son accord elle emmène le petit garçon sur un « Miss Farnsworth, peut-être vous souvenez-vous de votre première passage chez Madame Guipure. Cet enfant a besoin d’un uniforme scolaire sur mesure. Par quoi devons-nous commencer ? »

Elle sourit au garçon pour le mettre à l’aise et tourne un visage sérieux, mais bienveillant, vers Melody.

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L

es yeux de Melody s'illuminèrent quand la jeune femme reçut sa cape. Ce n'était pas grand chose, une cape simple et fluide, évidemment élégante au regard des circonstances (on ne pouvait pas s'habiller comme un sac à patate quand on travaillait dans ce genre de contexte), et qui mettait en valeur son statut de stagiaire.

Elle aimait l'idée que l'on puisse savoir au premier coup d'oeil qu'elle faisait partie de la maison, même si ça ne devait pas durer bien longtemps, même si elle devrait bien vite retrouver ses habitudes d'étudiante de Poudlard, loin de ses rêves de vie active. Bref, la bleue et bronze se vêtit bien vite de sa tenue de travail, impatiente de se mettre à l'ouvrage une bonne fois pour toutes.

Elle fut presqu'immédiatement mise dans le bain. La boutique était bondée, autant dire qu'elle avait tout intérêt à se montrer rapide et efficace. Cela ne la dérangeait pas, elle s'en sentit capable. Une mère et son enfant, un jeune adolescent proche d'entamer sa première année à Poudlard, accepta qu'elle le prenne en charge. Melody lui adressa un sourire bienveillant. Cela lui faisait bizarre de le croiser dans les couloirs de Poudlard, mais elle espérait qu'il garderait un bon souvenir d'elle malgré tout. Pour cela, elle savait qu'elle devrait éviter de le ridiculiser avec une tenue inappropriée, et accessoirement de le piquer avec des épingles.

Elle n'oublia pas de saluer l'adolescent et de se présenter. Même si le but de la manoeuvre était de faire ses preuves, elle ne comptait pas non plus déshumaniser le garçonnet comme s'il n'était qu'un mannequin inanimé. Et puis, s'il était en confiance, elle aurait plus de facilité à travailler.

-Par prendre ses mesures, suggéra-t-elle avec assurance, espérant ne pas se tromper totalement, mais c'était ce qui, à ses yeux, semblait tout de même parfaitement logique.

Après avoir prononcé ces mots, elle en profita pour poser quelques questions au garçon, et par là à sa mère, sur d'éventuelles allergies à certains tissus, entre autres. Elle attendait l'aval de son mentor pour s'emparer de son mètre ruban et commencer à prendre des mesures.

Elle espérait n'être passée à côté d'aucune étape essentiel. Ce qui était certain, c'est que pour la moindre errer qu'elle commettrait éventuellement, elle comptait bien faire ses preuves, et montrer qu'elle n'était pas un cas complètement désespéré.

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M

elissa devait encore se faire un avis : même si elle avait pu dénicher le talent de Melody grâce à ses quelques créations envoyées par voie postale, elle n’avait pas eu l’occasion de la voir en pleine action. Elle imaginait que cela devait être très intimidant pour l’adolescente, être jetée directement au cœur de l’action, sans consignes. Une méthode qu’on pouvait considérer comme un peu barbare, mais ce n’était pas comme si Melissa comptait laisser Melody seule tout de suite. Elle allait prendre le temps de l’observer et de la corriger si besoin était, et ce même si elle avait beaucoup à faire de son côté.
Elle avait décidé de prendre sur elle le premier jour, c’était, après tout, sa responsabilité. Qu’elle partagerait une fois Madame Guipure revenue.

Elle hoche la tête pour montrer son accord, souriant doucement en voyant l’aisance avec laquelle la jeune fille, presque jeune femme, s’adressait au client et improvisait des questions loin d’être stupides. C’est qu’elle était déterminée à impressionner, une qualité que pouvait apprécier Melissa. Elle la laisse terminer avant d’intervenir  nouveau, professionnelle : « C'est exact. Tu peux procéder. »

« Ne t’inquiète pas, Miss Farnsworth apprend, mais aucun risque que tu sois piqué par une épingle sous notre garde. » ajoute-t-elle avec bienveillance au garçonnet, tout en gardant un œil avertit sur Melody. Elle savait que ce commentaire pouvoir lui mettre la pression et espérant que ça ne lui ferait pas perdre ses moyens.

Si cela ne représentait plus le moindre défi, Melissa adorait préparer les tenues scolaires des jeunes élèves de Poudlard. Le contact avec les enfants était un vrai rayon de soleil, même s’il lui faisait miroiter quelque chose qu’elle n’avait pas… Quoi qu’il en soit, elle s’occupait, et se distrayait, comme elle pouvait. Veiller sur Melody pouvait s’avérer intéressant.

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M

elody était quelqu'un de très fier. De trop fier, sans doute. Si bien qu'elle avait souvent du mal à entendre l'opinion des autres sans être blessée dans son orgueil. Elle s'en défendait en décidant finalement de se moquer de l'avis de toutes les figures d'autorité qui l'entouraient, qu'il s'agisse de ses parents ou de ses professeurs. Mais avec Mrs Waldman, ce n'était pas pareil. Elle éprouvait un besoin de faire ses preuves tel qu'elle sentait bien qu'elle serait capable de fondre en larmes si, au bout du compte, elle devait ne pas approuver sa manière de faire. Elle acceptait - et c'était exceptionnel - d'être corrigé, mais elle voulait vraiment que la situation se passe tout de même pour le mieux et qu'au bout du compte, le résultat soit à la hauteur de leurs attentes à toutes les deux.

Une chance pour elles, tout se passait exceptionnellement bien pour le moment. Mrs Waldman n'eut rien à redire sur sa façon de faire, et la bleue et bronze put donc passer à la suite, le visage légèrement déformé par une extrême concentration. Bon, elle avait vraiment intérêt à ce que ces fichues épingles ne piquent pas le pauvre pré-adolescent... Melody se doutait que c'était une manière soit de lui manifester sa confiance, soit de lui mettre un léger coup de pression. Dans les deux cas, ça marchait, et elle faisait de son mieux pour ne pas se foirer.

Rien à signaler, elle réussissait à faire son travail plutôt efficacement, et elle se sentait rassurée de ne pas faire de faux pas... Au fil des minutes, elle se sentait même suffisamment à l'aise pour faire un peu la conversation avec le futur élève, lui demandant quelle maison il souhaiterait rejoindre, ce genre de chose... Melody ne voulait pas donner l'impression de trop en faire non plus, mais ça avait toujours été dans sa nature d'être un peu trop bavarde...

Ce n'était pas forcément un mal quand on était en contact avec des clients, mais elle savait quand même qu'il faudrait qu'elle sache la limite à ne pas franchir, qu'un client n'était pas un ami, ce genre de choses. Ceci dit, elle ne voyait pas le mal à bavarder un peu avec les clients si ça pouvait les aider à se mettre à l'aise.

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elissa n’a rien à redire sur la nature avenante et bavarde de la jeune stagiaire. Elle se voyait en elle, en vérité, elle qui toujours laissait le ressenti le plus agréable possible sur ses clients de tous âges. Sourire en permanence, écouter d’une oreille attentive, s’intéresser (ou, souvent, faire semblant) à la vie des clients et échanger avec eux sur divers sujets… Cela l’aidait un peu à combattre son ennui, à creuser pour trouver un peu d’intérêt dans son quotidien. Cela lui faisait imaginer ce que cela aurait été, dans un cadre politique, à faire la discussion avec des hommes et femmes cultivés, au jeu des langues de plombs et de vipère… Même si ce n’était pas vraiment comparable, en vérité. Tout cela sans franchir la limite de bienséance, entre professionnel et personnel. Pas difficile pour la sorcière qui ne confiait jamais rien ou presque sur elle, ou plutôt la vérité.

Si Melody s’entretient avec le garçonnet un peu nerveux –bel effort, pour une première- Melissa échange quelques mots avec la mère, tout en suivant attentivement les gestes de la rousse. Pas si mal, pour une première fois à s’essayer à la couture dans un cadre pareil, devant un public.

Elle la laisse prendre les mesures sans intervenir, puis se rapproche. « Bien vu. Nous devrions raccourcir la robe de quelques centimètres. » Elle sort de la boîte à couture de Melody la craie de tailleur pour marquer la hauteur à découper ou ourler, selon les cas. « Tu te sens capable de le faire ? Tu peux choisir de le marquer par épingle, ou craie. Je recommande cette dernière pour plus de précision, mais c’est un choix personnel. » propose-t-elle avec une voix douce et un sourire sympathique, pour ne pas faire penser à la jeune fille qu’elle intervenait parce qu’elle s’y prenait comme un pied. Il y avait beaucoup de monde, alors ce n’était peut-être pas idéal de la traîner déjà sur le terrain, mais c’était la seule manière d’apprendre, de le vivre. Et, déjà, la sorcière appréciait ce rôle éphémère de tutrice.

Ce qu’elle lui demandait n’était pas vraiment difficile, raccourcir était une tâche plutôt basique, mais elle voulait voir comment s’y prendrait-elle, si elle avait une bonne technique. Melody semblait passionnée, mais elle ignorait comment elle avait appris tout ce qu’elle savait.

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our le moment, c'était un sans-faute, et la bleue et bronze comptait bien faire tout ce qu'il fallait pour que ça reste le cas. Elle avait bien conscience qu'elle n'avait le droit qu'à une infime marge d'erreur. Bien sûr, ce ne serait pas un crime que de commettre un impair, mais la proverbiale fierté de Melody en prendrait un sacré coup, et c'était une chose qu'elle ne se sentait pas prête à accepter encore. La jeune femme avait besoin de faire ses preuves, de montrer qu'elle était capable. Elle estimait n'exceller que dans ce seul domaine, et elle ne voulait surtout pas qu'on lui donne tort. Si on devait lui faire comprendre que ce qu'elle avait considéré comme sa vocation n'était en fait qu'une lubie pour laquelle elle n'avait pas l'ombre du moindre talent... forcément, elle le vivrait plutôt mal.

Mais donc, pour l'instant, tout se passait bien, elle avait su prendre convenablement les mesures du garçon qui passait entre ses mains pas assez expertes. Elle se sentit rassurée en entendant la remarque de Mrs Waldman, même si elle savait qu'elle avait encore pas mal de chemin à faire. Ce n'était pas fini, loin de là, même, et sa patronne avait visiblement l'intention de lui donner des responsabilités supplémentaires. Elle était contente. Elle avait eu peur qu'on la cantonne à quelque tâche ingrate et qu'on ne lui offre pas de mettre la main à la pâte. Certes, ses échanges réguliers avec Melissa par courrier avaient tendu à prouver le contraire, mais on n'était jamais sûr de rien, après tout. Là, sur le terrain, tout en sachant qu'elle n'était pas indispensable (pas encore du moins), elle voyait en tout cas qu'elle était capable de faire ce qu'il fallait pour montrer qu'elle était compétente.

Melody hésita quand son interlocutrice lui proposa de raccourcir d'elle-même la robe. Elle était ravie de cette tâche, certes basique, mais qui tout de même était bien la preuve qu'on lui faisait un minimum confiance. La jeune femme considéra un instant la craie. Elle n'avait jamais utilisé cet ustensile, dès le début, elle avait fonctionné avec des épingles, mais si la première méthode était plus simple que la seconde... en même temps, mieux valait rester sur un terrain familier, pas vrai ? La jeune femme savait ce qu'elle faisait avec des épingles. Bon, dans un hochement de tête, elle s'empara des épingles et marqua le bas de la robe avec une extrême concentration afin de déterminer la taille adéquate. Se fiant à tout ce qu'elle avait appris, elle entreprit de raccourcir la robe. On pourrait bien tenter de la tirer de sa concentration à cette heure, ce serait peine perdue, elle était complètement focalisée sur sa tâche, et elle espérait être à la hauteur.

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elissa avait déjà formé son lot de couturières au fil des ans, étant l'une des plus expérimentée de la boutique. C'était quelque chose qu'elle appréciait, transmettre un savoir, avoir l'impression d'avoir des responsabilités, un défi à relever... Mais ce n''était pas aussi excitant que cela. Ca ne restait que de la couture, un loisir devenu métier, un loisir qui commençait à la rendre folle. Le seul avantage était que quand elle cousait, elle ne pensait plus à rien d'autre que le fil, l'aiguille et le bout de tissus sous ses doigts, le processus de création prenait toute son attention et l'empêchait de se perdre dans des pensées inutiles.

Melissa n'interviendrait qu'en dernier recours, si elle voyait que Melody faisait une erreur et qu'il fallait la rattraper. L'objectif de ce stage était de tester de quoi elle était capable, puis de la pousser à s'améliorer le plus possible dans le court temps qui leur était imparti. Melissa espérait sincèrement que la jeune fille puisse réussir, vivre de sa passion... Et puis elle doutait de plus en plus de rester éternellement chez Madame Guipure. Alors si elle pouvait s'assurer qu'une future employée motivée et digne de confiance vienne...

Melody choisit la méthode des épingles, sans doute plus familière avec celle-ci que la craie. Melissa note pour plus tard qu'elle tenterait de lui enseigner la technique dès qu'elle aurait le temps. Pour le moment, la rouquine se débrouille bien, et Melissa la suit tranquillement sans la gêner... Jusqu'à ce que la raccourcissement soit terminé. Sans un mot elle s'approche pour vérifier le travail de près. Plus que correct.

« Bon travail pour un début, Melody. » Elle offre un sourire chaleureux au petit garçon : « Cela te va comme un gant. Ma jeune collègue va s'occuper de finir ton set de capes avant qu'on ne vous laisse continuer vos achats pour la rentrée. » Elle se tourne vers une Melody sans doute surprise : « Si tu as la moindre question ou problème, vient me voir. Je sais que tu peux te débrouiller toute seule pour ce client, nous verrons quoi te faire faire quand ce sera fini. » Elle pose une main rassurante sur l'épaule de l'adolescente, se reconnaît un peu en elle, ce désir de bien faire, de ne pas faire d'erreur.

« Bienvenue chez Madame Guipure. » Le test était fini, pour le moment. Après un dernier regard rassurant, Melissa va s'occuper d'autres clients. Elle allait bien sur garder un œil sur la stagiaire mais de loin pour le moment, et elle serait là pour sa première erreur car, il y en aurait, il y en avait toujours au début, et c'était bien pour cela qu'elle était là pour apprendre et, avec un peu de chance, se réserver une place comme future employée.

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