I

l avait ouvert les yeux bien avant qu'aucun de ses camarades ne songe même à s'extirper du sommeil. Dormir était du temps gâché, et les priorités de l'Héritier l'invitaient au moins de paresse possible. Il n'avait guère prêté attention à ces premiers mouvements, quand ses camarades commençaient à s'agiter. Pour sa part, il était déjà fin prêt et habillé. Ce fut bien avant les autres, d'ailleurs, qu'il quitta la salle commune des verts et argent pour se diriger vers la grande salle pour le traditionnel petit déjeuner. Aucun sentiment de faim, en ce qui le concernait, et moins l'envie encore de se plier à cette ennuyeuse convention sociale, mais il savait pertinemment que tant qu'il se trouverait entre les murs de cette église, il n'aurait pas d'autres choix que de se plier à ces civilités de pacotille, pour mieux les exploiter en sa faveur. Il avait donc rejoint la table des serpentards, non sans choisir des plus consciencieusement décidé de sa place avant que de s'installer.

Il ne choisit pas sa place au hasard, en effet, elle était étudiée. Puisque la plupart de ses sbires n'étaient pas encore présents, et qu'il n'avait tout de même pas besoin de s'embarrasser de leur présence quand il avait l'occasion de ne pas les avoir dans les pattes, et qu'Ahélie était seule (sans aucun doute parce qu'elle l'avait voulu, s'il en croyait ces traits de caractère - par certains aspects assez similaires aux siens, en fin de compte - qu'il avait pu discerner chez elle, puisqu'il l'observait depuis un moment déjà), il alla s'installer auprès d'elle. Il ne savait pas s'il allait perdre ou non son temps avec elle, il lui manquait très certainement ce facteur de soumission qui lui permettrait d'accepter de prendre les ordres plutôt que de les donner, mais il tentait le coup malgré tout. Ce serait toujours plus productif que de se contenter de siroter son jus de citrouille en solitaire. Il pensait vraiment que cette jeune femme possédait un fort potentiel et il comptait bien l'exploiter. De son propre gré si c'était possible, contre son gré si elle ne se laissait pas faire. Pour l'heure, il se contenterait de tâter le terrain, et tant pis si sa compagnie déplaisait. Il lui fallait plus que ça pour le dissuader. Et ce fut donc l'air de rien qu'il s'était installé comme l'élève lambda qu'il n'était pas, commençant à se préparer son petit déjeuner.

-Bonjour. Comment vas-tu ?

Une entrée en matière pour le moins classique, mais après tout, il ne pouvait clairement pas démarrer en exposant immédiatement ses intentions. Autant utiliser les prémices d'une discussion tout à fait normale. La suite le serait certainement moins. Du moins s'il voyait les choses aller dans son sens. On est jamais à l'abri d'une surprise. Si les choses n'abondaient pas dans sa direction, cette discussion pouvait tout aussi bien demeurer un peu trop banale. Il espérait que non. Il avait de bien plus grand dessein pour lui. Un bien plus grand destin à tisser pour elle.

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T

om n'avait rien contre l'arrogance, bien au contraire, d'autant que lui même n'était pas franchement en reste pour ce qui était d'en éprouver (comme quoi, il pouvait éprouvait certaines choses, mais seulement si elle faisait gonfler son égo). L'orgueil d'Ahélie n'était pas déplaisant à observer, il faisait même partie de ce qui avait invité l'Héritier à s'intéresser à elle en premier lieu et à l'envisager comme une potentielle. Mais c'était une chose que d'être arrogant, c'en était une autre que de savoir exploiter cette arrogance à bon escient. Ahélie flagornait, suffisante, et manifestement, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds, c'était tout à son honneur, mais la fierté manifeste ne vaut pas celle que l'on dissimule, et c'était une chose que la vert et argent ferait bien de prendre en considération. Des conversations auxquelles il n'avait pas eu envie d'assister, Tom en avait subi plus qu'à son tour, pour les apparences, et parce qu'il n'est pas la moindre situation dont on ne puisse tirer profit. Et quelque part, ce que Tom avait l'impression d'observer en quelques fractions de secondes, c'était un potentiel gâché, dommage... Peut-être parviendrait-il à la recadrer ? C'était tout à fait faisable (mais notons que Tom Jedusor, dans toute sa prétention, se croyait toujours capable de tout, même quand c'était loin d'être le coup), mais il n'était pas certain de voloir déployer tant d'énergie pour une recrue qui n'était pas certaine. Après tout, ses rangs grossissaient de jour en jour, il avait désormais les neo-grindelwaldiens sous ses ordres. Elle ne lui était pas indispensable. Elle représentait, à la limite, plus un défi qu'autre chose. Et il n'avait, dernièrement, avec toutes les obligations qu'il s'imposait, qu'un temps limité pour les défi.

Quand la jeune femme quitta la table des verts et argent, affirmant qu'il cherchait forcément à lui parler à dessein, Tom ne fit rien pour la retenir. Certes, c'était effectivement avec une idée derrière la tête qu'il était venu à la rencontre de la jeune femme, mais il ne comptait pas un seul instant appuyer ce postulat, préférant conserver ces airs d'innocence qui étaient l'exact opposé de sa personnalité. Il ne courut pas à sa suite, pourquoi l'aurait-il fait. Pour soutenir le fait qu'il voulait se contenter de bavarder avec elle, qu'y aurait-il eu de plus suspect que de commencer à la suivre ? Certes, il lui imaginait de réelles capacités et un fort potentiel, il ne renonçait pas à l'idée de la voir rejoindre les Chevaliers un jour, envers ou contre son gré, d'ailleurs, mais ce n'était clairement pas en la harcelant qu'il parviendrait à quoi que ce soit. Par ailleurs, ça ne faisait en rien partie de ses méthodes. Il se contenta donc de la laisser s'en aller, lui adressant un "à bientôt" des plus aimables avant de récupérer son jus de citrouille et d'en avaler une gorgée. Il pensait passer à autre chose, tout simplement, mais c'est alors qu'il entendit la voix d'une élève résonner dans la grande salle, indignée. Ahélie venait de bousculer l'une de ses camarades, Tom tourna les yeux vers elles, considéra la situation du regard. Il avait une obligation en plus d'un prétexte, il se leva.

-Pas de dispute dans l'enceinte de l'école. remarqua-t-il très posément en brandissant son insigne de préfet en chef.

Après tout, c'était son devoir que de rétablir l'ordre.

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C

es rixes estudiantines étaient quelque chose de parfaitement lassant à observer. Bienheureux ceux qui avaient du temps à y perdre, mais l'Héritier de Serpentard avait sérieusement tendance à penser que ces absurdes combats de coqs (ou de poules, en l'occurrence) n'avaient rien de bien élégants. Il y avait mieux à faire de son temps, de sa salive et de son énergie que de prendre la moindre occasion pour prétexte à de quelconques joutes verbales, qui ne faisaient pas vraiment sens. Veiller à son territoire, imposer son autorité ? Ce n'était pas en haussant le ton que l'on y parvenait. Contourner le tout avec calme et dextérité, préférer la manipulation discrète aux actions trop frontales, le civisme de paille à l'agressivité directe et inélégante, c'était ainsi que Tom Jedusor préférait procéder. Ahélie semblait également dans cette veine, même si son comportement de tantôt laissait supposer qu'elle favorisait parfois l'agressivité à la subtilité... À chacun son tempérament, cela étant. Tant que Tom pouvait mettre celui de l'adolescente à son service, peu importait qu'il ne se calque pas entièrement sur le sien. Au contraire, même, il était nettement préférable qu'il ne se calque pas sur le sien. Après s'être assuré que l'altercation était bel et bien terminée, et sans adresser le moindre véritable intérêt à la jeune fille qui semblait désespérément rechercher son attention et qui vint s'installer à sa table auprès de ses camarades, il laissa son regard tomber à nouveau sur Ahélie, qui s'adressa une fois de plus à lui pour lui demander ce qu'il attendait d'elle. C'était une manie ou bien ? Fallait-il forcément qu'il lui veuille quelque chose ? Il s'était contenté de s'asseoir à côté d'elle, cela devait-il signifier quoi que ce soit ? Visiblement, la jeune femme s'accordait beaucoup d'importance... Et en même temps, elle avait raison, bien sûr, l'Héritier avait effectivement quelque chose en tête.

-Je n'ai rien à ajouter. Il ne se décala pourtant pas, laissant son regard ancré dans celui de son interlocutrice. Bien que tu sembles y tenir. Il marqua une légère pause. Tu as vraiment l'air de croire que j'attends quelque chose de toi, que j'ai quelque chose à te dire. Il ne donnait l'air ni de quelqu'un qui avait effectivement quelque chose à dire, ni de celui qui n'avait pas le moindre mot à prononcer. À vrai dire, tout dépendrait de la réponse de la vert et argent. Il n'attendait pas absolument après sa réponse, elle était juste un potentiel qui, si elle ne se reconnaissait pas en tant que tel, serait véritablement gâché, mais cela n'avait rien de grave en soi. Ses rangs grossissaient à vue d'oeil, à elle de saisir l'opportunité de prendre le train en marche ou de rester sur le bord de la route. Je serais curieux de savoir quoi, exactement.

À dire vrai, il se demandait effectivement ce qu'elle s'imaginait. Il n'avait rien fait de véritablement équivoque. Il lui avait adressé la parole, certes, mais ces règles de civisme qu'il s'obligeait à respecter afin de sauver les apparences l'y obligeaient plus qu'à son tour, envers et contre ses intentions, parfois, alors quoi ?

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