Depuis déjà plusieurs jours Morticia était au plus bas. C'était reparti. Cet hôpital, ces médecins, les autres malades. Des vrais ceux-là. Des gens complètement fous, ils n'étaient pas là pour rien. Mais elle... pourquoi était-elle ici elle? Elle ne savait pas, elle leur en voulait, c'est tout. De toute façon elle les détestait tous. Les blouses blanches, ils interprétaient toujours. Il fallait que ça leur rapporte. Alors tout le monde était malade pour eux. Elle aussi. Pourtant elle ne l'était pas. Morticia allait très bien. Elle était peut-être un peu brusque, mais elle n'était pas folle. Certainement pas. Elle avait toute sa tête. Morticia savait très bien ce qui se passait ici. Elle savait que si elle lâchait, elle perdrait vraiment la raison. C'était leurs médicaments. Ils rendaient le plus lucide des hommes complètement barge. Alors elle, qui avait déjà suivit leurs traitement affreux, elle savait qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Et il était hors de question que ça recommence. Alors pour le moment, elle luttait encore. Elle voulait rester Morticia, celle qu'elle avait choisi de devenir, celle qui ne leur plaisait visiblement pas. Mais tant pis. Elle avait le droit de choisir. Ici, personne n'avait plus aucun droit.

Cet hôpital, il était tellement particulier. Une prison qu'on lui faisait croire être une aide. Mais elle le voyait. Elle ne supportait plus les accès de folie de ses soit disant camarades. Eux étaient vraiment malades. Ils étaient déjà dans des états assez avancés. À côté d'eux, Morticia se sentait la plus logique et lucide des femmes. Pourtant, même si elle cachait leurs médicaments, elle était souvent sous tranquillisants. Mais même avec ça elle restait plus normale qu'eux. Elle ne comprenait pas qu'on puisse la comparer à eux. C'était insensé et vraiment abusif. Il lui en voulaient, elle le savait. Elle ignorait ce qu'elle leur avait fait, mais ils s'acharnaient, la surveillaient. Même elle se rendait compte que cette histoire la rendait un peu parano. Mais ici, elle avait sans doute raison. Ce n'était pas un environnement normal. Ici, c'était un hôpital. Tout devait être contrôlé par le personnel, ils ne devaient pas se laisser dépasser. Alors dès que quelque chose n'allait pas dans leur sens, ils agissaient. Injustice. Elle ne leur demandait rien à eux. Elle voulait rentrer chez elle. Morticia voulait qu'on la laisse tranquille, qu'on la laisse retourner dehors, qu'on la laisse retrouver ses serpents. Elle avait peur pour eux aussi. C'était idiot, avec tout ce qui lui tombait dessus quand même, elle pensait à ses serpents. Mais en même temps, eux, ils restaient avec elle. Eux ils ne lui disaient pas qu'elle était folle. Et eux, ils étaient fidèles.

Une fois encore, on avait décidé qu'elle avait trop fait de bêtises. Morticia était allé dans le jardin avec d'autres. Il y avait là une femme qui avait toujours la conviction qu'elle avait encore sept ou huit ans. Et allez savoir pourquoi, mais Morticia ne l'avait pas supporté. Elle adorait Aiden qui était pourtant dans le même cas. Son petit Aiden, c'était très différent. Quand cette fille était venue vers elle et lui avait demandé un câlin, Morty l'avait tout sauf gentiment envoyer bouler. Elle ne voulait pas d'elle, elle ne voulait pas qu'elle la touche. Et puisque son comportement avait été jugé non amical et déplacé, ils lui avaient fait prendre de nouveaux sédatifs. Morty avait donc décidé ensuite de se replier dans leur salon commun. Il y avait des fauteuils, des livres, des jeux, et des fous à n'en plus finir. Elle se posa dans un coin, pouvant à peine marcher de toute façon. Elle les détestait. Elle fulminait. Un jour, elle leur collerait la main dans la figure. Et ils ne comprendraient même pas. Elle était donc dans son coin, quand elle entendit son nom. Elle ne l'avait entendu comme ça qu'une seule fois depuis qu'elle était là. Une seule fois. Et c'était quand Anna était venue la voir. Morticia tourna la tête, très curieuse de savoir qui c'était. Anna avait dit qu'elle reviendrait. Elle était gentille Anna. Morticia l'aimait bien. Elle avait l'air d'être de son côté. Mais la jeune femme fut plus que surprise de voir que ce n'était pas Anna, mais Flynn Bennet.

Ils étaient venu jusqu'à l'école. Ils étaient venu jusqu'à sa salle de cours. Ces gens n'avaient aucune limite. Au fond, peu importait où elle était à ce moment-là, ils auraient fini par l'avoir de toute façon. Un parent d'élève qu'ils avaient dit. Un parent d'élèves se serait plaint de son comportement. Du coup ils avaient ouvert les vieux dossiers que ses parents avaient fait fermer. C'était injuste. Si jamais elle venait à apprendre qui c'était, si elle savait qui s'était plaint de la sorte, pour le coup elle pourrait passer pour une folle, oui. Elle donnerait à cette personne une bonne raison de se plaindre. Ce n'était pas normal, que n'importe qui puisse ainsi faire rouvrir ce genre de dossiers. Tout comme il n'était pas normal que l'on en vienne à se dire qu'elle avait encore sa place dans un endroit pareil. C'était fini, la vie de Morticia était finie. Comment elle pourrait encore rebondir maintenant? Si jamais elle arrivait à sortir, comment elle ferait? Elle doutait fortement que le directeur l'accepte encore en cours maintenant. Même si il n'était clairement pas capable de prendre de vraies décisions, là on l'avait presque prise à sa place. Quelle tristesse. Même Erwan ne voudrait plus la voir. En revenant ici, elle devenait un danger pour son frère. Encore un emploi qu'elle n'aurait plus une seule chance d'exercer dans l'éventualité qu'elle sorte. Dans sa situation, sa seule chance c'était de chercher un truc dans l'allée des embrumes... mais il n'y avait pas que le travail auquel elle pensait. À force elle s'était lié avec quelques personnes. Elle avait vraiment tissé des liens avec d'autres êtres humains. C'était tout de même incroyable venant d'elle. Mais là, c'était sans doute fini... bon, Anna était venue la voir, c'était déjà bien. Mais entre ce qu'elle disait et ce qu'elle pensait vraiment, peut-être que la différence était devenue trop importante. Elle pouvait aussi bien être venue pour se donner bonne conscience. Peut-être qu'elle ne viendrait plus. Morticia ne savait pas vraiment quoi en penser. Elle n'était pas bien ici, voilà tout. Mais elle était partie pour y rester un moment pourtant. Il fallait le reconnaître aussi. Elle espérait sortir, mais certains étaient là depuis tellement longtemps. Et un certain nombre de patients de ce service avaient fini leur vie ici aussi. Pourquoi pas elle? Sa seule chance, c'était de prouver qu'elle était saine d'esprit. Mais ça, elle ne pouvait pas le faire seule. Le jour de son arrivé, elle avait donné des noms. Elle les avait dit comme ça, sur le coup, en pleine panique, parce qu'elle avait pensé à deux personnes. Les seules qui jusqu'ici semblaient la croire. Les seules qui pourraient peut-être l'aider. La première avait été Anna. Parce que Morticia avait l'impression que l'ukrainienne avait compris ce problème. La seconde personne avait été Flynn. Morty ne savait pas vraiment pourquoi, mais il lui était venu à l'esprit tout de suite. Elle avait pensé à lui parce que lorsqu'ils étaient à l'école, il avait compris qui elle était, il savait qu'elle n'était pas folle et qu'elle cherchait à bien faire. À l'époque c'était tout ce qui comptait. Il fallait bien faire pour ses parents. Et puis ils s'étaient revu il y a pas longtemps. Morticia n'avait rien osé dire, elle s'était sentie mal. Mais elle pensait qu'il comprendraient. Seulement maintenant c'était trop tard. Elle était ici, et lui était dehors.

Voilà comment Morticia se retrouvait une fois de plus sous sédatif, dans son fauteuil de la salle commune. Voilà comment elle se retrouver encore à ruminer et à penser (comme elle le pouvait) seule dans son coin. Voilà comment et surtout pourquoi Morticia s'était retrouvée si surprise d'entendre son nom derrière elle. Alors elle s'était retourné. Et là, nouvelle surprise. Flynn, Flynn Bennet était venu la voir, jusqu'ici. Elle ne savait même pas comment il était au courant. Elle ne pouvait pas écrire, elle n'avait pas encore "gagné ce droit". Alors de le voir là, ici, accroupis devant elle, cela faisait drôle...

-Qu’est-ce qu’il t’arrive Morty ?

C'était pourtant bien simple. Morticia était considérée folle, droguée, et malheureuse. Mais tout ça, il ne pouvait pas le savoir. Enfin, presque pas. Parce que normalement, le premier il pouvait le deviner au service. Le second il pouvait le deviner à son regard vitreux. Mais le troisième... et bien le troisième il pouvait le deviner aux larmes qui étaient venues toutes seules. Entre le moment où elle avait commencé à penser quoi lui répondre, elles étaient venues avant. Les nerfs, quand ça vous lâche, c'est pas toujours beau. Et puis, il ne faut pas oublier qu'elle était légèrement droguée... Morticia fondit en larmes en tendant les bras vers son ami. Elle enfoui son visage dans son cou. Elle avait un peu honte d'en arriver là. Et elle avait honte de ne pas lui avoir parlé plus tôt...

-Pardon Flynn, j'aurais du te parler avant...

Morticia n'était pas bien ici. Tout ceux qui savaient encore se servir de leurs oreilles le savaient. Elle l'avait assez dit. Elle le criait sans arrêt, qu'elle n'avait rien à faire ici et qu'elle voulait rentrer chez elle. Elle était claire pourtant, pas d'ambiguïté quand à ce qu'elle disait. Seulement Morticia ne risquait pas d'être écoutée dans un endroit pareil. Autrement il ne resterait pas grand monde ici et surtout pas elle. Pourtant on l'avait sans doute écouté un tout petit peu puisqu'ils avaient envoyé une lettre à Flynn. Et lui, sauf en écoutant Morty, ils ne l'auraient pas relié à elle. Un jeune journaliste, veuf qui parvenait à peine à se remettre en route dans son travail, plus âgé qu'elle même. Comment faire le lien comme ça. Surtout qu'ils ne s'étaient revu qu'une fois il y a peu. Autrement c'était une vingtaine d'années qui les avaient séparé. Mais puisqu'ils lui avaient écrit, Morticia ne devait pas non plus totalement parler à un mur. C'était juste quand elle demandait quelque chose qu'elle parlait à un mur, autrement, tout ce qui pouvait la déranger ou qui n'avait pas d'importance capitale pour elle, là c'était noté très consciencieusement et rangé dans son dossier. Elle ne supportait pas ces prétendus médecins... vous en doutiez encore?

Flynn était donc venu, là, devant elle. Morticia ne savait même pas comment réagir. Elle ne s'était pas attendu à le voir ici. Quelque part, elle aurait peut-être préféré ne pas le voir ici. Quelle image elle donnait comme ça? Elle regardait dans le vide, elle pouvait à peine marcher, et réfléchir n'en parlons pas. La preuve, elle n'avait rien trouvé à dire avant de fondre en larmes. C'était quand même moyen pour l'image ça. Quand on retrouvait un bon ami comme Flynn, on ne lui pleurait pas dessus dès la deuxième entrevue. Normalement on ne faisait pas comme cela en tout cas. Mais là pas le choix. Les nerfs fragiles devaient forcément céder à un moment ou un autre. Ils avaient déjà été mal en point avec Anna, Flynn y passerait visiblement aussi.

-Me parler de quoi ?...

De tout. Tout ce qui s'était passé, tout ce qu'il avait raté, tout ce que Morticia ne voulait pas lui dire au début et qui aurait en partie expliqué la situation. Mais pour le moment, même si c'était un peu confus toutes ces idées qui lui passaient par la tête, une chose était sûre: elle n'avait pas été aussi bien depuis un certain temps. Quand Morticia s'était penchée vers lui, Flynn l'avait prise dans ses bras. Il ne s'était pas contenté de simplement fermer ses bras autour d'elle pour le principe. Il la serrait contre lui. Un geste particulièrement rassurant. C'était de l'affection ça, pas juste un petit geste comme ça en passant. Elle aussi le serra dans ses bras pourtant bien faibles. Cela lui faisait tellement de bien. Morticia se calma un peu avant de se redresser. Elle garda tout de même la main de Flynn dans la sienne, de peur qu'il s'en aille trop vite. Pourtant elle évita son regard. Elle n'était pas fière pour autant de lui raconter les grandes lignes de ce qui s'était passé.

-J'ai beaucoup changé depuis que tu es parti... pas toujours comme je voudrais, je l'avoue...

Quand Flynn avait quitté Poudlard, Morticia était une jeune fille qui se battait pour la reconnaissance des parents qu'elle avait encore. Alors que maintenant, elle se moquait de savoir ce que l'on pensait d'elle, n'en faisait qu'à sa tête, était tout le temps de mauvaise humeur, et n'avait plus de parents. Elle n'avait plus de famille, c'était fini, elle ne voulait plus en entendre parler non plus.

-Mes parents disaient que je n'étais pas normale alors après Poudlard ils m'ont mise ici. Au bout d'un moment ils m'ont fait sortir et m'ont renié parce que je ne faisais pas les choses bien.

C'était déjà plus difficile à dire. Ou disons encore plus difficile. Ce n'était pas quelque chose qu'elle disait. En fait, elle ne l'avait pas dit au directeur quand elle avait postulé. Le dossier était sensé avoir été fermé et plus ou moins caché pour que le nom Mathews reste sans tâches. Elle avait donc tenté sa chance.

-Je suis devenu prof parce que je savais pas quoi faire d'autre...

Morticia serait toujours aussi incapable de dire ce qu'elle pourrait faire aujourd'hui. C'était déjà une chance qu'elle ait été acceptée à Poudlard. Quand ils s'étaient vu Flynn l'avait presque admiré pour son travail, disant que c'était super et qu'il serait incapable d'en faire autant. Peut-être que maintenant il comprendrait pourquoi elle n'en avait pas été aussi fière que lui...

En ce moment, la communication avec Morticia c'était compliqué. Elle n'était pas du genre à parler déjà à la base. Et puis elle trouvait toujours moyen de mal interpréter ou de volontairement mal comprendre ce qu'on lui disait pour faire la tête... au mieux... mais alors comme en ce moment elle ne comprenait réellement pas toujours ce qu'on lui disait, c'était encore plus compliqué. Avec la dose de médicaments qu'on lui administrait, le cerveau avait un peu de mal à tourner parfois. Alors il y avait les moments où ils la faisaient bien délirer, et d'autres comme maintenant où elle tournait juste au ralenti. Morticia avait bien vu que c'était Flynn et comprenait ce qu'il lui disait. C'est simplement qu'elle était un peu lente. Parfois elle partait un peu à côté, mais elle revenait vite au sujet si on lui suggérait. Enfin elle essayait. Mais il est certain qu'à un moment ça deviendrait plus difficile. Elle n'était pas encore là depuis très longtemps. Elle vous dirait l'inverse bien sûr, mais elle ne pouvait pas être objective avec ça. Elle détestait tellement cet endroit.

Mais pour le moment ça allait encore. Flynn était là, ce qui était déjà quelque chose de bien. Morticia comptait déjà sur lui à l'école, elle était ravie de voir que c'était encore le cas aujourd'hui. C'était quelqu'un de bien Flynn, bien mieux qu'elle. Morticia lui faisait confiance. Assez pour lui raconter ce qui s'était passé. Elle n'avait pas osé le faire la dernière fois. Mais maintenant qu'ils étaient là... disons qu'elle n'était plus à ça près. Et puis Flynn ne la lâchait pas, il acceptait qu'elle avait besoin d'aide et voulait l'aider. C'était ce sont elle avait besoin. Et il acceptait de lui donner sans vraiment avoir du mal à le faire. Il lui témoignait de l'affection et ça faisait un bien fou. Plus tard elle lui dirait à quel point cela lui faisait du bien. Pour le moment ce n'était pas sa priorité. Elle voulait qu'il reste et répondre à ses questions. Elle lui devait au moins ça pour commencer.

-Tu es normale Morty d’accord, quoi qu’ils puissent le dire, tu l’es !

Morticia n'était pas particulièrement fière d'elle. Mais elle était plus qu'heureuse d'entendre quelqu'un aller dans son sens. C'était plus que rare, surtout en ce moment. Elle retourna un peu se blottir contre lui, juste pour le réconfort. Elle était vraiment contente qu'il soit là. Qu'il soit là et qu'il lui dise des choses comme ça surtout.

-Même si tu n’as pas choisi de devenir professeur, je suis sûr que tu es un très bon professeur.

Non, elle n'avait pas encore tout dit. Elle s'était arrêté en pensant que c'était suffisant. Mais bon, visiblement il ne la connaissait pas encore alors elle n'allait pas le laisser penser ça maintenant qu'il avait l'air de vraiment lui faire confiance. Alors elle s'était redressé.

-Pas vraiment non... En fait, ça faisait quelques temps qu'on menaçait de me renvoyer... Au moins maintenant ils peuvent trouver quelqu'un d'autre.

Elle avait l'air d'en rire mais au final, c'était pas franchement le cas. C'était un constat assez triste à faire au final, mais tant pis. Elle lui devait un minimum de sincérité malgré tout.

-Tu n’as pas ta place ici, il faut que tu sorte…

Qu'elle sorte? Bien sûr qu'elle devait sortir, mais ce n'était pas si simple. Et Morticia avait envie de ne pas en tenir compte. Ou en tout cas son cerveau ne voulait pas en tenir compte. Parce qu'elle s'était réveillé d'un coup. Ou en tout cas elle avait eu cette impression. Parce qu'elle ne pouvait pas passer au-dessus des médicaments.

-Oui, oui, toi tu vas me faire sortir! Ils vont t'écouter toi!