❛Chapitre 1 ▬ Le loup est dans la bergerie.❜

Ce matin là, Harry se réveilla très tôt. La nuit répandait encore sur le jardin son obscurité et ses mystères. Les coups frappés à la porte de la chambre retentirent à nouveau, le tirant cette fois-ci entièrement de sa léthargie. Il soupira. Depuis près d'un mois, Ginny avait décidé de se lever aux aurores tous les matins et même le weekend, soit disant parce que ça la rendait joyeuse de voir le lever du soleil. Malheureusement, ce spectacle qu'elle trouvait radieux ne suffisait pas à son bonheur, si bien que réveiller son époux lui était devenu vital. Encore une histoire de partage en couple obligatoire pour union parfaite et en harmonie avec son environnement, ou il ne savait quelle sottise que lui avait racontée Hermione. A cette heure-ci, Ron devait déjà être levé chez lui, trainé hors des draps par la même furie qui frappait à sa propre porte. Mais si elles les aimaient tant que ça, pourquoi fallait il qu'elle les torturent ? C'était à se demander ce qui pouvait bien passer dans l'esprit des femmes, toujours aussi incompréhensibles aux yeux d'Harry que lorsqu'il avait quinze ans. Têtues, maniaques, hystériques, et pour ne rien arranger, belles à en mourir. En vérité Ron et Harry pensaient qu'il n'y avait pas de créature plus dangereuse et cruelle qu'une femme, surtout si elle était aimante et douce. Ne dit-on pas qu'il ne faut jamais, au grand jamais, réveiller l'eau qui dort ? Dans ses rêves, Harry hurlait pour qu'on lui fiche la paix, fermait la porte à clé, demandait le divorce, cousait les lèvres à sa femme et l'attachait aux rails d'un chemin de fer. Dans la vraie vie, il se contenta de soupirer, de sortir de son lit, de prendre sa douche et de s'habiller. Ses années de jeune célibataire fier et libre lui semblaient déjà bien loin...

« Dépêche toi fainéant ! Tu vas tout louper !
- Ginny, tu viens de me faire brosser mes dents sous la douche, je peux pas faire plus rapide !
- La prochaine fois tu prendras ton café tout en t'habillant. Hermione dit qu'un bon mari doit être multitâches.
- Vous allez nous tuer... »

Comme à chaque fois qu'il lui disait cela, elle leva les yeux au ciel avec ce petit sourire cynique qu'il détestait, et s'en allait en faisant bien claquer ses chaussures sur le sol, sachant qu'il était migraineux le matin au saut du lit. C'est en grommelant qu'il sortit son calepin et un crayon pour ajouter " garce " et " sadique " à sa liste. Le lever du soleil ne dura qu'un bref instant, et comme d'habitude, ce réveil brutal et désordonné le mit de mauvaise humeur pour la journée, qui n'allait pas aller en s'améliorant. Les vrais problèmes se déclenchèrent au ministère, sur son lieu de travail. Chef du bureau des aurors, il dirigeait pour son plus grand désespoir la plus grande équipe de bras cassés jamais rassemblée dans une seule pièce. Neville, son ami d'école, était courageux mais sa maladresse était un handicap cuisant. Ron avait beau être son meilleur ami, il n'en restait pas moins un peu léger au niveau de la réflexion. Liven était un garçon ambitieux, peut être même trop, ce qui lui attirait souvent des soucis. Ted était de loin le seul qui tenait presque la route, loyal et acharné dans son travail, son seul défaut était ses fréquentations qui laissaient à désirer. Et quand on parle du diable, on en voit la queue, car l'indésirable en question vint - forcément puisque c'était une journée pourrie - rendre visite à l'équipe, en tant que nouveau Ministre de la Magie.

« Salut les filles, alors toujours sur l'enquête de l'année dernière ? Surtout vous pressez pas hein, les cellules adorent rester vide.
- Salut Dray, on se voit toujours ce soir ?
- Hum si tu n'emmène pas ton troupeau de ramollis du cerveau, je n'y vois pas d'inconvénient Teddy.
- Génial ! »

Draco Malfoy eu un sourire qu'Harry jugea comme presque obscène, et disparut dans l'agitation des couloirs du ministère. Bien qu'il ne savait pas encore quel était le but de cette manœuvre, le chef des aurors savait bien que Ted n'était pas une simple proie, c'était un appât qui lui était destiné...

❛Chapitre 2 ▬ Mélancolie, douce mélancolie.❜

La journée avait très mal commencée, avec le réveil brutal que Ginny lui avait infligé et la visite désagréable de Malfoy dans son bureau, mais là, Harry avait l'horrible impression qu'il n'était pas prêt de toucher le fond. Lui qui pensait qu'il ne pouvait pas lui arriver pire, il était bien loin de la vérité. Toute la matinée fut remplie de problèmes plus agaçants les uns que les autres, comme le vent par la fenêtre qui avait fait voler tous les papiers que l'équipe venait juste de finir de trier, ou encore le retard des avions de papier ( autrefois les messages au sein du ministère étaient envoyés par hiboux, mais ils faisaient trop de saletés ). Un fois de plus, Neville et Ron avaient laissé filé Peter Pettigrow, récemment évadé d'Azkaban grace à un complice extérieur à la prison, dont l'identité leur échappait encore. Tout allait de travers, tant et si bien que lorsque la pause déjeuner sonna, Harry se traîna à la cafétéria comme un zombie. Ses traits étaient tirés par la fatigue et le désespoir, sa peau était d'un très joli gris/vert et il ne cessait de soupirer en traînant les pieds, sans même s'en rendre compte. Beaucoup essayèrent de lancer des vannes pour le faire sourire, mais ils abandonnèrent bien vite en jugeant la mission impossible. Comment ce héros, ce joyeux jeune homme qui avait été le célèbre Harry Potter s'était il transformé en cet être mou et dépressif ? Lui qui s'était relevé des pires choses qui puissent arriver à un être humain avec la tête haute, courbait l'échine devant les petits aléas de la vie. Assit à une table isolée, il tournait sa fourchette dans sa purée de pomme de terre, l'air pensif et égaré. A l'opposé de la salle, le ministre de la magie le fixait intensément, cherchant de ses yeux gris l'étincelle qui brillait autrefois dans les yeux de son meilleur ennemi, mais rien n'y fit. Harry était comme mort.

En fin d'après-midi, notre héros observa Draco Malfoy entraîner main dans la main son filleul, sans réagir. A quoi bon s'opposer à cette liaison malsaine ? De toute façon Ted ne l'écouterait pas, il n'en ferait qu'à sa tête. Autant rester en retrait. Une fois de plus le grand blond s’étonna de cette absence de personnalité qui avait pourtant toujours été la base de ce qu'il appréciait chez Potter. Haussant les épaules, il s'éloigna, non sans soupirer une sorte de regret. Peu à peu le grand bureau des aurors se vida, et seul resta notre pauvre Harry, qui fixait le bois de son bureau dans l'espoir de pouvoir pleurer un peu, extérioriser son mal-être, en vain. Quand il s’aperçut enfin que la nuit était tombée depuis longtemps, il se leva de son fauteuil grinçant, et s'éloigna dans les couloirs. Dans le silence du ministère, ses chaussures claquèrent sinistrement. L'envie de rentrer au terrier et d'affronter les regards de sa femme et de ses meilleurs amis avait depuis un bon moment quitté son esprit, et c'est vers Godric's Hollow que ses pas le menèrent.

La maison dans laquelle il était né était restée telle que Voldemort l'avait laissée. Certains murs avaient été usés par le temps, dégradés par des mangemorts pendant leur cavale après la seconde guerre magique. Sur la porte, des inscriptions avaient été gravées grossièrement à l'aide de couteaux : " Fake " et " Mudblood " restaient les plus lisibles de toutes. Dans son état normal, Harry aurait surement serré les poings et effacé cela d'un coup de baguette, mais maintenant plus rien n'avait d'importance. Il entra, s'installa sur le vieux lit un peu moisit où ses parents avaient dormi, et tomba dans un sommeil sans rêves. Ce n'est qu'ici qu'il trouva enfin la paix dont il avait besoin pour renaître. Loin de tout...

❛Chapitre 3 ▬ Du poil de la bête.❜

Le soleil filtra à travers les fenêtres recouvertes d'une épaisse couche de crasse. Harry grommela et se retourna avant de se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Comment le soleil pouvait-il déjà être levé et lui pas ? Il y avait peu de chances que Ginny l'ai laissé dormir plus longtemps par pure compassion. Même les yeux grands ouverts, il fallu à l'auror un bon moment pour se souvenir de là où il se trouvait et quelle en était la raison. La culpabilité qu'il ressentit tout d'abord face au fait d'avoir découché sans prévenir sa femme s'évapora lorsqu'il se rendit compte qu'il était en forme. Cette bonne nuit de sommeil en solitaire l'avait partiellement requinqué. Bien que sa vie ne soit pas rose ses derniers temps, il distinguait comme une lumière au bout du tunnel et envisageait cette journée sous un angle nouveau. C'est en sifflotant qu'il se rendit chez Neville afin de prendre une douche. Son vieil ami lui prêta une tenue pour la journée et ils firent le trajet ensemble. Harry avait hésité un instant à passer par chez-lui plutôt que de le déranger, mais Neville était finalement très heureux d'avoir de la compagnie et la crise de Ginny pouvait bien attendre quelques heures de plus. Naturellement, la cadette de la fratrie Weasley n'attendit pas jusqu'au soir et c'est une beuglante qui informa Harry que ses affaires l'attendait devant la porte de leur foyer. L'idée d'être expulsé de chez-lui aurait peut-être dû le choquer voire le miner, mais il prit la nouvelle avec une incroyable sérénité. Certes il trouvait douloureux de se séparer de Ginny, mais c'était une douleur presque agréable, comme si on lui ôtait une épine du pied. Leur relation s’effritait depuis le premier jour et Harry tenait enfin l'occasion rêvée d'y mettre un terme. De façon définitive. Mieux valait qu'ils restent amis plutôt qu'ils ne s’entre-tuent. Surtout que l'auror n'avait aucun doute quand à l'inévitable victoire de sa femme à ce petit jeu. Lui n'avait pas le cuir assez solide ni la langue suffisamment acerbe pour tenir le rythme. Souvent, Harry avait songé que Ginny aurait pu faire une excellente élève de Serpentard. Neville le sortit de ses pensées lorsqu'ils arrivèrent au ministère. Malheureusement, Draco était déjà dans leur bureau, en train de chercher la petit bête.

« Non ça ne va pas. Tu réfléchis parfois, Liven ? Cette enquête était parfaite, mais tu es passé à côté de l'indice capital ! Tu m'expliques pourquoi je te paye ? »

Harry serra la machoire mais décida de ne pas se manifester. Étrangement, il partageait l'avis de son vieil ennemi. Liven était un garçon bourré de potentiel, vraiment, mais il ne se remettait pas assez en question et oubliait souvent des éléments essentiels. Bien que Draco ne soit pas très sympathique dans sa façon de s'exprimer, le message était clair et justifié. Lui n'avait pas le coeur à se montrer aussi sévère et pourtant c'était ce dont Liven avait terriblement besoin pour progresser. Ted leva la tête de sa paperasse et avisa Harry. Il était lisible dans ses yeux qu'il espérait voir son parrain intervenir. Cependant, ce dernier lui fit signe de se taire et de ne pas s'en mêler. Neville dépassa donc Harry et pénétra dans la pièce pour s’asseoir à son bureau, laissant le chef de la brigade debout dans l'ouverture de la porte. La voix de Draco s'échappait du bureau et emplissait les couloirs, faisant se tourner plusieurs têtes curieuses. Personne cependant se s'arrêta pour vérifier que tout allait bien. Par instinct de survie, peu de gens s'approchaient du ministre lorsqu'il entrait dans ce genre de crise de colère. Harry pensa avec étonnement qu'il ressemblait un peu à Ginny en cet instant, avec ses sourcils froncés et ses bras faisant de grands gestes comme des ailes d'albatros. Cela fit naître un demi sourire sur ses lèvres. Malheureusement c'est à cet instant que le grand blond choisit pour relever les yeux vers l'entrée.

« Un commentaire à faire Potter ? Je ne devrais pas avoir à faire le flic dans ton armée de mollusques ! Dis à tes hommes de faire le boulot pour lequel je les garde, sinon ils iront bosser aux archives. »

Harry fronça les sourcils et son visage se ferma. Son regard couleur émeraude lançait des éclairs. Que Draco fasse des remarques constructives et motive les troupes, ça ne l'embêtait pas, mais il n'aimait pas qu'on lui donne des ordres et qu'on le rabaisse en public. Fier gryffondor, il préférait tout simplement qu'on n’entache pas son amour-propre. C'est certainement pour cette raison qu'un déclic eu lieu dans son cerveau et qu'une digue céda dans ses nerfs pourtant d'acier.

« Tu ne fais pas le flic, tu fais la fouine, comme en quatrième année. C'est moi le chef de cette brigade, tu m'as engagé pour ça et je le fait bien. Si tu étais dans ton bureau au lieu de faire les cents pas dans le notre, les enquêtes avanceraient plus vite. Je vais donc devoir te demander de vider les lieux, avant que je ne te re-transforme en rongeur et t'offre une jolie roue pour hamster. »

Un silence de glace s'installa à la fin de sa tirade. Draco fixait Harry avec intensité. Tous les aurors présents retenaient leur souffle, conscients que la situation pourrait rapidement tourner à la catastrophe. Cependant rien ne se passa. Le ministre grogna et bouscula son adversaire en quittant la salle. Harry ne fit aucune remarque supplémentaire suite à cette petite provocation physique et se contenta de refermer la porte derrière lui. Tous ses amis le fixaient, éberlués. Il dû les gronder et leur ordonner de se remettre au travail pour que l'ambiance habituelle du bureau des aurors reprenne le dessus. Pendant ce temps, au bout du couloir, attendant l'ascenseur, Draco souriait. Enfin le lion montrait ses crocs de nouveau. Ces joutes verbales lui avait manquées plus qu'il ne le pensait. Même s'il ignorait ce qui avait redonné à Harry sa vigueur d'antan, il en était plus que ravi. Tout n'était donc pas désespéré.