Et encore un jour. Une jour aussi pourri que les autres. Un jour qui ne servait à rien. Quoi? Morticia?  Déprimée? Si peu. Et puis, ce n'était pas comme si c'était son genre. Quoi? Si? Oui, bon, peut-être un peu... beaucoup... bref, elle était un peu mal en ce moment. Mais bon, ce n'était pas nouveau non plus. Morticia n'était pas du genre à trouver ni même chercher les bons côtés de son existence. Elle était même persuadée qu'il  n'y en avait aucun. Et que tout ce qu'elle faisait en plus, tout ce temps qu'elle passait encore ici n'était qu'un vengeance contre tout ceux qui avaient pensé qu'elle n'arriverait à rien. Toute une réflexion totalement illogique qu'elle avait tendance à tenir lorsqu'elle se retrouvait ici. Morticia était une fois de plus dans un bar en train d'enchainer les consommations sans aucun véritable but si ce n'est une fois encore arriver à peine à rentrer en titubant sans savoir tenir une conversation. Mais pour le moment elle en était loin. Très loin. Elle avait commencé, c'est vrai, elle était un peu grisée. Sauf qu'elle était encore assez lucide pour entendre les éclats de voix derrière elle, pour parler avec le serveur quand il lui disait qu'elle devrait arrêter, même pour être déçue que cela n'aille pas assez vite.

C'était devenu un habitude ces derniers temps. Morticia savait qu'en vérité ce n'était pas une solution et que cela ne servait à rien. Mais c'était plus facile comme ça. Et de toute façon, tout le monde se moquait de savoir ce qu'elle faisait et choisissait. D'ailleurs, même si quelqu'un s'en préoccupait, elle ne changerait pas. Elle ne changerait jamais pour personne. Si elle devait changer, cela serait pour elle uniquement. Ce n'était pas encore prévu au programme tout ça. Elle n'avait pas envie de changer. Pourquoi l'aurait-elle fait? Une question qui était revenue assez souvent. À laquelle Morty n'avait toujours pas de réponse. Alors tant que cette réponse ne venait pas, elle continuerait à essayer d'ignorer ce qui se passait autour d'elle et de s'enfoncer un peu plus dans ce que les autres appelleraient une déprime. Morticia elle préférait appeler ça autrement. Ou plutôt refusait de l'appeler. Ce qui revenait un peu au même à ce niveau de la chose.

Morticia Mathews était donc encore une fois dans un bar à attendre de ne plus même être capable de commander autre chose. Comme très souvent elle était seule.ou du moins pas accompagnée. Parce qu'il y avait tout de même du monde ici. Et à une heure pareille, du monde qu'il ne faudrait peut-être pas croiser dans la rue. Mais ça, elle s'en moquait bien. Ce n'était pas non plus comme si elle cherchait les ennuis. Ça non plus ce n'était pas dans ses habitudes. Du tout.. quoi? Moi? Peu crédible? Mais où est donc passé la crédulité? Effectivement, cela faisait partie du jeu. On ne pouvait pas espérer rester là et se mettre minable sans prendre le moindre risque. Mais c'était ainsi et Morticia avait fait son choix. Elle sentit d'ailleurs quelqu'un arriver près d'elle. La jeune femme avait ce sentiment que cela la concernait. Elle ne leva pas les yeux vers la personne en question pour autant.

-Je ne suis pas d'humeur, pas la peine d'essayer quoi que ce soit.

Morticia savait qu'elle avait mauvaise réputation. Elle savait qu'on lui prêtait un certain nombre de défauts qu'elle n'avait pas malgré tout. Entre autres elle savait que ce qui revenait souvent était qu'elle devait être un vampire. Ou un truc du genre. C'était amusant. Distrayant parfois même. Mais tout à fait faux. Morticia n'avait aucune capacité magique particulière en plus. Elle était juste une sorcière avec un très mauvais caractère, deux ou trois vices et quelques autres défauts. Bref, pas une femme dont on cherchait la compagnie, voire même plutôt l'inverse. Ce qui ne la dérangeait pas du tout. Vraiment pas. Elle considérait même que c'était bien pratique. Personne n'était sans arrêt sur son dos, personne ne lui courrait après pour passer du temps avec elle, personne ne lui demandait rien et elle avait une paix royale. Mais elle n'avait pourtant pas pensé que ces rumeurs, ces bruits de couloir et ces ragots aient franchit les murs de l'école pour se propager jusque dans certains milieux peu recommandables.

Seulement c'était bien le cas. Et pas qu'un peu. Mais c'était logique tout de même. Les élèves devaient parler. Peut-être pas à leurs parents, autrement Morticia aurait déjà été inquiété. Ave des amis de ces élèves en revanche, pas grand chose à craindre mis à part qu'on entende parler d'elle. Ils n'oseraient rien face à elle. Donc finalement, ce n'était pas très étonnant qu'on sache à peu près quel genre de femme elle était. Ce qui généralement n'était pas très engageant. C'est pourquoi elle était plutôt tranquille en général... en général.
Ce soir-là, dans ce bar, elle n'allait pas être si tranquille qu'en général. Cela avait commencé quand cette personne était arrivée à côté d'elle. Morticia avait finit par remarquer qu'il s'agissait d'un homme. Un homme d'un certain âge. Un homme qu'elle n'aurait pas pensé voir ici en le croisant dans la rue. Le genre distingué, qu'on voit plus dans les soirées mondaines qu'autre chose. Mais non, ce soir il était là, à côté de Morticia, à lui vouloir on ne sait pas trop quoi. Et en fait, elle ne voulait pas le savoir non plus.

-J’ignore quelles intentions vous me prêtez mais soit, je vous promets d’être ignoblement correct.

C'est bien cela. À sa façon de s'exprimer Morticia comprenait qu'ils n'étaient pas du même monde. Ou disons qu'ils ne l'étaient plus. Lui, il avait l'air d'avoir de quoi vivre, le genre der personnes qui en imposent rapidement. Un peu comme la sœur d'Anna en fait. C'était le même genre de charisme. Ou du moins c'était ce que Morticia pensait. Mais cela ne voulait pas dire qu'elle appréciait plus sa compagnie. C'était peut-être même le contraire. Elle sourit un peu, parce qu'elle trouvait cette réponse amusante, avant de vider un nouveau verre.

-Si je vous paye votre prochain verre, m’accorderez-vous de passer un peu de temps en votre compagnie ?

Ah oui, là, tout de suite, il avait plus de chance de passer un peu de temps avec elle. Même si du coup elle ne savait pas plus ce qu'il lui voulait. Morticia n'était tout simplement que l'exact opposé de cet homme financièrement, elle ne pouvait pas cracher sur l'offre non plus. Et puis elle verrait bien ce qu'il lui voulait après tout. Elle se tourna vers lui, sans lui sourire pour autant, mais sans faire totalement la tête.

-Pourquoi pas. Si cela vous amuse.

Morticia n'était pas non plus totalement à son aise à côté de lui. Pas stressée ou impressionnée non plus, simplement moins à son aise que lorsqu'elle était seule. C'était normal, non? Oui, mais c'était dérangeant.

-Alors? Pourquoi tenez-vous tant à passer du temps avec moi?

En vérité, c'était surtout de la curiosité. Histoire de lancer la conversation, pas une réelle inquiétude.

En ce moment ce n'était pas la joie pour Morticia. Il y avait plusieurs raisons à cela. Plus ou moins bonnes, c'était certain. Mais le résultat était le même. Elle finissait par faire le tour des bars à des heures douteuses avec des personnes qui l'étaient souvent encore plus. Mais ça, finalement, c'était secondaire. Elle n'y faisait pas vraiment attention. Et une fois assez grisée par l'alcool, ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient dans ce bar, elle ne le voyait pas. Le directeur pourrait même venir danser la gigue en tutu qu'elle ne s'en rendrait pas compte.
Cet homme était définitivement particulier. Mais il savait comment s'y prendre avec Morticia pour qu'elle ne lui dise pas immédiatement d'aller voir ailleurs... de manière encore plus claire que ce qu'elle avait déjà fait. Il avait fait plus que commander un verre. Il avait pensé à carrément demander la bouteille. Elle commençait presque à l'apprécier. Presque, il ne fallait pas abuser. Il restait un vieil homme certainement riche et à la position confortable qu'elle ne connaissait pas du tout. Elle accepta pourtant de trinquer avec lui. Par simple correction. Il lui payait les consommation, c'était le minimum à faire.

-Eh bien. Vous me semblez charmante et désespérée, ce sont là deux qualités auxquelles je ne résiste pas.

Il lui fallut un moment pour comprendre qu'il plaisantait. Elle avait commencé par le croire et se voyait déjà lui donner une gifle assez monumentale avant d'aller finir sa soirée ailleurs. Mais elle finit par saisir le côté humoristique de la chose. Désespérée elle l'était certainement quelque part. Mais charmante par contre... elle n'était déjà pas charmante en temps normal, alors dans cet état, c'était encore moins vrai. Morticia était une vrai garce et ne changeait pas une fois quelques verres dans le nez.

-Je plaisante, bien sûr.

Oui enfin bon... elle ne voyait pas vraiment ce qu'il y avait de drôle à cette remarque mais si ça l'amusait lui pourquoi pas. Il disait ce qu'il voulait après tout. Tant qu'il ne lui demandait pas de vraiment participer à son délire...

-Pour tout vous dire, j'ai passé une très mauvaise journée, et traîner dans les bars pour s'oublier dans l'alcool est toujours mieux perçu lorsqu'on ne le fait pas seul.

Tout ça c'était une question de vision des choses en fait. Morticia se moquait bien de voir des gens dans des états plus minables qu'elle ou non. Savoir en plus si ils étaient seuls ou non c'était un peu inutile. En fait, la plupart des personnes qui venaient boire ici rencontraient une peine de cœur et étaient donc seuls, par définition.

-Si vous le dites...

Oui, effectivement, Morticia l'écoutait à peine à moitié. Qu'il lui paye ses verres et qu'il la laisse tranquille. Elle se moquait de ce qu'il en pensait surtout.

- Si vous me racontez vos soucis, je m'épancherais sur les miens.

Bah voyons. Si elle avait eut besoin d'un psy elle serait directement allé en voir un. Et elle ne voulait vraiment pas aller voir de psy. Non, elle ne les aimait pas, elle ne leur faisait pas confiance. Pas du tout même. Elle se contenta de ne rien dire.

-Ou sinon, on peut se contenter de regarder le mur en face de nous.

Morticia préférait largement cette proposition. C'était bien plus agréable. Elle n'avait pas vraiment envie de parler avec cet homme. Elle n'avait pas encore sourit depuis qu'il était près d'elle. Elle se contentait de boire, de supporter son discours et de faire la même tête que quand elle avait été seule.

-J'ai toujours trouvé ce mur magnifique.

Vous pensez bien que ce n'était pas vrai. C'était un mur comme les autres. Et elle ne le regardait même pas en fait. Elle avait le regard perdu dans le vide et s'en contentait très bien.

-Je m'appelle Dimitri, Dimitri Borodine.

Morticia pensait avoir mis fin à cette conversation. Elle poussa un soupir. Elle ne lui accorda pas un sourire de plus mais lui répondit tout de même pour être un minimum correcte.

-Morticia Mathews.

Elle verrait bien si cela lui suffirait ou non...

Morticia n'avait jamais été une femme très sympathique. Une petite fille charmante, oui, mais c'était il y a très longtemps. Vraiment très très très longtemps. Maintenant on pouvait facilement deviner à quel point elle était peu sympathique. Elle ne cherchait pas à l'être non plus. Elle trouverait cela stupide d'ailleurs. Depuis quand les gens étaient-ils toujours sympathiques les uns envers les autres? Cela n'arrivait pas. Déjà en général cela n'arrivait pas. Mais alors dans un bar, à une heure pareille, personne ne faisait attention à son voisin. Enfin, personne, sauf cet homme qui tenait visiblement à faire la conversation quoi qu'il arrive. Il était sorti de nul part, il lui avait proposé de payer ses consommations, et maintenant il voulait lui parler, en savoir plus sur elle. Dans l'idéal, Morty aurait continué à boire et à se taire, tout simplement. Mais visiblement cela ne convenait pas au monsieur...

-Morticia. C'est un charmant prénom...

Basse flatterie inutile. Elle pensait qu'il s'agissait d'un prénom plutôt peu commun dans le genre. Elle n'avait pas grand chose contre son prénom en fait. Par principe c'était ses parents qui l'avaient choisit alors elle ne pouvait pas non plus l'approuver totalement. Mais quoi qu'il en soit, la remarque qu'il avait faite était totalement inappropriée. Charmant. Morticia ce n'est pas charmant. C'est original, un peu flippant, étrange ou à la limite sympa. Mais pas charmant... elle se contenta pourtant de soupirer, préférant cela à réengager la conversation.

-Il me semble que votre nom m'est familier...

Super, il s'était renseigné en plus. Non, vraiment, plus le temps passait, plus Morticia se disait qu'il était bizarre et lourd ce type. Il payait, certes, mais quand même. Enfin, il est certain que tant qu'il payait Morticia serait plutôt docile. Jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus savoir si elle l'était ou non. Et à ce moment cela serait certainement plus à lui de l'arrêter qu'autre chose. Même si, en fait, il était probable qu'il en profite plus qu'autre chose. Il n'était pas des plus raisonnable et bien intentionné...

-Ne seriez-vous pas professeur de défense contre les forces du mal à Poudlard ?

Amusante cette question. En fait, il ne devait pas être venu la voir elle, dans ce bar, pour rien. Il devait déjà savoir qui elle était avant même de venir lui parler. Et c'était plutôt amusant. Elle ne lui en voulait pas. En fait, elle se demandait pourquoi il s'intéressait à elle. C'est donc sans détourner le regard de ce mur qu'elle devait connaître par cœur maintenant qu'elle lui répondit.

-Pourquoi? Mini Dimitri est venu vous dire que je l'avais traumatisé?

C'était une hypothèse comme une autre. Qu'il ait un enfant, voire une petit-enfant en cours avec elle était une explication possible. Et si jamais il connaissait l'un de ses élèves, il y avait encore deux possibilités. Soit il était à Serpentard, soit pas. Ce détail faisait sans doute toute la différence...

-Ne tournez pas autour du pot, je déteste ça...

L'ennui. C'était souvent ce qui prenait finalement Morticia lorsqu'elle était dans ce type de situations. À force, elle ne réfléchissait plus et ne ressentait qu'un simple ennui. Cela ne l'arrêtait pas. Elle s'arrêtait plus tard, quand elle ne se rendait même plus compte qu'elle s'ennuyait. Seulement voilà. Ce soir-là, visiblement, elle n'aurait même pas le loisir de s'ennuyer. Parce qu'il y avait cet homme à côté d'elle qui lui parlait et qui n'avait pas l'air de vouloir s'arrêter. Pourtant elle essayait. L'ignorer, lui dire ce qu'elle pensait, bref, elle essayait. Mais il était toujours là. Encore et toujours là. Et il continuait à vouloir entretenir la conversation. Il souriait même maintenant. C'était malin... mais qu'est-ce qu'il pouvait bien lui vouloir maintenant? Enfin, depuis le début en fait. Pourquoi était-il venu la voir elle? Morticia voyait plusieurs possibilités. La première était aussi celle qu'il avait décidé de donner en plaisantant. Peut-être qu'il avait effectivement choisit de venir vers elle parce qu'il la trouvait effectivement charmante et désespérée. Et qu'il avait un vague espoir que beaucoup d'autres avaient eut à cette heure-ci et dans ce bar. Mais peut-être aussi que c'était au professeur Mathews qu'il avait voulut parler, pour une raison ou une autre, mais qui de toute façon ne pouvait qu'être mauvaise pour elle. C'était toujours le cas de toute façon. Peut-être aussi qu'il avait en mémoire la jeune Morticia Mathews et qu'il connaissait bien ceux qui avaient été ses parents. Et dans ce cas elle n'aimerait pas franchement. Enfin, pour le moment, elle ne savait pas vraiment ce qu'il voulait...

-Un mini Dimitri... voilà une perspective terriblement effrayante.

Bon, il était donc probable qu'il ne veuille pas parler au professeur mais à la personne. Il était encore difficile de savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Mais au moins, elle n'aurait pas à supporter les commentaires d'un parent d'élève révolté de la savoir si sévère ou tout ce qu'on disait d'autre sur elle. Restait encore à savoir ce qu'il lui voulait.

-Je ne tourne pas autour du pot.

Cela restait à voir. Morticia n'était pas totalement idiote non plus. Certes, elle était déjà un peu dans le gaz. Et à force de vider les verres, c'était normal. Seulement là, elle arrivait encore à voir si jamais on se moquait d'elle. Cet homme à côté d'elle, il ne l'inspirait pas. Vraiment pas. La seule question était de savoir à quel point elle devait se méfier... Elle se contenta de soupirer pour le moment.

-Je n'ai pas eu besoin d'avoir un rejeton dans les pattes pour avoir vent de vos méthodes d'enseignement. Et croyez-le bien, je les ai trouvé tout simplement prodigieuse.

Avec ce qu'il venait de dire, Morticia ne pouvait que se sentir prise pour une poire. Et elle aurait raison, sans aucun doute. Alors vous me direz sans doute qu'elle pouvait être particulièrement paranoïaque... mais quand même! Il lui disait qu'il trouvait ses méthodes prodigieuses là. Alors que n'importe qui d'autre les trouvait discutables. Là c'était vraiment abuser. Soit il aimait juste de moquer d'elle et elle n'aimerait pas, soit il avait quelque chose d'autre en tête et il serait judicieux de le dire vite. Morticia se tourna vers lui, assez agacée à force...

-Bon, écoutez, c'est bien gentil tout ça mais je ne suis pas non idiote. Dites-moi directement ce que vous voulez pour me dire des conneries pareilles et qu'on en finisse.

Là, elle pouvait au moins dire qu'elle ne tournait pas autour du pot. C'était plutôt à ça qu'elle pensait en lui demandant de ne pas le faire. C'était ça qu'elle attendait de lui. Donc, elle espérait être assez claire cette fois.

-Au moins vous serez fixé. Et vous pourrez peut-être arrêter de me prendre pour une bille...

En règle générale, lorsque l’on se trouvait à une heure pareille dans un lieu pareil, il y avait de fortes chance que l’on se retrouve à être celui qui embête ou celui qui est embêté. Et en général, Morticia était les deux. Il n’était pas rare que l’on prenne le temps de s’intéresser à elle. Je veux dire par là qu’elle était encore jeune et pas franchement moche. Il n’était donc pas rare qu’elle insulte un peu tout le monde avant de partir. Il semblerait que ce soir-là ne fasse pas exception. Cet homme, ce Dimitri, il restait près d’elle, lui sortait des compliments absurdes et continuait à faire comme si tout était normal. Certaines personnes étaient faciles à flatter. Il était également très difficile d’attirer sa sympathie. Lorsqu’elle était plus jeune il suffisait de la croire, de l’encourager, des choses assez simples que ses parents ne faisaient pas toujours et qu’elle appréciait. Mais aujourd’hui, à moins d’être Aiden Fawcett, il n’était même pas la peine d’essayer obtenir quoi que ce soit de cette femme au caractère impossible. Alors cet homme d’au moins deux fois son âge n’avait pas vraiment sa chance. Surtout en la flattant de la sorte sans le penser une seule seconde. Ou si il le pensait, il devait être dérangé, ce qui était peut-être pire. Ou alors, comble de ce qui pourrait éventuellement arriver, il s’intéressait à elle par attirance, ce qui serait vraiment une mauvaise chose pour lui. Mais il y avait assez peu de chances heureusement. Autrement il aurait sans doute osé plus que de simples compliments… non?

-Vous avez un vocabulaire tout à fait charmant, absolument irrésistible.

Morticia détourna son regard en soupirant très largement. Il n’arrêterait donc pas si facilement le bougre… tant pis, si il était obstiné, elle aussi. Et elle non plus ne cèderait pas facilement. Qu’il continue à payer si cela l’amusait, il commandait déjà une nouvelle consommation. Mais la jeune femme ne comptait pas se laisser faire pour autant. Il n’aurait rien. Rien de plus que ce qu’elle voudrait bien lui accorder… autrement dit pas grand-chose. Tant pis, qu’il s’amuse, elle s’amuserait aussi au moment de partir en le laissant payer sans qu’il n’ait rien obtenu. Enfin, ça c’était l’idée de base. Encore fallait-il que tout se passe comme prévu… et que l’alcool ne lui monte pas trop à la tête non plus…

-De toute évidence, vous n'êtes ni habituée aux compliments, ni coutumière des actes désintéressés.

Morticia sourit à cette remarque. Un sourire amusé. Le charmeur visiblement chevronné qui était à ses côtés ne la connaissait visiblement pas assez bien. Elle était pessimiste. Irrémédiablement pessimiste. Alors les compliments et les actes désintéressés ne l’étaient jamais. Elle n’y prêtait aucune attention. Morticia n’était pas de ces femmes que l’on pouvait apprivoiser. Tout simplement parce qu’elle ne croyait en rien et n’avait plus aucun rêve, aucune illusion quant à son avenir.

-Aucun compliment n’est désintéressé, c’est pareil pour les actes. On attend toujours quelque chose de l’autre. Même cette conversation ne l’est pas. Vous attendez quelque chose de moi, même si vous me dites le contraire. Et moi je profite de ce mince plaisir de consommer sans compter…

Il est certain que si elle avait été raisonnable et avait payé elle-même ses consommations, Morticia serait peut-être déjà repartie, même si elle n’avait pas encore atteint un état assez pitoyable à son goût. Mais ce n’était pas parce qu’elle avait deux payes qu’elle ne devait plus faire attention, bien au contraire. Elle devait aussi penser qu’elle avait des animaux dont elle devait s’occuper, une maison pour laquelle il fallait payer. Et dans l’idéal, elle avait des réparations à faire dans cette maison. La porte d’entrée ne fermait même plus à clé… alors autant dire que si il payait, elle s’en contentait facilement. Il n’avait même pas l’air de s’en plaindre…

-Cessez donc de tourner en boucle comme un disque rayée, je vous ai déjà dit que je n'attendais rien de vous, si ce n'est de faire un brin de conversation

Après les compliments il essayait de la mettre en boule? C’était ça le plan? Douteux comme technique, surtout avec une femme comme elle. Qui d’ailleurs n’avait pas apprécié. Morty s’était tournée vers lui, visiblement vexée. Elle n’avait pas envie de lui parler, c’est tout. Alors elle retourna à son verre, le vida d’un coup et fit encore un peu plus la tête. Il l’agaçait, lui tapait sur le système, l’emmerdait, plus simplement.

-N'a-t-on donc pas le droit de trouver votre présence agréable et de vouloir bavarder avec vous ?

Non, il n’avait pas le droit. Elle n’avait pas envie elle alors non. C’était quand même dingue ça, qu’est-ce qu’il lui voulait à la fin. Lui sortir toutes ces bêtises ne l’aiderait pas, quoi qu’il cherche.

-Et bien à moins que vous ne soyez masochiste je doute sérieusement que ce soit le cas. Vous m’ennuyez, bavarder avec vous n’a visiblement aucun intérêt. Vous ne trouverez aucun égo à flatter avec moi et vous semblez trop long à le comprendre. Qui sait, c’est peut-être l’âge…

Si de toute façon il devait rester là, autant qu’elle s’y mette aussi. De toute façon il avait l’air de devoir rester là pour une raison encore totalement inconnue…

Morticia commençait à ne plus voir les choses clairement. Elle arrivait à ce stade où elle était un peu trop loin pour essayer de réfléchir vraiment. Ce qu'elle savait en tout cas, c'était que ce type l'emmerdait profondément. Déjà parce qu'elle ne trouvait aucun intérêt dans cette conversation. Mais aussi parce qu'il l'énervait à force. Il voulait quelque chose, il attendait quelque chose d'elle. Savoir quoi était encore autre chose visiblement. Il n'avait pas l'air très décidé à lui dire. Ce qui l'énervait encore plus. Et Morticia n'était pas une femme très patiente. Mais alors pas du tout. Alors forcément, elle avait un peu envie de savoir, ou alors de l'envoyer voir ailleurs. C'est pour cette raison qu'elle s'était permis de ne pas être aussi polie qu'avant... si on considère qu'elle avait été polie. Il n'avait pas envie de la lâcher, elle en avait marre, quelque chose allait bouger, c'était obligé.

-C'est vrai que je ne suis pas de toute première fraîcheur, mais j'ai des ressources.

Il est certain qu'il n'était plus tout jeune. Et Morticia préférait ne pas savoir ce qu'il voulait dire par "ressources". Il ne devait plus faire grand chose à son âge. Alors bon, qu'il continue à affirmer le contraire n'était peut-être pas une bonne nouvelle pour elle. Ou peut-être que cela n'avait strictement rien à voir. En fait, quand elle était dans cet état, Morticia arrêtait de réfléchir ou alors réfléchissait trop ce qui était gênant dans les deux cas.

-D'accord, je suis un vieux crouton et ma conversation vous fatigue. Désolé pour vous, je trouve la votre irrésistible, et je n'ai pas l'intention de vous laisser tranquille.

Bon bah au moins il était lucide cet homme, c'était déjà pas mal. Bon, au fond, si jamais il avait préféré se voir encore comme un beau jeune homme fringant, elle s'en moquait pas mal. C'était son problème. Mais déjà il admettait ne plus être digne de son intérêt par son physique.

-Maintenant... il ne tient qu'à vous de vous rendre ce moment plus supportable. Vous affirmez vous-même qu'il n'existe pas de conversations désintéressées -au passage, vous êtes bien plus jeune que moi mais beaucoup plus aigrie, si je puis me permettre - mettez votre belle théorie à disposition. Trouvez votre intérêt à cette conversation. Je suis à votre entière disposition.

À sa disposition? Vraiment? À quoi il s'attendait lui? Morticia ne voyait pas ce qu'elle pourrait bien attendre de lui. Bon, qu'il paye ses consommations, c'est sûr que c'était déjà bien. Mais à part ça, elle avait du mal à saisir. Alors pour s'amuser, pour s'occuper et le prendre au mot, Morticia avait eu une idée étrange. Une idée qu'elle n'aurait pas eu sobre. Mais elle n'était pas idiote et savait certaines choses sur les bars à une certaine heure. Alors elle fit mine d'être plus atteinte qu'elle ne l'était vraiment, ce qui commençait à faire quand même, et sourit à son interlocuteur. Prenant une position beaucoup plus avenante, toujours volontairement bien entendu, elle se décida à lui répondre en changeant d'attitude. Bah quoi? Il fallait bien qu'elle s'amuse aussi...

-Vraiment? À ma disposition?.. Et jusqu'où puis-je aller?..

Ce type était un chieur. Un emmerdeur de première.du genre à ne jamais laisser tomber, même si c'était la seule chose que vous attendiez de lui. Celui qui finira par vous rendre complètement chèvre. Si ce n'était pas déjà fait. Une sorte de Morticia masculin et plus vieux quoi. Du coup, forcément, ces deux-là qui se rencontraient c'était assez particulier. C'était assez logique. Morticia ne l'aimait pas. Il l'énervait. Mais elle aussi savait être chiante. Enfin, surtout, quand elle était dans son état normal. Ce qui n'était plus tout à fait le cas cette fois. Elle était un peu trop prise pas la boisson. Entre autres choses bien sûr. Pour le coup, il faudrait voir lequel des deux serait de lus rapidement lassé de l'affaire. Et ce n'était clairement pas gagné. Même si à force d'insister, ils tournaient probablement un peu en rond. Elle manquait cruellement de diversité cette conversation. Et puis en plus elle n'était pas amusant. Et encore moins sympathique. C'était du moins ce que Morticia pensait. Mais elle avait bien compris que ce n'était pas le cas de Dimitri qui avait l'air de s'amuser comme un petit fou.

Il avait ensuite fait une proposition surprenante à la jeune femme. Qu'elle trouve son intérêt à la conversation. Il était à sa disposition. Il ne devrait certainement pas la tenter à ce sujet. Elle risquait de vite le prendre au mot. Certes, pour le moment, elle ne savait pas encore ce qu'elle allait faire de cette invitation. Mais il savait ce qu'il attendait. Morticia lui avait tout de même ce qu'il voulait dire par là. On ne savait jamais, elle avait peut-être mal interprété.

-Vous êtes libre d'aller aussi loin que vous le désirez.

Vraiment? Morty en doutait sérieusement.  De toute façon, les invitations de ce genre où l'on ne posait vraiment aucune limite n'existait pas. Elle ne se le permettrait jamais en tout cas. Sans blague. Laisser librement des gens entrer dans sa vie comme ça, c'était soit parce que sa vie était vraiment nulle, soit parce qu'on mentait. Elle entendait bien savoir quelle était la bonne option. Elle ne savait pas comment, elle allait sans doute se lasser, mais elle y passerait le temps qu'il faudrait. De toute façon, il n'avait pas l'air d'être contre. En plus, si c'était lui qui payait les boissons...

-Je vous crois finalement, vous ne devez pas me connaître.

Autrement elle n'était pas sûre qu'il la laisse faire. Morticia passa entre lui et le bar, pour pouvoir sonder ses réaction. Elle se moquait totalement si elle était trop proche, si elle le mettait mal à l'aise, c'était même mieux en fait. Mais elle ne le connaissait pas non plus. Autrement elle n'aurait pas changé de place...

-Alors voilà ce que je vous propose. Vous voulez en savoir plus sur moi? D'accord. Mais moi aussi j'ai des questions. On va se les poser ces questions, chacun son tour. Seulement si vous m'avez laissé aller aussi loin que je veux, il est hors de question que vous alliez aussi loin. Je me laisse le droit de ne pas vous répondre. Et si jamais vous m'ennuyez de nouveau je m'en vais, tout simplement...

Morticia était taquine, parfois c'était vraiment pire qu'une enfant. Parce qu'un enfant c'était mignon, innocent, touchant... pas Morticia bien entendu. Non, Morticia été une femme adulte qui savait juste taper là où ça faisait mal à l'occasion. Ou alors être particulièrement agaçante quand on lui en laissait l'occasion. Et il semblerait que Dimitri lui laissait faire un peu tout ce qu'elle avait envie de faire. Tant mieux ceci dit. Si cela n'avait pas été le cas Morticia aurait été triste tout de même. Et elle serait partie directement au final. Là les choses devenaient un peu amusante. Enfin, dans un sens. Ce n'était pas non plus la grosse rigolade. Morty avait quelques verres dans le nez mais pas encore assez pour ça visiblement.

Morticia avait fait une proposition à son interlocuteur. Un jeu, en quelques sortes. De quoi arrêter de tourner autour du pot tout les deux, de quoi tomber d'accord une bonne fois pour toutes. Ou au moins faire comme si. Parce qu'elle ne répondrait peut-être pas en toute sincérité à chaque fois. Et elle se doutait qu'il choisirait également ses questions. C'était tellement prévisible...

-C'est un marché qui me semble tout à fait honnête, en effet.

Honnête tant qu'ils n'avaient pas commencé sans doute. Mais bon, ils verraient bien. Et puis si jamais il lui disait avoir toujours rêvé d'être danseuse étoile, au moins elle saurait qu'il mentait. Et cela serait vite fait de faire le tri. Certaines réponses pouvaient être plus ambiguës, mais bon, au pire, ils se seraient un peu amusé. Ou peut-être au moins diverti. Ou peut-être simplement occupé. Mais quoi qu'il en soit cela ne pouvait pas être totalement inutile... si?

-Aux dames d'abord. Je vous en prie, à vous de me poser une première question.

Galant? Bon et bien c'était toujours bon à savoir. Il avait tout de même une qualité finalement. Ou peut-être que c'était juste avec elle ça. Ce qui était possible aussi. Et Morticia ne chercherait pas particulièrement à creuser la question.

-Alors voyons voir...

Morticia réfléchit un peu. Elle avait quelques questions en tête, bien sûr, mais il fallait encore qu'elle se décide. Elle ne pouvait pas commencer par les plus importantes, autrement cela ne serait pas du jeu. Il fallait donc en trouver une un peu basique pour démarrer doucement. Autrement ce n'était même plus drôle. Morticia récupéra son verre qui s'était retrouvé derrière elle dans la manœuvre avant de revenir vers Dimitri.

-Vous vous considérez comme un homme à femmes?

Morty bu une nouvelle gorgée sans lâcher Dimitri du regard. Elle était curieuse de savoir ce qu'il allait répondre. Elle avait remarqué plus tôt certains signes et si il disait oui ce n'était pas étonnant. Mais surtout il y avait de fortes chances pour que ce soit vrai. Si il disait non elle aurait encore des doutes et trouverait une autre question.

Inutile de dire que Morticia était un peu éméchée. Un peu beaucoup à force. Et elle faisait des choses qu'elle ne ferait pas autrement. Enfin, si on considérait que le autrement c'était quand elle était sobre. Ce qui arrivait en fait de moins en moins souvent en ce moment. Mais ce n'était qu'une mauvaise passe, elle en était sûre. Moticia était juste un peu perdue en ce moment. Mais cela ne durerait pas. Et puis après tout, elle faisait ce qu'elle voulait. Pas besoin qu'on lui dicte sa conduite, sûrement pas. Elle détesterait ça. Donc du coup, puisqu'elle n'était pas dans son état normal, elle faisait des choses qu'elle ne ferait pas d'habitude. Comme de passer un tel marché avec un inconnu. Car oui, c'était un inconnu. Il lui avait donné un nom mais à part ça elle ne serait pas capable de dire grand chose. Si, il était sans enfants. Mais c'est tout. Pourtant elle acceptait de tout lui dire à condition qu'il le demande. C'était elle qui avait commencé ceci dit. Et elle pourrait vite voir si c'était un accord respecté ou non.

-Sans doute, oui

Ah, un Don Juan donc. Bon, un Don Juan de soixante-dix balais, mais quand même visiblement. Il le disait lui-même. Ouais, bah en tout cas c'était pas son genre. Mais bon, si d'autres étaient intéressées, elle leur laissait la place. Sans aucun regret.

-Bien que mes années de gloire soient derrière moi, croyez-le ou non, on me prend de plus en plus régulièrement pour un vieillard. Par ailleurs, rassurez vous, je choisis mes proies un peu moins jeunes.

Logique, il était un vieillard. Et un vrai. Un qui l'était tellement que cela se voyait de suite. Un qui ne pouvait nourrir aucune des envies de Morticia qu'elle n'avait pas de toute façon. Mais vraiment, beurk. Encore heureux qu'elle était encore trop jeune pour lui. Parce que lui était déjà bien trop vieux pour elle. Morticia ne chercha même pas à cacher une grimace qui lui était venue naturellement après cette remarque qu'il avait faite. Répugnant.

-Evitez ce genre de sous-entendus, s'il vous plait, c'est vraiment dérangeant...

Oui, tout cela était un peu trop particulier. Vraiment trop. Et elle n'aimait pas. Bref, cet homme et ses petites remarques, il allait faire un effort pour se les garder. Beurk, elle allait gerber...

-À mon tour, donc. Pourquoi l'enseignement ? Vous haïssez les gosses, je me trompe ?

Héhé, il voyait loin lui. Mais il voyait bien aussi. Effectivement, elle n'avait pas particulièrement choisi son métier, et elle n'était pas non plus fan des enfants. Si il avait compris ça tout seul, c'était presque gâcher ses questions.

-Ah, ça ça fait deux questions, alors moi aussi j'vais en poser deux, pas de raisons. Mais autrement, l'enseignement parce qu'à l'époque j'avais pas le choix et non, je n'aime pas les gosses.

Morticia regarda derrière elle si le bar ne s'était pas échappé entre temps et s'y appuya. C'était une précaution à prendre dans son état. On ne sait jamais. Les bars ça pouvait courir vite...

-Alors la première: Pourquoi vous êtes venu me voir en vrai? Et ensuite... vous avez quel âge au final?!