"P

eut-être qu'elle ira pas. Peut-être qu'elle va tenir parole." Ça faisait tout de même beaucoup de "peut-être" en bien peu de mots. En bref, ça n'invitait pas franchement Cenlyn à être plus convaincue. Oui, d'accord, peut-être que leur mère tiendrait parole. Elle n'était pas une menteuse de nature, et elle était une femme d'honneur, alors peut-être qu'elle respecterait sa promesse... mais il y avait des moments où il fallait contrevenir à sa propre nature, et elle était convaincu que ce moment-ci, cette période d'angoisse au cours de laquelle on craignait les actions futures des neo-grindelwaldiens, n'allait pas plaider en leur faveur. Veiller sur ses enfants, c'était une tâche honnorable, mais veiller sur le monde et s'assurer que le moins de personnes souffrent, c'était tout de même plus essentiel, quand on y réfléchissait bien. Au fond, c'était peut-être très égoïste de leur part de refuser qu'elle accomplisse ce qui était sans doute son devoir, mais ils aimaient leur mère, ils ne voulaient pas perdre un autre parent, pouvait-on vraiment les blâmer pour ça ? À la suggestion de son frère, en tous cas, la jaune et noir ne put s'empêcher de lui adresser un sourire un peu sceptique, qui ne le fut pas moins quand elle émit l'hypothèse qu'elle reviendrait toujours quoi qu'il en soit, puisque c'est ce qu'elle avait toujours fait. Oui, mais les risques étaient là quand même. Après tout, à Nouvel An, elle ne s'en était pas sortie sans dommages, loin de là.

-Papa aussi, on pensait qu'il reviendrait, comme toujours. constata-t-elle, amère.

Elle n'avait pas voulu être aussi sombre, ni même déprimer son frère, pour le peu de temps qu'elle passait avec lui, elle préférait que leur conversation soit agréable, innocente, et joviale. Mais il n'y avait personne d'autre avec qui elle puisse partager ce qu'elle pensait. Personne d'autre, en tous cas, qui puisse et sache la comprendre aussi bien que lui. Elle choisit de ne pas en rajouter tout de même, et quand Rhian proposa de détendre un peu l'atmosphère, elle le laissa faire. et son sourire se fit plus amusé. C'est vrai que Cenlyn avait un solide appétit. Elle mangeait plus que son compte et ne prenait pas un gramme, de quoi en exaspérer plus d'un. Mais en même temps, elle était encore en pleine croissance, il serait toujours temps pour la nature de la rappeler à l'ordre à un moment ou à un autre. Mais elle se dépensait pour la peine. Elle passait plus de temps au terrain de quidditch que n'importe qui d'autre, dans l'espoir de pouvoir intégrer l'équipe des Poufsouffle l'année suivante.

-T'es juste jaloux parce que t'as l'estomac d'un moineau. le taquina-t-elle innocemment.

C'est sûr que ce genre de conversations bien plus légères étaient davantage à son goût déjà. Comme quoi, il ne faudrait jamais grandir, et rester un enfant insouciant toute sa vie...

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C

enlyn et Rhian Potter étaient des enfants on ne peut plus surprenants, de ceux qui, quand on les rencontrait, pouvaient étonner par leur maturité incroyable, du haut de leurs onze années de vie et de leurs petites tailles... et en même, il leur suffisait d'un rien pour n'être en rien différents de tous les enfants de leurs âges. Ils avaient grandi plus vite qu'ils ne l'auraient voulu. C'est malheureusement l'effet qu'avait le deuil pour bien des enfants, mais ils n'en souhaitaient pas moins être comme tous ceux de leur âge. Rire d'un rien, savoir être naïfs et insouciants, accumuler les bêtises. Alors que Rhian entamait les hostilités d'une bataille de nourriture susceptible de prendre une grande ampleur, ils devenaient ni plus ni moins que des gosses. Immatures, oui, mais ça faisait un bien fou. Surtout après avoir abordé un sujet aussi grave. Passer du tout au tout, de la lourdeur à la légèreté, voilà qui lui faisait un bien fou.

Et si Cenlyn afficha une moue boudeuse et énervée, quand le plat de spaghettis lui atterrit en plein visage, lui recouvrant les cheveux, les fronts et les paupières de pâtes et de sauce tomate, elle était en vérité, plus amusée qu'autre chose. La jaune et noire n'était clairement pas le genre de personne à craindre de se salir, ou à s'offusquer de la moindre tache sur ses vêtements, elle qui finissait souvent, sa robe de sorcière couverte de boue, après un entraînement de Quidditch un peu trop musclé. Ceci dit, et pour la forme, Rhian devait effectivement s'attendre à de très sérieuses représailles... Au fond, il ne devait attendre que ça, de toute manière. Alors elle se leva à son tour de sa chaise, tandis que les elfes de maison s'agitaient en tout sens, face au désordre présent et celui à venir. Très franchement Cenlyn, elle, se moquait bien du travail donné aux elfes, ou encore de la nourriture qui allait être gâchée. Ce fut sans la moindre vergogne qu'elle plongea ses main dans un plat de choux à la crème pour les lancer un à un sur son jumeau, à un intervalle trop rapide pour qu'ils atteignent tous leur cible.

-En tous cas, je te préfère comme ça, plaisanta-t-elle en observant son visage désormais recouvert de crème fouetté.

Un large sourire lui mangea la moitié du visage, elle était heureuse, véritablement heureuse. Tout à coup, elle se sentait véritablement à sa place. Elle ne se souciait plus de problèmes plus gros qu'elle, elle était juste une gamine comme toutes les autres.

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S

i Cenlyn avait été plus soucieuse de son apparence ou d’une hygiène de vie perpétuelle, elle aurait sûrement accueilli l’étreinte de son frère avec un «beurk» fort à propos. Un mélange bolognaise, crème chantilly, on faisait plus apétissant, tout de même, et si son visage ressemblait désormais à celui de son frère, elle ne devait pas être belle à voir. Sauf qu’elle s’en moquait, en vrai. Elle se contentait d’un jeu certes un peu idiot, mais amusant, avec son frère. Et si c’était parfaitement puéril, elle l’assumait pleinement. C’était normal, d’être puéril. En fait, à leurs âges, cet adjectif ne voulait même rien dire du tout. Elle se contenta donc de rire de plus belle alors qu’elle cherchait son reflet dans une casserole fraîchement lavée. Effectivement, elle n’était pas bien belle à voir. Bah... elle s’en moquait, au fond. Elle en était à ces considérations quand son frère lui fit remarquer qu’il commençait à se faire tard. La jaune et noir jeta un oeil en direction de l’horloge accrochée aux murs des cuisines. Ah oui, en effet. Elle n’avait pas vu le temps passer. Elle poussa un léger soupir. Une punition de plus, après celle qu’ils venaient juste d’avoir, très peu pour elle. Oh elle aurait bien pris le risque, mais elle devinait sans mal que son frère préférait rejoindre son dortoir tant que le couvre-feu n’était dépassé que de peu... d’autant qu’il avait bien plus de chemin à faire pour rejoindre sa salle commune que sa jumelle. Cenlyn poussa un soupir déçu. Il allait vraiment falloir qu’ils fassent de ce genre de soirées une habitude, c’était essentiel. Elle aimait trop passer du temps avec son frère, plus qu’avec n’importe qui d’autre. Résignée, elle finit par répondre :

-T’as raison, on ferait mieux d’y aller, mais avant...

Elle sortit sa baguette magique de la poche de sa robe de sorcier et la pointa d’abord sur son frère, puis sur elle. Elle ne maîtrisait pas encore parfaitement son sortilège de nettoyage, il leur restait à tous les deux quelques tâches de ci de là, et les cheveux de Cenlyn sentaient très fortement la tomate et donnaient l’impression qu’elle était soudain devenue rousse, mais c’était quand même mieux que rien. Être repérés dans les couloirs à une heure indue, c’était une très mauvaise chose, mais si on les avait retrouvé dans l’état où ils étaient précédemment, ils auraient été aux devants de sérieux ennuis, l’on n’aurait pas mis longtemps à comprendre d’où ils venaient et ce qu’ils avaient fait. Elle lui accorda un sourire avant de l’inviter d’un geste de la tête à quitter la pièce, sous le regard apparemment soulagé des elfes de maison, qui leur proposèrent pour autant de revenir quand ils voulaient. Cenlyn y comptait bien. Quand leurs chemins durent se séparer, Cenlyn serra à nouveau son frère dans ses bras.

-On se revoit vite ! Bonne nuit.

Puis elle tourna les talons, en direction de la salle commune des poufsouffles. Une bonne douche ne serait tout de même pas de trop.

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