À

la vérité, quelles que soient les excuses que sa mère pouvait lui donner, Andreï se sentait incapable de pardonner, d'excuser une attitude qui, à ses yeux, ne pouvait pas l'être. Rien au monde ne pouvait justifier que l'on tue un homme de sang froid. Rien au monde ne pouvait justifier qu'elle l'ait séparé de ces hommes qui avaient fait office (ou presque) de figure paternel pour lui. Avait-elle seulement pensé à lui en faisant cela ? À ce fil suspendu au-dessus du vide qu'était devenue sa vie, et duquel il menaçait de tomber à tout instant. Oui, mais il ne s'en rendait pas compte. À l'heure actuelle, il la rendait fautive d'absolument tout, mu qu'il l'était par cette colère sourde qu'il n'avait jamais manifesté jusqu'alors, lui d'ordinaire si calme... Comme sa mère. Et c'était d'ailleurs le calme qu'elle savait manifester qui amplifiait sa colère. Comment parvenait-elle ainsi à rationaliser le parfaitement irrationnel ?

Oui, il savait bien que l'image avait de l'importance, qu'une femme, à cette époque, se devait d'être mariée, et bien mariée, pour se trouver dans la meilleure situation possible. Il le comprenait bien. Mais ça ne justifiait pas, pour lui, ces maris à répétition. Si elle était incapable d'aimer ses maris, si elle tenait juste à son image, pourquoi avoir remplacé un époux par sa copie conforme. Tout aussi riche, tout aussi mal aimé par elle ? Non, elle ne saurait trouver d'excuse satisfaisante à fournir à son fils, tout simplement parce qu'il n'en existait pas, pas la moindre. Son opinion était faite, oui, et il n'en changerait pas avant longtemps. Son opinion sur les sentiments de sa mère, par contre... À force d'obstination, elle finissait par réussir à le convaincre qu'elle l'aimait sincèrement. Peut-être n'avait-ce pas été vrai tout d'abord, mais il ne se voyait plus douter de la véracité de ses sentiments. Et les siens, vis à vis de sa mère ? Eh bien... Il l'aimait, oui. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il puisse se passer, c'était indéniable, il aimerait toujours cette génitrice assassine. Sauf qu'il ne se sentait vraiment pas d'humeur à le lui montrer à l'heure actuelle. Il n'était pas certain d'être d'humeur à le lui remontrer un jour. Ou dans un bon millénaire, peut-être. Sous l'effet de la colère et du désarroi, il ne se sentait pas d'humeur, vraiment pas d'humeur à considérer la question.

-J'ai... J'ai besoin de temps, d'accord ? Là je... je crois plus en rien. Je te crois plus. J'arriverais plus jamais à te faire confiance, мама. Il poussa un nouveau soupir. Il y en aurait beaucoup d'autres, à présent. J'aurais pas dû venir, je savais que ça allait se passer comme ça...

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N

on, il n'était pas venu par crainte de la réaction qu'aurait été celle de sa mère s'il avait décidé de refuser son invitation (quoi qu'il se pouvait que cela ait joué), il était venu parce qu'il était important qu'ils parlent, tous les deux, qu'Andreï fasse part de ses doutes à sa mère. Il avait attendu trop longtemps, déjà. La confrontation était inévitable. Et à présent qu'elle avait eu lieu, à présent qu'il avait eu confirmation de ses doutes (bien trop nombreux pour qu'il ait cru s'être trompé, malheureusement)... il ne supportait plus de se trouver en présence de sa mère. Oh, bien sûr, il l'aimait toujours. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il se passe entre eux, quels que soient les horreurs dont elle puisse être capable, cette affection profonde et indéfectible qu'il avait pour elle ne savait s'effacer au profit seulement de la rancoeur et d'une colère sourde. Il l'aimait profondément, et il l'aimerait toujours. L'ennui... c'était que, quoi qu'il en soit, il ne saurait jamais lui pardonner. La rancoeur diminuerait peut-être avec le temps, mais il ne pensait pas le pardon susceptible de venir un jour... Il n'était même pas certain, à l'heure actuelle, de pouvoir encore se retrouver en présence de sa mère... seul à seul. C'était trop dur. Chaque seconde qu'il passait avec elle lui arrachait des morceaux de coeur. C'était à peine supportable. Alors oui, quand elle lui proposait de s'en aller, de ne pas passer plus de temps en sa présence, il était plus que tenté d'accepter. À quoi ressemblerait leurs conversations, désormais, si ce n'est à un profond silence ?

-Alors... oui, je crois que je préfère retourner à Poudlard. répondit-il, les yeux fixés sur ses chaussures, n'osant lever les yeux vers sa mère.

Ces mots prononcés, et sans attendre la réponse de sa mère, il alla récupérer son sac et sa veste. Pour le moment, oui, il lui était possible de fuir. De s'en aller, l'air de rien, de feindre d'ignorer celle qui lui avait donné la vie (et, en vérité, plus d'amour que n'importe quel autre être humain en cette terre). Pour l'instant, ça avait l'air simple, il y avait l'école de magie pour l'accueillir. Mais qu'adviendrait-il quand l'été pointerait le bout de son nez ? Et même, les vacances de Noël ? Ne pas passer les fêtes de fin d'année en présence de sa mère lui semblait à la fois impensable et indispensable. Il allait falloir qu'il y réfléchisse. Tant de décisions qu'il ne pensait pas avoir un jour à prendre... Peut-être irait-il trouver sa tante ?  Cette seule famille qu'il lui restait encore ? Mais fallait-il qu'il apprenne qu'elle aussi était au courant et lui avait menti ? Pourvu que non ... Mais voilà qu'il doutait de tout et de tout le monde... ne savait plus vers qui se tourner. En résumé, voilà que sa vie était devenu le plus triste des bordels.

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