Des amis, Anna Armyanski n'en avait pas tant que cela. Non pas parce qu'elle n'était pas sympathique ou peu engageante. Mais parce qu'elle n'allait pas chercher les relations. Une femme vraiment charmante, adorable, la main sur le cœur, mais très solitaire malgré tout. Un peu comme une sorte de timidité. Elle côtoyait souvent pas mal de monde avant, quand elle était petite. Ou disons plus jeune. Mais elle avait toujours gardé ses distance avec les gens. C'était plus fort qu'elle. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Alors quand une amie, une vraie, était sur le point d'arriver, c'était toute une fête. Sans compter que cela faisait quelques temps qu'elle ne l'avait pas vu.

Anna était tout simplement ravie. D'ici quelque minutes, Lindsay serait là et elle se sentirait enfin un peu moins seule. Et puis avec elle, ce n'était pas pareil. Les deux jeunes femmes avaient cette facilité à se comprendre qu'Anna n'arrivait pas à retrouver chez une autre personne mis à part sa sœur. Et pour le moment, aller parler à Anya était exclus. Il fallait encore qu'elle y réfléchisse, qu'elle se décide. Pour le moment elle était bloquée. Bloquée et seule. Revoir Lindsay ne pourrait donc lui faire que du bien.

Pour ce qu'elle savait, son amie n'allait pas au mieux non plus. La jeune femme ne savait pas encore précisément pourquoi ni à quel point, mais elle ne doutait pas qu'elle le saurait très prochainement. Ceci dit, si Lindsay ne voulait pas parler de ses tracas, son amie ne l'y obligerait pas. Elle-même aurait peut-être un peu de mal à parler de siens. Cela risquait de très vite rendre la conversation triste et compliquée. Alors qu'en ce moment elle était si contente de revoir son amie... qui ne se fit pas attendre non plus.

À peine avait-on toqué à la porte qu'Anna se précipita vers la porte. Elle ouvrit dans un sourire sans pour autant trop montrer de son excitation. Elle avait juste l'air contente. La jeune femme ouvrit largement la porte pour l'inviter à entrer.

-Lindsay, viens, entre, il ne fait pas chaud.

Si il arrivait souvent à Anna d'être angoissée de prendre la parole à cause de son accent prononcé, autant dire que là , elle n'en avait clairement rien à foutre. Mais alors rien de rien. De toute façon, elle n'avait pas à faire ses preuves avec Lindsay. Elles étaient amies.
La jeune femme entraîna son invitée dans le salon après l'avoir débarrassé de son manteau. Elle tenait toujours à ce que l'on se sente bien chez elle. Surtout quand l'invité en question était apprécié. Et là, c'était plus encore. Pour la première fois depuis  plusieurs semaines, Anna se sentait bien. Vraiment bien.

-Tu veux boire ou manger quelque chose?

C'était toujours une question courante avec elle. Du genre à vous sortir des gâteaux au chocolat à tomber aussi facilement que des biscottes. Elle? Prévoyante? Si peu...

Voir un visage amical, et de toute urgence, Lindsay en avait grand besoin.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce début de grossesse ne se passait pas sans dommages pour la jeune femme. Les premiers mois ne sont jamais évidents, c'est ce que son médicomage ne cesse de lui répéter. Et effectivement, les nausée, les maux de tête, de ventre, la fatigue constante, tout cela n'était pas simple à supporter (ce n'est pas pour rien si la jeune femme avait plus d'une fois dû quitter son travail de toute urgence)... mais ça irait encore si ne s'y mêlait pas tout ce stress. Cet enfant allait naître, les Hopkirk ne pouvaient plus le nier, ce qui n'empêchait pas leur situation des plus délicates. James et Lindsay avaient tout le mal du monde à communiquer. Et cela, c'était pour ne pas dire qu'un froid glacial avait fini par s'immiscer entre eux.

Puisqu'elle ne pouvait plus vraiment compter sur son cher et tendre époux, elle cherchait un peu de soutien, de douceur et de compassion auprès de ses amis. L'ennui ? La plupart de ses amis étaient également amis avec James. De fait, cela rendait la situation délicate.

Anna aussi, d'ailleurs, s'entendait plutôt bien avec James. Mais qu'importe, parler avec elle lui ferait bien. Quand la jeune femme lui avait proposé de passer chez elle, Lindsay avait accepté sans hésiter la moindre seconde, elle était bien trop ravie de pouvoir à nouveau parler avec elle, elles qui ne s'étaient pas vues depuis si longtemps. Anna était la personne la plus douce, charmante et compréhensible qu'elle connaissait, Lindsay avait bien conscience de la chance qu'elle avait de pouvoir l'avoir pour amie.

Bref oui, Lindsay avait eu hâte de revoir Anna, pour passer un moment agréable avec elle, bien sûr, mais aussi parce que, depuis la lecture de son courrier, elle n'avait guère pu s'empêcher de cogiter et de s'inquiéter. De profondément s'inquiéter, même. Elle ne lisait qu'en filigrane les problèmes que pouvait avoir son amie, mais voilà, Anna n(avait jamais été très expansive. Pour une fois, elle pouvait bien oublier ses propres problèmes pour s'appliquer à résoudre ceux des autres, non ? Surtout qu'elle tenait beaucoup à cette autre.

Quand Anna lui ouvrit la porte, Lindsay fut heureuse de constater que, au moins, elle semblait très bien aller. Elle était tout sourire, et cela fit sourire la commerçante également.

-Lindsay, viens, entre, il ne fait pas chaud.

C'est une certitude. L'hiver était là, bien présent, et n'avait apparemment pas l'intention qu'on le déloge de sitôt. Toutes les apparences le laissaient croire, du moins. Même si Lindsay était très chaudement habillée pour l'occasion, elle n'avait nulle intention de s'attarder trop longtemps sur le palier de cette porte.

Lindsay entra donc, redécouvrant ce manoir où elle n'était pas venu rendre visite à Anna depuis bien trop longtemps.

-Tu veux boire ou manger quelque chose?

Ah ! Anna ! Toujours aussi douce et prévenante. C'étaient bien là des qualités que la jeune femme affectionnait particulièrement chez son amie.

"Je veux bien du thé, si tu en as." Elle afficha un nouveau sourire quand l'un des chats d'Anna lui frôla la jambe. "Comment tu vas ? Ta lettre m'a inquiété, tu sais ?"

Anna était persuadée que revoir Lindsay lui ferait du bien. Et elle était sûre que ça serait pareil pour son amie. Il n'y avait pas de raison. Les deux jeunes femmes se connaissaient et se comprenaient. Même si leurs situations étaient très différentes. Il faut bien l'admettre. Lindsay était une jeune femme accomplie. Elle avait un travail, un mari et bientôt un enfant. Ce que son amie n'avait pas. Elle venait de trouver un travail, était seule depuis dix ans et n'avait toujours pas d'enfants. Ce qu'elle regrettait beaucoup. Mais elle n'y pouvait plus rien.

Le fait qu'Anna s'entende effectivement avec James ne devait pas être un problème pour Lindsay. Parce qu'avant tout, c'était elle son amie. Sa relation avec son mari n'était venue qu'après. Et puis, de toute façon, il était de notoriété publique qu'elle était bien plus à l'aise avec les femmes. Une forme de rancune certainement. Mais c'était tout à fait inconscient. Parce que cela serait injuste et que la jeune femme était plutôt une femme droite. Toujours à chercher à plaire à ceux qu'elle rencontrait. Il arrivait qu'elle n'y arrive pas. Comme tout le monde. La suite de ces relations différaient entre l'indifférence et la haine. Mais il n'y avait pas grand monde pour avoir droit à sa colère. C'était une jeune femme profondément gentille.

Voir arriver Lindsay lui avait donc fait grand plaisir. Anna ne pouvait pas nier qu'elle c'était demandé comment elle allait. Avec sa sœur, elle savait que les premiers mois étaient pénibles et il lui était arrivé d'un peu s'en vouloir pour ne pas lui avoir pris de ses nouvelles plus tôt. Elles étaient amies. La jeune femme aurait du être là pour elle. Sans compter que Lindsay était elle aussi assez sensible. Mais l'ukrainienne entendait bien se rattraper. Elle serait là cette fois.

Mais Lindsay lui souriait aussi. C'est qu'elle ne l'avait pas abandonné trop longtemps. Elle était tellement gentille. Anna aurait eu du mal à s'en remettre si elle avait retrouvé son amie complètement désespérée. Ça avait l'air d'aller, tant mieux. Alors comme toujours, la jeune femme commença à la cajoler comme elle savait le faire.

"Je veux bien du thé, si tu en as."

Anna avait tout ce que son amie pouvait lui demander. Enfin, en théorie. On ne sait jamais. Mais du thé, ça, elle en avait.

-Bien sûr, je vais te chercher ça. Mais je t'en pris, installe-toi.

La jeune femme laissa donc son amie en compagnie de l'un de ses chats pour se diriger vers la cuisine. Elle se dépêcha de préparer ce qu'il fallait pour leurs thés avant de ramener le tout dans le salon. Toujours souriante elle tendit sa tasse à Lindsay avant que son amie ne la ramène vite sur Terre.

"Comment tu vas ? Ta lettre m'a inquiété, tu sais ?"

Il est vrai qu'au moment d'écrire cette lettre, Anna n'allait pas très bien. Elle venait de se prendre de salles nouvelles en pleine tête. Rien de bien agréable donc. Mais la voilà un peu honteuse d'avoir inquiété Lindsay. La pauvre n'avait pas besoin de ça. La jeune femme baissa un peu les yeux à cette remarque. Mince, elle n'avait pas du tout l'alarmer avec cette fichu lettre. Elle voulait juste la revoir, lui reparler, passer du bon temps avec elle. Son sourire se fit plus timide et peut-être un peu triste.

-Je suis désolée, je ne voulais vraiment pas t'inquiéter. C'est juste passager, ça va aller.

Merlin, la voilà redevenue aussi convaincante qu'avec son neveu. Pitoyable. Mais elle ne voulait pas ennuyer Lindsay avec tout ça. C'est vrai, ce n'était pas grand chose. Anna était tout simplement dans une mauvaise période. Lindsay ne devait pas s'inquiéter. Enfin, en vrai, elle avait toutes les raisons du monde de s'inquiéter pour son amie. Mais Anna n'y tenait pas particulièrement.

-Vraiment, excuse-moi. Tu ne dois pas t'en faire pour moi. Mais toi, dis-moi, comment ça se passe pour toi?

Changement de sujet tout sauf discret, certes, mais il lui permettait au moins de ne pas se lamenter en pleurant sur l'épaule de cette pauvre Lindsay. Anna ne pourrait pas tout lui dire non plus. Elle ne pourrait pas parler d'Anya. Elle n'en parlerait certainement à personne. Se plaindre une fois de plus de l'adoption qui n'avançait pas ne serait pas utile. Lindsay savait déjà tout ça. Ne restait plus qu'Ivan. Et lui, c'était vraiment dur d'en parler. Sans vraiment le vouloir, la jeune femme l'avait toujours dans la peau. Peut-être moins que lorsqu'elle avait encore le plaisir d'être Mrs Timorov, mais tout de même. Ceci dit, si une personne pouvait encore supporter de l'entendre parler de ça, c'était bien Lindsay. Parce que personne d'autre ne pourrait la comprendre.

-Bien sûr, je vais te chercher ça. Mais je t'en pris, installe-toi.

Ce beau sourire sur les lèvres d'Anna laissait supposer que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Lindsay aimerait y croire, vraiment. Cela signifierait que sa vie se passait ainsi qu'elle le désirait. Mais ce qu'elle avait lu en filigrane dans sa lettre ne le lui laissait vraiment pas croire. Les sourires de façade, à force, elle connaissait (même si, en ce qui la concernait, elle avait beaucoup de mal à faire illusion), et elle ne se laissait pas berner si facilement, comme ça pouvait être le cas pour d'autres.

Elle décida de garder quand même sa réflexion pour plus tard, quand elles auraient au moins eu le temps de boire une gorgée de leur thé. Lindsay alla s'asseoir sur le fauteuil. À peine fut-elle installée que le chat tigré qui lui avait plus tôt frôlé la jambe, alla se lover sur ses jambes. C'est peut-être ce dont elle aurait besoin, en fait, d'un animal de compagnie.

Anna revint quelques minutes après être partie préparer le thé, amenant tasses, théières, et petits gâteaux. Lindsay but avec délice une gorgée de thé. Il était parfaitement infusé. C'était la seule boisson que son système digestif devenu capricieux à cause de la grossesse, acceptait d'ingérer sans immédiatement lui donner la nausée. En bref, elle en était ravie.

-Je suis désolée, je ne voulais vraiment pas t'inquiéter. C'est juste passager, ça va aller.

Trop tard, elle était inquiète, et elle espérait bien que son ami ne se cacherait pas toute la soirée derrière de faux sourires. Si les amis n'étaient pas là pour se prêter main forte dans les situations difficiles, à quoi servaient-ils, hein ? Elle voulait être là pour son amie et lui prêter main forte. Rien n'importait davantage pour elle, même, alors elle comptait bien parvenir à obtenir d'Anna des aveux en bonne et due forme. Non, vraiment, elle ne pouvait pas croire à ce "ça va aller". Elle était parfois crédule, mais tout de même pas à ce point.

-Vraiment, excuse-moi. Tu ne dois pas t'en faire pour moi. Mais toi, dis-moi, comment ça se passe pour toi?

Lindsay poussa un profond soupir en posant précautionneusement sa tasse sur la table basse. Ces derniers temps, elle avait le sentiment de se plaindre sans arrêts. Elle n'était pas certaine de vouloir réitérer. Bon, ceci dit, si elle voulait qu'Anna se confie, il fallait peut-être qu'elle soit la première à lâcher les armes.

"Ne penses pas que je ne vais pas insister jusqu'à ce que je sache ce qui t'arrives." Elle lui adressa un sourire amical. Pour moi c'est... délicat, on va dire. La grossesse se passe bien, le bébé grandit normalement, et je sais que c'est le principal, mais à côté de ça... elle marqua une légère pause. "Avec James, c'est comme si on avait atteint un point de non retour, on ne se parle presque plus, on dirait qu'on est devenu des étrangers, l'un pour l'autre". Nouvelle pause. "Il m'a avoué m'avoir trompé."

Anna était une femme assez discrète. Elle ne parlait pas souvent de ce qui la touchait parce que cela pourrait obliger ses proches à penser à ses affaires plutôt qu'aux leurs. Et leurs affaires étaient plus importantes pour eux que les siennes. C'était un peu particulier comme raisonnement, mais elle le tenait depuis presque toujours. Lindsay savait qu'elle était comme ça et elle ne serait pas dupe très longtemps. Tant pis, mais au moins la jeune femme pourrait se dire qu'elle avait essayé. Elle se sentirait toujours un tout petit peu moins coupable...

Lindsay aussi aurait des choses à lui dire. C'était une période un peu compliquée pour elle. Mais son amie n savait pas encore à quel point. Anna ne pouvait que supposer et la laisser prendre la parole. Elle méritait plus d'attention qu'elle. Parce qu'elle, de toute façon, elle ne bougeait pas beaucoup. C'était toujours pareil et Lindsay savait déjà tout. Pas besoin de s'attarder sur le petit monde Armyanski cette fois.

La grande majorité de ses chats connaissaient Lindsay. Ils savaient qu'elle était la bienvenu et qu'elle ne leur ferait rien. Alors c'était presque normal que l'un d'eux soit venu montrer son affection à la jeune femme en venant sur ses genoux en ronronnant. Il se coucha gentiment sur ses genoux, tout content de pouvoir le faire. Ce qui fit un peu sourire Anna tout de même. Elle savait que cela ne dérangeait pas spécialement son amie et elle était contente que ses chats préfèrent la câliner à la griffer. Et ils regretteraient de l'avoir fait si ça devait arriver. C'était quelque chose que leur maîtresse ne supportait pas.

Anna avait beau essayer de détourner la conversation, Lindsay ne perdait pas de vue son objectif. En général, c'était quelque chose que la jeune femme aimait chez elle. Mais pour le coup, cela se retournait contre elle. Elle ne voulait pas l'inquiéter, c'est tout. Son amie posa sa tasse dans un soupir et Anna pensa qu'elle avait réussit. Elle pensait enfin pouvoir cacher ses peurs et ses doutes derrière ces paroles réconfortantes qu'elle voulait donner à la future mère. L'ukrainienne préférait cela à livrer ses propres problèmes.

"Ne penses pas que je ne vais pas insister jusqu'à ce que je sache ce qui t'arrives."

Oui, ça, elle l'imaginait bien. Mais cette remarque la fit rougir. Elle ne se sentait pas vraiment prête à lui parler. Ça la remuait trop.

"Pour moi c'est... délicat, on va dire. La grossesse se passe bien, le bébé grandit normalement, et je sais que c'est le principal, mais à côté de ça..."

Lindsay hésitait. Anna qui était à côté d'elle posa sa main sur la sienne, pour l'encourager. Il ne fallait pas qu'elle se sente seule, comme tombant d'une hauteur trop haute pour en réchapper. Elle serait là pour l'aider, l'épauler. Elles étaient amies, et on prenait soin de l'autre dans ce cas là.

"Avec James, c'est comme si on avait atteint un point de non retour, on ne se parle presque plus, on dirait qu'on est devenu des étrangers, l'un pour l'autre"
Elle sentait qu'il y avait autre chose, une dernière petite chose qui restait bloquée dans les pensées de Lindsay. Anna se rapprocha un peu d'elle, toujours dans le but de lui montrer qu'elle était là.

"Il m'a avoué m'avoir trompé."

Il l'avait quoi? Même si c'était profondément égoïste, Anna ne pouvait pas s'empêcher de faire le lien avec sa situation depuis qu'elle avait revu Ivan au bras de sa nouvelle femme. Elle savait à quel point ça faisait mal et elle comprenait ce que pouvait ressentir son amie. Même si, au fond, la situation n'était pas comparable. Parce qu'elle était toujours mariée à James et attendait un enfant de lui. C'était tout ce qu'Anna n'avait pas. Voyant l'état dans laquelle elle s'était mise, la jeune femme ne pouvait qu'imaginer la détresse de celle qui était à ses côtés. Mais au fond, c'était surprenant. Elle n'imaginait pas James capable de faire ça à son épouse. Jamais elle ne remettrait la parole de Lindsay en doute, mais elle aurait certainement du mal à revoir son mari de la même manière... toujours la main sur celle de son amie, Anna lui caressa doucement l'épaule pour la réconforter.

-Tu sais que je suis là, n'est-ce pas? Tu sais que tu peux me faire confiance?

Elle essaya de lui sourire, gentiment, tendrement. La pauvre femme ne devait pas aller bien non plus. Elles étaient bien toute les deux! Pas une pour rattraper l'autre. Mais elle allait essayer. Anna allait tout faire pour aider Lindsay à aller mieux.

-Tu vas bien quand même? Enfin, je ne parle pas du bébé, même si je suis ravie que tout se passe bien. Mais toi, comment tu te sent? Je sais que ça fait mal et que tu te pose des questions. Si me les poser peut t'aider je peux t'écouter. J'ai tout mon temps pour toi.

-Tu sais que je suis là, n'est-ce pas? Tu sais que tu peux me faire confiance?

Lindsay approuva d'un vif signe de tête. Bien sûr, qu'elle savait qu'elle était là pour elle et qu'elle pouvait lui faire confiance. Si elle avait eu le moindre doute à ce sujet, elle n'aurait certainement pas confié ce secret à Anna, secret qu'elle n'avait révélé à presque personne.

Elle savait qu'auprès d'elle, elle trouverait quelqu'un de susceptible de véritablement la comprendre, ou en tous cas qui sache lui prêter une oreille attentive. Anna était parmi ses amis les plus proches, elle appréciait vraiment de passer du temps en sa compagnie, elle n'avait pas le moins du monde l'intention d'entacher leur belle amitié par des non dits.

"Je le sais, merci beaucoup d'être là."

-Tu vas bien quand même? Enfin, je ne parle pas du bébé, même si je suis ravie que tout se passe bien. Mais toi, comment tu te sent? Je sais que ça fait mal et que tu te pose des questions. Si me les poser peut t'aider je peux t'écouter. J'ai tout mon temps pour toi.

Lindsay sourit. Elle savait que c'était une chose incroyable pour elle que d'avoir pour amie quelqu'un comme Anna. Elle ne se contentait pas de compatir de loin, le tout pour, en fait, dissimuler une profonde indifférence, elle s'intéressait vraiment à ce qui lui arrivait, elle voulait lui être utile.

La commerçante hésita avant de répondre à Anna. Pas parce qu'elle voulait lui cacher quoi que ce soit, non, mais parce qu'il y avait tant à dire que la jeune femme savait à peine par quoi elle était supposée devoir commencer.

"James et moi, depuis Poudlard, ça a toujours été comme... comme une évidence, tu vois ? Je me suis toujours imaginé grandir, vieillir ... avoir des enfants avec lui, et ça depuis que je le connais. Je ne comprends pas ce qui nous est arrivé, à tous les deux. C'est comme si, du jour au lendemain, il avait décidé de prendre ses distances... alors je me demande... je me demande ce que je fais de mal. Je fais tout pour être la meilleure épouse possible et... j'aimerais comprendre, savoir qui est cette autre femme, ce qu'elle a de plus que moi... En fait, non, je sais pertinemment qui est cette autre femme." À cette pensée, son visage se rembrunit. Oui, elle était toujours convaincue que l'autre femme était Nemesis. Devenue sa nemesis, pour le coup. Elle poussa un soupir. "Bref, j'ai peur, j'ai peur de me retrouver à élever cet enfant seule, j'ai peur de le confronter à une vie qu'il n'aura pas mérité... J'ai peur qu'il demande le divorce. "

Au moment de prononcer ces mots, elle comprit qu'elle aurait sûrement dû s'abstenir. Après tout, Anna, elle, avait concrètement connue les affres d'un divorce.

"Désolée je... je ne devrais pas te parler de ça."

Par moments, elle pouvait vraiment faire preuve d'indélicatesse. En plus, voilà qu'elle laissait à nouveau tourner la conversation autour de son nombril. Elle avait honte d'elle-même.

C'était un peu bizarre. Voir Lindsay avait toujours été un grand plaisir pour Anna. Et cela ne changeait pas du tout. Elle était ravie de la revoir, lui parler, lui tenir la main. Mais elle était aussi un peu partagée. Parce les deux femmes avaient chacune leur histoire et elles se recoupaient parfois. Alors quand elles parlaient, arrivait obligatoirement un moment où l'une abordait un moment douloureux pour l'autre. Heureusement, jamais aucune n'en tenait rigueur à l'autre. Elles étaient amies et chacune savait que ce n'était jamais dans le but de blesser l'autres. C'était aussi ça que la jeune femme aimait chez Lindsay. Elle était adorable.

Anna pensait important que son amie se souvienne qu'elle n'était pas seule. Parce que sinon, elles risquaient de s'éloigner. Si la jeune femme ne pouvait pas parler à sa sœur, elle savait que Lindsay resterait attentive et saurait trouver les mots. De son côté... c'était difficile. Parce que certains mots, certaines expressions, parfois celles qui justement pouvaient apaiser les esprits, et bien elle ne les connaissaient pas forcément en anglais. Triste, n'est-ce pas? Bah oui, elle n'était pas du tout anglaise et le sentait parfois un peu trop. Alors même si elle faisait de son mieux, Anna avait bien trop souvent l'impression de ne pas être à la hauteur.

Lorsque Lindsay la remercia d'être présente pour elle, Anna se contenta de lui sourire. Mais pas juste comme ça parce qu'elle était flattée. Non, elle était vraiment contente de voir que son amies la pensait utile à son bien-être. La jeune femme était ravie de l'avoir pour amie et elle se sentirait mal de savoir qu'elle était la seule à profiter de cette amitié pour aller mieux.

"James et moi, depuis Poudlard, ça a toujours été comme... comme une évidence, tu vois ? Je me suis toujours imaginé grandir, vieillir ... avoir des enfants avec lui, et ça depuis que je le connais."

Anna savait ce que son interlocutrice ressentait pour son mari. Elle-même avait eut ce genre de rêveries. Elle avait vraiment imaginé pouvoir vivre comme Lindsay. Mère de famille et aimée par un homme qu'elle chérissait. Enfin, finalement, ce n'était pas tout à fait la situation de son amie non plus. À croire que le bonheur du monde était réservé aux mauvaises personnes. Disons au moins qu'elle voyait où Lindsay voulait en venir. Ce qui était déjà bien.

"Je ne comprends pas ce qui nous est arrivé, à tous les deux. C'est comme si, du jour au lendemain, il avait décidé de prendre ses distances... alors je me demande... je me demande ce que je fais de mal. Je fais tout pour être la meilleure épouse possible et... j'aimerais comprendre, savoir qui est cette autre femme, ce qu'elle a de plus que moi... En fait, non, je sais pertinemment qui est cette autre femme."

Décidément, ces deux femmes-là étaient vouées à vivre les mêmes blessures. Dans les grandes lignes en tout cas. Cette femme. Cette autre femme que voyait Lindsay. Cette femme était la même que la nouvelle femme d'Ivan. Ce genre de femmes n'était qu'encore et toujours la même. Plus jeune, plus belle, et au finale, bien meilleurs compagne que les deux pauvres femmes qui se retrouvaient sur ce canapé. Cette femme, Anna la détestait. Elle volait leur vie à d'autres. D'autres qui la méritaient pourtant bien plus. Que ce soit elle ou Lindsay, n'avaient-elles pas prouvé qu'elles étaient de bonnes épouses? De bonnes mères même. Chacune à leur manière. Il faut croire que non. Car des femmes continuaient à prendre le dessus sur elles. Lindsay soupira. Anna compris que ce n'était pas fini et continua à la regarder avec affection et compassion.

"Bref, j'ai peur, j'ai peur de me retrouver à élever cet enfant seule, j'ai peur de le confronter à une vie qu'il n'aura pas mérité... J'ai peur qu'il demande le divorce. "

Cette remarque provoqua une belle réaction chez la jeune femme. Non, pas ça. Lindsay ne méritait pas de vivre une chose pareille. Anna connaissait cette épreuve et ne la souhaitait à personne. Surtout à Lindsay. Dans son cas, ça serait peut-être même pire. Parce que même si elle en avait souffert et en souffrait encore, la belle n'avait pas vraiment de raisons de retenir Ivan mis à part cet amour inconditionnel qu'elle lui vouait. Mais son amie attendait un enfant. Il ne devait pas perdre son père. Ça serait injuste. La jeune femme se sentait tout de même un peu mal. Elle serra les dents et baissa le regard quelques instants. Pourquoi devait-on leur imposer tant de douleur? Elles n'avaient pas mérité ce qui leur tombait dessus. Et pourtant, tout arrivait d'un seul coup. Mais Anna essaya bien vite de raccrocher ce sourire que Lindsay voulait voir sur ses lèvres. Ça serait l'inquiéter un peu plus. Et puis, elle s'en voudrait d'avoir abordé le sujet. Et la prochaine fois elle se retiendrait. Ce que son amie ne voulait pas du tout. Tout ce que Lindsay lui racontait avait une raison d'être. Elle avait besoin d'en parler. Si Anna ne pouvait plus l'écouter, qui le ferait? Si son amie lui tournait le dos de manière profondément égoïste, vers qui Lindsay se tournerait-elle? Alors la jeune femme releva la tête, toujours pleine de compassion, prête à continuer d'écouter son invitée.

"Désolée je... je ne devrais pas te parler de ça."

Et voilà. Juste ce qu'elle ne voulait pas. Lindsay ne devrait pas se priver du bien que cela faisait de parler à une oreille attentive et compréhensive juste par peur de la blesser. Certes, Anna se sentait un peu tremblante à l'idée de repenser à son mariage. Certes, la jeune femme sentait son cœurs battre plus rapidement à la moindre pensée qui touchait Ivan. Mais Lindsay ne devait pas avoir à se retenir avec elle. Parce que son amie s'en voudrait beaucoup de l'empêcher de lui parler librement.

-Non, ça... ça va. Je t'écoute. Et je vois bien que tu en as besoin. Je ne veux pas que t'en fasse pour moi. Si tu as besoin de parler de quelque chose tu peux le faire avec moi. Peu importe le sujet.

Anna essaya de lui sourire, mais elle sentait que ça ne marchait pas. C'était frustrant de voir que sons propre visage ne lui obéissait plus. Mais si cela continuait, Lindsay allait s'inquiéter. La jeune femme ne le voulait pas du tout. Elle l'aimait beaucoup et ne voulait pas savoir qu'elle se faisait du soucis pour elle. La pauvre devait déjà s'en faire suffisamment pour elle. La belle soupira, déçue d'elle-même et de son incapacité à se contrôler.

-Pardonne-moi Lindsay. C'était peut-être pas une bonne idée d'écrire cette lettre. Je suis désolée. Je ne voulais pas t'inquiéter avec mes histoires, je voulais juste... te revoir, te parler... pardon.

Entre la conversation et les remords qui la prenaient, Anna était presque au bord des larmes. Pourtant ce n'était pas ce qu'elle voulait. Elle détestait pleurer devant quelqu'un d'autre. Même devant Lindsay. Mais elle s'en voulait tellement de l'avoir fait venir, de l'obliger à repenser ainsi à ses ennuis et de la rendre inquiète pour les siens. Non, vraiment, elle avait fait une bêtise. Et elle s'en voulait terriblement.

Être gentille, serviable, amicale, tout ça, Anna savait le faire. Et bien. Mais elle était aussi très sensible. Peut-être un peu trop parfois. Dans un sens, ça pouvait servir. Grâce à cela, elle pouvait être à l'écoute et comprendre le peu d'amis qu'elle avait. Et ils le savaient. Et même si elle pouvait être plus coriace qu'il n'y paraissait, il y avait des moments où elle laissait tomber. Et avec Lindsay, cela ne servait à rien d'être capable d'avoir de l'autorité ou de pouvoir venir tête à quelqu'un. Par ce que son amie était aussi très douce et qu'elle pouvait la comprendre.

Mais avec tout ça, il faut dire qu'elle ne se faisait pas que du bien. Elle adirait voir Lindsay. Elle avait l'impression qu'elle était la seule à vraiment pouvoir la comprendre. De tout ses amis, les rares qu'elle acceptait de voir comme ses amis, c'était elle qui comptait le plus pour Anna. Elles se ressemblaient, plus qu'on ne l'imaginait. Et c'était agréable de pouvoir échanger avec elle. Alors oui, pour le moment la jeune femme ne disait pas grand chose. Mais c'était tout simplement parce que cela collait mieux avec leurs caractères. Lindsay parlait finalement assez facilement. Ce qui n'était pas du tout le cas de son amie. Et pas parce qu'elle voulait la mettre à l'écart et lui cacher des choses, pas du tout. Mais tout simplement parce qu'elle préférait aider le autres plutôt que de voir arrive le contraire. Même si elle devait bien admettre que c'était bien agréable aussi.

"Tu n'as rien à te faire pardonne, Anna."

Lindsay la pris doucement dans ses bras et Anna ne se fit pas trop prier pour s'y blottir. Il y avait encore des moments où ça lui faisait du bien de sentir qu'il y avait quelqu'un au dessus d'elle, pour être plus fort qu'elle. Et Lindsay jouait parfaitement bien ce rôle avec elle.

"Cette lettre était une excellente idée, au contraire. Tu ne l'avais sûrement pas écrit pour ça mais regarde, je me sens déjà mieux grâce à toi."

Là, dans ses bras, ça allait déjà un peu mieux. Il faut savoir que dans certains moments un peu compliqués, Anna avait un peu des airs d'enfant. Tant que ça ne gênait pas Lindsay, elles feraient avec. Mais elle sourit un peu de savoir que son amie allait un peu mieux et qu'elle ne regrettait pas d'être venu la voir.

"Et j'aimerais pouvoir te rendre la pareille. Anna, s'il te plaît... aide moi à t'aider... J'ai mal de te savoir mal... Tu n'es pas obligée de me parler de tes problèmes si tu en as envie, mais j'aimerais vraiment que tu le fasses. Et ça te ferais du bien, je suis sûre."

Anna était touchée de la voir s'impliquer comme ça pour elle. Et c'est vrai que lui parler, à elle, ça ne pouvait pas lui faire de mal. De toute façon, elle lui faisait confiance. Elle savait qu'elle ne risquait pas grand chose. La jeune femme se redressa et essuya les quelques larmes rebelles et sourit un peu timidement. Elle savait que Lindsay était sincère avec elle. Elle savait que son amie voulait vraiment l'aider. Elle avait été la première à parler, c'était le tour d'Anna. Quelque part c'était normal. Et elle n'avait pas peur avec Lindsay.

-Il y a quelques jours, Andreï et Anya se sont disputé et il est venu passer le week-end avec moi. On a voulut aller prendre l'air et je l'ai amené voir les vitrines de noël à Moscou.

Jusque là, rien de bien alarmant, c'est sûr. Mais ce n'était pas fini. Oh non, il y avait encore pas mal de choses à dire. Mais Lindsay allait tout savoir. Parce qu'Anna ne cherchait pas à lui cacher des choses. Elle ne parlerait pas des fautes d'Anya, mais tout le reste, elle le saurait. Elle voulait juste respirer un coup avant d'aborder le sujet délicat.

-On a croisé Ivan là-bas... Ivan, sa femme, et ses quatre enfants.

C'était assez dur... mais elle était en confiance avec son amie. À elle, elle pouvait presque tout lui dire. Il y avait des limites, mais elles étaient encore éloignées.

-Je ne savais même pas qu'il s'était remarié. Enfin, je m'en doutais, au bout de dix ans tout de même. Mais ça fait... bizarre.

Anna ne regardait pas Lindsay directement. Elle restait contre elle, comme pour se rassurer. La jeune femme était bien avec elle.

-J'en ai pas parlé avec Anya... on est pas vraiment d'accord en ce moment.

Oui, disons que ça n'allait pas fort dans le monde d'Anna Armyanski. Mais ça allait toujours mieux avec Lindsay. C'était un peu comme une deuxième sœur pour elle. Une qui serait d'ici, qui se sentirait plus chez elle que les deux sœurs Armyanski. Une qui sauait être compréhensive avec Anna. Une qui ne partagerait pas les lourds secrets de famille...

Anna n'avait rien contre le fait de parler avec Lindsay. Bien au contraire. La jeune femme aimait lui parler, simplement, sans avoir à se demander si ce qu'elle lui disait serait répété ailleurs. Alors pas du tout. Elle avait une totale confiance en  son amie. Et elle n'avait pas peur de se confier à elle. Lindsay était quelqu'un de confiance et elle saurait garder pour elle les petits secrets qu'elle lui confiait.
Lindsay avait réagit à l'annonce d'Anna quand elle lui dit qu'elle avait retrouvé son ex mari. Cela prouvait qu'elle la comprenait une fois de plus. Oui, Lindsay pouvait comprendre ce qu'elle ressentait. Parce qu'elle avait peur de se retrouver dans la même position. Alors oui, elle pouvait comprendre que l'ukrainienne ne soit pas en grande forme. Mais parler de son conflit avec Anya avait également provoqué une réaction chez la future mère. Elle savait que ce n'était pas normal. Et elle savait à quel point cela pouvait perturber Anna. La meilleure amie que l'on puisse avoir. Elle comptait tellement pour elle. C'était bien qu'elle soit là. C'était bien qu'elle soit près d'elle. Parce que comme ça, Anna était moins seule.

"J'imagine que ça a dû être douloureux..."

Oui, elle imaginait bien. Cette phrase banale aurait très bien pu être mal prise avec d'autres personnes. Mais Anna savait qu'elle le pensait et qu'elle compatissait pour elle. Alors elle appréciait cette phrase venant de Lindsay. Vraiment.

"Mais t'es une femme forte, volontaire, charmante. Toi aussi tu auras ta famille à toi un jour."

Elle le croyait vraiment? Lindsay croyait-elle vraiment qu'un jour, son amie aussi aurait le droit d'avoir une famille bien à elle? Certainement. Parce que Lindsay était une femme charmante qui aimait imaginer le meilleur pour son amie. Anna sourit un peu à cette remarque. Parce qu'elle commençait à sérieusement en douter. Mais ça, c'était presque normal à force. Quoi qu'il en soit, c'était déprimant. Puisque Lindsay était là, ça irait.

"Si tu veux parler de ce qui s'est passé avec ta soeur... Tu sais que tu peux tout me dire, n'est-ce pas ?"

Parler d'Anya. De ce qu'elle avait fait. Non, elle ne le pouvait pas. Pas encore. C'était trop risqué. Elle ne pouvait pas en parler et être tout à fait sûre qu'Anya ne serait pas dénoncée. Elles avaient beau être brouillées, les deux sœurs resteraient des sœurs. Et la belle ne prendrait aucun risque pour elle. Même si il s'agissait de Lindsay. De toute manière, elle n'était pas capable d'en parler. Je veux dire, à n'importe qui. Elle ne pouvait ni dire ni écrire ce qu'Anya avait fait. Alors en parler à Lindsay était encore bien trop dur.

-En fait je... tu sais que je t'aime beaucoup. Je te fais confiance et je suis contente de pouvoir parler avec toi. Mais ça c'est.... compliqué. Toutes les familles ont leurs secrets et ils finissent toujours par nous retomber dessus. Mais je ne voudrais pas que tu t'en fasse pour moi non plus. Je ne crains rien. C'est juste une dispute. Tu nous connais, ça va passer.

Anna ne savait pas trop si elle devait continuer à y croire ou simplement se résigner. C'était compliqué comme situation, il fallait bien l'admettre. Alors espérer était bien, mais il ne fallait pas oublier de quoi il s'agissait. Puis elle voulut changer de sujet. Pas simplement parce qu'elle ne voulait pas parler de cela. Mais bien parce que cela l'intéressait.

-Lindsay tu... tu le pensais vraiment quan tu as dit que tu y croyais? À ma famille je veux dire. Tu crois que j'y arriverais? Parce que... ça fait longtemps et... je me demandais si j'allais pas laisser tomber l'idée.

-En fait je... tu sais que je t'aime beaucoup. Je te fais confiance et je suis contente de pouvoir parler avec toi. Mais ça c'est.... compliqué. Toutes les familles ont leurs secrets et ils finissent toujours par nous retomber dessus.

Oui, c'était bien vrai, malheureusement, et de notoriété publique. La famille était la cause des plus grandes joies mais aussi celles des malheurs les plus sombres d'une existence.

Parce que la famille engrange un lien fort, tenace, à peine compréhensible par une simple intelligence humaine. On se sent lié à l'autre sans pouvoir dire exactement pourquoi. Il s'avère juste que c'est ainsi, et que l'on ne peut rien y faire, sinon assumer. Ceux qui n'assument pas détruisent ceux qui assument. On ne lutte pas contre les liens du sang.

Et là où naissait le plus pur et naturel amour se déchaînaient souvent les plus grande passion. La notion de "secrets de famille" était entrée dans les moeurses depuis bien longtemps, comme s'il n'était en aucun cas possible de vivre dans une famille unie et paisible. Il y avait toujours un grain de sable pour enrayer l'engrenage, une étincelle pour mettre feu à la poudrière.

De ce côté là, Lindsay s'estimait plutôt chanceuse (pour l'heure, car les secrets ont souvent le don de surgir aux pires moments) : elle avait des parents aimants, était née au coeur d'un foyer uni, jamais de dispute, jamais manqué de rien...

C'était plutôt elle, qui allait apparemment disséminer ce poison violent ans sa famille. Quelque soit le contexte dans lequel se trouveraient les Hopkirk d'ici à ce que le petit pointe le bout de son nez, il serait toujours l'enfant de deux parents adultères... Enfin...

Oui, Lindsay comprenait qu'Anna ne puisse ou ne veuille rien lui dire, c'était plutôt logique en vérité, mais elle espérait bien tout de même que son amie ait compris que, si tout cela devenait trop lourd à porter, elle serait là, en amie infaillible, et elle n'ébruiterait rien, elle serait muette comme une tombe. Ça, on ne pouvait pas dire d'elle qu'elle ne savait pas garder un secret quand elle y tenait. Il suffisait de voir l'énergie qu'elle déployait pour faire croire à ses parents que tout allait bien avec James. Ah oui, ça c'est un secret de famille.

- Mais je ne voudrais pas que tu t'en fasse pour moi non plus. Je ne crains rien. C'est juste une dispute. Tu nous connais, ça va passer.

Lindsay pensait bien au contraire qu'il y avait totalement matière à s'offusquer, mais elle se contenta malgré tout de hocher légèrement la tête. Inutile de la contrarier non plus. Si elle ne voulait rien dire, elle n'allait pas la forcer. Mais qu'elle n'aille pas jusqu'à lui demander de ne pas s'inquiéter pour elle, par contre. Ça, elle en était totalement incapable.

Et au passage, elle ne croyait son amie qu'à moitié, quand celle-ci disait que ça allait passer. Et quoi ? Elle la prenait pour une idiote, aussi ?

-Lindsay tu... tu le pensais vraiment quand tu as dit que tu y croyais? À ma famille je veux dire. Tu crois que j'y arriverais? Parce que... ça fait longtemps et... je me demandais si j'allais pas laisser tomber l'idée.

Lindsay adressa à Anna un sourire apaisant.

"Anna... Certaines femmes sont nées pour être mères... C'est comme ça, c'est comme... inscrit dans leurs gènes." Pensée réductrice ? Bien sûr, mais Lindsay vivait clairement avec son temps. "Je suis certaine que la vie t'offrira tout ce que tu souhaites en temps et en heure, parce que tu le mérites."

Comme si c'était suffisant... Lindsay était pourtant bien placée pour savoir que son propos était utopique.

"N'abandonne pas, surtout pas maintenant."

Parce que visiblement, Anna avait grand besoin de se composer sa famille à elle, vu cette tension qui régnait apparemment chez les Armyanski.

Anna n'avait pas cherché à mettre Lindsay à l'écart, bien au contraire. Elle adorait parler avec Lindsay, lui confier ses petits soucis, ses petites mésaventures. Mais aussi ses joies, ses rires, ses petits bonheurs quotidiens. Elle était une des seules à pouvoir faire cela pour elle. Elle savait que la famille était importante. Elle savait que l'ukrainienne était très liée à sa sœur et comprenait que sa dispute avec Anya l'avait beaucoup affecté. Mais Anna espérait aussi que Lindsay comprendrait qu'elle ne pouvait pas lui parler de tout. C'était un secret beaucoup trop lourd. Elle avait déjà du mal à le porter. Elle n'allait pas venir vers son amie et lui dire sans problème que sa sœur avait tué ses précédents maris en ayant planifié cela avant même de se marier. Non, ça, elle ne le dirait pas, à personne. La pauvre Anya risquait de finir en prison, loin de sa petite sœur et de de son fils. Ça serait trop dur. Alors elle ne voulait pas faire de peine à Lindsay, mais ça c'était trop dur.

Alors il se peut que la jeune femme finisse par craquer et n'ébruite, même partiellement et sans vraiment le vouloir, le passé de cette pauvre mais néanmoins meurtrière d'Anya. Mais pas maintenant, pas dès le début alors qu'elle avait encore cette motivation. Pour le moment, elle se contenterait de ne rien dire à Lindsay. Même si cela  devait lui déplaire pour le moment. Anna espérait simplement qu'elle ne lui en voudrait pas trop.

Quand à ses doutes, ils étaient bien là eux par contre. Elle se demandait vraiment si son avenir de famille avait une chance d'évoluer un jour. Parce que quand elle était avec Andreï et Anya, jusqu'à il y a peu, elle avait senti comme une bulle autour d'eux. Ils s'étaient créé leur monde. Un monde qui n'appartenait qu'à eux et qui leur appartenait pleinement. C'était leur monde et les autres semblaient ne plus compter. Parfois Anna trouvait une place dans ce monde. Mais elle aurait aimé pouvoir se faire son monde, avec sa famille à elle. Pendant un moment, elle aurait aimé pouvoir la créer avec Ivan. Maintenant ce n'était plus du tout d'actualité bien entendu. C'était un idiot. Mais elle restait des plus désireuses d'avoir cette famille bien à elle.

"Anna... Certaines femmes sont nées pour être mères... C'est comme ça, c'est comme... inscrit dans leurs gènes."

Si cela avait été quelqu'un d'autre, ces paroles n'auraient clairement pas été aussi agréables. Si il s'agissait de quelqu'un d'autre, cela aurait été des paroles juste comme ça, pour ne pas avoir à chercher comment rassure la pauvre Anna. Mais là c'était Lindsay. Et Anna savait qu'elle pouvait lui faire assez confiance pour prendre ces paroles pour ce qu'elles étaient. De vrais encouragements. Ajoutez à cela le sourire rassurant qu'elle lui offrait et vous comprendrez qu'elle se sentait déjà un peu mieux.

"Je suis certaine que la vie t'offrira tout ce que tu souhaites en temps et en heure, parce que tu le mérites."

Si Lindsay disait qu'elle le méritait, c'était déjà bien. Très bien même. Mais encore fallait-il qu'Anna le mérite aux yeux de ceux qui examinaient son dossier. Parce qu'au final, c'était bel et bien les russes qui auraient le mot de la fin. Ça serait les russe qui décideraient si la vie d'Anna Armyanski finirait seule et triste ou si elle aurait enfin droit à ce bonheur. Et oui, elle ne pouvait pas encore en être parfaitement sûre et doutait de tout du coup.

"N'abandonne pas, surtout pas maintenant."

Oui, Lindsay avait raison. Il serait dommage d'abandonner maintenant. Anna s'était trop investi dans cette adoption. Elle avait même été jusqu'à entraîne Tristan avec elle. Il fallait qu'elle tienne encore un peu. Juste le temps que tout cela bouge un peu, même un tout petit peu.

-Oui, tu as raison, je vais attendre encore un peu.

Anna se dit qu'elle pouvait encore leur laisser quelques mois. Peut-être finirait-on par clairement lu dire que cela prenait fin, qu'elle pourrait bientôt profiter de l'adoption. Il était possible que le prochain rendez-vous qu'on lui donnerait serait l'un des derniers. Celui où elle signerait quelques papiers avant d'entamer des entrevues de routine. Mais en fait, elle ne savait pas vraiment comment tout cela fonctionnait. Tout ce qu'elle voulait c'était pouvoir donner tout cet amour maternel qu'elle accumulait depuis des années. Cet amour qu'elle ne pouvait encore donner à personne mais qui finissait par l'étouffer parfois.

-Merci Lindsay, ça me fait du bien d'être avec toi.

Lindsay était vraiment importante pour Anna. Sans elle, elle serait vraiment seule finalement. Si Lindsay n'était pas là, Anna serait dans un état bien moins visible. Parce que maintenant qu'elle ne pouvait plus parler avec Anya, c'était plus dur. Ce qui la mena à une pensée profondément égoïste dont elle avait un peu honte. Quand Lindsay serait maman. Quand elle donnerait elle aussi tout son amour et son affection à son enfant, elle risquait de ne plus avoir autant de temps. Déjà qu'elle n'en avait pas tant que cela. Et Anna commençait à se demander si son amie prendrait encore le temps de venir la sortir de son trou. Elle savait que ce n'était pas gentil de penser cela et qu'elle devrait savoir que Lindsay n'était pas ce genre de femmes. Mais c'était comme ça.

-Et quand... quand tu seras mère... tu viendras toujours me voir n'est-ce pas?

Anna avait un regard un peu triste. C'est vrai qu'elle ne se sentait pas de savoir que son amie la laisserait trop de côté pour son enfant. Même si finalement, il serait normal de penser que Lindsay s'occuperait de son bébé du mieux qu'elle le pouvait. En fait, Anna ferait pareil. Mais sans jamais laisser Lindsay de côté. Et même si il était plus que probable qu'elle ne le fasse pas non plus, l'ukrainienne en avait un peu peur...

-Oui, tu as raison, je vais attendre encore un peu.

Un peu, beaucoup... L'essentiel était qu'elle ne perde pas espoir. Il fallait qu'elle attende le temps qu'il faudrait. Mais il viendrait bien, le moment où ses efforts et son  attente seraient récompensés, et où elle pourrait enfin profiter de la présence de son enfant à venir.

Ça pouvait prendre du temps, c'est sûr. Lindsay n'y entendait pas grand chose au processus d'adoption, mais il était de notoriété publique que ce dernier prenait beaucoup de temps. C'était un procédé long et fastidieux. Normal qu'elle ait des hauts et des bas, mais il ne fallait pas qu'elle abandonne.

Lindsay connaissant maintenant sa situation, comptait bien veiller au grain, elle ne laisserait pas son amie perdre espoir. Elle serait là à chaque étape pour l'aider et la soutenir, pour la convaincre de ne pas abandonner quand elle douterait et manquerait de confiance en elle.

-Merci Lindsay, ça me fait du bien d'être avec toi.

En guise de réponse, Lindsay serra la main de son amie contre la sienne, sa façon à elle de lui signaler qu'elle pensait la même chose aussi.

Ces derniers temps, elle se sentait perdue, elle doutait de tout, à un moment pourtant charnière de son existence. Son amitié avec son interlocutrice lui faisait vraiment un bien fou. Elle se sentait bien, tout semblait plus... normal, et elle se sentait soulagée.

-Et quand... quand tu seras mère... tu viendras toujours me voir n'est-ce pas?

Comment pouvait-elle en douter ? Bien sûr que Lindsay avait bien l'intention de rester proche d'Anna même après que son enfant soit né.

Elle savait bien, évidemment, que la promesse était plus facile à faire qu'à tenir. Être mère était un travail à plein temps, qui demandait quantité d'efforts, et quantité de temps, mais elle était certaine qu'elle trouverait toujours des moments à passer avec son amie. Son instinct lui disait, d'ailleurs, qu'elle aurait plus que jamais besoin de sa présence.

"Évidemment que je viendrais toujours te voir." Elle sourit. "Et nos enfants pourront jouer ensemble."

Ça, c'était pour la rassurer définitivement, en lui faisant comprendre à quel point elle était convaincue du fait que le rêve de son interlocutrice se réaliserait. Elles vivraient leurs rêves respectifs toutes les deux en même temps. À l'idée de voir leurs deux enfants courir l'un après l'autre, chahuter, se chamailler, rire de concert, dans cet imposant manoir et dans le plus modeste appartement des Hopkirk, Lindsay souriait dors et déjà.

Ce n'était pas seulement un rêve, c'était prophétique. L'une comme l'autre méritaient le bonheur, méritaient de voir leurs rêves se réaliser, même si ceux-ci pouvaient paraître présomptueux ou inaccessibles.

En règle générale, Anna était une femme patiente. Très patiente. Ce qui était une qualité qui lui permettait un certain nombre de choses avec les enfants entre autres. Mais tout le monde avait ses limites. Et très franchement, là, toute patiente qu'elle était, c'était trop long. Alors oui, de toute façon, c'était bien connu, les adoptions c'était très long. Mais quand on imaginait que cela faisait plus de dix-huit ans tout de même. Avec différentes méthodes mais cet enfant, elle l'avait assez attendu. C'était ce qu'elle pensait en tout cas. Et attendre encore était presque un supplice.

Heureusement, Lindsay était là. Et elle savait très bien l'aider à surmonter tout ça. Elle était douée pour ça. Anna espérait être capable de la même chose pour elle. Ce n'était jamais vraiment sûr, mais elle faisait de son mieux en tout cas. Parce que cette jeune femme le méritait vraiment. Et elle était un peu la seule personne qui comptait vraiment en dehors de sa famille. Lindsay c'était sa seule vrai amie. C'était un peu... particulier entre elles. Quoi qu'il en soit, ces deux femmes avaient une bonne raison de passer du temps ensemble. Et elles en avaient sans doute autant besoin l'une que l'autre.

Ce qui l'avait conduit à ses doutes. Elle savait très bien que le temps finirait par manquer. Et si elles avaient réussit à rester si longtemps sans nouvelles l'une de l'autre, alors qu'aucune n'était encore mère, qu'est-ce que cela serait une fois que ce petit bout de chou serait là pour Lindsay. Alors elle s'était quand même demandé. Et très honnêtement, sans Lindsay, ce n'était même pas la peine de continuer. Elle n'y arriverait pas.

"Évidemment que je viendrais toujours te voir."

Cette réponse était un véritable soulagement. Elle avait terriblement besoin d'elle, surtout en ce moment. Parce que sa petite famille partait en morceaux et qu'il lui fallait trouver du soutien ailleurs. Quel meilleure personne que Lindsay pouvait faire ça pour elle? Pas grand monde. C'était elle son amie et c'était elle qui pouvait vraiment l'aider comme personne, sans faire de trop gros efforts en plus. De simples discutions  pouvaient bien souvent lui suffire. Une lettre parfois tout simplement.

"Et nos enfants pourront jouer ensemble."

Oui, un jour, elles finiraient toute les deux par être mères. Et ce jour-là, cela serait peut-être même plus facile encore pour elles de se voir. Les deux enfants qu'elles auraient, quels que soient leur sexe, finiront par se voir le plus souvent possible. C'était un peu une évidence pour elle.

-Oui, tu as raison. Et puis, ils iront peut-être à l'école ensemble si les âges sont proches. Même si je t'avoue que je me moque de l'âge de l'enfant que l'on me confiera.

Se retrouver en présence d’Anna lui faisait un bien fou, bien plus qu’elle ne l’aurait supposé en se rendant chez son amie. Elle avait été certaine qu’elle passerait un bon moment, comme à chaque fois qu’elle voyait son interlocutrice, mais elle ne s’était pas imaginée que leur conversation puisse être à ce point agréable et libératrice.

Ce n’était pas seulement une conversation aimable entre deux amies proches, qui bavardaient de tout et de rien entre deux tasses de thé. Ce genre de situations avait toujours pour résultat des conversations creuses et sans substance. On se donnait l’impression d’avancer, enfermés dans des bulles, mais ce n’était pas le cas. Ce n’était pas ce qu’elle éprouvait là maintenant.

Leurs discussions n’étaient pas vaines ou inutiles, et Lindsay prenait pleinement conscience de ce que chacune pouvait apporter à l’autre. Sans lui avoir tout apprit de ses maux, elle lui avait révélé quand même plusieurs de ses tourments, et cela avait permis à Lindsay de la soutenir et de la conforter dans ses choix, ses décisions. La commerçante voulait vraiment croire qu’elle avait pu être utile à Anna, lui permettre de relativiser, de positiver, de se sentir mieux.

Elle voulait le croire d’autant plus que, de son côté, c’était bel et bien ce qui s’était passé. Elle lui avait fait part de ses ennuis, de ses problèmes, de l’impasse dans laquelle elle avait l’impression de se trouver, et Anna avait réussi à trouver les mots justes pour l’apaiser pour de bon. Ou en tous cas pour un moment.

Et maintenant, elle avait le sourire bien plus facile que ces dernières semaines. Elle qui avait toujours croqué la vie à pleine dents se sentait si soulagée de comprendre que sa bonne humeur n’était pas partie au loin sans possibilités de retour, qu’elle avait plus à offrir que ce qu’elle pensait à son enfant à naître.

Enfin, et grâce à Anna, elle parvenait à faire ce que toute mère en devenir devrait être capable de faire sans qu’elle y ait jamais réussi, accaparée par les tensions présentes dans son couple : elle se projetait. Et que cela pouvait être agréable. Elle s’y voyait comme si elle s’y trouvait : sur un banc, à bavarder avec Anna, profitant des rayons du soleil pendant que les enfants joueraient au parc.

-Oui, tu as raison. Et puis, ils iront peut-être à l'école ensemble si les âges sont proches. Même si je t'avoue que je me moque de l'âge de l'enfant que l'on me confiera.

Lindsay comprenait parfaitement où Anna voulait en venir. Ce que cette dernière voulait, c’était pouvoir enfin quelque chose du trop-plein d’amour qu’elle éprouvait, de cet instinct maternel comme gravé dans ses veines. Lindsay était passée par là, elle comprenait complètement.

"Tu sais, Anna. Quelque soit l’âge, le sexe, ou la nationalité de cet enfant, il sera le plus chanceux qu’on puisse imaginer, puisqu’il t’aura pour mère.
Elle pensait tout ce qu’elle disait, Anna serait une mère absolument incroyable, et Lindsay voulait vraiment qu’on lui laisse l’opportunité de le prouver."

"Et si tu as besoin de mon aide en quoi que ce soit, tu sais que je suis là."

Lindsay était tout simplement une femme adorable. Le genre de femmes qu'on aimerait avoir près de soi tout le temps. Il arrivait souvent qu'Anna envie James. Pas pour être marié à son amie bien sûr. Elle n'avait pas ce genre d'attirances. Mais parce qu'il passait (normalement) beaucoup de temps avec elle, qu'il prenait (normalement) soin d'elle, qu'elle était (normalement) là pour lui. Mais Anna ne savait pas tout ce qui se passait dans le couple de ses amis. Elle aussi restait bercée d'illusions. Peut-être que c'était mieux finalement. Elle était capable de mettre beaucoup de choses de côté pour essayer d'aider ses amis. Ce n'était pas la meilleure chose à faire en ce moment. Mais elle aimait tellement Lindsay. Et même si c'était égoïste, elle savait qu'elle en avait besoin même. Il n'y avait qu'à voir comment elle était avant sa visite et maintenant. Maintenant que son amie état là, ça allait mieux. Anna se sentait déjà mieux, plus tranquille. Elle était toujours tellement gentille. Il leur était arrivé de se voir juste comme ça, sans raison, sans véritable conversation non plus, juste pour le plaisir. Mais aujourd'hui, elles avaient besoin d'autre chose. Et elles arrivaient sans mal à le comprendre. C'était agréable même. Rassurant.

Lindsay elle-même était rassurante en fait. Elle permettait à Anna d'espérer encore un peu. Et ses idées étaient tellement attirantes. Oui, leurs enfants joueraient ensemble. Ils grandiraient ensemble. Ils seraient heureux ensemble. Anna et Lindsay parleraient ensemble d'eux et de leurs petits exploits. L'une parlerait de la première vrai nuit du sien et l'autre du premier mot de son petit bout. Le genre de choses qu'on faisait souvent entre mères et amies. La seule chose qui pouvait complexer Anna c'était James. Enfin, pas lui véritablement parce qu'ils étaient amis. Mais plutôt le fait qu'il accompagnerait sa femme et qu'elle de son côté serait... et bien, pas accompagnée justement. Elle savait qu'elle aurait cette impression d'être le cheveu dans la soupe, de na pas être comme eux. Pas parce qu'elle regrettait de ne pas être remariée. Non, ça c'était une bonne décision, elle le savait. Mais parce qu'elle aurait l'impression de ne pas pouvoir accéder à leur monde. Elle aurait son enfant, mais eux seraient trois dans une famille, une vrai. Celle d'Anna partait en fumée. Ils seraient tout au plus deux à avancer comme ils le pourraient.

-Tu sais, Anna. Quelque soit l’âge, le sexe, ou la nationalité de cet enfant, il sera le plus chanceux qu’on puisse imaginer, puisqu’il t’aura pour mère.

Que de flatteries de sa part. Elle était décidément bien gentille. Mais il y avait aussi un peu de vrai dans ce qu'elle disait. L'âge, le sexe, la nationalité, tout ça Anna s'en moquait bien. Enfin, si tout se passait bien, son enfant serait Russe. Puisque c'était là-bas qu'elle avait fait sa demande. Et si possible, pas un adolescent non plus, ça serait sympa. Mais sinon, trois ours ou trois ans, c'était pas le plus important. Et même si elle avait fait cette demande dans un établissement sorcier, elle n'irait pas vérifier la pureté du sang de l'enfant qu'on lui donnerait. Il pouvait ne pas avoir la moindre faculté magique, c'était pareil. Bon, Anya râlerait peut-être un peu. Mais sa sœur s'en moquait. De toute façon vu comme c'était parti, peut-être qu'un jour elle ne se parleraient plus. C'était ce qui était arrivé pour leur mère et leur tante. Pourquoi pas elles?

-Et si tu as besoin de mon aide en quoi que ce soit, tu sais que je suis là.

Oui, de toute façon, elle aurait Lindsay. C'était le plus important. Anna sourit se permit de revenir dans les bras de son amie. Elle allait la faire pleurer avec ses bêtises. C'est qu'elle était un peu sur les nerfs en ce moment. Mais ce n'était pas grave. Elle était sa meilleure amie.

-Oui, je sais. Et moi aussi... pour toi et le bébé. Et puis je ne suis pas très occupée de toute façon.

En effet, ce n'était pas le temps qui lui manquait. Et si elle pouvait en accorder un peu plus à Lindsay, ce n'était pas une mauvaise chose. C'était bien l'une des rares personnes qui le méritaient vraiment aux yeux d'Anna.

-Je tiens à toi Lindsay. Tu fais tellement pour moi. J'espère que je pourrai en faire autant pour toi un jour.

Lindsay était la meilleure amie d'Anna. Elle avait été la première à qui Anna avait fait confiance en Angleterre. Et aujourd'hui elle était la seule sur qui la brune pouvait encore vraiment compter. Elle ne le dirait pas, parce qu'Anna était un peu trop fière pour ça, mais ce qui lui avait le plus manqué, c'était sa présence. Juste sa présence. Une présence amicale et chaleureuse. Une présence qui l'empêcherait de rester ici sans voir personne ni même en avoir l'envie. C'était un peu idiot quand on y pensait. Mais pendant quelques temps, Anna n'avait plus eut envie de voir du monde. Juste comme ça. Parce que ça l'agaçait. Et pourtant, maintenant, qu'est-ce qu'elle était contente de revoir Lindsay. Elle l'aimait tellement. Elle était tellement de choses pour elle. Tout ça pour dire que maintenant qu'elle était là, Anna avait l'impression que tout allait mieux. Elle avait retrouvé son repère avec elle.

Sa petite remarque était ue façon un peu cachée de lui dire à quel point elle n'avait effectivement rien à faire de ses journée. Ce n'était pas compliqué comme calcul. Elle n'avait aucun travail. On lui avait toujours dit qu'elle n'en vait pas besoin. Alors jamais elle n'avait fait d'études. De toute façon, elle était mariée dès sa sortie de l'école. Pas besoin de faire autre chose que de rester à la maison à attendre son mari et prendre soin des enfants. Elle avait toujours été d'accord avec cette idée d'ailleurs. Mais maintenant, alors qu'elle n'était plus mariée et n'avait toujours pas d'enfants, qu'est-ce qu'elle devait faire de ses journées? Elle ne pouvait quand même pas reprendre ses études maintenant. Et des études de quoi d'ailleurs? Non, elle était mieux ici, avec ses chats et ses toiles. C'était bien aussi la peinture. Ça occupait bien et ça faisait plaisir quand on les offrait. Si elle le voulait, elle pourrait aussi en vendre. Mais ce n'était pas son but. Alors si elle pouvait avoir la visite d'une amie de temps en temps, elle n'était pas du tout contre. Loin de là. Si Lindsay le voulait, elle trouverait toujours les portes de ce manoir grandes ouverts. Pas qu'elle d'ailleurs. James aussi pouvait compter sur Anna. Et leur futur enfant aussi. Seulement, James ce n'était pas pareil. Il était adorable, un vrai ami lui aussi, mais Lindsay, c'était quand même ce qu'elle rapprochait le plus d'une sœur après Anya.

-Tu en fais déjà énormément pour moi, Anna, tu n'as même pas idée.

Anna lui fit aussi un sourire sincère. Elle était bien gentille Lindsay quand même. Elle ne pouvait pas faire tant que cela alors forcément, elle trouvait très gentille de lui dire ça quand même. Son amie était vraiment adorable. Anna lui pris la main pour la remercier. Elle ne savait pas vraiment comment lui exprimer autrement, il y avait encore certaines choses qu'elle ne savait pas trop exprimer seule.

-J'essaye de faire au mieux en tout cas, pour toi.

C'était normal pour elle. Que Lindsay l'ait acceptée était déjà quelque chose d'assez grand pour elle. Maintenant elle était vraiment une amie très proche. Alors tout ce qu'Anna pourrait faire pour elle serait fait. Et avec autant d'amour que possible. De quelle autre manière de toute façon? Sans y mettre du cœur, on arrivait à rien. C'était ce que pensait Anna.

-A propos du bébé... il y a une chose que je ne t'ai pas dite.

Ah? quelque chose qu'elle ne lui avait pas dit? Et bien, elle l'écoutait avec attention. Comme toujours d'ailleurs. Cela ne pouvait pas être si grave... si?..

-Vas-y, je t'écoute. Il va bien au moins?

Le sourir d'Anna avait laissé place à un regard compatissant lorsque la possibilité que le bébé n'aille pas bien lui était venue à l'idée. Voilà qui serait très embêtant tout de même. Et Lindsay serait certainement très triste si il devait arriver quelque chose à son bébé. Pauvre Lindsay. Anna devrait certainement être plus présente encore si c'était le cas. Mais elle le ferait. Si son amie en avait besoin, elle serait là.