Les affaires avaient une chance de reprendre ce soir. Mais il faudrait donner un petit coup de pouce au destin. Ou alors un grand coup de pied dans le derrière. Parce qu'il fallait y aller là. Tant pis, c'était pour la bonne cause après tout. En tout cas ce n'était pas par vrai choix. Et il allait encore falloir mentir quelques temps. Ceci dit, elle était douée pour ça alors autant en profiter. Anya savait pousser les choses à arriver quand elle le voulait. Et Armando finirait forcément par lui tomber dans les bras. Ce n'était pas qu'elle aimerait particulièrement ça. Simplement qu'elle en avait besoin pour faire autre chose. Le directeur n'était qu'une étape à passer pour pouvoir aller plus loin. Cette étape serait donc passée et plutôt vite si possible.

Ce soir donc, les choses avanceraient. Anya l'avait décidé. Mais pour le moment, le directeur n'était même pas dans les parages. Il devait certainement même être encore à l'école. La belle s'amusait bien à imaginer cet homme se préparer pour cette soirée. Choisissant l'une de ses plus belles tenues. Peut-être irait-il jusqu'à se parfumer une fois encore. Comme lorsqu'elle était venue le voir dans son bureau. Cela dit, il pouvait certainement encore la surprendre. Les seul problème était qu'il ne fallait pas en rire après. Ce qui était parfois très difficile. Mais Anya avait de la volonté. Et elle savait parfaitement se maîtriser. Enfin, elle s'amusait bien à imaginer ce vieil homme se comporter comme un adolescent devant son miroir. Et elle était presque sûre de ne pas trop s'éloigner de la réalité en plus. Il était pratiquement devenu transparent avec elle. Ce qui était très bien pour ses petits projets pendant qu'on y était.

Anya irait se préparer elle aussi. Parce qu'il fallait pouvoir se mettre en valeur afin de faire avancer son affaire. Mais pour le moment, elle avait mieux à faire. Elle avait attaché ses cheveux et mis une robe plus que simple parce qu'avant de prendre soin d'elle, la belle devait prendre soin de sa nièce. Irina avait passé la semaine chez elle pour que sa mère puisse travailler tranquille. Elle avait été ravie de le faire et le ferait encore quelques temps avec plaisir. La petite blonde était plutôt sage en fait alors ce n'était pas franchement une corvée. Anna devait revenir dans quelques heures, à peu près en même temps que son rendez-vous, alors Anya avait pris le temps de lui donner un bain et de la chouchouter un peu. Visiblement, Irina était un vrai petit poisson. Elle ne bougeait pas encore toute seule mais elle s'agitait déjà beaucoup dans une baignoire. Heureusement que sa tante la tenait bien... et que sa robe ne risquait rien. Elle avait fini par recevoir sa douche elle aussi. Au moins, avec la petite fille, c'était facile. Pas besoin de lui mentir à elle. Pas besoin de lui faire croire des choses ou de lui en cacher d'autres. Enfin bref. Anya l'avait habillée et avait rangé ses affaires pour qu'Anna puisse vite la récupérer et rentrer se reposer. Elle en aurait certainement besoin la pauvre. Mais elle avait écrit à sa sœur à il semblerait que tout se passait bien. Puis ce fut au tour de la belle de se pouponner. Elle avait mis sa nièce dans son berceau près d'elle pendant qu'elle se changeait, s'habillait et se maquillait. Cette fois elle faisait plus sobre que pour sa petite soirée de charité. Le but était encore et toujours d'attirer le regard du directeur à certains endroits stratégiques. Il fallait aussi pouvoir se déplacer en ville facilement. Donc une robe sombre et ample au niveau de la jupe et un corsage plus serré à lacets. Elle avait opté pour une coiffure un peu sérieuse pour le ministre qu'ils verraient à l'opéra plus tard et un collier bien plus fin que la dernière fois. C'était donc différent, mais le but restait le même.

La belle était donc prête et sa nièce c'était réveillée alors elle la pris dans ses bras et commença à se balader dans le manoir en lui chantonnant des petits airs pour enfants. Quand on toqua à la porte, Anya ne savait pas vraiment si c'était le directeur ou sa sœur. Mais puisqu'on entra pas tout de suite après, elle supposa que c'était le directeur. Elle descendit donc ouvrir dans un sourire en tenant toujours la petite fille contre elle.

-Bonsoir professeur. Je vous en prie, entrez deux minutes.

Et oui, elle n'allait pas partir avec lui alors qu'Irina était toujours là. Ils attendraient donc quelques minutes qu'Anna vienne la chercher. À peine entrés que Fluffy vint saluer le directeur... à sa façon. Sans rien dire il se mit à lui tourner autour tout en le reniflant. Anya soupira et lui fit comprendre qu'il devait arrêter. Ce qu'il fit. Heureusement qu'il était bien dressé ce chien! Il alla ensuite sagement s'allonger plus loin, attendant qu'il se passe quelque chose.

-Je suis désolée, il est... plutôt curieux.

Anya jeta un œil à Irina qui émit un petit gémissement sans raison apparente. Elle le vérifia sommairement d'un regard et sourit en voyant qu'il n'y avait effectivement rien... elle était juste curieuse et qu'elle ne pouvait pas vraiment bouger.

-Anna ne devrait plus tarder, nous pourrons y aller ensuite. Je suis désolée, cela ne devrait pas être long.

Une fois encore, la belle avait vu juste. Lorsqu'elle ouvrit la porte au directeur, elle avait vu un homme qui, bien que toujours aussi âgé, avait pris soin de lui. Il était habillé d'un costume plutôt inhabituellement chic et s'était effectivement parfumé. Il avait au moins eut le bon goût de ne pas en faire trop. Enfin, vu son âge, c'était déjà trop. Mais pour un homme qui espérait séduire c'était plutôt pas trop mal. Et Anya avait plutôt intérêt à voir les choses comme ça. Autrement elle n'arriverait pas à se détacher de ces rides qui se présentaient à elle et lui sautaient aux yeux. Elle devait ce dire que c'était un rendez-vous normal, avec un homme tout ce qu'il y avait de commun. Elle devait mettre de côté son âge. Ce n'était pas simple mais elle avait du mal à se voir séduire un homme si... enfin bref.

Anya l'accompagne jusqu'au salon pour attendre Anna. Irina se tenait plutôt bien pour le moment. Elle ne pleurait pas, elle était même à la limite de la somnolence. Anya aimait beaucoup l'avoir contre elle comme ça. Ça lui rappelait des choses. Elle aimait se souvenir de ces choses. C'était la raison pour laquelle la belle avait choisit une telle solution pour faire avancer la relation qu'elle entretenait avec l'homme en face d'elle. Irina était en plus très mignonne et c'était sa nièce. Qu'Anya ait un minimum d'affection pour elle était normal. Et en attendant sa sœur, elle garderait la petite fille contre elle, affectueusement. Armando s'assit dans un canapé et Anya s'assit en face. Elle avait pensé rester debout et bercer gentiment Irina mais elle n'allait pas reste debout pour parler avec cet homme tout de même.

-Il n'y a aucun problème.

De toute façon ce n'était pas comme si il avait le choix ce pauvre homme. Il ne la ferait pas bouger d'ici avant d'avoir laissé sa nièce à sa mère. Anya était une femme qui respectait les règles lorsqu'il s'agissait de sa famille. Au final, cela ne l'aurait pas dérangé de prendre Irina pour la soirée. Mais cela serait priver Anna de sa fille alors qu'elle avait son week-end juste pour l'avoir. Donc elle l'attendrait sagement. Mais de toute façon, cela ne devrait pas être vraiment long. Anya sourit au directeur avant de prendre sa nièce pour qu'elle soit dans une position plus confortable. Si cela ne tenait qu'à elle, Anya resterait fixée sur elle et lui parlerait sans prêter la moindre attention à son invité. Mais elle savait encore se contrôler. Elle reporta donc son attention sur le directeur.

-Comment vous portez-vous ?

C'était certainement une question plus à éviter qu'à poser. Anya n'était pas non plus en grande forme dernièrement. Les choses n'étaient pas simples. Mais elle s'en remettrait, en grande partie au moins. Elle serait toujours affreusement frustrée de ne plus pouvoir partager quoi que ce soit avec son fils. Mais elle finirait par le laisser partir. Techniquement il était déjà parti. La belle ne s'y était simplement pas encore fait.

-Je vais bien, je vous remercie. C'est... encore un peu compliqué, mais je vais bien. Et puis, Irina me tient compagnie. Disons que ça occupe assez bien.

Oui, elle plaisantait un peu. Mais c'était pour détourner la conversation, bien sûr. Le truc dans le mensonge, c'était d'y mettre un peu de vérité. Alors elle s'efforçait d'être un peu honnête avec Armando quand le sujet le permettait. Mais il ne fallait pas abuser et elle n'allait pas lui laisser accès à ses regrets et ses peurs comme ça. Un peu de faiblesse d'accord mais pas trop non plus. Et de toute façon, la porte s'ouvrit et se ferma à ce moment. Indiquant au passage qu'Anna venait d'arriver. En entrant dans le salon elle fut surprise d'y trouver le directeur. Surtout que sa sœur était... plutôt élégante. Anya se leva pour la saluer plus affectueusement et sa sœur récupéra sa fille qui avait réagit à sa présence. Anya lui dit où elle avait laissé les affaires de la petite et sa sœur compris qu'elle était de trop. C'était amusant pour elle. Il était difficile d'imaginer que sa grande sœur veuille avoir quoi que ce soit à faire avec son nouveau patron. C'était... vraiment étrange. Mais bon, tant pis. Ça les regardait tout ça. De toute façon, connaissant sa sœur, Anna pourrait dire n'importe quoi qu'elle resterait sur ses positions quand même. Anna salua le directeur, dit au revoir à sa sœur et s'empressa de s'en aller. Elle ne tenait pas plus que ça à les déranger. Anya se tourna vers le directeur en souriant.

-Si vous êtes prêt nous pouvons y aller. Mais si vous voulez nous pouvons rester un peu. Ce soir c'est à vous de décider.

Anya était doucement revenue vers lui en souriant. Elle prenait ça légèrement et était en vérité assez curieuse de savoir ce qu'il ferait ce soir. C'était une sorte de jeu et elle était pressée de commencer la partie.

Maintenant qu'Irina était partie, Anya allait pouvoir passer à autre chose. Même si effectivement, elle n'aurait rien eut contre le fait de garder encore un peu la petite fille. C'était un bébé adorable et puis, Anya étant ce qu'elle était, sa petite nièce ne la laissait pas de glace. Bien au contraire. Elle adorait l'avoir près d'elle, dans ses bras aussi. Alors bon, d'accord, ça raccourcissait les nuits, mais quand même, elle l'aimait bien. Et puis Anya était résistante. Ce n'était pas quelques pleurs qui allaient la décourager. Sans compter qu'elle avait déjà été mère et qu'elle n'était pas franchement mécontente de retourner dans tout ça. C'était agréable aussi cette facilité avec un enfant. Pas de disputes, pas de conversations douloureuses. Tant qu'elle prenait soin d'elle, Irina lui accorderait son affection. Ce qui était très agréable.

Mais en attendant, c'était d'Armando Dippet dont elle devait s'occuper maintenant. Bon, ce n'était pas beaucoup compliqué finalement. Il était plutôt simple à contenter aussi d'ailleurs. La belle était presque certaine que sa simple présence dans la même pièce que lui était déjà une joie pour lui. Que c'était bon d'être jeune et désirée. Et justement, il était temps qu'il laisse un peu parler ce désir que trahissait largement ses yeux depuis le début. Anya n'était pas idiote, elle le voyait bien tout ça. Et là c'était l'occasion rêvée. C'était vraiment un esprit de premier rendez-vous cette soirée. Alors qu'il tente un peu quand même. Au moins le début, quitte à ce que la belle fasse le reste.

-Si cela ne vous dérange pas... je n'aurais rien contre le fait de rester un peu ici avant que nous nous mettions en route.

Et ben voilà. Là c'était mieux déjà. Normalement il aurait décidé de se mettre en route. Pas forcément très vite, mais rester un peu plus ici n'était pas une réponse attendue. Mais Anya l'avait espérée. Parce que si ils devaient se mettre d'accord ce soir, autant le faire avant de sortir, non? En tout cas c'était l'avis de la belle. Anya s'assit donc sagement, à côté de lui cette fois. Tant qu'à faire, hein.

-D'accord, restons un peu alors.

Anya lui offrit un beau sourire, l'air tout à fait détendue. C'était histoire de montre à son interlocuteur que tout allait bien, qu'il n'avait pas besoin de rester sur ses gardes tout le temps comme il avait l'air de le faire quand même. Question de mimétisme, restait à voir si il était plus intelligent qu'un singe. Mais elle espérait qu'il l'était et que de la voir à son aise l'aiderait à se détendre aussi. Sauf que comme il ne se passait justement rien, Anya décida de passer à l'action. Gentiment quand même, il ne fallait pas le choquer de manière trop importante. Mais qu'il se passe enfin quelque chose! Repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille et baissant un peu la tête, comme hésitante, Anya se lança du mieux qu'elle le pouvait.

-Cela fait quelques temps que nous nous voyons vous et moi. Et j'ai cru remarquer... des choses... des regards. Puisque vous m'en laissez l'occasion j'aimerais savoir...

Anya marqua une pause, faussement émue. C'était théoriquement quelque chose d'important qu'elle allait lui demander. Ça l'était de toute façon, dans un sens, mais juste pas de la même manière.

-Ais-je imaginé tout cela... ou dois-je espérer plus?

Une manière de demander sans vraiment être claire. Il serait inconvenant d'être trop directe avec ce genre de sujets. Même si cette conversation et la situation en général n'était pas des plus convenables.

Rien n'était plus évident. Et le nier serait inutile. Si il osait le faire, Anya perdrait sans doute patience. Parce que vraiment, c'était visible. Déjà avant qu'elle n'ose poser la question fatidique, elle savait qu'elle avait gagné. La belle possédait déjà son cœur et certainement une bonne partie de son inconscient. Elle pouvait déjà lui demander de faire ce qu'elle voulait. Il avait déjà accepté tellement sans même essayer de broncher. Il était devenu son nouvel animal de compagnie bien docile à qui elle pouvait dire, faire ou demander n'importe quoi. C'était déjà une preuve en soi. C'était en choisissant d'agir en femme plus classique qu'elle lui avait demandé cette confirmation. Parce que la réponse elle la connaissait déjà depuis bien longtemps. Armando Dippet était plus que totalement sous son charme. Il caressait déjà de doux rêves auxquels il n'osait probablement pas croire. Ils n'appartenaient déjà plus au même monde. Anya avait une situation plus qu'enviable, le charme, la jeunesse, et tout un tas de petites choses que lui n'avait pas ou plus. Il pouvait bien essayer, s'habiller de manière soignée, se parfumer, essayer de rester souriant et gentlemen, tout cela ne suffirait pas pour vraiment séduire une telle femme. Heureusement pour lui, Anya n'avait pas besoin d'être vraiment séduite. Bien au contraire, elle avait besoin de lui, comme un simple pion. La belle essaya de l'encourager du regard. Espérant vraiment qu'il serait honnête.

-Vous n'avez rien imaginé. Anya je...

Ah, bien, bon début. Il pouvait hésiter, ce n'était pas un problème. Tant qu'il finissait par avouer l'évidence. Anya lui pris tendrement la main, comme pour l'encourager à concrétiser un espoir. Comme si elle espérait vraiment qu'il le dise. Elle avait l'air de vraiment l'attendre. C'était comme si un rêve était sur le point de se réaliser et qu'elle allait jusqu'à arrêter de respirer pour être sûre de l'entendre. Lui aussi la regardait, le silence devenant tendu à cause de cette attend mutuelle.

-J'ai des sentiments pour vous.

Voilà, enfin. S'arrêter là aurait suffis. Il avait l'air de vouloir en dire plus alors Anya le laisserait parler. Mais même ça aurait fait l'affaire. La belle sourit en laissant enfin passer l'air hors de ses poumons, comme soulagée. Ce qu'il fallait faire comme efforts pour être crédible... mais elle les faisait et en ferait encore certainement beaucoup. La comédienne était douée et le montrait très bien de ce moment.

-Je ne m'attends pas à ce que vous éprouviez la même chose.

Très bonne idée. Au moins il était réaliste. Une femme comme elle ne pourrait pas vraiment ressentir quoi que ce soit approchant l'amour envers lui. Non, vraiment, il n'avait pas la moindre chance. Et si elle n'avait pas eut besoin de lui, elle lui aurait ordonné de sortir de chez elle et refusé de le revoir, peu importait la raison. Heureusement pour lui, sa chance était donnée d'avance. Autrement vous pensez bien qu'elle ne serait pas là, à lui tenir la main et à lui sourire, presque appuyée contre lui.

-Je comprendrais que cela vous gêne ou vous mette mal à l'aise.

Anya laissa échapper un léger rire. Ce rire qui pouvait en charmer plus d'un. Assez léger pour ne pas le mettre mal à l'aise, mais assez fort pour être entendu. La belle passa doucement et tendrement sa main sur la joue de son interlocuteur, surprise intérieurement au contact de sa peau. C'était... particulier. On était loin de la peau ferme et un peu rugueuse de Declan. Mais tant pis. Maintenant il fallait se lancer. À son tour de faire un effort. Un très très gros effort. Assez lentement mais pas trop, elle s'approcha et déposa un baiser sur ses lèvres. Il ne fallait pas y penser. Après tout, c'était un homme. Un homme comme les autres... carrément plus vieux, certes, mais un homme. Et puis elle n'avait pas le choix de toute façon. Il fallait le faire. La belle se recula un peu, souriante, les yeux brillants d'un bonheur plus que faux.

-Cela ne me gêne pas du tout.

En fait, il était affreusement gênant de se dire qu'un homme comme lui pouvait espérer quoi que ce soit d'elle. La mère d'un élève, une femme si jeune, il osait en espérer quelque chose. Des sentiments. Des sentiments amoureux. C'était vraiment pitoyable. Mais si elle devait jouer le jeu, elle devait faire comme si il avait eut raison d'espérer.

-Je sais ce que l'on dit déjà de moi. Une veuve noire, une manipulatrice. Je n'ai pas osé vous parler avant, parce que si j'avais été la seule à penser cela...

Quelques instants Anya laissa un petit air mélancolique s'afficher sur son visage. Une actrice je vous dit! Elle lui laissait penser que tout cela la touchait assez pour lui faire craindre une réponse négative de sa part. Comme si elle avait vraiment été amoureuse de lui. Et que le refus de ces sentiments l'aurait fait faillir pour de bon. Comme si elle avait été capable de tout laisser tomber si Armando avait refusé de l'aimer à son tour. Mais la situation était tout à fait inversée. C'était lui le seul ici à avoir des sentiments. Puis elle releva les yeux vers lui l'air heureuse et sereine.

-Mais je ne suis pas la seule. Vous aussi vous ressentez des choses, n'est-ce pas? Vous ne me laisserez pas seule?

Il y avait comme une pointe de crainte dans son regard. Elle jouait parfaitement bien les pauvres veuves. Et là, on pourrait vraiment croire qu'Anya avait peur. Peur d'être abandonnée, une fois de plus. Peur qu'Armando se soit moqué d'elle et qu'il ne soit pas vraiment intéressé. Mais au fond, derrière cette façade, elle savait parfaitement qu'il s'accrocherait à cette opportunité. Parce qu'il n'en aurait certainement plus d'autres.

Ce qui se disait ce soir, dans ce manoir, ce qui s'y passait et se pensait, tout cela était clairement contre nature. Voire même carrément répugnant. Il était extrêmement déstabilisant de voir à quel point, avec un minimum de jeu d'acteur, tout pouvait passer pour vrai aux yeux de cet homme. Une idée aussi dégoûtante ne devrait pas même naître dans son esprit. Et pourtant, non seulement il avait espéré, mais en plus il y croyait maintenant qu'Anya avait recommencé à le manipuler. Ce qui la répugnait peut-être plus encore. Comment pouvait-il vraiment croire qu'une femme comme elle pouvait vraiment avoir le moindre petit sentiment pour lui? Comment pouvait-il espérer avoir la moindre chance? Pour certains la volonté ne semblait pas avoir de limite. Pitoyable tout ça... Étant légèrement collée contre lui lors de ce baiser qui avait plus été une épreuve qu'autre chose pour la belle, elle avait eut l'occasion de sentir à quel point son interlocuteur avait été troublé. Quelque part c'était aussi une victoire. Elle l'avait définitivement déstabilisé et ensorcelé. Elle avait senti ce pauvre petit cœur s'emballer pour finalement pas grand chose, elle l'avait senti se détendre, comme si il avait décidé de s'endormir sur place pour vivre toute cette scène comme un rêve éveillé. Quelle misère. Et ce petit regard comblé... Fluffy serait plus attendrissant. Un simple baiser lui faisait cet effet? Il n'avait pas fini le pauvre. Et ce n'était pas après un simple petit baiser encore bien innocent qu'on la regardait comme cela. Quel imbécile.

Et ce n'était encore rien. Parce qu'il fallait le voir, s’apitoyer sur le sort de cette pauvre veuve qui doit supporter une si dure réputation. Il fallait le voir l'autre, lui tenir tendrement les mains, comme si elle était la chose la plus précieuse qu'il connaisse. Une personne qui les verrait, juste là, tout les deux, pourrait croire qu'une fille venait d'apprendre à son grand-père qu'elle allait se marier ou quelque chose du genre. Ce petit regard protecteur, cette douceur cette... guimauve! Si elle ne savait pas se contrôler, Anya l'aurait certainement planté là, comme ça. Mais non, elle avait de la volonté la teigne.

-Anya, jamais je ne vous laisserai seule, je vous le promets.

Et là, le soulagement. Le faux bien sûr. Mais le vrai pour lui. Avec le léger soupir heureux qui allait avec, les yeux brillants et tout le reste. Ah oui, quand elle le voulait elle était douée. Mais encore fallait-il qu'elle le veuille, justement. Et là, elle avait quelques motivations. Bref, il était là, à la regarder... jusqu'au moment où elle avait vu venir l'arnaque. Il hésitait, pire qu'un adolescent. Anya s'efforça à rester en place, comme en attente. Comme si elle voulait vraiment qu'il le fasse. Ce qui bien entendu n'était pas du tout le cas. Et enfin il se lança, leurs lèvres se touchant délicatement une seconde fois.

-Je vous aime.

C'était étrange mais jusqu'à maintenant, persone n'avait pronnncé ces mots. Et c'était affreusement dérangeant de l'entendre. Pas d'entendre ces mots eux-même. Si Declan ou Dimitri les avaient prononcé, elle aurait très bien accepté ces paroles. Même si elle savait qu'ils n'étaient pas sincères. Mais c'était bien ça le problème. Armando Dippet était plus que sincère en les disant ces trois petits mots. Anya ne laissa rien paraitre malgré tout, lui faisant croire qu'elle était touchée d'être l'objet de ces mots. Elle restait près de lui, assez près pour ne pas avoir à faire plus que chuchoter pour lui parler.

-Je vous aime aussi Armando.

Si guimauve il voulait, guimauve il aurait. Il fallait s'habituer dès maintenant. Et elle savait parfaitement s'adapter. Anya préféra ne pas l'embrasser à nouveau. Question de confort. La belle lui caressa doucement la joue, en souriant, soulagée. Elle posa ensuite tranquillement sa tête sur son épaule, son front au creux de son cou. Elle voulait lui laisser une sorte de pause, pour le laisser réaliser. Un peu de douceur de d'affection. Ce qu'elle n'aurait jamais eut la moindre envie de lui accorder sans motivation supplémentaire. Et pourtant, elle était là, contre lui.

-Peut-être devrions-nous y aller...

Oui, elle se doutait bien que lui dire tout ça avant pouvait le décourager de sortir d'ici pour la soirée. Mais peut-être voudrait-il tout de même. Après tout, ils devaient aller au restaurant, symbole de romantisme. Puis à l'opéra, leur passion commune. Enfin, elle verrait bien.

La naïveté semblait toujours être le trait dominant de ce pauvre vieillard. Totalement incapable de voir qu'on se moquait de lui tant qu'on savait flatter son égo. Et avec son jeu, Anya était sûre qu'il ne se rendrait compte d'absolument rien. Et pour cause, il était déjà sous le charme avant qu'elle ait dit quoi que ce soit. Cela faisait déjà des mois qu'il lui tournait autour sans oser l'admettre. Il était temps qu'il se laisse avoir encore un peu plus. Histoire qu'elle soit bien sûre qu'il ne change jamais plus d'avis. D'ailleurs, là, elle était plutôt tranquille à ce niveau. Il ne risquait pas de penser essayer laisser tomber sa belle Anya. En effet, il était vraiment pris dans les filets de la vicieuse femme et ne trouverait jamais la sortie.
Anya lui avait parlé avec tant de douceur et tant d'affection qu'elle le voyait tout retourné. Complètement chamboulé le pauvre. Et il n'avait pas fini, c'était le moins que l'on puisse dire. Pour le moment la belle avait été raisonnable, calme et effectivement assez douce. Il était possible qu'il ne connaisse pas plus pendant encore quelques temps, mais cela viendrait, et son petit cœur aurait intérêt à s'accrocher. Il ne fallait pas non plus oublier de qui il s'agissait...

Anya était toujours lovée contre lui lorsqu'elle lui avait fait remarquer que le temps passait. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas rester comme cela... si, en fait si, mais ils avaient tout de même un programme. Un programme qu'elle appréciait tout de même et auquel elle tenait. Bien plus qu'aux petites caresse qu'elle accordait à Armando. Ça, c'était pour le rôle. Il y en aurait d'autres. Peut-être même ce soir-là, en revenant de l'opéra. Enfin, tout dépendrait de comment cette soirée allait se passer. Mais il est certain que si elle avait vraiment aimé cet homme, si jamais cet amour qu'elle disait avoir était vraiment là, elle aurait aimé pouvoir en profiter encore, un peu plus tard, juste avec lui. Alors elle imaginait qu'il en était de même pour lui et ferait les efforts nécessaires. Tout dépendrait de ses réactions à lui en fin de soirée donc.

-Vous avez raison, il est temps de se mettre en route.

Anya se leva donc, assez soulagée qu'il décide de continuer comme c'était prévu au départ. Assez soulagée également qu'il respecte certaines convenances. Si il avait laissé tomber le vouvoiement aussi tôt elle aurait été très mal à l'aise. Bref, elle le laissa se lever et alla elle-même enfiler son manteau. Celui qu'elle mettait pour sortir le soir quand elle voulait être élégante. Noir pour la discrétion, long pour l'effet et le col et le bout des manches en fourrure, noire toujours. Un manteau qu'elle aimait bien... ce qui n'était pas au goût d'Anna entre autres. Elle revint ensuite vers le directeur. Anya lissa sa veste avec douceur en lui souriant.

-J'espère que vous n'être pas trop déçu tout de même.

Anya s'approcha assez pour déposer un nouveau baiser sur les lèvres de son homme. Elle savait très bien le manipuler ce petit homme naïf. Et se montrer mal à l'aise face à lui, aussi étrange que cela puisse paraître, cela le faisait fondre. Alors autant y aller franchement au cours de cette soirée, pour assurer la chose disons.

-Vous avez l'air nerveux, tout va bien? Je ne vous met pas mal à l'aise au moins?

En fait Anya n'avait rien vu de particulier. Elle voulait juste l'entendre. Juste par fierté pure et simple. La belle fit une moue un peu triste visiblement fausse, uniquement pour l'amuser ou l'attendrir... ou les deux en fait...

Au final, Anya se moquait totalement de savoir si le directeur était satisfait de son début de soirée. Elle ne s'inquiétait pas pour lui de toute manière, loin de là. Rien qu'avec son regard elle savait qu'il était aux anges. Un gamin en fait. Un gamin devant la jolie femme dont il est soit disant amoureux parce qu'il la trouve belle. La grande différence était qu'il n'était plus un enfant. Et aussi que la fameuse belle femme lui avait dit l'aimer aussi. Alors ne fait, il devait être dans un état assez proche de l'inconscience totale du monde qui l'entourait. Et du coup, Anya l'aurait plus rapproché d'un chien que d'un enfant. Il ne lui manquait plus que la laisse. Mais bon, elle s'y était attendu aussi. Et quelque part déposer ce baiser sur ses lèvres c'était s'assurer qu'il marcherait au pied comme un bon toutou bien dressé. Oui, vraiment, cela promettait d'être facile. Très facile même. En fait, c'était d'une facilité déconcertante depuis le début cette histoire.

En même temps, Anya s'amusait bien à jouer avec lui. Il était rapidement mal à l'aise, nerveux, rouge comme une tomate et tout ce qui peut accompagner un tel état. Et plus elle poussait, pire c'était. Ce qui était toujours un peu plus amusant. Elle aimait le voir se décomposer et se noyer dans son bonheur. C'était pathétique. Mais amusant...

-Non, vous ne me mettez pas mal à l'aise, loin de là.

C'est cela, petit menteur. Mais Anya lui sourit tout de même, faussement satisfaite de cette réponse toute aussi fausse. Ou peut-être qu'il voulait jouer sur les mots. Il n'était pas mal à l'aise mais plutôt encore peu à l'aise avec sa situation. Oui, c'était la même chose, mais pas pour tout le monde.

-C'est juste que... je ne réalise pas ma chance encore.

Et bien une fois encore Anya n'était pas si loin de la vérité. Mais c'était bien cela le plus amusant au fond. Le pauvre petit vieux ne savait plus où il en était. C'était aussi ce qui permettrait à la belle de facilement le manipuler alors elle ne se plaignait pas. Mais cela restait assez drôle.

-Dans ce cas je suis contente. Et si ce n'est que cela nous ferons en sorte que cela vienne.

Anya pris le bras qu'il lui avait tendu en souriant comme tout à fait ravie de le faire. Ce qui n'était pas le cas mais après tout, si il voulait encoe y croire pourquoi pas. Ils transplanèrent jusqu'au restaurant qu'Armando avait choisit. Ce qui indiquait aussi que leur soirée prendrait un autre sens. Elle restait assez curieuse de savoir ce qu'il penserait lorsqu'il verrait que leur virée à l'opéra se passerait en compagnie du ministre et de son épouse...