Le caractère de Sa-Ri, comme celui de tous les enfants, est lié à son éducation. Néanmoins, elle n’a pas reçu une éducation classique et on peut dire que c’est l’église ainsi que ses valeurs qui ont façonné l’enfant qu’elle était et ensuite l’adulte qu’elle est devenue.

C’est probablement dû au fait qu’elle a grandi entourée de nonnes, mais elle est d’un naturel sérieux. Calme, même quand elle était enfant, on la trouvait régulièrement plongée dans un livre de la bibliothèque où à faire la conversation aux animaux du couvent. Il faut dire que, en dehors de l’école, elle n’avait guère l’occasion de côtoyer des enfants et si les sœurs ont fait de leur mieux pour s’occuper d’elle, dieu et leurs devoirs envers lui occupaient tout de même la majeure partie de leur temps.

Ayant grandi en ville, elle s’y sent bien, mais elle rêve de voir les campagnes anglaises avec ses grands domaines, ses animaux et ses étendues sauvages. Ayant vécu la guerre et le blitz, elle apprécie d’autant plus le calme et la tranquillité quand elle peut en trouver.

Quoique studieuse, elle est aussi énergique. Dans un couvent, il y a toujours quelque chose à faire, quelqu’un à aider. L’oisiveté ne fait pas partie de son ADN et elle n’aime pas se sentir désœuvrée. Polyvalente, elle a appris à faire la cuisine, la couture, faire le ménage, mais également de la calligraphie et de l'enluminure. Douée pour les travaux minutieux, on lui confiait les travaux les plus précis. Comme beaucoup de ses sœurs, elle fut infirmière pendant la guerre apprenant aussi bien à aider aux accouchements qu’à recoudre les plaies et soigner les blessés.

Sa-Ri a le goût de la peinture, de l’architecture et de l’art en règle générale. Quoique ses croyances en dieu aient été mises à mal, elle aime toujours autant les églises. Elle trouve dans ces bâtiments audacieux un côté réconfortant qui lui rappelle forcément son enfance. La musique moderne n’a pas ses faveurs, trop rapide, trop bruyante, trop sauvage peut-être. Elle préfère la musique classique et les chants liturgique.

Calme et discrète, plus par habitude que par nature, elle sait pourtant converser avec facilité. Le malheur des autres la touche et elle a le contact humain facile. Investie dans la communauté de Notting Hill, elle était connue de ses habitants pour sa sympathie et le soin qu’elle mettait à prendre des nouvelles des fidèles. Douce et patiente, elle a le chic avec les enfants qui d’abord intrigués par son apparence en font rapidement leur grande favorite.

On pourrait la croire facile à vivre et pourtant, Sa-Ri à son petit caractère. Intransigeante avec elle-même, elle l’est autant avec les autres. Ça ne l’empêche pas d’être compréhensive et compatissante, mais elle déteste les fausses excuses et les gens incapables de prendre leurs responsabilités. Droite, elle n’aime pas le mensonge et la dissimulation, elle est d’ailleurs mauvaise menteuse. Même si elle a abandonné les ordres, elle tient toujours énormément - peut-être encore plus - aux valeurs qu’on lui a inculqué. Un peu comme si elle tenait à prouver qu’elle n’est pas partie simplement pour vivre une vie de dépravation.

Maintenant qu’elle est revenue à la vie civile, les attentions du sexe opposé la rende perplexe. Elle n’est pas naïve et même si elle n’a pas tous les détails, Sa-Ri sait parfaitement ce qui se passe entre un homme et une femme. Les animaux du couvent lui ont fournis assez d’exemple et la jeune femme sait que la technique n’est guère différente pour ses contemporains. Parfois gênée par leur insistance et leurs propos crus ou flatteurs, elle se rend compte qu’elle n’a jamais songé à eux comme autrement que des patients ou des paroissiens. Elle s’indigne d’ailleurs, parfois, intérieurement de leur audace avant de se rappeler qu’elle n’est plus sœur Sybille.
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Aussi étrange que ça puisse paraître pour une ancienne moniale, Sa-Ri a toujours été préoccupée par son physique. Dès qu’elle fut en âge de la voir, elle comprit qu’elle était différente et que cette différence ne serait que rarement bien acceptée.

Un teint pâle pour une asiatique, mais bien trop foncé pour les anglais, un manteau pointu, des pommettes hautes et de grands yeux noirs en amande dans un petit visage grave, le tout entouré de cheveux lisses aussi noir que de la réglisse. A l’école, impossible de nier cette différence, personne ne lui ressemblait. Il ne fallut pas longtemps pour que les enfants jouent au plus vieux jeu du monde en décidant d’ostraciser leur camarade.

En grandissant, la différence s'est accentuée. À force de faire des travaux en extérieur au couvent, sa peau a bruni, signe qu’en plus d’être orpheline, elle appartenait à une classe sociale peu élevée. Là où les autres filles commençaient à faire de coquetterie, exhibant les dernières tenues à la mode lorsqu’elles n’étaient pas en classe, essayant même le maquillage et le fer à friser de leur mère à l’occasion, Sa-Ri se distinguait par ses vêtements simples sans attrait et sa mise trop modeste pour plaire. Ses camarades commençaient à devenir des femmes, petites, délicates, aux formes généreuses alors que Sa-Ri restait désespérément dans l’adolescence.

Ce ne fut qu’à la fin de son adolescence qu’elle eut une poussée de croissance, du haut de son mètre septante-cinq, elle dominait désormais même la mère supérieure. Telle une mauvaise herbe, elle grandit tout en restant mince comme une brindille, presque garçonne avec une poitrine trop menue pour être considérée comme existante.

Avec son entrée dans les ordres, la mode qu’on lui avait appris à ignorer fut loin de ses préoccupations. Habillée avec une tunique et son scapulaire, le voile réglementaire porté sur ses cheveux, sa tenue n’a guère varié au cours de ses dernières années.

Désormais redevenue Sa-Ri, elle regarde la mode avec une certaine perplexité, pas vraiment sûre de la façon dont elle doit se vêtir pour se fondre dans la société. Par habitude, sa préférence va aux robes et jupes longues. Démodée pour ses contemporaines, sa silhouette filiforme se prête pourtant à ce genre de tenue et souligne encore plus ses origines étrangères. Chez Sa-Ri, le mot d’ordre est modestie, discrétion et pragmatisme quand il s’agit de vêtement. Sa seule coquetterie ? Les couleurs et les bracelets. Habituée à porter son chapelet autour du poignet, elle se sent vide depuis qu’elle ne l’a plus avec elle. De même, après avoir porté des couleurs sombres pendant des années, elle apprécie pouvoir choisir dans une palette de couleur plus variées.