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elania appréciait d'être en vacances. Il y avait quelque chose dans le fait d'être à Poudlard qui était relativement satisfaisant, car elle échappait à un quotidien oppressant, et qui encourageait ses cauchemars, mais en même temps, l'ambiance de l'école de magie et la compagnie des élèves n'avait rien de particulièrement agréable. Elle était prête à retrouver son quotidien, elle était prête à cette pause, à cet intermède. Mais apparemment, il n'était pas temps encore de couper temporairement les ponts avec l'école de magie, puisqu'elle avait été convoquée à l'école de magie, et dans le bureau du directeur, qui plus est. Cette perspective ne l'enchantait pas le moins du monde, mais c'était évidemment le genre de rendez-vous auxquels on ne pouvait pas se dérober.

Elle se doutait de ce que pouvaient être les raisons de cette convocation, pas parce qu'elle l'avait prémédité (elle avait beau être voyante, elle n'était pas omnisciente, elle ne pouvait pas tout deviner à l'avance non plus), mais parce que c'était logique. Elle avait cru y échapper quand le dernier jour d'école avait eu lieu et que rien ne s'était passé, mais c'était sans compter sur les faits bruts, qui exigeaient d'elle qu'elle rende des comptes.

Elle n'était pas entièrement aveugle à ce qui se passait autour d'elle. Elle n'était pas entièrement naïve. Elle savait que certaines de ses méthodes d'éducation déplaisaient à certains de ses élèves, et elle savait aussi que certains élèves n'avaient pas manqué de se plaindre de son comportement, car il lui était arrivée de ne pas se présenter dans sa salle de classe complètement sobre... Elle ne se présentait jamais où que ce soit en étant complètement sobre, cela dit.

D'ailleurs, alors qu'elle frappait à la porte du bureau de Dumbledore, elle n'était pas exactement sobre non plus. Pas saoule également, c'est vrai, mais il lui en fallait beaucoup pour être totalement ivre en étant alcoolisée (même si c'étaient là des limites dont elle n'avait pas toujours complètement conscience et qu'elle n'était pas forcément capable de remarquer.

Le directeur de Poudlard l'invita à entrer et lui proposa de prendre place, non sans lui proposer une friandise au passage... Que Melania déclina avec un certain agacement. Ils en étaient vraiment là ? A se proposer mutuellement des friandises ? C'était franchement n'importe quoi.

-Sans façon, merci, dit-elle en croisant les jambes, le dos aussi droit que possible, attendant de savoir à quelle sauce elle allait être mangée.

Se pourrait-il que Dumbledore décide de la renvoyer ? Non, elle voulait croire que non. Il était amateur de secondes chances, même quand il était absurde d'en donner. Qu'elle soit virée quand des énergumènes comme Hagrid étaient encore en place, ça n'aurait vraiment aucun sens.

-Pourquoi souhaitiez-vous me voir ?

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B

ien sûr, en effet, que Melania avait une très bonne idée de ce que le directeur de Poudlard lui voulait précisément. Elle n'avait pas franchement envie d'en discuter avec lui pour autant, mais rien, sinon d'éventuelles plaintes (par trop fréquentes) de parents d'élèves toujours trop râleurs ne pouvait justifier qu'il la convoque ainsi, alors que les cours étaient terminés, que c'était l'été, et qu'en toute logique, ils n'avaient guère de raisons de communiquer avant la prochaine rentrée scolaire. Bilan, avertissement ou licenciement, sur ce point, elle était moins sûre, en revanche. Toute voyante qu'elle était, elle ne pouvait pas tout prévoir de son propre destin, et elle ne pouvait avoir la garantie que certaines informations ne la dépassaient pas, purement et simplement.

Elle ne dit mot, se contenta de hocher la tête avant de baisser le regard sur la pile de courriers qu'il avait glissée sous son nez. Elle se doutait sans mal de ce que contenaient ces enveloppes. Des lettres de réclamation de parents en colère, c'était l'évidence même, une évidence que Melania aurait préféré ignorer pour sa part. Elle prit le temps de les regarder, de les ouvrir, de les lire en diagonale. Le contenu ne la surprenait pas. Ces réprimandes, elle les avait déjà entendues de vive voix et avait largement eu l'occasion de s'en agacer plus que vivement, et ce à plus d'une reprise.

-Je sais ce qu'elles contiennent, mais vous devez savoir, professeur, que la plupart des propos tenus dans ces lettres sont au mieux exagérés, au pire calomnieux. Vous savez comment sont certains élèves, vous leur mettez une mauvaise note et vous devenez le diable en personne. Elle marqua une pause. Je suis leur démon, moi je n'en ai aucun.

Elle était clairement de mauvaise foi. Elle devrait admettre, oui, qu'elle donnait parfois (souvent) ses cours en étant passablement alcoolisée et qu'elle n'avait pas franchement d'excuses pour cela, mais ce serait attendre d'elle qu'elle fasse preuve de plus d'honnêteté qu'elle ne s'en sentait capable. Même si son travail ne lui plaisait pas toujours et que la compagnie des élèves l'exaspérait souvent, elle tenait à son travail, elle n'avait aucune intention de se laisser démettre de ses fonctions. Par conséquent, le plus simple restait encore de s'exprimer ainsi, quitte à mentir comme une véritable arracheuse de dents.

-Je veux bien reconnaître que je suis parfois fatiguée, ou irritée, quand je donne mes cours, après tout, je suis humaine, ça arrive à tout le monde, mais vous savez comment les adolescents ont toujours tendance à tout extrapoler. Ils font un drame de trois fois rien.

Elle était convaincue de ce qu'elle affirmait, en l'occurrence, même si son illustre interlocuteur ne serait peut-être pas de cet avis.

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L

e directeur de Poudlard se montrait terriblement conciliant. Melania devrait peut-être en être ravie, celui laissait soupçonner que cette situation allait lui être moins déplaisante que ce qu'elle avait soupçonné, mais elle était loin d'appréhender la situation de la sorte. Non, à choisir, elle aurait préféré des réprimandes en bonne et due forme, contre lesquelles elle se serait bien évidemment insurgée, et qu'on en parle plus, tout simplement. Là, elle avait le sentiment qu'il essayait de jouer avec elle, de la manipuler... Et bien sûr, Melania ne pouvait tolérer que l'on joue avec elle ou qu'on la manipule...

Elle ne comptait pas entrer dans son jeu, mais faute de comprendre encore totalement la portée de ce jeu, il n'était pas simple d'éviter d'y rentrer. D'autant qu'elle savait pertinemment qu'Albus Dumbledore était un homme intelligent. Il donnait l'impression d'agir à la légère, mais il ne fallait évidemment pas s'y laisser prendre. Tout était calculé à l'avance, tout était déjà décidé... Et elle n'avait pas la main. D'autant que, même si elle pouvait prétendre n'en avoir rien à faire, c'était tout de même sa carrière qui était en jeu, et elle ne s'inquiétait pas tant de ne plus pouvoir exercer à Poudlard que des conséquences que cela aurait forcément sur sa réputation si elle devait se faire renvoyer de l'école de magie. De préférence, elle souhaitait ne pas en arriver là, elle considérait que ça valait mieux.

Oui, en effet, elle était humaine, mais elle s'efforçait à l'être le moins possible dans de nombreux aspects de son existence. C'était sans doute l'apanage de la grande majorité des sangs purs, d'ailleurs, c'était ainsi qu'ils étaient éduqués, après tout. Il s'agissait pour eux de se montrer plus qu'humains, car dévoiler ses failles, c'était évidemment prendre le risque de voir la situation dégénérer dans des proportions insurmontables.

Une humaine qui affrontait des émotions humaines, c'était bel et bien un très bon résumé de la situation, elle devait bien le reconnaître... Mais elle n'avait pas envie de discuter de la complexité de la situation et d'à quel point elle était difficile à ses yeux. Il n'était pas dupe, il comprenait que son don la faisait souffrir, et ce depuis presque toujours. Soit, ce n'est pas pour autant qu'elle avait l'intention de s'épancher sur ses états d'âme.

-Je n'ai pas besoin de conseils en matière de gestion de mes émotions, je sais parfaitement y faire, je ne suis pas un des élèves de cette école.

Non, elle était une adulte, une mère, une femme accomplie, elle n'avait certainement pas besoin d'être infantilisée comme elle avait le sentiment que son interlocuteur le faisait avec elle.

-Et si nous allions droit au but. Qu'est-ce que vous comptez faire ? Me donner un avertissement ? Me renvoyer ?

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elania, au fond, avait peut-être envie que le directeur prenne une mesure incisive, radicale, une décision sur laquelle il serait impossible de revenir. De manière générale, c'était comme ça qu'elle avait toujours tendance à procéder. Elle tranchait dans le vif, ni plus ni moins. Elle n'aimait pas tourner autour du pot, elle ne voulait pas tourner autour du pot. Elle n'avait aucune envie de perdre son temps en compagnie du directeur de Poudlard, mais ce dernier, au lieu de prendre une mesure radicale, semblait décidé à lui... tendre la main...

Devait-elle louer sa résilience, cette propension grotesque à toujours vouloir sauver tout le monde ? Oui et non, elle pouvait quand même reconnaître, mauvaise foi mise à part, que ce ne sera pas si mal pour elle, tout de même, si elle pouvait s'éviter un renvoi. Pour elle-même, elle serait capable de le gérer, même si elle s'est habituée à vivre en partie à Poudlard, mais elle entendait d'ici ce que serait sans l'ombre d'un doute le discours de son mari si il devait apprendre qu'elle n'était pas parvenu à conserver son poste de professeur de divination.

Ceci dit, elle ne pensait pas qu'Arcturus serait aux anges non plus, loin de là, si elle devait lui apprendre que son supérieur hierarchique exigeait d'elle (il n'avait pas parlé d'exigences encore mais c'était tout comme, non ?) qu'elle fasse une cure de désintoxication à Sainte-Mangouste... Car c'était de cela qu'il était question, n'est-ce pas ? Dumbledore y mettait les formes, certes, mais des "dispositifs en matière de gestion des addictions", il n'y avait pas mille manières de comprendre ce qu'il était en train de lui dire. Melania était peut-être alcoolique (non, pas peut-être, elle était complètement alcoolique, vraiment), ça ne l'empêchait pas d'être relativement lucide, et surtout de ne pas être la dernière des idiotes... Elle savait de quoi il était question, mais pour elle, c'était un refus catégorique. Si elle séjournait à Sainte-Mangouste pour gérer ses addictions, ça finirait par se savoir, forcément, et ça, Melania ne le voulait pas. Qu'on le croie ou non, et même si ce n'était pas toujours flagrant, elle tenait tout de même à sa réputation, et si elle devait la ruiner, elle ne voulait certainement pas que ce soit parce qu'elle aurait suivi les conseils du vieux barbu.

-Donc soit je consens à "me faire soigner" car selon vous j'en ai besoin - je ne suis pas du tout d'accord avec vous sur ce point, au demeurant - soit je perds mon travail. Elle planta son regard dans celui du directeur. Professeur, cela ressemblerait à s'y méprendre à du chantage.

Il aurait beau prétendre le contraire, elle savait reconnaître du chantage quand elle en voyait.

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elania n'en démordait pas. Oui, il s'agissait bien de chantage, et son interlocuteur pouvait bien jouer les surpris et les offusqués et prétendre que son intention n'était absolument pas de la faire chanter, elle était convaincue qu'il savait pertinemment à quel jeu il jouait. Elle appartenait à cette communauté de personnes qui considéraient que le directeur de Poudlard n'avait pas exactement toute sa tête. Ceci dit, elle appartenait aussi à cette communauté de personnes qui considéraient qu'Albus Dumbledore était un homme diablement intelligent, plus intelligent qu'il n'y paraissait, et redoutable parce qu'il ne donnait l'air de rien. Alors oui, faire mine de ne pas y toucher et dans le même temps la mettre au pied du mur, c'était bien le genre de l'énergumène...

Et le pire, c'est que cela fonctionnait. Chantage ou pas chantage, cela ne changeait rien à l'affaire. Son employeur venait de lui poser un ultimatum, et de cet ultimatum allait dépendre son avenir professionnel. Bien sûr, Melania, par élan de fierté (et à l'évidence, la fierté n'était pas une chose qui lui manquait, c'était même tout le contraire), avait bien envie d'envoyer balader son interlocuteur et prononcer une de ces phrases clichées de type : "Ce n'est pas vous qui me virez, c'est moi qui démissionne." Mais elle ne serait pas convaincante... Le fait est que, même s'il ne la satisfaisait pas sur tous les points, elle aimait son travail.

Surtout, les vacances scolaires et la promiscuité plus régulière avec son époux lui rappelait à quel point elle avait besoin de se trouver à Poudlard, d'échapper au cadre écrasant qui constituait son quotidien en d'autres circonstances. Alors oui, même si ses élèves l'exaspéraient souvent, même si les plaintes constantes des parents d'élèves lui usaient le système, elle voulait rester à cette place qu'elle estimait devoir être la sienne quoi qu'il puisse advenir.

Elle grimaça quand il évoqua le bien-être de ses élèves avant d'ajouter qu'il se souciait de son bien-être à elle. Elle n'y croyait pas une seule seconde. Tous ceux qui prétendaient l'inverse ne s'intéressaient pas réellement à sa santé, qu'elle soit de corps ou d'esprit. Qu'il s'agisse d'Albus Dumbledore ou de son mari : c'était absolument la même chose. Ils se souciaient de l'image qu'elle renvoyait, ils n'avaient que faire de ce qui la rongeait.

-Il n'y a rien que vous puissiez vraiment faire contre ce que j'ai, alors c'est une perte de temps, se défendit-elle. Qu'attendez-vous de moi exactement ? Mon poste au sein de cette école ne mérite pas que j'entache davantage ma réputation en dehors de ses murs.

Elle était prête à capituler, mais seulement si cela pouvait se faire dans la plus grande discrétion. Même Arcturus ne devrait pas savoir.

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ne solution à la hauteur de ce qui la troublait ? Melania ne put s'empêcher d'afficher un rictus à mi-chemin entre le mépris et le rire tandis que son interlocuteur prononçait ces mots qu'elle estimait être particulièrement absurdes. Melania savait parfaitement qu'il n'existait aucun remède concret à ceux dont elle souffrait, en dehors peut-être du fait de se donner la mort. Dans le cas contraire, elle aurait déjà sauté dans cette solution à pieds joints. Elle était sincèrement agacée et avait le sentiment que cette discussion tournait en rond, alors qu'il était pour elle plutôt évident qu'il n'y avait rien à dire de plus que ce qui l'avait déjà été.

Elle voulait simplement entendre les termes concrets de son interlocuteur pour savoir sur quoi reposerait éventuellement sa place à Poudlard, une place qu'elle n'avait pas envie de perdre, même si elle n'avait aucune intention de se battre pour elle pour autant. Elle savait d'avance, cependant, que la solution proposée par son interlocuteur ne serait bien évidemment jamais à la hauteur de ce contre quoi elle luttait. C'était à ses propres démons qu'elle faisait face, et il n'y avait définitivement rien à faire à ce sujet, c'était tout bonnement impossible.

La mettre en contact avec d'excellents médicomages ? Lui garantir une totale discrétion ? Elle avait envie de lui rire au nez. Même si elle devait accepter de telles conditions, et même si ces médicomages l'aidaient à lutter contre son addiction, qu'est-ce que ça changerait à sa situation ? Elle serait de nouveau hantée, et ceux qui n'aimaient pas la Melania alcoolique n'avaient à l'évidence pas la moindre idée de ce à quoi ressemblait Melania Black quand, au lieu d'être la proie de l'alcool, elle l'était d'autres troubles tout aussi difficiles à vivre pour elle. Non, ils n'en savaient foutrement rien, et son interlocuteur pas plus que les autres. Tout intelligent qu'il était, il était seulement en train de lui proposer de remplacer un problème par un autre problème, et elle n'en revenait pas qu'il ne rougisse même pas à cette perspective.

-Je doute fort que vous et moi puissions nous qualifier d'amis, je dirais même que nous sommes à mille lieues de l'être, répliqua-t-elle après s'être laissé un temps de réflexion. Vous êtes dans l'erreur, mais je veux bien rencontrer un de ces médicomages puisque, de toute manière, je n'ai pas réellement le choix, n'est-ce pas ? Elle croisa les bras. Sachez seulement que vous regretterez bien vite de me connaître entièrement sobre, c'est une chose que je peux vous garantir.

D'autant que si elle n'était jamais réellement sobre, elle estimait ne jamais être réellement alcoolisée non plus - mais pour cela, encore fallait-il être capable de vraiment faire la part des choses.

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