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austine avait l'impression de devenir folle. De sa part, ce n'était pas nouveau, c'était même la plus forte de ses angoisses, pour tout dire, celle de perdre doucement conscience de qui elle était, de perdre la meilleure partie d'elle-même pour à la place s'enfoncer de plus en plus profondément sur cet autre chemin duquel on ne revenait pas... Un chemin tentant, presque familier, mais qu'elle devait définitivement s'abstenir d'emprunter, quoi qu'il puisse advenir, c'était beaucoup trop dangereux.

Elle avait l'impression d'être épiée, suivie... et si on le lui demandait, elle saurait forcément répondre par qui... mais elle le savait, ce n'étaient qu'un sentiment, une impression, il n'y avait rien de tangible pour appuyer cela... Si ce n'est qu'elle se sentait au plus mal et qu'elle voudrait que ça s'arrête. Elle voudrait pouvoir remonter le temps, revenir avant l'incident d'Azkaban afin de parvenir, qui sait, à changer la donne, à empêcher qu'il ne la hante à nouveau. Et en même temps... elle avait envie de ne pas avoir que l'impression d'être épiée. Elle voulait qu'il soit là, quelque part... Ses contradictions l'avaient toujours malmenées, mais dernièrement, elles étaient à leur summum, c'est rien de le dire.

Elle essayait de se détacher de cette impression, de se concentrer, de se focaliser. En temps normal, cela ne lui demandait pas tant d'effort, mais pour l'heure, la jeune femme avait bien du mal à garder la tête aux enquêtes pourtant nombreuses qu'il lui fallait mener. Plus que jamais, on exigeait de chaque Auror d'être au meilleur de leurs aptitudes, et Faustine ne voulait pas décevoir, surtout pas. Au contraire, elle estimait que c'était l'occasion, réellement, de prouver sa valeur, pas tant à ses collègues et supérieurs qu'à elle-même. Elle ne voulait pas devenir un cas d'école, elle ne voulait pas donner l'illustration que Seth avait déjà donnée de son côté (et Pomona dans une certaine mesure), elle pouvait réussir à mieux que ça, elle voulait être mieux que ça...

Alors qu'elle se décidait à faire une pause dans l'espoir qu'un bon café bien serré aiderait ses idées à se remettre convenablement en place, elle tomba nez à nez avec Sasha Colloway, l'épouse de Gwendall, un de ses collègues, mais pas seulement. Par bien des aspects, elle l'intriguait. Elle avait été innocentée pour ses crimes, certes, mais il y avait quelque chose en elle... d'intrigant.

-Bonjour Sasha, si tu cherches ton époux, tu l'as manqué de peu, il vient de sortir, lui apprit-elle avec ce dont elle était capable d'amabilité, Faustine n'était jamais la plus à l'aise quand on en venait au champ des interactions sociales.

Mais elle pouvait faire un effort avec Sasha, elle le voulait, même. Parce qu'elle était convaincue qu'il y avait quelque chose à son sujet qui lui échappait, et qu'elle voulait cerner.
   

   

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lle avait mal choisi son moment, oui et non. Elle offrait, de par cette initiative malencontreuse, l'opportunité à la jeune Auror d'en apprendre plus sur cette personnalité qui ne cessait de l'intriguer et concernant laquelle elle n'avait que des théories mais pas la moindre certitude concrète. Si Gwendall avait dû être présent, elle n'aurait pas eu l'opportunité de lui parler plus longuement, et donc d'essayer de creuser dans cette psyché dont elle ne pouvait totalement soupçonner la nature et les imbrications.

Elle ne savait pas combien de temps elle parviendrait à retenir son interlocutrice, mais elle avait la ferme intention de se focaliser sur chaque détail, chaque information, et ne laisser lui en échapper aucune. Elle avait peut-être tort d'accorder de l'intérêt à une jeune femme qui n'était que victime des circonstances, mais elle voulait se fier à son instinct. Certes, son instinct l'avait trahie plus d'une fois, notamment et surtout au sujet de Jester, mais la plupart du temps, elle voyait juste, et elle avait besoin d'en avoir le coeur net.

Alors même si les interactions sociales n'étaient pas son fort, même si elle n'aimait clairement pas cela, elle était prête à faire cet effort pour ne serait-ce que commencer, qui sait, à lever ce doute qui la tenaillait depuis bien trop longtemps. Elle avait besoin de savoir, elle avait besoin de comprendre, purement et simplement, à qui elle avait affaire, et elle avait cette chance que son interlocutrice ne semblait pas vouloir si vite se soustraire à sa présence, ce qui facilitait largement la tâche de Faustine, qui n'avait absolument rien de bavard ou de sociable de manière générale.

C'était une entrée en matière classique, qu'attendre d'autre de la part de deux jeunes femmes qui ne se connaissaient pas si bien que ça, tout compte fait. Une chance, oui, que Sasha décide de lui parler un peu sans décider de rebrousser chemin immédiatement sous le prétexte de ne pas trouver la personne qu'elle était venue chercher. Encore fallait-il réussir à lui tenir la jambe suffisamment longtemps, à présent, et ça c'était une autre paire de manche. Elle n'était pas douée pour faire la conversation. Elle laissait généralement aux autres le soin de la faire à sa place. Mais aux grands maux les grands remèdes, comme on dit.

-On est sous l'eau, comme tu dois t'en douter. Difficile d'aller vraiment bien dans ces circonstances. On doit être sur tous les fronts, et on ne sait pas vraiment comment gérer cette crise, c'est sans précédent. Mais je ne t'apprends rien, j'imagine que Gwendall a dû t'en parler, dit-elle alors en préférant parler de sa situation professionnelle plutôt que de s'égarer sur un terrain qu'elle considérerait comme trop personnel. Le fond de ses pensées, son intimité, elle les gardait pour eux. Et toi, comment vas-tu ?
   

   

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austine remarquait bien que son interlocutrice se montrait évasive dans ses réponses, mais c'était bien normal, en réalité. Après tout, la jeune femme ne la connaissait pas plus que cela, pas assez pour instaurer un rapport de proximité qui ne passerait pas pour déplacé, d'une façon ou d'une autre. Elles n'étaient pas proches, elles n'étaient pas amies, elles ne se devaient rien. Et par ailleurs, Faustine n'était pas connue pour être très bavarde. C'était même tout l'inverse. Elle était de ceux qui économisaient leurs mots, au point que cela lui était souvent reproché, alors clairement, elle ne pouvait pas se permettre de dire quoi que ce soit qui ne passe immédiatement pour déplacé.

Elle aurait le droit seulement à des réponses concises, par conséquent. Gwendall l'avait informé de la situation, point. Elle allait bien, point... Il n'y avait pas vraiment de brèches dans lesquelles s'engouffrer pour commencer, et Faustine s'efforçait de se concentrer sur le langage non verbal de son interlocutrice pour en tirer ses propres conclusions. Mais ce n'était pas suffisant. Elle avait besoin de mots, de davantage de mots. Elle avait besoin d'en entendre plus de sa part, mais comment faire ? Faustine était douée pour observer, elle possédait même un redoutable talent d'imagination, mais on ne pouvait pas forcément dire que les choses allaient au-delà, c'est bien le problème, et elle avait pourtant besoin de bien plus pour étancher sa curiosité sans bornes.

Une chance pour elle, son interlocutrice n'avait pas encore fini, en réalité. Elle avait encore des choses à dire, des paroles à lui adresser... pas grand-chose, mais assez en tout cas pour que Faustine se saisisse de l'occasion.

-Je ne vous imaginais pas de la catégorie des personnes qui "font avec", répondit Faustine sans détour. Vous me semblez être une battante, votre parcours le prouve. Alors je ne crois pas que le terme soit aussi approprié que vous le prétendez. Ou que vous allez aussi bien que vous l'affirmez.

Elle était trop directe et elle en avait conscience. Avec un discours pareil, elle avait de bonnes chances de braquer son interlocutrice, elle le savait bien, mais si elle ne la bousculait pas un tant soit peu, elle était convaincue de ne rien obtenir du tout, il fallait savoir viser un juste milieu qui lui permettrait d'obtenir gain de cause. Même si Sasha devait la rembarrer, la manière dont elle déciderait de la rembarrer pourrait d'ores et déjà se révéler suffisamment éloquente pour que la jeune femme sache en tirer son parti et en tirer les conclusions nécessaires. Cela valait mieux en tout cas que de lui présenter des condoléances malvenues au sujet de son enfant. Faustine avait en erreur ceux qui affichaient une fausse compassion pour une situation qui ne les regarderait pas. Elle était empathique, certes, mais son empathie s'exprimait d'une autre manière.
   

   

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