La semaine était longue, diablement longue. Octavia avait le sentiment de ne pas s'être reposée du tout du week-end (parce que c'était vrai, sûrement, être passée au crible par l'intégralité de sa famille vous aidait certes à vous déconnecter des cours et du quotidien, mais surtout pas à vous sentir rasséréné). Elle était d'une humeur massacrante, et ça se ressentait. Elle le faisait payer à quiconque croisait son chemin, ennemis comme amis. Ils avaient beau dire, dans sa famille, la violence restait l'exutoire le plus satisfaisant qu'elle connaissait. Le seul exutoire, en fait, et elle avait vraiment besoin de se défouler.

Ce matin-là, elle avait décidé de ne pas aller en cours. Commencer à faire l'école buissonnière n'était peut-être pas la meilleure manière de prouver qu'elle était une jeune fille exemplaire, aussi bien à sa famille qu'à ses enseignants ou à quiconque souhaiterait remettre son comportement en question. Elle pouvait être une élève modèle. Tout ça, c'était un jeu, et elle n'était pas mauvaise actrice. Mais pour cela, il fallait compter après son esprit de contradiction à toute épreuve, et plus on la poussait dans ses retranchements, moins elle avait envie de suivre les recommandations qu'on lui donnait, c'était même tout l'inverse qui se produisait.

Elle avait choisi d'aller aux cuisines, elle mourrait de faim. En présence de ses camarades de classe, elle se cantonnait au strict minimum, elle ne voulait pas avoir la réputation d'une ado gloutonne, on n'entretenait pas cette ligne sans quelques sacrifices.

Mais on pouvait tricher de temps en temps. Il lui arrivait donc de temps à autre de s'isoler dans les cuisines et de s'accorder un vrai petit-déjeuner... et si elle mangeait trop ? Elle avait ses propres méthodes, qu'elle n'identifiait pas comme des troubles du comportement alimentaire. C'était quelque chose qu'elle estimait pouvoir contrôler, et qui donc n'avait pas de raisons d'avoir la moindre répercussion sur elle ou sur sa santé, au mieux sur son physique, qui devait rester le plus avantageux possible. Et ça fonctionnait.

Elle mit un premier pas dans les cuisines, où elle savait que les elfes de maison l'accueilleraient comme une reine, ce qui était pour elle un bonus qu'elle appréciait, même si le physique disgracieux des elfes avait tendance à la révulser, et qu'elle était parfois un peu rebuter à l'idée de toucher à quelque chose qu'ils avaient eux-mêmes touché. Même si avec l'elfe familial, elle était habituée.

Malheureusement, en entrant dans les cuisines, elle eut la mauvaise surprise de réaliser qu'une autre l'avait déjà devancée. Une autre qu'elle détestait. Augusta et elle avaient grandi pratiquement ensemble, mais elles n'avaient pas du tout évolué de la même manière, toutes les deux. Et la manière dont Augusta évoluait était... une honte, autant pour ses parents que pour elle-même. Octavia avait eu envie de se défouler, il semble qu'on lui en donnait l'occasion.

« Londubat. C'est donc ici que tu entretiens ces vilaines poignées d'amour. »

Octavia adressa à Augusta un sourire des plus méprisants, indifférente aux remarques cinglantes de celle qui, un jour lointain, avait été son amie. Elle ne voulait pas lui donner plus de lumière qu'elle n'en méritait. Que la rouge et or la considère avec rage et mépris, c'étaient ses affaires, Octavia s'en amusait plus qu'elle ne s'en angoissait.

Au moins, Augusta avait compris une chose importante à son sujet : quand on s'en prenait à elle, quand on l'avait dans le collimateur, on en subissait les conséquences, et ces conséquences n'avaient absolument rien d'innocentes. Si Augusta devait se montrer trop insistante ou accusatrice, l'aspirante mangemort lui en ferait payer largement les conséquences. Depuis que Tom Jedusor en personne était venu la trouver, elle, spécifiquement, Octavia se sentait ni plus ni moins qu'invincible, et on lui ferait difficilement penser différemment. Elle se sentait prête à mettre le monde à ses pieds, et s'il le fallait, si elle en avait l'opportunité, elle écraserait Augusta de sa semelle avec une délectation dont elle ne se cacherait pas le moindre instant.

« Pourquoi tu t'intéresses à ce point à ma vie ? Tu veux un autographe, peut-être ? » demanda-t-elle sans répondre à aucune des questions de la Gryffondor, dans l'optique de conserver l'avantage.

Elle n'avait pas l'intention de parler de ses amis qui n'étaient en effet que prétendus, elle n'avait pas l'intention de parler de ses troubles du comportement alimentaires qui casseraient l'image de perfection qu'elle cherchait à tout prix à entretenir. Parler d'elle, oui, ce n'était pas un problème, et elle adorait cela, mais à sa manière et selon ses termes. Se défendre des propos d'Augusta, ce serait accepter de reconnaître qu'elle pouvait avoir en partie raison. Ce n'était absolument pas un cas de figure concevable pour elle.

« Il est trop tard pour espérer suivre mon exemple, tu as raté le coche il y a des années déjà. Et avec une implication qui confinerait presque à l'absurdité. »

Elle marqua une pause. C'était une chose qu'elle pensait sincèrement. Elle ne l'articulerait pas ainsi, sous peine de donner l'impression de se soucier de son interlocutrice, mais elle n'était pas moins convaincue du fait qu'Augusta aurait pu faire de grandes choses, et devenir une jeune femme redoutable, si elle n'avait pas décidé de nager à contre-courant et de rompre avec toutes les convictions familiales au nom de certitudes qui n'étaient qu'à peine acceptables.

« Je veux bien croire que tu sois prête par tous les moyens possibles à donner du sens à ta vie de ratée finie, mais tu perds ton temps. Tu devrais te rendre service, libérer mon oxygène, et arrêter de te gaver de cochonneries à moins que ton ultime aspiration soit de ressembler à un éruptif. Ce serait déjà plus d'ambition que je ne t'en soupçonnais capable. »

Ce qu'elle cherche ainsi, en s'en prenant comme elle le fait à tous ceux dont la présence lui déplaisent, à tous ceux qu'elle estime indignes de se retrouver dans son sillage ? La réponse est très simple, en vérité, et il n'y a pas à creuser tant que ça, et surtout pas à aller fouiller à la recherche d'interprétations psychologiques ou quoi que ce soit du genre.

Ce n'est pas un trauma quelconque de l'enfance, peut-être un brin d'instabilité psychologique, à la limite - mais qui peut prétendre en étant sincère être complètement stable psychologiquement, exactement ? Pas grand-monde, sans doute. Donc non, elle ne cherche pas à combler un vide, à se défouler pour pallier à quelque chose qui lui manquerait, c'est autre chose. Quelque chose de bien différent, qui la motive. Ses raisons, selon elles, se justifient amplement, sont légitimes, et n'ont pas à être remises en question constamment.

Ceux qui ne comprennent pas d'office ses motivations ne méritent pas de les entendre, ils ne seraient pas à même de les apprécier. Augusta encore moins que les autres. Elle devrait comprendre, pourtant. Elles ont reçu la même éducation ou presque, elles ont grandi dans les mêmes cercles, elles ont fréquenté les même personnes, elles ont eu affaire aux mêmes dogmes, aux mêmes résolutions, aux mêmes affirmations péremptoire. Par crise d'ego et volonté déplacée d'émancipation, Augusta cherche maintenant à se dégager de cette image qui continuera de lui coller à la peau tout de même, parce qu'elle ne peut pas changer qui elle est. Comprendre et accepter lui ferait gagner du temps.

Octavia ne s'estime pas agressive, elle se pense pragmatique. Elle rêve d'un grand ménage. Elle veut évoluer et s'épanouir dans un monde qui ne soit pas pourri jusqu'à la moelle de mentalité soi-disant progressistes qui les précipiteront tous vers le fond à la longue. Il faut bien que certains se soulèvent et agissent, pour remettre les choses à leur place, pour rappeler la grande ordonnance des éléments et des êtres... Et dans le cas plus spécifique de Joan, elle a seulement voulu attirer l'attention. Et ça a marché.

« Il faut que tu cesses de croire naïvement tout ce que tu entends, Londubat, je n'ai jamais touché à un cheveu de cette fille de toute son existence. »

C'est plus ou moins vrai, elle peut sembler un peu vulgaire dans ses méthodes, pas tout de même au point de se salir les mains au premier degré. Elle n'attaque qu'avec sa baguette. Et encore, dans le cas précis de Colton, c'est avec la baguette de cette dernière qu'elle a attaqué. Mais elle sait, elle ne doit pas se vanter, elle doit nier, en bloc. Les plus idiots croiront, les plus suspicieux feront avec.

« Vraiment, ta crédulité ressemblerait à s'y méprendre à de la bêtise la plus absolue. Mais pourquoi est-ce que je m'en étonne encore... »

Octavia croise les bras et affiche un air indifférent. Elle veut bien se justifier, et encore, auprès de qui mérite son temps et ses explications, mais Augusta n'a jamais mérité ni l'un ni l'autre et c'est déjà lui faire beaucoup d'honneur, beaucoup trop même, que de consentir à ne serait-ce qu'évoquer le sujet avec elle. Octavia ne pense pas être pathétique, elle estime être intelligente, plutôt. Et à ce titre, elle sait ce qui doit être dit et ce qui ne peut pas l'être. Si on lui reproche de se targuer un peu trop de ses exploits, elle sait corriger le tir si et quand nécessaire, et surtout, elle n'a pas la bêtise de croire que faire l'aveu de ce qu'elle a fait subir à Colton sous le nez d'une de ses meilleures amies pourra être en aucun cas une bonne idée.

Elle souffre d'un orgueil et d'une impétuosité inhérents à sa jeunesse, mais ce serait une erreur de croire que l'on peut manipuler ses nerfs avec docilité et sans s'attendre à un revers de bâton de sa part. Elle ne dira rien à Augusta, peu importe la manière dont la rouge et or espèrera lui soutirer des aveux. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Le petit savon passé par l'ensemble des Yaxley n'a pas été sans conséquence sur elle. Elle sait être sacrément bornée, et elle n'est pas la dernière à s'obstiner dans l'erreur, mais elle sait aussi mettre un pas de côté quand la situation l'exige. Et la situation, actuellement, exige en effet qu'elle mette un pas de côté. Elle sait improviser, elle sait jouer la comédie, c'est dans ses compétences. Et ce serait un comble qu'elle se laisse avoir, peu importe de quelle manière, du fait d'Augusta Londubat. Ce serait même parfaitement déshonorant.

« Tu as des preuves de ce que tu avances ? » demande tranquillement Augusta en laissant couler les remarques de la Gryffondor sur elle comme si elles ne l'atteignaient pas. Ce n'est pas qu'elles ne peuvent pas l'atteindre, c'est qu'elles ne le doivent pas, et Augusta saura faire ce qu'il faut pour que ce soit le cas. « Parce que c'est très grave, comme accusations, tu sais », ajoute-t-elle avec au coin des lèvres un petit sourire qu'elle ne sait que faire satisfait.

Car ce petit jeu l'amuse beaucoup. Bien sûr, il y a un témoignage direct de la victime, mais la vert et argent a bien compris que même si ça n'arrange ni ses affaires, ni celles de sa famille, ça ne la condamne pas d'office non plus. Elle peut s'en tirer à bon compte, et elle en a bien l'intention. Il n'y a qu'une seule chose qui lui importe, et elle pense l'avoir obtenue.

Octavia ne se laisse pas une seule seconde distraire ou impressionner par les propos d’Augusta, ce qui doit certainement confirmer ses dires, en effet. La vert et argent n’est pas une sociopathe, elle n’est pas dénuée d’émotions, loin de là. En revanche, il est vrai que ce n’est ni la considération ni l’empathie qui l’étouffent. Egoïste, elle s’est toujours fait passer en priorité et le fera toujours. Et elle ne considère pas devoir considérer cela comme un problème. Elle a décidé d’établir un ordre très strict de ses priorités, et sa priorité, eh bien, c’est elle-même, tout simplement. Pour ce qui est de lâcheté, Octavia parlerait plutôt d’instinct de survie. Elle s’est engagée, auprès de sa famille, et auprès de son maître, à garder lèvres closes, et elle le fera.

Pour elle, ce n’est pas du tout lâche, c’est même brave. Elle sait que c’est un défaut que l’on reproche souvent à ceux de sa maison, mais elle ne le trouve pas justifié en ce qui la concerne. Elle estime qu’il y a une grande différence entre le fait de foncer dans le tas comme un pur abruti, et en se pensant intéressant qui plus est et entre le fait de se préserver. Et c’est ce qu’elle fait, elle se préserve. Elle veut non seulement survivre mais s’accomplir, faire de grandes choses, se montrer digne, se montrer forte, se montrer à la hauteur de ce que l’on attend d’elle, tout simplement.

Alors non, quand Augusta parle d’admettre ce qu’elle a fait, l’adolescente n’y voit aucun cran, mais de la stupidité, et Octavia veut penser qu’elle n’est pas quelqu’un de stupide – en même temps, Octavia ne veut pas se reconnaître de défauts, quels qu’ils puissent être. Encore moins celui-là. La vert et argent a tendance à considérer que son intelligence, justement, est un de ses meilleurs atouts, et elle n’a pas l’intention d’en démordre.

« Pourquoi est-ce que je m’amuserais à faire ça, Augusta ? » réplique Octavia avec assurance.

Elle ne revient pas sur le mot lancé et lourd de sens. Elle ne va pas prétendre en avoir quoi que ce soit à faire. Elle n’est pas une sociopathe et elle le sait. Elle est autre chose, elle sera la grande héroïne de l’ordre nouveau en marche. Elle s’imagine de grands desseins, des projets qui la dépassent, et ces derniers n’ont rien à voir avec le fait d’être psychopathe, tout à voir avec le fait d’avoir de l’ambition.

« Même si j’étais coupable, ce que tu prétends sans aucune preuve, je ne serais pas stupide au point de m’en confier à toi, pas vrai ? Tout le monde n’est pas aussi profondément attardé que toi, Londubat. »

Les attaques faciles continuent d’être celles qu’elle préfère.

Octavia se contente d'adresser à Augusta son sourire le plus brillant, feignant l'indifférence quand son interlocutrice pointe du doigt son absence d'intelligence. Elle a suffisamment confiance en elle et dans ses qualités pour ne pas se remettre en question (ce qui est un tort) quand la moindre insulte lui est adressée. Quand ces insultes, déguisées ou non, lui viennent de celle qui en tout point est son inverse, ces dernières glissent sur elle avec d'autant plus d'indifférence. Elle ne compte pas y accorder le moindre crédit, quel pourrait bien en être l'intérêt ? Si leurs deux intelligences devaient être comparées, Octavia demeurerait convaincue, dans tous les cas, de la supériorité de la sienne, et sans rougir une seule seconde de cette affirmation. Elle est assez sûre d'elle pour ne pas remettre en question ce à quoi tous les autres la pousseraient plus que fortement à reconsidérer.

« Je n'en suis pas surprise », répond Octavia quand Augusta lui assure être impatiente de la voir se manger un mur dans l'affaire Colton.

Octavia, elle, veut continuer de croire que ça n'arrivera pas. Non seulement elle sera parvenue à attirer l'attention de celui pour qui elle a fait tout cela, mais qui plus est, elle est et restera libre. Peu importe les soupçons. S'il n'y a pas de grains à moudre, alors il faudra renoncer, un point c'est tout, et peu importe que cela déplaise profondément à son interlocutrice. En fait, tant mieux, si cela déplaît profondément à cette dernière. Elle pourra se frotter les mains très longtemps, au bout du compte, si l'une des deux doit réussir sa vie et en faire quelque chose de significatif, eh bien ce sera Octavia, et pas l'adolescente qui a déjà trompé et trahi toutes les attentes familiales en étant envoyé dans une maison pitoyable, et en défendant les intérêts pathétiques de ceux qui ont déjà trop de privilèges, pourtant.

« Ta vie manque à ce point de sens qu'il te faut vivre par procuration à travers celle de personnes autrement plus intéressantes que toi. Je t'en prie, ne manque pas un seul instant de mon existence. Avec un peu de chance, tu trouveras de quoi prendre exemple, ça ne te fera aucun mal. »

Octavia songe souvent qu'au-delà de leurs rivalités évidentes, l'animosité de son interlocutrice tient finalement en peu de choses, en un mot peut-être. Oui, Octavia est convaincue qu'Augusta est jalouse. Car la vert et argent est certainement la fille que les Londubat regrettent de ne pas avoir eue de leur côté. Et jalouse, elle pourra continuer de l'être encore longtemps.

Vous savez ce qu'on dit. La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. Alors oui, Augusta n'est pas du tout une colombe, elle n'est absolument pas blanche comme neige (c'est tout le propos), mais elle en ferait quand même sa philosophie, car c'est ainsi qu'elle a toujours fonctionné : les propos déplaisants, violents, désagréable, elle les balaie d'un revers de la main, avec une indifférence affiché et une esquisse de sourire satisfait aux lèvres. Elle cherche l'approbation des autres, c'est vrai, mais en même temps, elle a suffisamment d'orgueil et d'amour envers elle-même pour pouvoir s'en contenter.

Et surtout, elle sélectionne soigneusement ce dont elle tolère d'entendre l'opinion et ceux dont elle se moque de l'opinion. Déplaire à une personne comme Augusta Londubat, qui est quelque part la version la plus ratée qu'on puisse imaginer d'elle-même. Plus Augusta la détestera, mieux ce sera. Et si elle peut entretenir cette détestation, eh bien pourquoi pas, après tout.

« Mince alors... Tu penses vraiment que ton opinion a la moindre importance à mes yeux ? Tu crois que tes insultes de bac à sable sont susceptibles de m'atteindre ? ou que tu as le même pouvoir sur moi ? »

En matière de bac à sable, elle n'a pas son mot à dire. Elle est la première à se comporter comme si elle n'était qu'une enfant, trait de caractère, immaturité exacerbée quiand elle se retrouve en compagnie d'une personne qui sait comment la piquer. Faute d'arguments, elle renvoie à autrui les reproches qu'on peut à elle aussi lui faire.

« Conserve ton énergie pour t'intéresser à ceux qui ont la stupidité de réclamer ton attention. Ta grande amie Joan en aura bien besoin quand elle reviendra, j'en suis certaine. »

Preuve de son immaturité. Elle ne devrait pas aborder le sujet Joan, elle peut perdre ses nerfs facilement. Quand elle connaît le point sur lequel elle peut appuyer pour faire du mal, elle n'hésite pas. Le problème, c'est que ce faisant, dans ces circonstances, elle joue avec le feu. Elle ne dit rien d'incriminant pour elle-même, d'accord, mais elle s'en rapproche malgré tout, et même, elle s'en rapproche définitivement beaucoup trop.

Elle doit calmer le jeu, c'est vrai, mais en même temps, elle estime que ce n'est pas à elle de s'aplatir telle la crêpe moyenne quand c'est Augusta, de son côté, qui a engagé les plus virulentes hostilités. Doit-elle de l'estime et du tact à une petite peste (l'hôpital qui se fout de la charité, toujours) de Gryffondor qui s'estime avoir le droit (illégitime) de considérer que sa connerie était confidente.

Est-elle complètement sereine alors qu'elle voit Augusta tirer sa baguette de sa poche et la pointer dans sa direction ? Pas complètement, mais Octavia fait le choix de demeurer aussi neutre et inexpressive que possible. Elle veut croire qu'elle a malgré tout la maîtrise de la situation et que son interlocutrice, malgré toute la verve et toute l'énergie qui la caractérisent, ne peut pas grand-chose, si ce n'est rien la concernant. Elle brasse du vent, mais elle n'attaquera pas. C'est quelque chose qui demande du cran, d'aller aussi loin dans ses actions que dans ses pensées, pour l'avoir elle-même vécu, Octavia a envie de croire que ce n'est pas à la portée de tout le monde. Et d'ailleurs, même Octavia, qui avait eu beau se croire prête, est un peu obligée de revoir sa copie à ce sujet. Elle est loin, très loin, d'être aussi confiante dans ses actions qu'elle ne veut l'affirmer et le prétendre (même si elle l'affirme et le prétend peu, au final, puisque ce serait prendre le risque inconsidéré de se trahir, et elle a bien compris que c'est la dernière chose que l'on attend d'elle, elle a déjà fait suffisamment de dégâts comme cela).

Alors elle a envie de penser que les mots d'Augusta sont des paroles en l'air, même si rien n'est moins certain. Augusta Londubat est du genre frondeuse, elle n'a pas atterri chez les rouge et or pour rien. Le fichu caractère qui distingue tous ceux de sa maison, elle le possède en abondance, rien d'étonnant à ce qu'elle soit une déception pour l'ensemble de sa famille, ils n'ont pas de quoi être fiers. Mais elle, elle doit se tenir tranquille. Alors elle ne riposte pas, elle ne tire pas sa propre baguette de sa poche, elle toise Augusta avec le plus grand calme. Au pire, si l'adolescente décide d'attaquer, elle sera tenue pour entièrement responsable de ses actes et Octavia pourra se façonner un statut de victime aux petits oignons, ce qui ne serait pas du luxe pour renforcer, donner plus de poids à son récit.

« Je t'en prie, fais donc », dit-elle en s'armant de plus d'assurance qu'elle n'en possède vraiment, ce qui est un exercice auquel elle est aguerrie depuis longtemps tant il est dans ses habitudes de n'afficher toujours qu'une figure impérieuse et sûre d'elle. « Ce serait dommage que certains en viennent à la conclusion que la meilleure de Joan aurait tout à fait été capable de l'agresser, mais après tout, c'est toi qui vois. » Elle la jauge avec mépris. « Plus j'y pense, plus je trouve ça crédible, pas trop ? On dit toujours qu'il faut se méfier de l'entourage proche des victimes. »

C'est de la provocation pure et dure, bien sûr, mais elle veut quand même penser que ces paroles auront un impact sur la rouge et or.