Elle est fatiguée. Son rythme de travail est très différent de celui qu'elle avait au sein du ministère, où le travail ne manquait pas mais où les horaires étaient fixes. Là, et même si elle prend doucement le rythme, elle a encore un peu du mal, parfois, d'évoluer au plus profond du chaos le plus total. Car des élèves par dizaines, même s'ils sont disciplinés, finiront forcément par exiger de votre part une attention infinie, qui peut parfois dépasser votre tempérament et user votre patience. Et il n'y a, dans les cas de Minerva, pas que les cours, l'agitation qui y est associée et tout le reste, il y a aussi ses autres responsabilités, qu'elle a accepté d'endosser avec plaisir, mais qui n'aident pas du tout sa fatigue latente.

Quand le professeur Dumbledore a suggéré qu'elle devienne la directrice de la maison Gryffondor, elle n'a même pas réfléchi, ne serait-ce qu'une seule seconde. Pour elle, ça va complètement de soi, elle le prend pour un honneur et jamais elle n'aurait envisagé de le refuser, ne serait-ce qu'un seul instant. Elle a fait partie de la maison Gryffondor, et elle est très fière d'avoir porté les couleurs de rouge et or. Même si elle n'est plus élève depuis longtemps, elle a gardé cet esprit de maison, cet esprit de famille. Elle n'hésitera pas, évidemment, à faire perdre des points aux Gryffondors quand il le faudra, mais sera tout de même la première à espérer que cette même maison remporte la coupe des quatre maisons, et à vouloir que les rouge et or emportent la coupe des quatre maisons.

Elle prend son rôle très au sérieux, donc, mais il lui demande forcément encore davantage de temps. Par exemple, elle serait déjà en train de dormir au fond de son lit si elle n'avait pas sa visite de rigueur dans la salle commune des Gryffondors afin de s'assurer que le couvre-feu était respecté. Et visiblement, son intervention n'est pas de trop. A peine a-t-elle dépassé le tableau de la grosse dame qu'elle le comprend très immédiatement, ça crie, ça court dans tous les sens dans la pièce, pleine d'élèves qui n'ont rien à faire là et devraient dormi au fin fond de leur dortoir.

-Qu'est-ce qui se passe ici ? interroge Minerva d'un ton sévère, bien décidée à sévir.

Minerva doit élever la voix et compter sur son autorité naturelle pour ramener la pièce au silence et empêcher le brouhaha. Finalement, un des élèves ose prendre la parole et lui apprend ce qui s'est passé : un élève à jeté une boule puante dans les dortoirs, réveillant ceux qui y dormaient, indignant ceux qui y suffoquaient. Une farce de très mauvais goût, que la directrice de maison va punir comme il se doit. D'abord, elle demande à l'élève qui vient de lui faire ce résumé et qui lui semble ma foi bien innocent (même s'il faut se méfier des apparences et elle le sait) d'aller trouver le concierge afin de s'occuper de réparer les dégâts engendrés par cette massive boule puante.

Ensuite, de son ton autoritaire, elle est prête à sévir. Le regard vindicateur, elle balaye la salle commune et les élèves agités qui l'occupent du regard, en quête d'un coupable. Certains semblent mal à l'aise dans leurs bottes, mais ils peuvent simplement être intimidés. Elle demande au coupable de se dénoncer, une fois de plus, mais aucun mot ne s'échappe d'aucune lèvre.

-Très bien, si personne ne se dénonce, je me verrais dans l'obligation de retirer cent point à la maison Gryffondor.

La menace est violente, mais c'est une manière de pousser à l'aveu. Elle moins que quiconque n'a envie de faire perdre tant de points à sa maison. C'est une question de fierté, d'honneur. Elle est trop intègre pour verser dans le favoritisme, mais elle veut bien sûr que sa maison gagne à la fin. Elle est nouvelle dans ses fonctions, elle veut s'en montrer digne. Et surtout... Gryffondor est sa maison, elle ne l'oublie pas.

A la pensée des quatre sabliers de la grande salle, elle ne peut que se remémorer ses années d'étude ici, où laisser une autre maison que la sienne l'emporter tenait presque de la disgrâce. Les adolescents en font toujours trop. Mais elle le pensait tout de même alors. Et le pense toujours un peu.

-Et vous veillerez jusqu'à ce que les dortoirs soient propres comme un gallion neuf.

L'instinct de groupe est important, chez les Gryffondors. Le principal concerné préférera sans doute se dénoncer plus que de faire subir cela à ses camarades. Minerva y compte bien. Dans le cas contraire, elle les interrogera un à un.

Sa menace aurait pu tomber à l'eau. La loyauté des Gryffondors peut mener à deux extrêmes : personne n'ira balancer le responsable par solidarité quitte à perdre un nombre astronomique, ou bien le responsable va se dénoncer pour ne pas faire payer le prix de ses erreurs au reste de ses camarades. En l'occurrence, c'est le deuxième cas de figure qui l'emporte, puisqu'une voix se fait finalement entendre depuis le fond de la classe. Cette voix, Minerva la reconnaît, c'est celle de Rhian Potter, qui s'avance maintenant vers elle et qu'elle observe avec une immense sévérité.

-Potter... J'attendais un tout autre comportement de votre part. Vous me décevez sincèrement, décrète-t-elle d'un ton sans appel.

Les mots son rudes, et pas totalement pensés. Elle est en colère parce que cette situation n'est pas plaisante à gérer, et elle est déçue parce que Rhian Potter devrait valoir mieux que ces enfantillages. Cela dit, ça reste en effet des enfantillages. Ce qui ne va pas l'empêcher de faire très exactement ainsi qu'elle l'a décidé. Elle a un rôle à tenir, et elle veut le tenir d'autant mieux qu'elle a encore toutes ses preuves à faire. C'est de sa crédibilité qu'il est question, elle ne peut pas se permettre de la laisser être sapée par une situation du genre.

-Vous faites perdre trente points à Gryffondor, et je vous demanderai de vous suivre dans mon bureau, tout de suite. Quant à vous. Elle jauge les élèves devenus muets depuis son irruption. Ceux qui le peuvent, retournez dans vos dortoirs, les autres, je vous prierai d'attendre en silence que votre dortoir soit raisonnablement nettoyé. Au moindre grabuge, je retire individuellement trente points à chacun d'entre vous. Ceci fait, elle reporte toute son attention sur Rhian. Suivez-moi, Potter.

Elle l'invite à l'accompagner hors de la salle commune, ce n'est qu'une fois qu'ils sont dans le couloir qu'elle reprend la parole, d'un ton froid et digne susceptible d'intimider un grand nombre d'élèves, et qui sait, peut-être bien son interlocuteur.

-Je peux savoir ce qui vous est passé par la tête exactement ? demande-t-elle en lui laissant tout de même comprendre au ton de sa voix que l'excuse qu'il lui donnera, peu importe sa nature, ne suffira pas à lever la moindre punition.

Les lèvres du professeur de métamorphose se pincent légèrement à la réponse de son jeune élève. Certes, il n'y avait pas, dans ces circonstances, de bonne réponse à la question qu'elle venait de poser. Toutes devaient, d'une manière ou d'une autre, mettre à jour son impertinence, car il n'existe pas de bonne excuse pour justifier un comportement pareil, qui tient de la pure insubordination et de la plus stricte et déplorable insolence. Bien sûr, il peut être dans le mauvais état d'esprit, il peut être triste, déprimé, mal à l'aise, elle sait tout ça parce qu'elle connaît, du moins en surface, la vie de Rhian Potter, elle sait que cette vie est difficile, vraiment compliquée... mais ça ne justifie pas tout, loin, très loin de là. Oui, ça ne justifie même rien. Rien ne justifie un comportement à ce point désagréable.

-C'est certainement l'excuse la plus déplorable que j'aie jamais entendue, Potter, réplique Minerva en le toisant avec fermeté, tout en pressant le pas pour rejoindre le plus rapidement possible son bureau.

Elle n'aime pas cette situation, elle n'aime pas cette situation du tout, et elle n'apprécie pas le moins du monde, elle n'apprécie pas le moins du monde ce comportement insolent, et elle attend de lui qu'il fasse preuve d'une attitude plus convenable, plus digne de la maison qu'il représente. Il porte haut et clair les couleurs des rouges et ors, et c'est une excellente chose, vraiment une excellente chose.

-La prochaine fois que vous vous ennuierez et que vous ne saurez pas quoi faire de vos nuits, révisez dans l'attente de vos examens, votre temps sera bien mieux employé, et ce ne sera de loin pas une perte de temps étant donné vos résultats dans certaines matières.

Ces paroles, elle les prononce au moment de s'installer dans son bureau et d'inviter à Rhian de faire face à son bureau. Elle veut qu'il lui parle, car même si rien ne justifie son attitude, certaines circonstances atténuantes peuvent être raisonnablement entendues, et pour l'heure, Minerva a bien conscience qu'on lui en cache certaines... c'est même certain qu'ils en ont plus que conscience...

-Si vous avez quoi que ce soit à dire, Potter, si vous avez quoi que ce soit sur le coeur, je ne peux que vivement vous conseiller de m'en parler.