Les branches d'un arbre, même éloignées, ont les mêmes racines. (Caleb)

Les branches d'un arbre, même éloignées, ont les mêmes racines.

Moins Nozéa voyait de monde, mieux elle se portait. Très clairement. Mais il y avait des jours où elle supportait un peu plus de se retrouver entourée de personne. Cela dépendait souvent du temps qu’il lui restait avant la pleine lune et du temps qui la séparait de la dernière pleine lune. En milieu de cycle, elle se sentait mieux parce que son corps se remettait doucement de ce qu’elle avait dû subir pendant la pleine lune et parce qu’elle ne déprimait pas encore à l’approche de la prochaine, même si ça ne tardait jamais à arriver.

Pour le moment, ça allait, alors Nozéa avait décidé d’en profiter pour faire quelques achats sur le chemin de traverse. Pour le coup, elle avait de la chance, il n’y avait pas trop de bon. Il y avait toujours pas mal de passant sur ce chemin, mais il y avait des moments où il y en avait moins que d’autre. Et des moments horribles où il ne fallait pas du tout venu, comme toute la période entre le moment où les élèves de Poudlard recevaient leurs lettres de fournitures et la rentrée scolaire. Bon, cela dit, Nozéa n’allait pas vraiment faire long feu, on ne pouvait pas dire qu’elle avait beaucoup d’argent de côté pour pouvoir faire ces achats. Elle se concentrait surtout sur le fait de survivre (et pouvoir payer Agrippine quand celle-ci lui rendait service), alors elle ne pouvait pas vraiment se permettre de faire des folies. Pour ça, il faudrait qu’elle ait un travail fixe quelque part, ce qui n’était vraiment pas évident dans sa condition. Elle venait de sortir de Fleury & Bott après avoir dépensé ses dernières économies dans un livre qui pourrait potentiellement lui permettre de se changer les idées de temps en temps, en se disant qu’elle allait sans doute retourner dans son antre.

Et ce fut à ce moment-là que son regard tomba sur Caleb Lestrange. Un de ces membres de sa famille. Enfin, ils portaient le même nom mais étaient surtout des cousins très éloignés, ils faisaient parti de la même famille mais dans des branches bien différentes. Ce qui signifiait qu’ils avaient moins de chance d’être proche, mais en même temps Nozéa n’était proche de presque aucun Lestrange à part Leta. Alors, elle pourrait très bien se contenter de l’ignorer. Non, en fait, elle devrait juste se contenter de l’ignorer vraiment, faire comme si elle ne l’avait pas vu et qu’il ne l’avait pas vu non plus, comme s’ils ne se connaissaient pas (ce qui était vrai, en vérité ils ne se connaissaient pas du tout). Mais Nozéa fut prise d’une impulsion soudaine, ne sachant pas du tout d’où elle lui venait.

« Salut cousin ! » Lança-t-elle alors en s’approchant de lui. Elle se doutait de ce qu’il pensait d’elle et justement, elle avait peut-être une sorte de revanche à tirer de tout ça. « Tu vas bien ? Je pensais pas te croiser dans le coin. »

Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait, mais visiblement elle le faisait.

Code by Gwenn

Pour la première fois depuis ce qui me semble être une éternité, j'ai pris une journée de congé, plus ou moins contre mon gré, puisque j'ai surtout cédé à l'insistance crasse de Hoover, qui estimait visiblement que si je ne prenais pas un peu de repos, il allait passer pour un mauvais supérieur hiérarchique. Je ne pense pas faire du mauvais travail, pourtant, j'estime même que c'est tout l'inverse, et que je considère ne pas m'y prendre trop mal pour ce qui est de tirer mon épingle du jeu, même pour me rendre indispensable, et je ne me sens pas particulièrement surmené. Pourtant, je peux objectivement reconnaître qu'il n'a pas tort. Je ne compte plus mes heures supplémentaires, et il semble grand temps que je lève le pied, au moins un peu.

Je n'ai pris qu'une journée de congé, malgré tout, il ne faut pas s'attendre à autre chose de ma part, ce serait bien mal me connaître. Et pour tout dire, je tourne en rond. J'ai tendance à articuler ma vie autour de deux choses, ces derniers temps : mon travail et mes missions pour mon maître.

Il y a aussi ma vie conjugale avec Lena, bien sûr, et le temps passant, les tensions s'apaisent, mais ce n'est pas encore un long fleuve tranquille, et j'ai très souvent tendance à vouloir la pousser dans ses retranchements. Enfin, là, la question ne se pose pas. Nous sommes en pleine semaine et Lena se trouve à Poudlard de toute façon.

Je décide donc, plutôt que de rester cloitré chez moi, de faire un tour sur le Chemin de traverse. J'en profite pour faire l'une ou l'autre emplette, et j'envisage de me rendre chez Fleury & Bott pour m'acheter un livre quand je me retrouve interpellé par ma... cousine ?

Le terme convient à peine. On se satisfait plutôt bien, dans ma branche de la famille, d'oublier cette branche-ci, surtout quand il est question de Nozéa. Nous n'avons de commun que notre nom, et de préférence, je préfère que ça continue d'être le cas. Je n'ai aucune envie d'avoir une longue conversation avec elle. Même une courte conversation, d'ailleurs. Et encore moins en public.

-Je peux savoir ce qui te prend, Nozéa ? On ne se parle pas, on ne se connaît pas, et c'est très bien comme ça. Qu'est-ce qu'il y a, tu t'ennuies ? Il n'y a plus personne pour tolérer ta compagnie ?

Les branches d'un arbre, même éloignées, ont les mêmes racines.

En d’autres circonstances, Nozéa se serait clairement contenté de juste ignorer l’homme qui se trouvait sou ses yeux, elle aurait fait comme si elle ne le connaissait pas – puisque après tout, ils ne se connaissaient pas réellement, en dehors du fait qu’ils appartenaient vaguement à la même famille, ils ne savaient rien l’un de l’autre –, mais là… eh bien, elle ne connaissait pas réellement les circonstances qui la poussait à se rendre auprès de Caleb et lui parler comme s’ils étaient proches, mais elle le faisait. Elle se sentait guidé par un souffle qu’elle ne contrôlait pas, mais qui pouvait très clairement la mettre dans une position particulière.

Parce qu’on ne pouvait pas réellement dire que la réaction de son « cousin » était très amène, quand il commença d’ores et déjà par lui demander ce qui lui prenait. Il remit les choses en place, lui affirmant qu’ils ne se parlaient pas, qu’ils ne se connaissaient pas et qu’ils devaient rester comme ça. Ce dont Nozéa avait bien conscience, la branche de Caleb ignorait avec grand plaisir la sienne et d’autant plus elle-même qui n’était pas non plus réellement accepté dans sa propre branche. Ils avaient beau porter le même nom, on ne pouvait pas réellement dire qu’ils puissent se considérer appartenant à la même famille.

Et Caleb ne se priva pas pour se montrer quelque peu piquant dans ses propos en lui demandant ce qui lui prenait – elle se posait la même question, mais elle préférait ne pas trop se poser de question justement –, lui demanda très clairement si elle était au point où plus personne n’était capable de tolérer sa présence. Ah, une pique clairement peu agréable. Nozéa devait bien avouer qu’elle se sentait quand même un peu mal d’entendre de telles propos, surtout qu’après tout puisque c’était elle qui avait décidé de venir voir Caleb au lieu de l’ignorer comme il se le devait… elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.

« Ça fait bien longtemps que plus personne n’accepte ma compagnie. » Dit-elle en ne se laissant pas démonter par les paroles de son cousin éloigné, quand bien même ça ne faisait vraiment pas plaisir. Non, elle se sentait suffisamment de bonne humeur et de bonne condition pour s’en sortir, pour ne pas se focaliser sur tout cela. Même s’il était quand même évident qu’elle devrait juste se contenter de passer son chemin et de ne pas imposer à Caleb une conversation qu’il n’avait aucune envie d’avoir. « Mais je me disais quand même que c’est vraiment dommage qu’on n’ait pas justement une relation plus… familiale. » C’était quelque chose qui l’avait touché forcément, quand elle s’était rendue compte que toute sa famille la considérait comme une moins que rien à cause de ses parents. Est-ce qu’elle imaginait réellement qu’il puisse être possible pour eux d’avoir une vraie relation familiale ? Non, elle n’était pas folle à ce point. « Juste on ne se connait pas, peut-être qu’on pourrait apprendre à se connaitre. »

Code by Gwenn

Je ne me laisse pas spécialement émouvoir par le discours de Nozéa quand elle me fait remarquer qu'il y a bien longtemps que plus personne ne tolère sa compagnie. Ce n'est pas quelque chose qu'elle m'apprend, je suis bien placé pour connaître sa réputation et pour savoir ce que l'on dit d'elle dans les cercles des sangs purs. Après tout, nous portons le même nom. Et dans ce contexte précis, ce n'est pas du tout une fierté pour moi, loin de là. Elle est seule, isolée du reste de sa famille, eh bien c'est ainsi. Parfois, ça ne tient pas à grand-chose, au simple fait qu'on s'est trouvé au mauvais moment du mauvais côté de la barrière. C'est comme ça, et je n'ai aucune intention de compatir.

Je lui adresse le regard le plus sceptique du monde quand Nozéa affirme qu'elle trouve dommage que nous n'ayons pas de relation plus familiale tous les deux. Dommage, non, pas du tout, je trouve que c'est dans l'ordre des choses, et ce qui est dans l'ordre des choses ne doit pas changer, ne doit pas évoluer, et rester de cette façon. Je me fiche que nos noms apparaissent sur le même arbre généalogique, nous n'avons rien d'autre en commun, et je ne veux pas avoir quoi que ce soit d'autre en commun.

-Je ne vois pas à quoi ça nous servirait, je réplique quand elle suggère que nous devrions mieux apprendre à nous connaître.

Je peux lui donner raison sur ce point. Je me fie à la réputation qu'elle se coltine, mais dans le fait, je ne sais absolument rien de mon interlocutrice, mais si je ne sais rien d'elle, ce n'est pas pour rien. C'est parce que je ne veux rien savoir d'elle, un point c'est tout. Je ne lui dois rien, aucun respect, et je ne veux vraiment pas chercher à creuser sous la surface.

Peut-être qu'elle est intéressante, intelligente, sympathique, peut-être que, si nous nous étions rencontrés dans d'autres circonstances, nous nous entendrions, mais les circonstances sont ce qu'elles sont, et elles ne tolèrent pas d'évoluer dans un autre sens.

-J'en sais suffisamment à ton sujet, je ne vois pas du tout ce que tu peux m'apprendre de plus sur toi. Et je suis convaincu que tu en sais déjà bien assez à mon sujet.

Les choses sont comme elles sont. Elles n'ont pas à changer... Il y a déjà suffisamment de changements dans ma vie comme cela pour m'embarrasser de nouveautés superflues.

Les branches d'un arbre, même éloignées, ont les mêmes racines.

En effet, ça ne servirait sans aucun doute à rien que Caleb et Nozéa apprennent à se connaître, ça ne leur avait jamais été utile avant, ça ne le deviendrait pas d’un coup. La jeune femme ne savait même pas pourquoi elle se retrouvait à insister comme elle le faisait, surtout qu’elle savait bien que c’était peine perdue. Elle ne savait pas grand-chose de son cousin, mais ce qu’elle savait de sûr et certain, c’était que sa branche de l’arbre n’avait que faire de sa petite branche à elle. Elle était cette fleur isolée dont tout le monde n’avait rien à faire, cette fleur que tout l’arbre attendait avec impatience de juste voir disparaitre des branches pour enfin s’en débarrasser complètement. Et en soit, ce n’était pas le pire qu’elle vivait dans son existence, même si ça n’aidait pas vraiment à ce qu’elle accepte sa vie.

« Oh, je suis certaine qu’il y a un tas de chose que je pourrais t’apprendre. » Insista-t-elle encore une fois, afficha un sourire en coin.

Vraiment, Nozéa ne savait pas du tout pourquoi elle insistait à ce point, mais pour une fois qu’elle croisait Caleb, la jeune femme n’avait pas spécialement envie de le laisser filer si facilement. Qu’est-ce qu’elle avait à perdre ? Du temps ? Son temps ne servait à rien. Du moral ? Son moral était clairement au plus bas, les propos de Caleb la touchait mais ne pouvait vraiment pas lui faire plus de mal que son existence le faisait déjà. De la réputation ? Quelle réputation ?

« Franchement, moi je trouve que je n’en sais pas assez sur toi. Alors qu’on fait parti d’une famille tellement intéressante, avec tant d’histoire prenante. » Leur fameuse famille… globalement, les grandes familles de sang pur avaient toutes des casseroles, des choses qu’ils cachaient sous les tapis et des personnes comme elle qu’elles cherchaient à renier autant qu’elles le pouvaient, mais il fallait quand même dire que les Lestrange faisaient fort dans le genre. « Et puis toi, très clairement, tu dois avoir une vie tellement intéressante qui rendrait jalouse n’importe quelle personne comme moi. »

Nozéa était-elle jalouse ? Très clairement… oui. Mais il fallait reconnaître qu’en réalité, elle ne savait rien de la vie de son « cousin » et donc qu’elle se contentait de croire que l’herbe était plus verte ailleurs et ça depuis toujours. Tout comme Caleb n’avait vu en elle qu’une paria de la famille Lestrange, Nozéa avait vu en lui tout ce qui semblait beau dans cette famille, une personne réellement digne de son rang, qu’on ne cherchait pas à cacher dans un placard. Comment ne pas envier la vie de Caleb Lestrange ?

Code by Gwenn

-En ce cas disons qu'il n'y a aucune de ces choses qui m'intéressent, je rétorque dans un haussement d'épaules quand Nozéa affirme qu'elle aurait probablement beaucoup de choses à m'apprendre à son propre sujet.

Elle a peut-être raison, mais la vérité, ce n'est pas ce que je veux savoir, ce n'est pas ce que je veux découvrir, je ne veux rien savoir d'elle. Je préfère me dire que nous n'avons absolument rien en commun sinon un nom de famille. Certes, un nom de famille, c'est déjà vraiment beaucoup... Car un nom signifie vraiment beaucoup de choses... mais ça c'est autre chose.

-Je comprends que ma vie puisse te passionner, son récit te tirerait probablement de la triste morosité de ton propre quotidien.

Je n'ai pas l'intention de faire le moindre effort, je n'ai absolument pas l'intention de lui parler de moi. De manière générale, il n'est pas dans mes habitudes que de m'épancher sur ce que je pense ou ce que je ressens... C'est encore davantage le cas en sa présence. Parler de soi, c'est se dévoiler, c'est donner à l'autre des armes qu'il ou elle pourra retourner contre vous. Il est hors de question que je fasse cette faveur à mon interlocutrice, envers laquelle je ne nourris rien d'autre que le plus souverain des mépris.

-Mais je n'ai aucune raison de t'apporter la moindre satisfaction.

En effet, c'est une satisfaction que je ne lui apporterai pas. Ni elle ni aucune autre. Je ne veux épuiser ni mon temps, ni ma patience, avec elle. Autant le dire directement, ça ne m'intéresse juste pas. Cela n'a aucune chance de m'intéresser, jamais. Cela m'est même totalement égal.

-Oui, tu as tout pour jalouser ma vie. Ce n'est pas prétention que de le dire. Ta vie est tellement pathétique et misérable que tu envierais probablement celle d'un véracrasse.

Je le dis avec orgueil, je le dis sans la moindre envie, je le dis sans émotion. Je le dis car je le pense. Ce n'est pas pour me donner de l'importance par rapport à elle, ce n'est jamais rien d'autre que le fond de ma pensée... Et personne ne parviendrait à me laisser imaginer autre chose, vraiment pas.

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