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ollux venait de quitter les locaux de la Gazette, plus tôt qu'à son habitude. Il n'était pas rare, en effet, qu'il daigne quitter la rédaction que bien après que ses employés, y compris les plus zélés, aient jugé bon de rentrer chez eux (en dehors de quelques périodes de rush, en cas d'événement majeur et inattendu qui obligeait l'entièreté de la rédaction à une nuit blanche qui n'avait rien d'optionnelle). Mais il lui arrivait également de faire des exceptions. En l'occurrence, il avait prévu de rejoindre Regulus dans un restaurant du chemin de traverse, et cela méritait bien qu'il délaisse les bureaux de la Gazette le temps d'une soirée, quitte à y revenir plus tard si nécessaire.

Pollux n'avait pas multitude d'amis, mais ceux qui entraient dans ses bonnes grâces avaient la garantie de son entière loyauté. Regulus était de ceux-là. Plus qu'un simple cousin, il était un frère aux yeux de Pollux, il ne le traitait pas différemment de la manière dont il traitait Cassiopeia et Dorea... à la différence près que Regulus était un homme, bien sûr, ce qui changeait naturellement la nature de leurs relations. A dire vrai, il était bien possible qu'un psychologue de bas étage observe, dans cette situation, que Pollux avait peut-être transféré sur Regulus l'affection qu'il ne pouvait plus accorder à Marius, son frère de chair et de sang, pourtant. Et Regulus avait beau être l'aîné des deux, Pollux avait toujours eu tendance à vouloir l'aider et le protéger. Raison pour laquelle il suivait toujours son parcours de très près et s'arrangeait pour lui accorder le plus de temps possible. A ce titre, les rendez-vous du genre n'étaient pas que des formalités amicales, ils étaient une obligation absolue.

Ils avaient donc convenu de se retrouver au terme de leurs journées de travail respectives (tout aussi fastidieuses pour l'un que pour l'autre étant donné les hautes fonctions qu'ils occupaient l'un et l'autre), et quand il arriva devant l'entrée du restaurant, où une table leur était réservée, Pollux constata que Regulus était d'ores et déjà présent. Pollux le gratifia d'un sourire sincère. Et les sourires sincères du genre, il ne les distribuait définitivement qu'avec la plus grande parcimonie, c'était à savoir.

-Bonsoir Regulus, ravi que tu aies pu te libérer. Comment vas-tu depuis la dernière fois ?

Cela faisait quelques semaines, à présent, qu'ils n'avaient pas trouver le temps d'avoir une vraie conversation. Au mieux s'étaient-ils croisés très rapidement, dans des conditions qui n'étaient pas réellement propices aux discussions plus longues et plus profondes. Cette occasion allait leur permettre, à l'un comme à l'autre, de se mettre à la page et de se tenir au courant, par la même occasion.

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egulus était un homme pointilleux, d’aucun diraient que son sens du détail étaient autant une qualité qu’un défaut. Nulle banalité administrative ne pouvait être bâclée, quand c’était par Regulus que cela passait… Bien des employés avaient dû maudire son nom lorsqu’ils avaient été forcés de faire des heures supplémentaires pour recommencer leur travail… C’était ce qui était arrivé ce jour même. Il ne comptait pas ses heures, ce n’était pas un luxe qu’on avait quand on dirigeait la plus grande banque sorcière du pays… L’unique, même. Et ses employés étaient tenus de suivre son rythme. S’ils n’étaient pas contents, ils pouvaient trouver un travail ailleurs. En cela, il préférait largement travailler avec les gobelins que les sorciers – ce qu’il n’avouerait jamais à haute voix évidemment. Les créatures étaient d’une rigueur absolue et comprenaient son sens de l’administratif. Ils avaient le sens du travail bien faits et se donnaient toujours au maximum. Il aurait bien du mal à faire tourner la banque sans les intraitables gobelins comme part majoritaire de ses employés.

Mais le sens du détail de Regulus se ressentait aussi dans sa sphère privée. Et s’il priorisait généralement le professionnel, il y avait quelques exceptions qui existaient. Il était habituel qu’il manque des repas et des rendez-vous avec la bonne vieille excuse de « quelque chose est tombé au travail »… Mais pas pour Pollux. Son cousin avait un agenda au moins aussi chargé que le sien, et pourtant trouvait toujours le temps de lui réserver des créneaux pour leurs dîners réguliers. Regulus n’avait pas l’intention de manquer ce rendez-vous, d’autant plus que cela fait plus d’un mois qu’ils n’avaient pas pu réellement discuter. Que dirait son père, s’il savait qu’il priorisait un simple cousin à son propre frère de sang…
En temps normal, il aurait annulé, étant donné la charge de travail énorme et les ralentissements dus à des comptes-rendus expédiés par un employé… Mais à la place, il quitte son bureau en temps et en heure pour se rendre dans le luxueux restaurant non loin de la banque. Pointilleux, dans tout dont les horaires. Regulus n’est ni à l’avance, ni en retard, mais pile à l’heure. Il a ainsi le temps d’aller vérifier le pli de sa cravate et de sa robe de sorcier, la perfection le plus possible qu’importe l’interlocuteur. Une fois satisfait il va l’attendre à leur table réservée, sort son agenda pour y travailler pendant ce temps.

« Bonsoir Pollux. » le salut-il avec politesse et en lui rendant un sourire tout aussi sincère. « Ca n’a pas été évident, je ne vais pas te mentir. » Il range ses affaires, franc, il n’était pas du genre à mentir pour faire plaisir. « Ravi aussi.  »

Et c’était sincère. Ils ne se voyaient que trop peu et il appréciait chaque instant passé en la compagnie de ce cousin de qui il avait toujours été si proche, malgré leurs responsabilités diverses qui leurs avaient fait prendre des chemins différents et pourtant parallèles.

« Occupé. Fatigué. Mais en vie. » Il énumère les faits, s’installe plus confortablement. « Mais Lycoris va mieux, je suis soulagé. » La santé de sa sœur le préoccupait bien plus que la sienne, et elle tendait à se dégrader lors des mois froids. Mais comme toujours, elle tenait bon. Une force de volonté que Pollux avait en commun avec Lycoris. « Et toi, Pollux ? Mes petits-cousins ne te donnent pas trop de fil à retordre ? » C’était par simple diplomatie qu’il disait « mes petits cousins » plutôt que « Alphard ». Sa filleule et Cygnus, avec qui il entretenait d’assez bonnes relations, semblaient bien moins difficiles que Alphard… Regulus n’avait jamais eu d’enfant, et n’en aurait jamais, mais il admirait ceux qui étaient parents pour le presque métier que cela représentait.

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ollux considéra Regulus du regard, soucieux, tentant de décrypter dans les quelques mots qu'il lui avait adressés l'étendue des soucis de son amis. Dans la multitude de défauts que possédait Pollux, il n'avait au moins pas hérité de celui d'être complètement égoïste, il pouvait même se montrer étonnamment altruiste quand il le voulait. Il fallait, certes, pour cela, qu'il soit question de ses proches, et que l'aide qu'il offrait s'arrête à la bienséance et à l'honneur de sa famille, mais malgré tout. Aussi, quand Regulus lui dit que les choses n'avaient pas été évidentes depuis la dernière fois, Pollux prenait le soin de l'écouter avec beaucoup d'attention et sans se détourner un seul instant.

Ce n'était pas une nouveauté, en ce qui concernait Regulus, qu'il était souvent fatigué, épuisé par son état autant que les circonstances, mais il tenait bon, et ne serait-ce que pour cette raison, Pollux avait beaucoup de respect pour lui. Certains étaient plus avantagés que d'autres, et les moyens qu'ils déployaient pour l'être ou non n'étaient pas la seule variable qui entrait en jeu dans ces circonstances. Vivre, pour Regulus, revenait à survivre, quotidiennement, c'était un constat qui le distinguait à l'évidence de nombre de ses pairs.

-Ravi de l'entendre, dit-il, que la pudeur poussait à ne pas trop s'épancher sur l'état de son ami et cousin, ce n'était pas ainsi que l'on procédait au sein de la famille Black, même s'il fallait parfois savoir faire des exceptions. Tu transmettras mes amitiés à Lycoris; évidemment. Voilà longtemps que je ne l'ai pas vu.

La conversation se poursuivit et Regulus lui demanda si ses petits-cousins ne lui donnaient pas trop de fil à retordre. Ses enfant, en somme... et selon toute vraisemblance, il y en avait un en particulier qui était visé par ce questionnement : Alphard, l'enfant terrible.

-Cygnus doit encore s'ajuster à sa condition d'homme marié. Je pense qu'il n'avait pas tout à fait conscience de ce que ce nouveau statut impliqué. Il faut dire que j'ai eu trop peu l'occasion de lui donner l'exemple dans ce domaine, observa-t-il avec un sourire mélancolique à l'évocation d'Irma. Mais je suis très fier de lui, et ses supérieurs sont particulièrement satisfaits de son travail au ministère. Quant à Walburga, les préparatifs du mariage avancent bien, j'en suis satisfait. Et bien sûr, il fallait à présent parler de l'enfant terrible. Tu connais Alphard, je n'ai pas vraiment besoin de te dire qu'il me donne du fil à retordre, je suppose. Mais il s'est assagi, récemment. On ne peut pas dire que ses fiançailles l'enchantent, mais elles ont eu le mérite de lui faire reconsidérer sa place et son rôle. Je pense que Clarice aura une très bonne influence sur lui.

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