Je n’ai pas les idées très claires. Deux jours que le courrier de Pomona m’est parvenu, deux jours également que je n’ai pas fermé l’œil. Impossible, dans ces circonstances. Je réfléchis, passe toutes les options en revue, réfléchis encore. Ce que je sais à coup sûr, c’est que la situation ne doit pas demeurer telle qu’elle est. Je continuerai de traquer Seth comme je n’ai cessé de le faire depuis son évasion abrupte du ministère, et Seth me mènera à Pomona. Seth finira en prison, là où il devrait se trouver depuis longtemps déjà. Et Pomona… j’y réfléchirai plus tard, la retrouver sera toujours un bon début. Car je ne peux pas juste la laisser partir et ne rien faire, surtout en la sachant en danger au côté du déséquilibré notoire qu’est Seth Beresford. Nous trouverons une solution, en temps et en heure.

Quant à la Résistance… Eh bien… C’est un fait bien connu : quoi qu’il advienne, le spectacle doit continuer malgré tout. Et la Résistance ne doit pas diminuer de vigilance sous le prétexte que le capitaine a abandonné le navire. Nous le maintiendrons à flot, fort des progrès que nous avons déjà à notre actif, et qui n’ont rien d’anodins ou de relatifs. Il faut nous montrer forts, vigilants, et ne surtout rien lâcher. Pour cette raison, il nous faut à tout prix nous réorganiser. Et pour cela, la Résistance continue d’avoir besoin d’une figure de proue et d’autorité forte, digne de tenir ce rôle à part entière. C’est ce qu’incarnera donc Harry, puisque Pomona elle-même lui a demandé de prendre sa place. Un choix judicieux à plus d’un titre, mais qui nécessite donc que nous accordions de nouveau nos violons. Pour ne pas courir droit à la catastrophe.

Je me suis donc rendu au QG de la Résistance avec cette intention certaine d’avoir une conversation précise sur la suite des événements avec le nouveau chef de file, même si cette perspective ne m’enchante pas. Pas parce que je m’imagine que le jeune homme sera incompétent dans ce rôle, loin de là, mais parce que ce n’est définitivement pas ainsi que j’aurais voulu que les choses se passent. Mais nous n’avons donc pas le choix, il nous faut garder la tête froide et faire preuve d’efficacité. Une fois sur place, je retrouve Harry dans le salon et le salue d’un signe de la tête.

-Bonsoir Harry. Je pense qu’il faut que nous ayons une conversation, tous les deux.

Cela faisait peu de temps que Pomona était parti, mais Harry avait déjà le sentiment qu’il y avait un vide. Il n’appréciait pas les méthodes de la jeune femme, c’était un fait, il continuait évidemment de lui en vouloir pour ce qu’elle avait fait à Calvin, mais en même temps c’était étrange de se dire qu’ils allaient continuer sans elle. Parce qu’elle était à la tête des résistants. Les voyageurs avaient mis un peu de temps avant de s’allier aux autres, ils avaient mis du temps avant de leur faire confiance, maintenant… Harry se trouvait à la tête de tout ce beau monde.

Le survivant n’allait pas mentir, il se sentait l’âme d’un leader. Il ne prenait pas toujours les décisions tout seul bien sûr, mais c’était souvent lui qui entrainait sa petite bande quelque part. C’était lui qui avait entrainé tout le monde dans le passé, en leur faisant détaler au ministère après sa vision sur Sirius. Il avait donc plutôt l’habitude de diriger que d’être dirigé et d’ailleurs, il était toujours frustré quand les décisions étaient prises sans lui. Et quand il ne pouvait pas faire parti d’un groupe entier, il faisait son propre petit groupe. Il n’était pas seul donc, Hermione, Ginny, Neville, Luna et Ron étaient aussi clairement là pour diriger tout ça, mais il fallait un « chef ». Pomona lui avait donné ce fardeau, il ne savait pas réellement comment il allait s’en sortir. S’il savait que les voyageurs allaient forcément le suivre, ce n’était pas forcément le cas des résistants. Et plus ça allait, plus ils étaient nombreux alors…

Mais il ferait avec, il n’avait pas le choix, d’autant plus qu’il était impératif d’arriver à arrêter Voldemort. Harry était justement dans le salon ce jour-là, seule avec Calvin sur les genoux. Son chat c’était bien remis de l’ingurgitation du venin de basilic, une chance pour Pomona quand même. Christopher arriva dans le salon. Harry enleva son chat de ses genoux pour pouvoir se lever et saluer l’homme.

« Bonsoir. » Harry ne put s’empêcher de détailler un peu Christopher. Il l’avait déjà vu dans des états pas possibles, il l’avait déjà vu fatigué, mais là… il lui donnait vraiment le sentiment de ne pas avoir dormi depuis plusieurs jours. Harry se doutait que le départ de Pomona ne devait pas lui plaire, qu’il avait été touché par tout cela. Et d’ailleurs, c’était surement à cause de ce départ qu’il se trouvait là et réclamait de lui parler. « Je pense aussi. » Confirma-t-il, en hochant la tête. Il se réinstalla dans le fauteuil.

Il ne reprit pas la parole. Il avait plein de chose à dire, mais Harry devait bien avouer qu’il préférait quand même que ça soit l’homme qui lance la conversation. Il venait ici spécifiquement pour lui parler, autant qu’il puisse lui dire directement ce qu’il avait à lui dire.

Harry me laisse engager les hostilités, ce n’est sans doute pas plus mal. Nous savons tous deux de quoi il est question. Nous allons devoir réorganiser la Résistance en profondeur, et il y a plus d’une chose qu’il est important que nous mettions à plat pour ce faire. La tâche ne va pas être facile, mais c’est une raison de plus pour accorder nos violons. Il était simple de négocier la suite des événements avec Pomona. Elle et moi partagions des visions très proches (même si je dois quand même reconnaître avoir mal interprété de trop nombreux signes pour affirmer que ça a toujours et incontestablement été le cas).

Là, même si j’ai eu affaire à Harry plus d’une fois, je ne peux en rien prétendre le connaître aussi bien. J’ignore quelles sont ses intentions, j’ignore quelles sont ses impressions vis-à-vis du départ de Pomona, j’ignore quelles décisions le jeune homme a l’intention de prendre, j’ignore quel rôle il compte s’attribuer dans les circonstances présentes. De nombreuses zones d’ombre qui nécessitent d’être clarifiées et il est vrai que comte tenu de ce qu’il y a à dire, il est difficile de savoir par quoi ni par où commencer plus précisément. Au final, le plus simple restera de commencer par le commencement, et cette question qui me brûle les lèvres, même si elle n’est pas non plus la plus importante.

-Est-ce que tu as pu parler à Pomona à son départ ?

Je pense que oui, puisqu’elle l’a nommé à sa suite. Mais moi comme Henry, nous n’avons reçu de sa part qu’un courrier beaucoup trop bref et concis. Harry est sans doute la dernière personne (en dehors de Seth dorénavant, mais je n’ai pas spécialement envie de me pencher trop longuement là-dessus, pour tout dire) à avoir eu une vraie conversation avec elle.

Alors je veux en connaître la teneur, pas seulement parce qu’elle sera sans doute essentielle pour savoir de quelle façon nous allons nous organiser dorénavant, sans elle, mais aussi parce que cette conversation aura peut-être semé des indices primordiaux sur l’endroit où elle se trouve. Je suis loin d’avoir renoncé à la perspective de la retrouver, et j’espère bien être exaucé. J’ai besoin de savoir ce qu’ils se sont dit. La question est implicite, mais je pense qu’il l’aura compris, c’est ce qu’induit très naturellement ma question.

À choisir, Harry préféra largement laisser Christopher commencer les hostilités, le jeune homme n’avait aucune idée de par où commencer. Il était évident qu’ils devaient parler du départ de Pomona, qu’ils devaient se mettre d’accord concernant la direction de la résistance. Au fond, peut-être que Pomona aurait même dû demander au directeur des Aurors de prendre son relai plutôt que de le désigner lui comme le leader de la résistance, parce que le groupe était devenu sacrément impressionnant, qu’il y avait beaucoup de monde et plein de personne que Harry ne connaissait pas. Et qu’il n’était vraiment pas sûr de pouvoir diriger tout ça. Même s’il avait conscience qu’il avait bien sûr une âme de leader, mais ce n’était pas la même chose d’entrainer ses amis dans ses idées à la con, que de gérer un tas de sorciers, de non sorcier même.

Mais pour le moment, ils allaient commencer par parler de Pomona. Christopher lui demanda s’il avait eu l’occasion de lui parler. Harry répondit déjà en hochant la tête pour confirmer qu’il avait discuté avec la jeune femme avant son départ. Même si cette discussion avait suscité bien plus de questionnement que de réponse.

« Elle est venue me voir pour me prévenir qu’elle s’en allait et qu’elle voulait que je prenne sa place. »

Harry n’allait évidemment pas s’arrêter là. Il pourrait en soit, parce qu’il venait de répondre à la question de l’homme, mais il savait bien qu’il en attendait plus. Il ne serait pas comme ces personnes qu’il fallait secouer pour obtenir quelques mots de plus. Quand bien même, il n’était pas sûr de pouvoir aider beaucoup Christopher.

« Franchement, je ne sais pas si notre conversation pourrait être utile. » Il ne savait pas ce que son interlocuteur cherchait, mais il devait quand même chercher quelque chose pour le questionner de la sorte. Franchement, il ne comprenait pas grand-chose de ce qui s’était passé avec Pomona, il avait conscience qu’il ignorait beaucoup de chose. Mais il allait tout simplement dire tout ce qui s’était dit avec Pomona. « Elle est venue me voir pour me dire qu’elle partait. Elle m’a montré l’article qui parlait qu’on l’avait vu dans la rue. Elle m’a dit ne pas être digne de la position qu’elle occupait et que nos méthodes n’étaient pas compatibles. » Pour le coup, le jeune homme ne pouvait qu’être entièrement d’accord. « Elle m’a dit… elle m’a dit qu’il y avait des choses à son sujet que je ne savais pas, mais qu’elle ne me dirait pas qui justifiait sa décision. Qu’on n’avait pas besoin d’une personne comme elle. » Harry marqua une pause, se remémorant ce qu’elle lui avait dit d’autre et qu’il pouvait prendre la peine de dire à Christopher. « Quand je lui ai demandé si elle abandonné son combat contre Voldemort, elle m’a dit que non et que si jamais elle devait trouver des informations, elle s’arrangerait pour nous les donner. »

Il avait conscience que ça faisait beaucoup et que c’était peut-être un peu confus, mais il se disait que Christopher voudrait savoir.

A mesure que Harry déroule ses explications, j'ai l'impression d'entendre la voix de Pomona à travers ses dires. Cela me déplaît profondément, mais je la reconnais bien là. C'est sa manière de faire, et quelque part, je déplore de ne pas avoir eu droit, de mon côté, à de telles explications en face-à-face. Tout comme Henry, je n'ai eu le droit qu'à un courrier, beaucoup trop concis. Certes, à l'inverse de Harry, je possède les informations plus concrètes qui me permettent de mettre le doigt sur quel a été son dilemme moral, les raisons qui l'ont poussées à faire un pas de côté, à décider qu'elle n'était plus digne de diriger la résistance.

Elle avait ses raisons, qu'elles aient été bonnes ou mauvaises, je veux croire que j'aurais pu l'empêcher de faire ce choix si elle m'avait accordé cette conversation, chose qu'elle n'a pas faite. D'un autre côté... eh bien, c'est peut-être pour ça que Pomona n'a pas voulu me confronter directement. Elle savait sans doute que je pourrais, en effet, l'aider à voir les choses d'une autre manière, et elle ne l'a pas voulu. Finalement, il ne m'a pas appris grand-chose de ce que j'avais déjà deviné. Je devrais sans doute apprendre à Harry ce que je sais, mais je n'ai pas envie de gâcher encore plus le peu d'estime que Harry doit avoir d'elle en cet instant. D'autant plus que je ressens bien que cette estime a largement été entamée, déjà. Même dans ces circonstances, même avec ce que je sais, ou à cause de ce que je sais, je ressens le besoin de la protéger encore davantage.

-Je vois.

Une réponse beaucoup trop concise après toutes les informations qu'il vient de me donner, mais je ne me vois pas commenter, d'autant que s'il me demande des explications complémentaires, eh bien je n'ai pas l'intention de les lui communiquer dans tous les cas, donc autant dire que ce serait une perte de temps assez évidente.

-Elle a fait le bon choix en te demandant de reprendre le flambeau... Est-ce que c'est ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu lui as répondu ?

Si la hiérarchie du groupe doit évoluer, et elle le doit, c'est une chose que nous devons décider, déterminer ensemble, c'est préférable.

La réponse de Christopher à son long discours fut simple… et efficace. En soit, McDowell ne devait pas avoir grand-chose à dire de toute façon, pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait pas grand-chose à dire. Pomona avait décidé de partir, elle ne lui avait pas donné de raisons précises, disant simplement qu’il y avait certaine chose qui avaient eu lieu dont il ne devait rien savoir et il lui avait laissé le commandement de la résistance. Au vu de comment les choses s’étaient passés dernièrement entre eux, il semblait même un peu étonnant qu’elle lui fasse confiance pour ça, mais Harry avait bien compris que de toute façon elle ne reviendrait pas spécifiquement sur les détails de sa décision. La seule chose qu’il pouvait faire, c’était palier à son absence à présent. Sans trop savoir quoi penser de la jeune femme à présent.

Harry fut touché quand Christopher affirma que Pomona avait fait le bon choix en lui demandant de reprendre le flambeau. Même si le survivant avait peut-être un peu trop tendance à commander les choses au détriment des autres (c’était dans son caractère, il n’y pouvait rien), il savait qu’il n’avait pas toujours pris les bonnes décisions. Est-ce qu’il était vraiment apte à prendre la place de Pomona ? Au fond, Harry avait envie de le croire, mais il se disait que les autres pouvaient ne pas penser de la sorte.

« Je reprends le flambeau. » Répondit-il, se montrant sûr de lui. Harry savait qu’il ne devait pas jouer les petits chefs, quelqu’un de ses amis avaient encore mauvaise ce qu’il avait fait, mais en même temps ce n’était pas comme s’ils pouvaient envisager d’avancer sans un leader. Alors oui, il prenait cette place. « On doit avancer de concert, en groupe, en travaillant ensemble, mais on a besoin que quelqu’un prenne parfois les décisions difficiles. » Comme utiliser le venin sur son chat ? Ça ce n’était pas une décision difficile, c’était une méthode trop dure que Pomona avait un peu trop tendance à utiliser. « Je sais que ça ne sera pas évident de la remplacer et ce n’est pas vraiment mon but, mais on doit avancer et on ne peut pas juste s’arrêter parce qu’elle a décidé de quitter le navire pour je ne sais quelle raison. » Harry marqua une pause. « Je ne suis pas Pomona et vous… vous auriez préféré qu’elle reste je pense, mais on va faire ce qu’il faut faire ensemble. »

Harry se montrait confiant, même si ça faisait beaucoup de chose sur ses épaules. Quand bien même il s’était imposé comme chef de fil des voyageurs, ce n’était pas la même chose de prendre la place de Pomona et que les résistants le suivent. Cela dit, il se disait que tout le monde était là pour le même but, alors ils devaient juste tout faire pour attendre ce fameux but.

Je hoche la tête, soulagé d'entendre la réponse de Harry. Il aurait tout à fait été en droit de décider de ne pas reprendre le flambeau. C'est une responsabilité sérieuse, et qui n'est pas à la portée de tout le monde, il aurait par conséquent été compréhensible qu'il préfère se tenir à l'écart d'une telle décision, mais il avait fait le choix le plus sérieux et aussi le plus nécessaire. Et je suis sincèrement rassuré d'assister à cette passation de flambeau, de savoir que la personne qui se tiendra à la tête de la Résistance est une personne que Pomona a choisie et en qui elle a toute confiance. Et j'aurais tendance à lui faire confiance également. Par plus d'un aspect, il a prouvé qu'il était bel et bien digne d'une telle confiance.

C'est une confirmation dont j'avais besoin pour la suite : Harry Potter deviendra donc mon interlocuteur privilégié concernant tout ce qui a trait à la résistance. J'estime que c'est une chose importante, et qui n'est surtout pas à négliger... Je ne la négligerai pas, en tout cas... Et nous pouvons à présent discuter de la suite. C'est assez naturellement que l'ombre de Pomona doit planer sur notre conversation, mais j'imagine que nous ferons de notre mieux pour ne pas la laisser empiéter sur tout le reste. Ses paroles sont juste : si nous nous devons de travailler en groupe, il est impossible de se passer d'un leader dans de telles circonstances... c'est un espoir utopiste, et qui n'est pas vraiment concevable. D'autant que les décisions difficiles à prendre seront nécessairement nombreuses : impossible de faire autrement dans ces circonstances bien précises.

-J'aurais préféré qu'elle reste, mais dans ces conditions, il était sans doute préférable qu'elle s'en aille, je dis sans donner aucune précision... Je préfère ne rien faire de tel. Je marque une pause. Caelan et moi serons donc tes interlocuteurs privilégiés afin de faire le lien entre la Résistance et l'Ysbridion... Nous viendrons faire le point régulièrement, afin de nous assurer que tout se passe au mieux. Je suppose qu'une réunion officielle sera organisée afin d'annoncer le départ de Pomona en bonne et due forme, n'est-ce pas ? je suggère alors.

Le but, pour le moment, est de peaufiner les détails purement techniques. Procéder ainsi m'aide beaucoup, cela m'empêche de penser au fait que je n'ai pas la moindre idée d'où Pomona peut bien se trouver et de si elle est en sécurité ou non.