Oh, comme il me fatigue d'avance, ce rendez-vous, je n'ai aucune, mais alors aucune envie d'y aller. Mais ma mère (ma mère qui est aussi ma manageuse... et je ne souhaite cette combinaison à personne... pour commencer, je ne souhaite le monstre qui me sert de mère à personne) a insisté, et ses arguments, s'ils m'ont tous agacés, ne manquent pas de bon sens. Il y a des caprices que je ne peux plus m'autoriser maintenant que je ne suis plus juste une joueuse parmi les autres Harpies mais la capitaine de mon équipe, et H&A et le genre d'entreprise après laquelle il faut compter. Je sais que Rudy bosse pour eux d'ailleurs, encore une raison de ne pas spécialement sauter de joie à la perspective de ce rendez-vous (et encore, je sais pas tout), mais quand faut y aller...

C'est donc partie pour retrouver Robin Hammond. Oh, je vous ai pas dit, mais je la connais, cette fille. Enfin, la connaître, c'est vite dit. On était à Poudlard ensemble. Elle dans l'équipe de Poufsouffle, moi dans celle de Gryffondor, je peux vous dire que sur le terrain, on ne se fait pas de cadeaux. Bon je sais, je ne fais jamais de cadeaux à personne... mais voilà à quoi je l'assimile : à une rivale d'une autre époque. Elle n'a pas poursuivi le Quidditch en professionnel (ah !) et de l'eau a coulé sous les ponts, mais je suis pas forcément du genre à revenir sur mes premières impressions. Enfin, les affaires sont les affaires, il permet. Donc je jour J à l'heure H, je me rends sur place en passant par le réseau de cheminettes.

J'ai à peine le temps, une fois arrivée, de me débarbouiller d'un coup de baguette de la suie et de la cendre qui recouvrent mon visage, que Robin, que je reconnais très vite comme telle, viens direct me harponner.

-Tu me laisses le choix ? je réplique quand elle suggère d'office de se tutoyer. Oui, ce serait bizarre de se vouvoyer, mais bon... Je me souviens de toi, Hammond. Je te demanderais bien ce que tu deviens, mais du coup j'ai la réponse. Je marque une pause. Bon, on s'y met ?

Au plus vite on rentrera dans le vif du sujet, au plus vite on sera débarrassées. J'ai aucune envie d'y passer mille ans.

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Tu m'étonnes, que je suis pressée. J'ai vraiment pas de temps à perdre et cette conversation est déjà en train de me taper sur le système alors qu'elle vient à peine de commencer. Rien à voir avec Hammond, faut bien que je reconnaisse qu'elle se montre plutôt sympa, et professionnelle, aussi, mais bon... Au final, ça ne change rien au fait que cette situation me les brise menu, et que j'ai toujours une très mauvaise impression en ce qui concerne mon interlocutrice.

Pas de chance pour elle, il y a peu de chances pour que mon regard évolue, surtout dans des circonstances comme celle-ci. On entre dans une salle de réunion. Robin me propose à boire, j'accepte de prendre un café, je me dis que ça me fera pas de mal. Pas le genre de boissons qui vous détendent les nerfs normalement, mais ma consommation de caféine a déjà explosé tous les plafonds de longue date, alors bon. Tout en sirotant ma boisson, je l'écoute me pitcher brièvement la situation.

Elle brosse les Harpies comme il faut dans le sens du poil, explique en quoi consistera le sponsoring de H&A, le tout a l'air plutôt réglo, et surtout avantageux pour l'équipe. Sur le principe, j'ai rien à redire, juste à lire attentivement toute la paperasse concernée pour être sûre de pas me faire entuber. Chaque fois que je lis des contrats longs comme ma bras, j'entends la voix de ma mère à mon oreille, à râler sur le moindre paragraphe, à corriger la moindre close. Elle me sort par les trous de nez, mais je lui accorde ça : au moins, les risques de se faire avoir sont minimes quand elle est dans le coin. Et j'ai pas mal appris d'elle et de sa voix stridente quand elle m'intime l'une ou l'autre "recommandation" à l'oreille dans l'espoir qu'en respectant celles-ci, je répare un peu de sa vie de merde, brisée par ma faute, qu'elle vous dirait.

Je tique un peu (beaucoup) quand j'entends Robin parler de Rudolf. Ben tiens... tant qu'à faire, elle a qu'à l'appeler Rudy, tant qu'on y est. Je tombe pas des nues, je sais que les Busards sont sponsorisés par H&A, mais j'aime pas l'idée qu'ils puissent être si familiers, les deux. Surtout que clairement, Robin Hammond serait bien le genre de Rudolf. S'il ne s'est rien passé entre eux, il a forcément dû l'envisager, ce sale con...

-Mais bien sûr, mon plus grand rêve, c'est d'essayer des balais en même temps que Rudolf Brand, je grince entre mes dents. Je me saisis de la proposition de contrat et lève mon nez après un instant. J'aurais préféré un contrat d'exclusivité, ça me plaît pas que notre sponsor copine avec les équipes concurrentes.

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-Tu m'en diras tant, je marmonne pour moi-même quand Robin m'assure que Rudolf lui a dit le plus grand bien des Harpies lors de leur dernière conversation.

Déjà, pour commencer, pourquoi est-ce qu'ils se sont amusés à parler de mon équipe, hein ? Mais je ne suis pas surprise d'entendre que Rudolf nous aura caressé dans le sens du poil, c'est ça le pire. Rudolf n'a jamais dénigré les Harpies... mais il ne m'a jamais dénigrée non plus, enfin, jamais devant public ou jamais dans mon dos. Il a des manières plus insidieuses de me diminuer ou de foutre le bordel dans ma vie. Mais dans tous les cas, non, hors de question, même dans un millénaire, même dans deux, que lui et moi nous amusions à essayer joyeusement des balais ensemble, déjà que ça ne m'enchante pas de devoir partager avec la concurrence...

Je serre les dents quand Robin ajoute que l'exclusivité n'est pas envisageable, que nos résultats ne sont pas suffisamment bons. Non mais elle va redescendre d'un étage, oui ? C'est quoi cette remarque sur les performances des Harpies. Comme si ces dernières, de toute façon, pouvaient se limiter à des chiffres et à des statistiques. Je vous le donne en mille, mes cocos, c'est évidemment plus compliqué que ça. Je leur en foutrais, de la visibilité... J'ai bien envie de l'envoyer balader juste pour cette raison, mais en même temps, je ne peux pas cracher sur ces histoires de sponsor.

C'est une aubaine pour les Harpies. Mon putain d'ego a déjà pu me faire manquer plus d'une opportunité dans la vie, mais je veux éviter généralement que mon équipe doive en pâtir. Surtout maintenant que j'en suis capitaine. Je peux plus m'amuser à jouer les cavaliers solitaires et n'en faire qu'à ma tête. Enfin... je le peux moins, quoi. Je suis pas ravie de ça, mais c'est un fait en tous cas, et je peux pas spécialement y couper, que ça me plaise ou pas (je vous le donne en mille, ça me plaît pas des masses). Ne serait-ce que pour rabattre le caquet de toutes celles qui estiment que je ne suis pas à la hauteur, j'ai plutôt intérêt à gérer, d'ailleurs. J'ai envie de me lever et d'affirmer que je peux trouver n'importe quel sponsor et qu'elle a pas besoin de se montrer aussi suffisante comme s'ils étaient le nombril de l'univers, mais on va garder son calme... du mieux qu'on peut.

-Ok, s'il y a renégociation possible, c'est envisageable. Vous exigeriez quoi, comme résultats, pour revoir notre arrangement à la hausse ? Je marque une pause. Et oui je préfère faire mes essais seule.

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J'adresse à Robin un simple geste qui signifie plus ou moins "peu importe" quand elle me dit qu'elle sera ma référente sur mon dossier, mais qu'il peut être possible de changer. Je vais pas dire que ça me démange pas de faire mon petit caprice pour exiger que quelqu'un d'autre gère mon dossier, mais on va pas abuser non plus. Robin Hammond ne sera jamais ma grande amie, mais je vais pas non plus commencer à jouer à ce point les bêcheuses. Je sais y faire quand il faut, mais même moi j'ai mes limites. Et je sais que mon intérêt, surtout, c'est de tirer le meilleur parti de cette histoire de sponsoring.

Elle ajoute qu'un contrat peut toujours être renégocié, je ne sais pas si c'est si simple. On peut toujours se faire entuber d'office par les petites clauses écrites en mini-caractères en bas de page, et dans ce cas-là, renégociation ou pas, on l'a dans l'os.

Robin précise ensuite que jusqu'ici, H&A n'accordait l'exclusivité à personne, mais jusqu'ici, je ne l'avais pas exigée. Pour l'instant, je sens bien que je n'ai pas l'avantage, surtout parce que je n'ai pas d'arguments à avancer, mais ça, ça viendra. Il faudra que j'en discute avec l'autre abrutie (je sais il y a beaucoup d'abrutis dans ma vie, en l'occurrence je parle de ma mère). Pour autant qu'elle me tape royalement sur le système, elle a le flair et un don pour ces choses-là. Mais là, tout de suite, je ne vais pas faire comme si je savais plus que Robin. J'aime avoir le dernier mot, mais pour avoir le dernier mot, il faut en être capable, et donc reconnaître ces moments où ce n'est pas totalement possible.

-J'en discuterais avec mon manager, je décide de répondre posément. Je pose un regard sur toute cette paperasse administrative tandis que Robin me demande s'il y a des choses dont je voudrais discuter avec elle. Il faudra que j'examine le contrat point par point avant ça, mais je peux quand même déjà poser les questions les plus évidentes, je suppose, ça me fera gagner du temps. Le contrat s'étend sur quelle durée exactement ?

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Bon, six mois c'est pas la Manche à boire, après tout. Surtout dans mon corps de métier. Peut-être que c'est le cas pour tout le monde et que j'ai juste perdu prise avec la réalité, je vais pas faire semblant de savoir quoi que ce soit à quoi que ce soit à la matière, mais j'ai quand même réalisé que dès lors que j'ai intégré les Harpies, le temps a cessé de s'écouler de façon classique pour moi. Tout s'enchaîne, s'accumule, tout se précipite.

Je suis sollicitée constamment, et ça ne laisse ni le temps de s'ennuyer, ni le temps de voir filer les années. Bientôt, je serais trop vieille pour être encore une joueuse pro, et je l'aurais même pas vu venir. Donc six mois, ouais, c'est finalement pas grand-chose. Six mois, c'est rien du tout. Et ça me laissera juste le temps qu'il faut pour voir si ça me convient, pour procéder à des ajustements si nécessaire, et pour me raviser si je dois estimer que ça me va pas.

Pour le reste, on verra bien. La cinglée finie qui me sert de génitrice autant que de manager sera mieux placée que moi pour passer le sacrosaint contrat au peigne fin. De ce point de vue, je me fais pas d'inquiétude, je sais que je peux clairement compter sur elle. Elle a pas son pareil pour ce genre de choses. J'ai pas hâte de l'écouter me faire un commentaire détaillé de chaque putain de ligne de chaque putain de paragraphe, mais ça.

-La semaine prochaine, on doit disputer un match en Bulgarie, mais si ça s'éternise pas, dans deux semaines, je devrais être fraîche et dispo pour en rediscuter avec toi. Je sors mon agenda de poche de mon sac. J'aime bien quand les choses sont fixées et ne restent pas suspendues, dans l'expectative. Disons le 28 juin ?

Evidemment, j'attends qu'elle adapte son emploi du temps au mien et non l'inverse, ça a toujours été comme ça, et ça restera comme ça. Dans mon monde, les choses fonctionnent ainsi, et jamais différemment. Je sais bien qu'il faut parfois que je le torde pour se conformer à celui des autres, mais j'ai mes limites.

-On s'est tout dit ou il y a encore d'autres choses ?

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