Attention au verglas ! (Bradley)

Attention au verglas !

Lisbeth venait de passer une journée plutôt éreintante dans le cabinet de son époux, qui était devenu le sien à force. Elle avait eu beaucoup de jeune fille en consultation et c’était toujours un peu compliqué dans ces conditions. Avec les années, elle se sentait parfaitement bien, mais les démons de sa jeunesse pouvaient très bien revenir en force et quand elle entendait les récits de certaines de ces jeunes femmes, elle ne pouvait pas s’empêcher de se sentir empathique. Ce qui en soit n’était pas une si bonne chose. Gregory lui avait tout appris de ce qu’elle savait, elle savait qu’elle devait garder une certaine froideur et distance avec ses patient.es. Mais il y avait quand même des moments où c’était plus difficile que d’autres, notamment en fonction des histoires des jeunes femmes.

Gregory se trouvait encore en consultation, Amy était chez eux sans doute enfermée. Elle aimerait bien que sa fille sorte un peu plus souvent, mais elle ne désespérait pas que ça arrive. Avec le temps, Amy allait se sentir mieux, elle allait s’ouvrir au monde comme elle l’avait fait de son côté. Elle savait qu’ils allaient réussir avec leur amour et leur patience à l’aider, à la guérir. Mais en attendant, Lisbeth avait décidé de profiter d’avoir terminer son travail pour la journée afin d’aller faire quelques courses pour le diner du soir-même. Elle espérait bien préparer quelque chose que Amy et Gregory allait adorer. Lisbeth se sentait tellement bien quand ils se retrouvaient tous les trois autour de la table, comme la famille qu’ils étaient devenus. Au fond, Lisbeth regrettait parfois que sa fille ne soit pas sa fille de sang, mais son amour pour elle était infini dans tous les cas et elle se sentait pleinement à sa place auprès de son mari et de sa fille.

Elle était chargée de sac de commission. Elle avait profité de cet instant pour faire quelques réserves pour noël également, qui approchait à grand pas. Lisbeth n’était pas encore décidée complètement sur ce qu’elle allait préparer pendant le réveillon, mais en même temps il y avait des incontournables qu’elle avait déjà pris. Il était fort à parier que dès le lendemain, elle allait de nouveau être en train de faire les magasins, mais ce n’était pas quelque chose qui la dérangeait. Lisbeth alliait parfaitement sa vie d’épouse et de mère au petit soin, que celle de psychologue (qui avait sans doute par moment plus de souci que ses patients). Mais elle avait peut-être un peu trop surestimé sa capacité à porter tous ces sacs, elle était quand même sacrément chargée alors qu’elle marchait dans la rue, sur ce trottoir un peu verglassé par le temps frais d’hiver. Ce qui devait arriver arriva, la jeune femme sentit son pied glisser et se senti tomber au sol.

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Attention au verglas !

B

radley savait, au fond, qu'il ne devrait plus insister. Il se faisait plus de mal qu'autre chose, à persévérer de la sorte, et par la même occasion, il faisait également plus de mal à Esther qu'autre chose, quif ne serait jamais capable de tourner la page s'ils poursuivaient sur cette voie. Oui, sauf que Bradley était absolument incapable d'agir ou de faire autrement. Il avait besoin de réponse, de quelque chose de certain, de tangibles, et pour l'heure, tout n'était que spécultation et incertitudes. Voilà un certain temps maintenant que Thésée Dragonneau revérifiait le dossier de l'affaire de la mort du prédecesseur de Wilhelmina Tuft, et jusqu'ici, il ne s'était arrêté à aucune conclusion qui condamnerait sa fille définitivement. Et puis, il y avait toujours cet article de journal qui avait évoqué la présence de Pomona à l'air libre, alors qu'elle devrait errer, dépourvue d'âme, dans une cellule d'Azkaban. Il ne savait définitivement plus quoi penser.

Pour s'occuper l'esprit et dans l'espoir d'y comprendre quelque chose, il s'autorisait à poursuivre toute les pistes qui se présentaient à lui, même les plus improbables, même les plus fragiles. Il était parvenu à remonter la piste de l'homme qui s'était dit témoin de la présence de Pomona. Il s'était rendu à son adresse, avait insisté encore et encore, frappé à sa porte à tout rompre, mais jamais l'homme n'avait répondu, le laissant bredouille et plus frustré que jamais par des circonstances qui hurlaient en sa défaveur.

Engoncé dans son manteau d'hiver, d'humeur maussade, le nez enfoncé dans son écharpe, Bradley ne faisait plus attention à rien ni à grand-chose. Il allait simplement se contenter de rentrer chez lui et ne pas parler de son échec à Esther. Certes, il savait qu'il fallait qu'il se montre plus ouvert avec elle, qu'il lui parle. Les récents événements avaient prouvé combien cruciale était la communication entre eux et devait continuer à l'être. Certes, ce n'était pas assez malgré tout pour le convaincre que ce ne serait pas lui faire plus de mal qu'autre chose que de lui relater tous ses échecs. Quand il y aurait un progrès, un vrai, il lui en parlerait.

Il était tout à ses pensées, mais en fut tiré en voyant une femme, qui marchait devant lui, s'effondrer littéralement au sol. Bon seigneur, Bradley se précipita vers elle pour l'aider à se relever et à ramasser ses courses, qui s'étaient éparpillées un peu partout.

-Vous allez bien madame, rien de cassé ? demanda-t-il tout d'abord. Puis, au moment de la regarder plus attentivement... Non... Ce semblait impossible. Le temps avait passé, il pouvait très évidemment se tromper, mais pourtant, il était presque convaincu de reconnaître son amie d'enfance à cet instant, celle qu'il avait perdue de vue au moment d'entrer à Poudlard, qu'elle n'avait jamais intégré. ... Lisbeth ?

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La chute était rude, un peu déstabilisante. Mais Lisbeth semblait pouvoir compter sur l’aide généreuse d’un passant, qui se trouvait juste là et qui se précipita vers elle. L’homme l’aida à se relever et ramasser ses affaires qui étaient tombés au sol. Au final, il y avait plus de peur que de mal, Lisbeth allait bien. Tout au plus, elle aurait quelques bleus sur son corps, mais ce n’était rien. Non, ce n’était tellement rien. L’homme lui demanda si elle allait bien, si elle avait quelque chose de caché. Lisbeth tourna son regard vers lui, prête à répondre, mais il y eut quelque chose dans son regard…

C’était familier, elle serait bien incapable de savoir exactement d’où cela venait, mais c’était familier. La femme observa son interlocuteur, et fut surprise quand ce dernier prononça son nom. Elle sentit un frisson parcourir son échine. Ils se connaissaient ? Peut-être. Elle ne répondit pas de suite, observant le visage de cet homme. Elle ne savait pas d’où cela lui venait, mais c’était comme une impression lointaine, comme si elle connaissait son visage, comme si elle connaissait cet homme. Mais elle était bien incapable de s’en rappeler.

« C’est mon prénom oui. » Répondit-elle presque hors d’elle, sans détourner son regard de l’homme.

Elle avait vraiment le sentiment de le connaitre sans pour autant parvenir à savoir d’où, c’était une impression particulièrement désagréable. Et si cet homme connaissait son prénom, c’était qu’ils se connaissaient forcément c’était évident. Mais en même temps, elle ne s’en rappelait pas. Elle avait envie de s’en rappelait, elle cherchait dans sa mémoire, sans y parvenir. Parce qu’elle ne parvenait pas à remonter trop loin, elle ne parvenait pas à repenser à son enfance, elle ne voulait pas y songer.

Et puis soudain, ce fut comme un flash. Un garçon. Bien différent de l’homme qui se trouvait sous ses yeux, mais avec une ressemblance frappante. Elle ne parvenait pas à se souvenir des détails, mais elle se rappelait de son visage, comme s’il avait compté pour elle à une époque. Quand elle avait encore l’occasion de croiser des personnes. Pour le reste, tout était encore bien flou, mais cette impression devenait de plus en plus grande.

« Bradley ? » Le prénom de cet homme lui vint d’elle ne savait où, elle n’était même pas réellement sûr d’elle, c’était comme une sorte de réflexe. « C’est bien ça ? »

Elle remettait un prénom, mais tout le reste était particulièrement flou. Ce qui était sans doute bien mieux comme ça, parce qu’il ne fallait pas réveiller des démons du passer. D’ailleurs, Lisbeth sans vraiment y penser serra ses bras contre son corps, comme pour se protéger. Pas de l’homme qui se trouvait sous ses yeux, mais de tout ce qui envahissait son passé et avait encore beaucoup trop l’occasion de la troubler, alors qu’elle était pourtant sur le chemin de la guérison. Qu’elle se considérait pleinement guéri depuis que Gregory avait fait se travail merveilleux avec elle, depuis qu’il l’avait sauvé de sa condition.

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U

n moment, Lisbeth dévisagea Bradley sans rien dire, et ce dernier songea qu'elle ne le reconnaissait pas. Pouvait-il lui en tenir rigueur ? Pas vraiment, en réalité. Après tout, il était presque miraculeux que lui-même l'ait reconnue après tout ce temps (et encore, il aurait tout à fait pu se tromper, en vérité), et s'il lui trouvait beaucoup de points communs avec l'enfant qu'il avait connue quand il en était un lui-même, il se pouvait que, de son côté, il ait bien trop changé pour qu'elle puisse le reconnaître. En tout cas, une chose était certaine, c'était bel et bien à Lisbeth, la Lisbeth de sa prime jeunesse qu'il avait affaire. Et après un moment, elle le reconnut à son tour, et sa réaction ne fut pas exactement celle à laquelle il s'était attendue.

Bien sûr, il ne pensait pas qu'ils se sauteraient dans les bras après tout ce temps, mais il s'attendait à un sourire joviale, à des questions de rigueur sur tout le temps qu'ils avaient à rattraper, à un certain enthousiasme, en fin de compte. Car s'il est vrai que leur dernière conversation remontait à il y a bien longtemps, ils avaient été comme cul et chemise, tous les deux, avant que des circonstances qui n'avaient jamais été vraiment éclairées ne distinguent leurs chemins séparément. Non, Lisbeth ne semblait pas enthousiaste, elle semblait plutôt apeurée. Difficile pour Bradley de deviner pourquoi, mais il s'en faisait une petite idée. Elle n'avait jamais été à Poudlard malgré son ascendance sorcière.

Il était bien possible que Lisbeth soit une cracmolle, et les cracmols avaient tout intérêt à se méfier des gens comme lui. Est-ce que cela dérangerait Bradley qu'elle en soit une ? C'était bien possible, mais il ne voulait pas non plus mettre la charrue avant les boeufs. Déjà, il voulait parler à Lisbeth et comprendre ce qu'elle était devenue, en espérant que cette dernière délaisserait un rien sa posture pour le moins réticente et accepterait de s'ouvrir un peu plus à lui. Mais pour cela, il fallait sans doute qu'il se montre simplement avenant, et c'était son intention. Pour commencer en tout cas.

-C'est ça, répondit-il avec un sourire. Si je m'attendais à te revoir ! ça fait si longtemps !

C'était drôle de se remémorer des amitiés si anciennes, si innocentes, ils n'avaient plus grand rapport à ce jour avec qui ils étaient à l'époque, mais il restait malgré tout entre eux ce reliquat d'affection, en tout cas de son côté, qui remontait à si loin.

-Qu'est-ce que tu deviens ?

Il espérait qu'elle aurait le temps de faire avec elle le tour de sa vie, car lui-même ne voulait rien en manquer et était prêt à lui parler tout aussi librement, même si certains points de son existence seraient plus difficiles à aborder que d'autres.

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C’était bien Bradley. Tout ça était encore bien flou pour la jeune femme, elle n’avait aucune idée de ce qui était en train de se passer. Elle avait le sentiment de se retrouver soudainement projeté de nombreuses années en arrière, avec aucune envie d’y être d’ailleurs. Elle se sentait compressé, c’était comme s’il ne fallait pas qu’elle pense à tout cela, comme s’il valait mieux qu’elle fuit. Oui, il y avait comme une alarme dans son esprit qui lui disait de prendre ses jambes à son cou et de s’en aller. Et en même temps, elle était incapable de bouger, comme s’il y avait quelque chose qui tentait de lui faire ouvrir les yeux sur une part importante. Elle se sentait juste complètement perdue et elle n’avait aucune idée de ce qu’elle devait faire, de ce qu’elle devait dire même.

L’homme affirma que ça faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus. En effet, elle avait le souvenir d’un enfant, un enfant dont elle avait été très proche. Comme une présence agréable, réconfortante, quelqu’un qui lui avait permis de se sentir bien par moment. Mais elle ne savait pas si c’était réellement le cas ou si ce n’était pas juste une invention de son esprit. Lisbeth était bien placée pour savoir que les souvenirs pouvaient quand même être vraiment traitres. Elle en avait vu des personnes refouler des douleurs dans leurs souvenirs, ne pas se rappeler de certaines horreurs dans le but de survivre. Elle en savait quelque chose donc… et encore, elle était loin encore de réaliser qu’elle était mieux placé que quiconque pour tout ça.

« Eh bien… je… » Lisbeth devait bien avouer qu’elle n’était pas sûre de comment répondre à l’homme sous ses yeux. Qu’est-ce qu’elle devenait ? La question était vaste parce que la dernière fois qu’elle avait vu Bradley, elle devait avoir à peine une dizaine d’année. Elle ne savait même pas ce qu’il convenait de répondre. Alors… eh bien elle décida simplement d’être professionnel. « Eh bien, comme tu vois j’ai… vieillit. » Elle n’était plus une gamine. « Je suis mariée, j’ai une fille. » Pas besoin de préciser qu’elle n’avait pas pu concevoir naturellement sa fille, mais cela ne changeait rien au fait que Amy était sa fille et qu’elle l’aimait comme une mère aimait son enfant. « Je suis psychologue et globalement je consacre mon temps à ma famille et mon travail. » Parler de fait était bien plus simple. « Et toi alors ? »

Lisbeth devait bien avouer qu’elle était particulièrement curieuse de savoir qui était Bradley aujourd’hui. Son souvenir de lui était encore particulière vague, elle se disait qu’elle en apprendrait beaucoup plus en l’entendant lui dire ce qu’il devenait. Même si une part d’elle continuait quand même d’appréhender énormément le fait d’en découvrir plus sur ce fameux Bradley. Ce même Bradley qu’elle avait complètement occulté de son esprit pendant de nombreuses années. Sans qu’elle ne se dise que ça soit forcément à raison, on ne pouvait pas se souvenir de toutes son enfance.

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L

isbeth semblait avoir bien du mal à savoir par quel bout prendre sa question, chose que Bradley comprenait parfaitement pour sa part. Il s'était écoulé tant de temps ! La dernière fois qu'ils s'étaient vus, ils n'étaient jamais que des enfants, même pas des adolescents. Maintenant, ils avaient des vies accomplies, ils étaient des adultes, et s'ils devaient chercher à raccorder tous les wagons, ils n'en avaient pas fini, c'est certain. Cela dit, Lisbeth sut se concentrer sur l'essentiel. Elle était mariée, elle avait une fille. Rien de plus normal, en somme. A leurs âges, on en attendait pas moins de leur part, et il était heureux de savoir que Lisbeth avait un homme dans sa vie et avait fondé une famille, en espérant que tout ceci la rendait heureuse. Il était bien placé pour savoir que famille n'était malheureusement pas toujours synonyme de bonheur, même si on le voudrait.

Il était plus étonné d'apprendre qu'elle était devenue psychologue. Ce n'était pas un métier très répandu encore, que ce soit chez les Moldus ou chez les sorciers (ce qui ne l'aidait d'ailleurs pas vraiment à savoir de quel côté de la barrière elle se situait à présent : il sentait qu'il allait devoir marcher sur des oeufs s'il voulait obtenir la réponse à cette question), et il était admiratif d'un choix de carrière si aventureux, même s'il avait tendance à penser, et sans honte, que les femmes avaient davantage leur place à la maison, encore plus quand elles étaient mères. Ceci dit, il avait tout de même le bon goût de garder ces réflexions pour lui. Et de toute évidence, ça valait mieux.

-Eh bien... exactement la même chose que toi, je suis marié et j'ai une fille, une grande fille maintenant... Il sentit comme un frisson mêlé d'un léger vertige. C'était très naturellement qu'il avait parlé de Pomona au présent, comme si de rien n'était, et ce n'était qu'après avoir prononcé ces mots qu'il réalisait leur nature... Il n'aurait certainement pas accablé Lisbeth au sujet de sa fille, dans tous les cas, mais le discours le plus naturel aurait sans doute été de parler de Lisbeth sans évoquer Pomona, et pourtant. Bon, j'ai fait un choix de carrière très différent, en revanche. Je travaille au ministère.

Il ne précisa pas quel ministère : Lisbeth savait qu'il était un sorcier, il n'y avait qu'un seul ministère à ses yeux, et c'était bien évidemment le ministère de la Magie.

-Tu sais... j'espérais te voir, à Poudlard...

Il se souvenait avoir guetté la foule des élèves, lors de la cérémonie de répartition, mais aucune trace de Lisbeth. Et bien sûr, même s'il ne posait pas la question directement, elle était sous-entendue : où est-ce qu'elle avait été ? Qu'est-ce qui s'était passé durant son adolescence ?

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C’était un exercice vraiment difficile de dire à une personne qu’on n’avait pas vu depuis l’enfance, ce qu’on avait bien pu devenir. En somme, cette question devrait obtenir plus de réponse avec le temps qui passait, parce qu’on avait forcément vécu plus de chose qu’en quelques jours ou semaines mais… eh bien non, ça n’avait rien d’évident. En soit, Lisbeth ne voyait pas réellement ce qu’elle pouvait ajouter de plus en dehors du fait qu’elle était une femme mariée et qu’elle avait une fille. Bradley répondit de la même façon qu’elle, rebondissant sans doute sur ce qu’elle avait dit. Il était marié également de son côté et il avait aussi la chance d’avoir une fille. Si Lisbeth n’était pas à ce point troublée de voir surgir de nulle part un souvenir d’enfance, elle aurait peut-être pu remarquer que quelque chose n’allait pas quand Bradley mentionna sa fille. Mais elle ne vit rien, et elle n’avait pas forcément l’intention de se pencher plus sur cette fille. Ce pourrait être tout à fait naturel de parler de leurs filles respectives, mais Lisbeth devait bien avouer qu’elle n’avait pas spécialement envie de parler de Amy. Non pas qu’elle en ait honte, bien au contraire, sa fille était une fierté pour elle. Mais elle ne pouvait pas parler de Amy sans parler de son adoption, et elle n’avait pas envie de se pencher sur ça.

Bradley parla à son tour de son choix de carrière. Elle avait pris le risque de parler du sien, sachant bien ce que la plupart des hommes pensaient au sujet des femmes qui travaillaient. Ce qu’elle ne reprochait pas, elle considérait aussi que la place d’une femme était auprès de sa famille. Mais elle voulait justement aider les femmes qui souffraient comme elle avait souffert de son côté. Bradley travaillait donc au ministère. D’accord, elle attendait qu’il continue et précise dans quel ministère il travaillait, mais il n’en fit rien. Peut-être que l’homme n’avait pas forcément envie de rentrer plus dans les détails ? Elle hésita un instant, se demandant si elle devait le questionner à ce sujet. Elle devait bien avouer qu’elle était un peu curieuse, mais l’homme reprit la parole avant elle.

« Pou… quoi ? » Demanda-t-elle, quand l’homme affirma qu’il s’était attendu à la voir à Poudlard. Poudlard ? Qu’est-ce que ça pouvait bien être ? Elle avait su à une époque ce qu’était Poudlard, cet endroit qui lui avait donné un espoir de liberté, mais son esprit l’avait bien enfoui, comme tout ce qui concernait le monde magique. « C’est quoi ça Poudlard ? » Quand elle prononça le mot, elle eut une drôle de sensation. Elle ne saurait vraiment l’expliquer, mais c’était comme quelque chose de familier, comme si elle avait déjà prononcé ce mot inconnu un jour. Mais c’était tout bonnement impossible. « Tu es sûr que tu vas bien ? » Ajouta-t-elle, dans un petit rire qui ne donnait pas du tout le sentiment qu’elle puisse être à l’aise. Parce qu’elle ne l’était pas du tout.

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L'

incrédulité de Lisbeth suscita celle de Bradley. Il se demandait, évidemment, si elle ne se moquait pas de lui, mais au ton de sa voix, il avait vraiment l'impression qu'il n'en était rien. Et par ailleurs, en quoi cela serait-il un sujet de plaisanterie ? Certes, Bradley n'était pas du genre à vraiment savoir manier l'humour et l'ironie à la perfection, mais tout de même... Il était honnêtement intrigué, pour ne pas dire sidéré. Il ne comprenait vraiment pas son attitude. Elle ne pouvait pas avoir oublié ce qu'était Poudlard, même si elle n'y avait pas fait ses études, tout de même ! L'école était connue de tous les sorciers de par le monde, y compris de ceux qui avaient fait leurs études dans d'autres écoles de sorcellerie. Non, vraiment, il avait beau tourner et retourner la chose dans son esprit, il ne comprenait définitivement pas de quoi il retournait.

-Tu es sûre que toi, tu vas bien ? demanda Bradley d'un ton concerné, parce que pour le coup, il ne savait vraiment pas comment réagir face à l'incompréhension de Lisbeth. C'était si inattendu pour lui... Malgré tout, il décida de ne pas trop en prendre ombrage et de s'exprimer le plus concrètement possible, en espérant que ce qui ressemblait fort à un inexplicable quiproquo serait résolu. Poudlard, l'école de sorcellerie. Je pensais que tu serais scolarisée d'office...

A moins que... L'idée fit d'un coup son chemin dans son esprit. Est-ce que Lisbeth ne serait pas une cracmole ? Ne serait-ce pas pour cette raison qu'elle avait occulté tout ceci ? Mais ça n'expliquerait pas pour autant que Lisbeth n'ait pas la moindre idée de ce qu'était Poudlard. Un sortilège d'amnésie ? Non, c'était trop gros, il était en train de s'imaginer de folles théories à partir de presque rien. Il y avait certainement une explication très rationnelle à tout cela. Peut-être que Lisbeth avait la tête ailleurs ? Ou bien peut-être qu'elle avait mal entendu ce qu'il avait dit ? Non... elle avait répété le nom de Poudlard mot pour mot... Non, vraiment, ça n'avait aucun sens, il ne comprenait absolument pas.

-Où est-ce que tu es allée, du coup ? Où est-ce que tu as été scolarisée ? Durmstrang ? Beauxbâtons ? Ilvermorny ?

Il espérait vraiment que Lisbeth aurait une réponse concrète et rassurante à apporter à cette question. Et s'il devait finalement apprendre que Lisbeth était en fait une cracmole ? Il ne savait vraiment pas comment il y réagirait. Il ne voulait pas commencer à s'imaginer tout et n'importe quoi, mais il lui semblait vraiment difficile de ne pas se poser de questions à ce sujet. Et quitte à sembler indiscret, tant pis, il avait besoin de laisser parler cette curiosité. Il avait un mauvais pressentiment, quelque chose qu'il lisait dans le regard de Lisbeth et qu'il ne s'expliquait pas vraiment. Il avait besoin de comprendre.

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Lisbeth n’était pas certaine de pouvoir dire si elle allait bien ou non. Cette rencontre la chamboulait énormément. Elle se rappelait de Bradley, mais ses souvenirs étaient très flous quand même. Elle se forçait à longueur de temps de ne pas penser à son enfance, alors forcément à force ça devenait sans doute de plus en plus flou. Mais elle avait comme le sentiment en cet instant précis de vivre un moment hors du temps. Bradley parla de nouveau de Poudlard, une école… une école de sorcellerie. Lisbeth senti un frisson parcourir son échine, c’était tout bonnement n’importe quoi. Depuis quand une personne censée pouvait considérer sérieux une école de sorcellerie.

Son cœur se serra en pensant à tout ce qu’elle s’était inventée quand elle était jeune, pour se protéger de ce qu’elle avait vécu. Elle n’avait aucune envie de repenser à ce qu’elle avait vécu, elle n’avait vraiment pas besoin de ça. Elle allait beaucoup mieux, ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu la moindre crise de quoi que ce soit et ça grâce à l’homme qui partageait sa vie. Gregory l’avait sauvé de tout cela, elle n’avait plus besoin d’utiliser une protection pour son enfance. Elle savait que c’était quelque chose de normal, quand on vivait un traumatisme (raison pour laquelle elle ne s’était pas spécialement décidée à parler de tout ça à Gregory), elle aidait des patientes comme elle, s’inventant des histoires idiotes pour palier au traumatisme. Cependant, ça devenait tout bonnement ridicule quand un homme comme Bradley, qui semblait se porter bien, parler de sorcellerie, l’air de rien, comme si c’était normal. Et il continua en prime, lui donna d’autre nom d’école visiblement… lui demandant où elle avait été scolarisée.

Si elle avait été à l’école… elle s’en serait mieux sorti.

« Aucune… » Souffla-t-elle doucement.

Elle avait prononcé ces mots sans même réellement réfléchir, c’était sorti tout seul. Où elle avait été scolarisée, nulle part. Elle n’avait pas eu cette chance. Toutes ces années, elle n’avait pas compris pourquoi elle n’avait pas eu la chance de pouvoir aller dans cette école pour sorcier, elle avait souvent pleuré en se demandant quand on lui donnerait enfin la chance d’apprendre la magie. Parce qu’elle était une sorcière, évidemment qu’elle en était une.

Non, elle n’en était pas une. Évidemment que non. Lisbeth sorti de ses songes, elle n’était pas une sorcière, tout cela n’était qu’un mécanisme de son esprit pour se protéger. Elle avait longtemps cru à cette école de sorcier, c’était simplement la matérialisation de son esprit. C’était ridicule. Mais en même temps, cet ancien ami de prime enfance lui parlait de ça… se moquait-il d’elle ?

« Je dois y aller… ma famille m’attend. »

Elle ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer, mais ce qu’elle savait c’était qu’elle devait mettre de la distance entre elle et tout ça, pour que tout revienne dans l’ordre. Il fallait que tout revienne dans l’ordre.

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