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ill avait beau prétendre que tout allait pour le mieux, qu’elle maîtrisait totalement la situation, que rien ne lui échappait et qu’elle savait parfaitement ce qu’elle faisait, les faits n’oubliaient jamais de lui donner tort dans les grandes largeurs… Et pour cause, elle était en vérité totalement perdue, et elle ne savait plus réellement dans quoi elle s’engageait, ce qu’elle pouvait se permettre de faire, ce qu’elle devait s’interdire d’accomplir. Quand elle avait rejoint le monde des sorciers dans l’espoir de le voir imploser avec des projets de vengeance précis en tête, elle était à mille lieues de se douter de la tournure que prendraient les choses, parce qu’elle ne se doutait pas que deux rencontres allaient radicalement changer sa vie. D’abord, il y avait Terrence, évidemment. Terrence le beau parleur dont elle devrait peut-être se méfier comme la peste sans en être capable malgré tout en réalité, parce qu’elle en était tombée folle amoureuse, et elle avait envie de croire que c’était réciproque… même si elle n’avait pas osé l’avouer tel quel à Carlotta de peur de recevoir une leçon de morale, même après que la jeune femme lui ait appris qu’il était venu la trouver chez elles. Car la deuxième personne, évidemment, c’était Carlotta. Elle ne devrait pas s’attacher à sa fille, mais il était difficile de demeurer neutre et insensible face au caractère plus que coloré de la jeune femme. Elle s’était faite une amie, elle était tombée amoureuse… Oh, elle caressait toujours le rêve de se venger malgré tout, mais c’est vrai qu’elle avait l’impression de n’avoir le contrôle de rien, et c’était assez frustrant…

Sans compter que sa petite vendetta personnelle, elle, n’avançait pas du tout comme elle l’aurait voulu. Elle était manifestement dépassée, à côté de la plaque… Elle passait ses journées à éplucher des coupures de journaux sorciers en espérant qu’un nom, un visage sur une photo, réveille un nouveau souvenir chez elle… mais ce n’était pas le cas, ce n’était même pas le cas du tout… Elle avait le sentiment de perdre un temps précieux, et quand elle était avec Terrence, elle passait plus de temps à s’oublier qu’à lui rappeler qu’il avait promis de l’aider. Bref, un beau bordel, à n’en pas douter. C’était tout elle… il faut croire qu’elle ne savait jamais faire les choses simplement. Dans tous les cas, elle essayait malgré tout de poursuivre sur la même lignée, et c’était affairée à l’ouvrage qu’elle entendit sonner à l’entrée.

Elle alla ouvrir, sans doute un peu précipitamment, un peu trop convaincue, certainement, que Terrence se trouverait de l’autre côté de la porte. Mais non, ce n’était pas lui… à la place, elle se retrouva nez à nez avec un jeune homme qu’elle ne connaissait pas. Et pour cause, il venait voir Carlotta.

-Elle est sortie, répondit-elle. Je sais pas quand elle rentrera. Tu peux l’attendre ici, si tu veux. Elle lui tendit la main. Je suis Will, la colocataire de Carlotta.

Et elle était plus que curieuse de savoir qui était ce jeune homme qui avait espéré trouver son amie de l’autre côté de la porte.

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h, c'était donc lui, Ignatius ! Pas trop mal... Bon, Will ne savait pas grand-chose de lui, mais Carlotta lui en avait un peu parlé, et elle avait l'air plutôt... emballé par l'énergumène, qui en plus de tout le reste, était le fils de la ministre de la Magie (ce qui aux yeux de la jeune femme, ceci dit, ne signifiait finalement pas grand-chose). Elle était d'autant plus curieuse de connaître ce jeune homme et de sonder un peu son état d'esprit qu'elle savait que son amie ne lui était pas insensible.

Le jeune homme ne devait pas l'être totalement non plus pour s'être ainsi pointé à leur porte, surtout si l'on considérait l'embarras qu'il affichait présentement, mais Will n'irait pas trop vite en besogne non plus. Bon, ce n'était pas ses affaires, bien évidemment, mais si Carlotta se permettait d'évaluer les fréquentations de Will (avoir vent de la conversation qu'elle avait eue avec Terrence l'avait quelque part pas mal amusée), elle ne voyait pas pourquoi, de son côté, elle se priverait de faire de même de son côté. Surtout que, de ce qu'elle voyait pour le moment, Ignatius lui paraissait être un jeune homme plutôt agréable et sympathique. Difficile de se faire une solide impression sur la personne en quelques mots, c'est sûr, mais ça va pas aider.

-Tu ne me déranges pas du tout, assura-t-elle en le poussant à l'intérieur. Je suis sûre que Carlotta ne va pas tarder à arriver, et elle serait vraiment super contente de te voir. Allez viens.

Bon, ça, Will n'en savait rien, mais elle ne pensait pas forcément se tromper en prononçant de tels propos, et c'était une façon de lui faire comprendre que Carlotta apprécierait bien de parler avec lui, et potentiellement aussi de sous-entendre que Will avait eu vent de son existence, et donc qu'il suscitait un minimum d'intérêt chez son amie. Pour le pur échange de bons procédés, peut-être que Will aurait dû foutre Ignatius dehors histoire de se venger du fait qu'elle avait réservé un si mauvais accueil à Terrence.

Mais Will n'en voulait pas à sa colocataire pour ça, elle savait surtout qu'elle cherchait à la protéger, et quelque part, elle ne pouvait pas lui donner tort : sur le papier, elle devrait fuir Terrence comme la peste. Pas que sur le papier, d'ailleurs, mais le fait est que c'était plus fort qu'elle. De son côté, elle n'avait rien à reprocher à Ignatius... Il faut dire aussi que contrairement à Carlotta qui connaissait Terrence de longue date, Will ne savait absolument rien d'Ignatius. Et cette situation était le prétexte idéal pour y remédier, d'ailleurs. Ce qu'elle n'allait bien évidemment pas se priver de faire. Will conduisit donc le jeune homme jusqu'au salon dont la table centrale était recouverte de coupure de presse.

-Ne fais pas attention au bordel, dit-elle comme si de rien n'était afin l'espérait-elle de focaliser le moins possible l'attention du jeune homme sur la table et ce qui la recouvrait. Je te sers un truc à boire ?

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ill adressa à Ignatius un grand sourire quand ce dernier accepta donc de rester ici et d'attendre Carlotta à l'intérieur. Bon, Will allait peut-être trop vite en besogne en admettant que sa colocataire ne tarderait pas, mais au moins elle allait pouvoir assouvir un peu sa curiosité et apprendre à mieux connaître le jeune homme par qui son amie était à ce point emballée. Elle pouvait déjà lui reconnaître deux choses : déjà, il était pas mal, même si pas exactement le genre de Will - tant mieux en même temps -, ensuite, il avait un côté réservé et mal à l'aise qu'il était facile de trouver attachant. Will ne savait pas s'il était tout le temps comme ça ou si c'était juste la situation qui le poussait à se comporter de cette manière, dans tous les cas, elle devait bien reconnaître que ça l'amusait assez, et cela la plaçait dans d'assez bonnes dispositions vis-à-vis de lui.

   Qu'est-ce qui se serait passé dans le cas contraire ? Si Ignatius avait fait d'office une mauvaise impression à la jeune moldue ? Bon, déjà, elle ne l'aurait clairement pas invité à rentrer, mais ensuite... elle ne savait pas trop. Ce n'était potentiellement pas ses affaires, mais elle, elle avait bien le droit d'entendre le fait que Terrence n'était pas un type pour elle, alors au bout du compte, ce serait assez justice que de pouvoir donner à son tour son avis - objectif bien sûr - à Carlotta sur son "ami". Bref, première bonne impression... pas forcément atténuée par la curiosité dont il fit preuve. Elle aussi était excessivement curieuse, elle n'irait pas reprocher ce trait de caractère à d'autres.
   
   -Euh ouais...
   
   Ce n'était pas qu'il constate qu'elle faisait des recherches qui la dérangeait, plutôt la nature de ces dernières... Elle hésita... elle se doutait qu'il voudrait en savoir plus... et elle n'avait pas vraiment d'excuses en réserve. Enfin, il y en aurait bien une, qui voudrait qu'elle fouille les journaux à la recherche d'offres d'emploi (car elle cherchait toujours - pas simple du tout vu sa condition), mais il suffisait de jeter un oeil rapide aux articles éparpillés un peu partout pour constater immédiatement qu'il n'était pas question de cela du tout.
   
   -Je cherche... à retrouver quelqu'un, choisit-elle de répondre très vaguement. Et c'était la vérité. Peut-être que le jeune homme en déduirait qu'il ne fallait pas poser plus de question, et ce serait très bien de cette manière. Tu veux boire quoi ? du thé ? du café ?

   Elle enchaînait rapidement dans l'espoir de noyer un peu le poisson, résistant à l'envie de rassembler et éloigner les articles de journaux d'office. Elle ne voulait pas avoir l'air trop suspecte... déjà qu'elle n'était pas sûre de ne pas l'être un tout petit peu en cet instant.
   




   

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ill afficha un sourire en hochant la tête quand le jeune homme affirma qu'il voudrait bien du thé. Bonne réponse. Il ne lui avait posé aucune question au sujet des coupures de journeaux (qu'elle s'empressa de rassembler en un tas pour les embarquer avec elle afin que les yeux d'Ignatius n'aient pas l'irrésistible envie de traîner où il ne fallait pas - ce qui était évidemment compréhensible), et elle appréciat. Elle n'était pas certaine qu'elle aurait été capable de la même considération de son côté. Elle aurait sans doute été incapable de ne pas en demander plus, et elle se disait que c'était bon signe.

Ca voulait sûrement dire qu'Ignatius Tuft était un type bien, et Will voulait qu'il le soit. Carlotta méritait ce qu'il y avait de meilleur, toute sorcière qu'elle était (et délinquante, et terroriste, soit), la jeune femme devait bien lui reconnaître cela. Et pour la peine, la jeune femme était contente qu'elle soit tombée sur un gars honnête et agréable... enfin, au premier abord. Il lui restait tout de même pas mal de choses à apprendre encore au sujet du jeune homme avant que de se faire un avis réellement définitif... Et c'était parfait, ils avaient tout le temps pour cela de toute manière.

Will disparut donc juste le temps de préparer du thé pour eux deux. Elle se disait que ça ne lui ferait pas de mal à elle non plus dans tous les cas. Elle mit plus de temps que ne le ferait un sorcier normalement constitué à qui prendre du thé demanderait deux coups de baguette, pas plus, mais tant pis. Une fois de retour à la table du salon, elle leur servit, et c'est le moment qu'Ignatius choisit pour l'interroger sur son amitié avec Carlotta. De quand datait leur colocation exactement ? Bonne question. A certains moments, Will avait le sentiment que ça faisait une éternité, à d'autres que son emménagement datait d'hier.

-Ca va faire six mois à peu près. J'étais totalement à la rue, je savais pas du tout comment j'allais m'en sortir, et Carlotta est venue me proposer son aide. C'est vraiment une fille géniale.

Oui, elle en rajoutait des couches, mais c'était pour voir comment Ignatius rebondirait sur cette salve de compliments. Et puis, ça restait la vérité malgré tout. Oui, Carlotta était une fille géniale, qui avait le coeur sur la main. Ses méthodes étaient... contestables, mais ses intentions étaient toujours louables. Et elle pensait toujours au bien des autres avant le sien, quitte à mettre jusqu'à sa propre liberté en péril. Alors oui, Carlotta n'aurait peut-être pas été aussi présente et généreuse si Will n'avait pas été une moldue... mais ça, après tout, ce n'était jamais qu'un détail. Un détail que le jeune homme n'avait aucun besoin de connaître pour le moment.
   

   

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ill, tout en parlant de sa colocataire (dont elle faisait la publicité au passage, tant qu'à faire), restait attentive à la réaction du jeune homme qui lui faisait face. Peu importe l'opinion finale qu'elle se ferait d'Ignatius, elle n'aurait pas son mot à dire quant aux relations de Carlotta (et cette dernière devrait sans doute se mettre dans le crâne que l'inverse était tout aussi vrai au passage), mais cela ne l'empêchait pas de vouloir jauger la sincérité du jeune homme. Et elle avait clairement le sentiment, à le voir, que ses intentions envers Carlotta étaient tout à fait sincère. Le sourire qui s'affichait sur ses lèvres à la seule évocation de la jeune femme en disait long sur ce qu'il pensait d'elle, et cela rassurait Will.

Clairement, Carlotta n'était pas le genre de femme à avoir besoin d'un homme dans sa vie, mais quitte à s'engager dans une relation avec quelqu'un, elle aimait l'idée que ce soit avec quelqu'un comme Ignatius Tuft, qui lui paraissait parfaitement sincère dans ses intentions. Alors bon, c'est vrai que, sur le papier, ils ne donnaient pas l'air d'avoir grand-chose en commun et donnaient plutôt l'impression d'être parfaitement incompatibles, Will finissait par se dire qu'en fin de compte non, c'était un gars comme ça qu'il fallait à Carlotta, quelqu'un de calme et de posé, de moins électrique et expansif, une personne qui soit véritablement capable de la pondérer, voire de la raisonner quand elle allait trop loin. Et au-delà de ça, il était de notoriété commune que les opposés s'attirent, et ce n'était définitivement pas Will qui pourrait redire quoi que ce soit à cette observation tant elle s'appliquait à sa propre situation sentimentale.

Enfin bref, Ignatius n'avait visiblement pas envie de s'attarder trop sur le sujet "Carlotta", un peu embarrassé, visiblement (c'était beaucoup trop mignon), alors ça lui allait bien de changer de sujet, même si le jeune homme allait sans doute être déçu de sa réponse, car Will n'avait pas vraiment de réponse satisfaisante à donner à son interlocuteur.

-Je cherche du travail. C'est pas simple, répondit-elle comme elle avait l'habitude de le faire avec quiconque lui posait la question.

Ce n'était pas entièrement faux, et le fait qu'elle soit moldue et veuille rester parmi les sorciers n'aidait pas spécialement sa reconversion professionnelle, mais passons. Il est vrai qu'elle consacrait tout de même plus de temps à ses projets de vengeance qu'à ses recherches d'emploi. Elle espérait juste ne pas passer pour le boulet accroché à la cheville de Carlotta, sous le prétexte qu'elle était... inactive, ce qui restait très relatif.

-Et toi ? Tu bosses au ministère, c'est bien ça ?

Facile, tout le monde ou presque bossait au ministère ou, dans une certaine mesure, dépendait du même ministère. Et il était le fils de la ministre, qui plus est. Mais il avait plus à en dire, peut-être, que cette simple affirmation de façade. C'était aussi une manière de lui faire comprendre "très subtilement" que Carlotta lui avait suffisamment parlé de lui pour qu'elle sache ce genre de chose.
   

   

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I

gnatius lui confirma qu'il était bel et bien un employé du ministère de la magie. Rien de surprenant à ce sujet, puisque Carlotta lui en avait effectivement déjà parlé. En revanche, elle n'était pas rentrée dans les détails, si bien que Will ne savait pas dans quelle branche Ignatius travaillait exactement. Ce pouvait être tout et n'importe quoi. A plus forte raison que le ministère brassait définitivement très large. Pas simple de savoir très précisément de quoi il pouvait bien être question, en l'occurrence. Il lui apprit qu'il dirigeait le bureau de contrôle des portoloins. Il fit tout son possible afin de faire mine de comprendre précisément de quoi il parlait. La vérité, c'est qu'elle n'en savait fichtre rien.

A force de se renseigner sur le monde des sorciers, elle commençait à être très calée, mais elle était loin de tout connaître en tout cas. Et pour ce qui était des portoloins, à moins d'avoir oublié - ce qui n'était pas exclu non plus -, elle était assez convaincue de n'avoir rien lu à ce sujet. Et elle ne pensait pas non plus que Carlotta lui en avait parlé. Le nom était assez significatif, et lui laissait supposer l'une ou l'autre interprétation, mais dans le doute et afin d'éviter de se griller, elle allait tout de même s'abstenir de faire le moindre commentaire, et elle allait prétendre savoir exactement de quoi il parlait quand bien même c'était entièrement faux. Elle devinait que ça valait très clairement mieux.

-Au contraire, je trouve ça super intéressant, prétendit-elle alors qu'elle n'avait définitivement pas la moindre idée de ce dont ils étaient en train de parler.

Elle ne savait pas spécialement à quel point elle ferait illusion. Peut-être qu'il verrait clair dans son jeu. Peut-être que les portoloins étaient effectivement la chose la plus ennuyeuse qui existe en ce monde. Mais c'est pas grave. Au pire, il l'accuserait d'être trop poli, mais pas forcément de mentir.

-Donc tu voyages souvent ? Cela, ça l'intéressait. Elle espérait qu'il ne s'absentait pas trop régulièrement tout de même, sans quoi elle ne savait pas ce que ça donnerait avec Carlotta. Certes, connaissant son amie et colocataire, elle n'avait clairement pas besoin d'un petit ami (oui, elle voyait loin) qui lui collait aux basques constamment, et avait clairement besoin de son indépendance. Mais il fallait trouver un juste milieu. C'est où, le dernier endroit où tu as été ? Moi je n'ai jamais eu l'occasion de quitter la Grande-Bretagne.

Mais elle aimerait bien voyager. Pas tout de suite, ceci dit, plus tard, quand elle aurait mené ses projets à bien. Si elle réussissait bel et bien à mener ses projets à bien. Ce qui n'avait rien de garanti, malheureusement... Plus le temps passait, plus la tâche se complexifiait, jusqu'à devenir impossible.
   

   

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ilhelmina grapillait la moindre information qu'elle pouvait obtenir d'Ignatius, tout ce qui était susceptible de le mettre à l'aise ou de lui délier la langue, mais elle n'était pas certaine de réussir complètement son coup, car le jeune homme paraissait un peu mal à l'aise. Ou bien c'était son imagination ? C'était bien possible. Carlotta lui avait dit qu'Ignatius avait un caractère un peu renfermé, il pouvait tout à fait ne s'agir que de ça, au bout du compte, c'était même bien possible. Elle avait tout intérêt à ne pas trop analyser ou surinterpréter les discours de son interlocuteur. Le plus simple était encore d'essayer de rendre la conversation la plus plaisante possible tout en donnant l'air le moins possible de sonder son interlocuteur, même si c'était forcément quand même un peu le cas, on ne va pas se mentir.

Ignatius lui apprit donc que son dernier voyage l'avait mené dans le sud de la France, on faisait plus exotique que cela, mais c'était déjà pas mal, ceci dit, aux yeux de Will qui n'avait pas spécialement eu l'occasion de voir quoi que ce soit passée Londres. S'installer en Ecosse, à Pré-au-Lard, ça avait relevé du progrès le plus immense pour elle, il ne fallait pas en rajouter non plus. Alors le sud de la France, c'était déjà pas mal, comme destination, même si, visiblement, ça n'avait pas tant plu que ça à son interlocuteur, qui n'avait pas l'air d'être un fervent adepte des voyages, comme il le lui confirma en se présentant comme quelqu'un de plutôt casanier.

En soi, il n'y avait pas de mal à l'être, Will n'était pas non plus la plus grande aventurière qui existe de son côté, mais elle se demandait si quelqu'un de complètement casanier pourrait véritablement convenir à Carlotta, qui elle avait plutôt la bougeotte dans son genre. D'accord, d'accord, c'était pas ses oignons... mais quand même, ça ne l'empêchait pas de se poser la question. Parce qu'elle n'arrivait pas à faire autrement que de se montrer intrusive, presque malgré elle.

-C'est sûr que voyager pour le boulot, ça doit pas être pareil que de partir en vacances, reconnut Will. Après, en matière de voyages, y en a pour tous les goûts, même pour les gens casaniers... enfin, je te dis ça alors que j'ai à peine voyagé dans ma vie, mais tu me comprends. C'est quoi, les endroits que t'aimerais vraiment visiter ?

Des fois qu'elle puisse glisser une idée ou l'autre à sa colocataire, comme ça, en passant... Pas dit que ça serve à grand-chose, mais Will ne perdait pas le nord. Et ça restait une autre manière d'en apprendre plus sur ce garçon qui réussissait à donner le sourire à Carlotta du fait de sa seule existence.
   

   

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ill ne s'était pas imaginée que ce serait si facile. Elle avait un peu redouté que ses sous-entendus tombent à plat, ou encore qu'elle ne mette son interlocuteur dans un embarras plus grand que celui qu'il éprouvait sans doute déjà. Mais en fait, le jeune homme semblait plutôt réceptif à son discours, et même, il trouvait son mot à dire sur la question. Elle n'eut pas besoin de le lui suggérer pour qu'Ignatius, de lui-même, suggère que voyager aurait sans doute plus d'intérêt s'il ne voyageait pas seul. Autant dire que ce discours-là ne rentrait pas dans l'oreille d'une sourde. C'était une chose que la jeune femme avait bien l'intention de répéter dès qu'elle le pourrait à sa meilleure amie, et elle était absolument certaine que Carlotta saurait en faire le meilleur usage possible.

-Si tu dis "sans doute", c'est que tu n'en es pas complètement sûr, donc qu'en fait, tu pourrais te libérer du temps.

De ce qu'elle savait d'Ignatius, de ce que Carlotta lui en avait dit, le jeune homme était un bourreau de travail, et il ne s'arrêtait jamais. Elle ne serait pas étonné qu'il n'ait pas pris de vacances depuis une bonne éternité. Autant dire que s'il décidait de prendre des vacances, non seulement il les aurait méritées, mais pas dit que qui que ce soit puisse vraiment le lui reprocher. Donc elle avait bien l'intention d'y mettre son grain de sel, même si elle se doutait que Carlotta aussi serait assez réticente à prendre des vacances, en réalité. Carlotta avait un travail très... particulier, mais dans le genre qui ne s'arrêtait jamais, elle se posait là, elle aussi. Les deux faisaient clairement la paire. Ils pourraient sans doute faire la paire sur une plage ensoleillée, même le temps d'une escapade de quelques jours.

-Il faut juste trouver la bonne personne pour se motiver à franchir le pas. Je suis sûre que Carlotta adorerait partir avec toi.

Alors oui, là, Will avait définitivement abandonné, et semble-t-il définitivement, toute notion de demi-mesure et de subtilité. Mais la subtilité n'avait jamais été spécialement le fort de la jeune femme. Elle était plutôt du genre frontale, à dire ce qu'elle pensait quand elle le pensait, comme elle le pensait... Bon, dans les circonstances où elle vivait, elle était bien obligée de mentir comme une arracheuse de dents, ce qui ne la poussait pas forcément à dire entièrement tout ce qu'elle pouvait bien penser, mais là, dans ce cas précis, elle se disait qu'il n'y avait pas de mal à donner un petit coup de pouce au destin. Elle ne pensait pas que Carlotta lui en voudrait à ce sujet. De toute manière, elle n'avait pas le droit de lui dire grand-chose, vu la manière dont elle accueillait Terrence quand il se présentait à sa porte.
   

   

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ill trouvait touchantes les hésitations, la timidité et les doutes de son interlocuteur, mais au bout d'un moment, elle avait aussi envie de le secouer comme un prunier pour lui suggérer de se bouger. Non, sérieusement, il lui semblait très sympathique, et elle pensait comprendre pour quelles raisons Carlotta lui trouvait du charme, et même deviner en quoi leurs caractères pourtant si différents pouvaient être absolument compatibles, mais s'ils tâtonnaient à chaque fois,

Carlotta aurait le temps de dire bonjour aux détraqueurs une bonne dizaine de fois avant qu'il ne se passe quoi que ce soit entre eux, et ça, Will le refusait forcément, parce que Will tenait au bonheur de son amie, et parce que Will voyait bien que son amie était heureuse aux côtés d'Ignatius, et ce même s'il ne s'était encore rien passé de concret entre eux. Cela n'avait fait aucun doute pour elle qu'elle avait des sentiments pour lui, et maintenant qu'elle lui parlait à lui, elle voyait bien que lui aussi était tout sauf indifférent, alors au bout d'un moment, il fallait arrêter de se poser des questions et foncer, pas vrai ?

Bon, d'accord, d'accord, elle était techniquement très mal placée pour parler compte tenu du fait qu'elle était, pour sa part, absolument et résolument incapable de mettre au clair ses sentiments quand il était question de Terrence. Mais bon, on parlait pas d'elle, là, tout de suite, à ce que je sache, donc il n'y avait vraiment pas de quoi en faire tout un plat. Là, tout de suite, c'était à Ignatius et à son amie qu'elle s'intéressait, et elle avait bien l'intention de presser le rythme si elle le pouvait.

-Oui, je suis certaine qu'elle aimerait ça, et en attendant, si tu ne lui poses pas la question, tu ne risques pas d'être fixé, tu crois pas ? Et si vous attendez de pas être occupés tous les deux, ben vous plaignez pas ensuite, ajouta-t-elle avec le franc parler qui la caractérisait. T'as la chance d'être peut-être la seule personne qu'elle est capable de faire passer en priorité, alors je serais toi, je m'amuserais pas à tout gâcher.

Non, elle était sûre et certaine qu'il ne prenait pas plaisir à tout gâcher, mais elle décidait de la jouer franche et directe. Après, il en ferait bien ce qu'il voudrait, mais elle ne pourrait pas être plus claire là, tout de suite, quant au fait que oui, Carlotta était clairement intéressée par lui, et oui, elle attendait qu'il lui fasse signe et lui prouve que c'était réciproque. Il suffisait qu'ils mettent leurs interrogations de côté et ils formeraient un très beau couple, tous les deux, vraiment. Alors ils avaient tout intérêt à se manier les fesses, et fissa, parce que Will voulait assister à ça.
   

   

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