H

ermione referma l'ouvrage qu'elle avait parcouru de long en large dans un profond soupir. Rien. Toujours rien. Ou du moins rien d'intéressant et de pertinent en ce qui les concernait. C'était épuisant d'avoir entre ses mains une arme décisive et de ne pas réussir à s'en servir. Le premier pas décisif, celui qui changerait la donne, ce serait définitivement la destruction de l'horcruxe. Une fois le journal détruit, atteindre Jedusor deviendrait beaucoup plus simple. Et c'était, pour la jeune femme, une nécessité d'autant plus grande qu'elle était encore bouleversée par l'échange qu'elle et le reste des voyageurs avaient eu avec la pauvre Amy Benson, traumatisée à vie par ce qu'un Jedusor encore enfant lui avait fait subir. Ils avaient perdu suffisamment de temps ainsi.

Huit mois. C'est ce qu'ils avaient devant eux. Huit mois. Pas plus, pas moins. Ils s'étaient rassurés en retardant l'échéance, et ils pourraient bien accepter que cela leur prenne une année de plus, et encore une année supplémentaire... mais ce n'était plus acceptable. Ils ne pouvaient pas poursuivre ainsi, un point c'est tout. C'était se trouver des excuses, et ce n'était plus possible. Chaque heure, chaque seconde, chaque minute devaient être dévouées à un seul et unique objectif. Ils étaient enfermés ici, coupés du monde. Il était nécessaire qu'ils avancent, qu'ils progressent. Ne jamais se dire que l'affaire était désespérée, ne jamais se laisser atteindre par la lassitude ou le défaitisme... c'était l'objectif.

Raison pour laquelle à peine le précédent livre refermé, criblé de notes et de marque-pages divers et variés (même si rien de ce qu'elle avait retenu ne serait sans doute utile), elle ouvrit directement le suivant. Elle commençait à venir à bout des ouvrages qu'elle avait déposé sur la liste d'articles qu'ils pouvaient communiquer à McDowell ou d'autres résistants afin de travailler depuis leur cachette... mais il lui en restait encore deux ou trois qu'elle n'avait pas explorés. Elle grignotait sa plume en sucre en lisant avec la plus grande attention l'introduction de l'ouvrage quand elle capta du mouvement. Elle leva la tête et adressa un sourire à Neville.

-Ca va ? demanda-t-elle, presque par réflexe.

Le fait est que cette question était devenue presque surfaite, ces derniers temps, mais ce n'est pas pour autant qu'ils ne devaient pas se soucier les uns des autres.


   

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N

eville lui répondit par un simple "Et toi ?" accompagné d'un haussement d'épaules. La jeune femme ne s'était pas vaiment attendu à autre choise de sa part, ou de la part de qui que ce soit d'autre d'enfermé entre ces quatre murs, sous ce même toit, tout du moins. Ils étaient dans le même bateau. Ils ne pouvaient tout simplement pas prétendre aller bien, parce que la situation était trop complexe, trop chaotique, pour qu'ils puissent réellement se sentir bien, pour être totalement heureux. Mais tant qu'aucun d'eux n'affirmait aller mal, pour une raison ou une autre, alors cela signifiait que la situation pourrait être bien pire, et c'était un état de fait dont il fallait tout simplement savoir se contenter, quoi qu'il advienne.

Alors à son tour, en guise de réponse, et au lieu de répondre par un "Je vais bien" ou un "Tout va mal", se contenta également d'esquisser un fin sourire tout en haussant les épaules. Elle aussi avait connu bien pire, elle aussi estimait ne pas avoir réellement à se plaindre. C'était comme ça, voilà tout, et ils devaient sarranger pour, pierre après pierre, étape par étape, façonner un bonheur qui par instants paraissait hors d'accès, mais qui restait malgré tout leur seule issue, et pas seulement à titre personnel. C'était la face du monde qui pourrait s'en voir changée s'ils devaient réussir. Et ils allaient réussir. Ils avaient face à eux une courte échéance, et elle devait les motiver à donner le meilleur d'eux-mêmes. C'est pour cette raison qu'elle préféra se focaliser sur ses recherches plutôt que sur son état.

-Pas vraiment. J'ai pris quelques notes mais... rien de significatif, répondit-elle, un peu dépité.

Elle aimerait pouvoir répondre à cette question, qui lui était posée souvent (pour cause, elle passait le plus clair de son temps le nez plongé dans ses bouquins, il était tout naturel qu'on lui pose la question, en fin de compte, et elle ne le prenait pas mal, si cela l'irritait parfois, c'était simplement du fait de la piètre évolution des résultats en dépit du nombre de ses lectures), par la positive. Mais une fois n'est pas coutume, elle n'avait rien de plus à ajouter. C'était comme ça, c'était ainsi, pour le moment, rien de nouveau sous le soleil. Mais elle ne désespérait pas, il ne fallait surtout pas désespérer. Ce serait la pire des choses.


   

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H

ermione adressa à Neville un regard surpris quand ce dernier suggéra qu’ils s’y prenaient peut-être de travers depuis le début. Elle avait tourné et retourné nombre de questions dans tous les sens. Parfois, à force d’agir ainsi, on passait à côté de l’essentiel. Etait-ce le cas, en l’occurrence ? Impossible pour elle de le dire vraiment. Mais si Neville avait une solution alternative à proposer, Hermione ne pouvait que l’écouter. Pour le moment, ils tournaient plus ou moins en rond, et cela commençait à devenir insupportable. Si le moindre semblant de solution pouvait lui être proposé, elle ne dirait certainement pas non.

Elle comprit mieux quand il reprit la parole. Ce qu’il entendait par là, c’est que plutôt que de s’échiner à combattre l’ennemi avec des moyens forcément limités, ils devraient peut-être travailler à un moyen d’échapper à leur prison dorée, qui valait certes mieux qu’Azkaban mais qui les restreignait dans leurs mouvements, de manière générale. Elle comprenait son raisonnement, mais elle n’était pas vraiment certaine de le cautionner pour autant ou d’être entièrement d’accord avec son propos, en tout cas. Car comme il l’avait rappelé lui-même, le fait qu’on les pense morts restait un avantage malgré tout, ils étaient l’ennemi invisible que l’on ne verrait pas frapper le moment venu… Encore fallait-il qu’ils sachent quand et comment frapper.

Elle réfléchit un instant à sa suggestion. Une part d’elle était tentée de la rejeter d’un bloc, mais cela tenait plus de la fierté mal placée qu’elle était capable de ressentir que d’autre chose. Voilà près d’un an qu’ils étaient dans cette situation, et entendre que cette année de recherches complexes et infructueuses aurait été une définitive perte de temps lui était insupportable. En même temps, se borner dans l’erreur ne les aiderait pas forcément à mieux s’en sortir. Ce ne fut qu’après s’être laissée un temps de réflexion, donc, qu’elle daigna reprendre la parole.

-Peut-être… mais qu’est-ce que tu fais de McDowell ? Ou de tous ceux qui nous ont couverts jusqu’ici ?

C’était peut-être un risque à prendre – et à leur faire prendre, les enjeux et imbrications de leur situation étaient très nombreux et complexes, et méritaient d’y réfléchir à deux fois. Ceci dit, laisser la porte ouverte à cette suggestion était peut-être une bonne chose. De toute évidence, ils stagnaient, et pour cesser de stagner, il fallait qu’ils changent quelque chose, peu importe quoi, à leur situation. Ils n’avaient tout simplement pas le choix


   

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H

ermione écoutait attentivement les arguments et les suggestions de son interlocuteur. En dépit de ses propres réticences, elle avait compris qu'entendre l'opinion de chacun et en discuter était une nécessité dans ces circonstances, et c'était ce qui leur avait fait trop longtemps défaut. Harry et Hermione avaient eu tendance à n'écouter qu'eux-mêmes et à négliger tous les autres, et il ne leur était tout simplement plus possible d'agir ainsi à ce jour. Ce n'était jamais une bonne idée, et ce n'était jamais la solution. Ils n'étaient pas les seuls impliqués, et tous autant qu'ils étaient, ils étaient force d'opinion et de décision. Avoir mis si longtemps à l'accepter et à l'admettre était en ce sens déplorable.

Alors oui, elle se permettait de remettre en question le discours de Neville, mais elle savait quand même reconnaître qu'il n'avait pas tort sur toute la ligne... ou pas tort du tout, en fait. A force, il fallait bien qu'ils admettent combien inextricable était leur situation, et ce n'était pas en s'obstinant à aller constamment dans le même sens qu'ils allaient forcément avancer.

Alors oui, réussir à retourner dans la vie publique, en dépit des dangers que cela représentait, ce pourrait être une excellente chose. Encore fallait-il savoir comment s'y prendre ? Comment s'arranger pour que cela n'ait pas le moindre impact sur l'homme qui leur avait épargné le baiser du détraqueur ? Couvrir les résistants, pourquoi pas ? Mais McDowell... Ce semblait impossible. Et il était hors de question de le trahir quoi qu'il advienne. Ils lui étaient redevables, tous autant qu'ils étaient, et dans d'immenses proportions.

-Je ne sais pas si c'est vraiment possible, dit-elle doucement.

Elle ne rejetait pas l'idée d'emblée, mais elle avait besoin d'y réfléchir, car à l'heure actuelle, elle ne voyait tout simplement pas comment faire pour que cela soit viable. Quoi qu'il en soit, elle estimait qu'il était beaucoup trop tôt pour prendre ce genre de décision, dont les répercussions dépassaient leur compréhension. Mais y réfléchir ne serait peut-être pas un luxe. En discuter avec le reste du groupe et tenter d'en avoir le coeur net, essayer d'explorer des pistes, oui, après tout.

-Mais ça vaut le coup d'y réfléchir.




   

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H

ermione ne voulait pas saper l'énergie et l'initiative de Neville. Elle mentirait si elle affirmait qu'elle était entièrement convaincue de son propos, ou en tout cas de la possibilité de sa mise en oeuvre, mais elle avait tout de même l'intention de l'écouter, et de prendre ses suggestions en considération. Ils étaient acculés. De toute évidence, ils n'avaient pas grand-chose à perdre. Le mieux qu'ils pouvaient faire à présent était d'explorer toutes les options qui se trouvaient à leur portée, et dans le fond, l'ambition de Neville de changer d'angle, de perspective, ne manquait absolument pas de pertinence.

Et Neville avait de la suite dans les idées. Il aurait pu lâcher cette idée dans les airs, ils auraient été libres d'y réfléchir, de la partager, en espérant trouver une issue favorable à leurs interrogations, mais il était définitivement déterminé à pousser plus loin les recherches... et elle pouvait bien reconnaître que sa motivation était communicative. A l'heure où il était difficile de savoir quoi faire ni à quoi se raccrocher, c'était particulièrement rassurant de pouvoir s'ateler ainsi à une ambition concrète, dût-elle ne mener nulle part.

Il parla d'exceptions légales, et c'était effectivement la piste la plus intéressante à creuser. Cette situation fit irrésistiblement penser à Hermione au procès de Buck et à tous les efforts qu'elle, Ron et Harry avaient déployés dans l'espoir de l'innocenter. Bon, le résultat n'avait pas été forcément bien glorieux, mais ils n'avaient jamais que treize ans, à l'époque. Aujourd'hui, en conjuguant leurs connaissances, ils pourraient peut-être parvenir à un résultat bien plus viable.

-C'est possible, admit Hermione, de plus en plus emballée par la suggestion de Neville. Il faudrait fouiller tous les ouvrages de référence à notre disposition. J'ignore si on trouvera quelque chose dans notre bibliothèque. C'était celle de McDowell, mais depuis le temps qu'ils vivaient là, ils s'étaient définitivement approprié les lieux. Pas dit qu'ils trouvent les éléments qu'ils cherchaient, mais McDowell était un homme lettré, haut placé au ministère, ce ne serait pas étonnant non plus qu'il y ait au moins quelques pistes à creuser dans ce qu'ils avaient à leur disposition. Mais ça se tente. Et si ce n'est pas ici, on en trouvera ailleurs.


   

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I

ls allaient peut-être gaspiller du temps et de l'énergie, à tenter ainsi d'explorer une nouvelle piste aux antipodes de tout ce qu'ils avaient tenté jusqu'ici, mais Hermione avait pourtant l'intention d'y consacrer toute l'attention nécessaire. Même si le temps, contradictoirement, leur était compté, c'était l'air de rien ce dont ils disposaient en abondance depuis qu'ils se retrouvaient coincés dans cette antre de laquelle ils ne pouvaient presque jamais sortir.

Les circonstances les contraignaient à ne presque se focaliser que sur la traque et la défaite de Lord Voldemort. cela ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas leur arriver de s'éparpiller quelques fois. Alors elle n'avait pas l'intention de laisser cette conversation sans suite. Elle avait au contraire l'intention de s'y mettre au plus vite. Et en l'occurrence, elle aurait bien pu se mettre à l'ouvrage immédiatement. Quand elle avait une idée en tête, on ne l'en délogeait pas si facilement, d'autant plus que ça avait tendance à tourner, tourner, encore et encore dans son esprit, au point d'en devenir tout bonnement obsédant. Mais alors qu'elle allait en faire la suggestion, Neville reprit la parole.

Il lui posa la question qu'ils se posaient tous mais qu'ils n'articulaient presque jamais. Est-ce qu'elle pensait vraiment qu'ils allaient y arriver avant d'être à nouveau contraint de prendre la décision de partir ou de rester ? Eh bien... si elle devait se montrer totalement honnête - et après le fiasco de l'année précédente, elle s'était promis à elle-même de toujours l'être dorénavant -, elle devait bien reconnaître que la réponse qu'elle avait à donner à Neville n'était pas exactement optimiste, loin de là.

-Non... Honnêtement, je doute que ce soit suffisant, soupira-t-elle alors. Elle n'avait pas envie de se montrer négative, mais elle tenait malgré tout à rester objective sur la situation. Il fallait bien qu'ils regardent la vérité en face. En revanche, je suis convaincue qu'on peut y arriver, ajouta-t-elle, plus positive et surtout sincère, car en effet, elle restait certaine de la possibilité d'un succès. Oui, ce serait tout sauf simple, mais ce n'était pas pour autant que c'était impossible, bien loin de là. Je crois qu'il faut qu'on cesse de considérer notre combat comme une course contre la montre et qu'on accepte l'idée d'y consacrer le temps nécessaires... Que ce soit l'affaire de plusieurs semaines, de plusieurs mois ou de plusieurs années.



   

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