Ça faisait au moins dix minutes que Aristide regardait la porte de l'appartement de Theodosia, sans oser frapper. Même lui avait conscience que c'était une bêtise de sa part de se trouver là. Il leva le poing, prêt à frapper avant de baisser son bras et de faire demi tour, de se contenter simplement de s'en aller. Il fit quelque pas avant de s'arrêter. Non. S'il se trouvait là, c'était pour une bonne raison. Il avait envie de voir sa sœur, il avait envie de passer du temps avec elle. La jeune femme lui manquait énormément, il ne savait plus quoi faire pour arranger les choses.

Bon d'accord en fait il ne pouvait rien arranger du tout mais ce n'était pas pour autant qu'il vivait bien la situation. Elle lui manquait atrocement il ne supportait pas son silence. C'était comme un manque constant dans sa vie. Au quotidien il parvenait à ne pas trop y penser, forcément il était occupé, mais ça n'enlevait pas le fait qu'il avait cette grande blessure. Et quand il pensait à sa petite sœur, il se sentait très mal. Noël était passé, cette année rien n'avait été fais chez la famille Beurk au vu de la situation. Ça avait arrangé grandement les affaires de Aristide, mais le jeune homme aurait bien aimé pouvoir passer du temps avec sa jeune sœur. Il revint devant la porte de sa sœur. Il fallait qu'il frappa à cette fichue porte.

Non mais elle allait le remballer, c'était bête. Il n'avait aucune envie de se disputer avec elle. Mais en même temps, il tenait son cadeau de Noël dans la main, il devait lui donner. Le jeune homme posa le paquet devant la porte avant de s'éloigner de disant que comme ça elle aurait le paquet sans qu'il ne se retrouve à devoir supporter ses reproches. Mais en même temps, elle ne saura pas que le cadeau venait de lui, alors elle. Cela dit si elle savait qu'il venait de lui, elle ne l'accepterait peut être pas…

Finalement, il revint près de la porte de sa sœur et reprit le paquet dans ses mains. Il devait arrêter d'hésiter, il devait se contenter de prendre son courage à deux mains et d'y aller. S'il ne le faisait pas, c'était évident que le jeune homme allait regretter amèrement de ne pas l'avoir fait. Alors il inspira longuement et fini par frapper à la porte, le cœur battant. Il espérait que au moins elle soit la, sinon tout ça n'aurait servi à rien. Mais en même temps une partie de lui n'avait pas envie qu'elle soit là, parce qu'il n'avait aucune idée de comment les prochaines minutes allaient se passer.

Bon il entendit du bruit et la porte s'ouvrit, elle était là… devant lui. OK. Fallait y aller.

« Salut sœurette ! Comment tu vas ? Tu es magnifiques dis donc ! Je peux entrer ? »

Il n'était pas vraiment sur de son approche, mais c'était au moins quelque chose.

Dosia ne cacha pas sa surprise en le voyant. Aristide n’était en soit pas surpris qu’elle soit surprise, parce qu’il n’avait pas pris la peine de prévenir de sa visite et on ne pouvait pas réellement dire qu’ils se voyaient beaucoup en ce moment. Donc, oui, c’était logique qu’elle soit surprise, mais Aristide aurait bien aimé qu’elle réagisse quand même autrement en le voyant. Il aurait aimé qu’elle… affiche un sourire, le prenne dans ses bras, semble un peu heureuse de le voir. Mais ce n’était pas le cas, elle donnait le sentiment de ne pas avoir envie de le voir du tout et ça lui faisait mal au cœur.

« Eh bien… je suis venue te voir, je n’ai pas le droit peut-être ? » Demanda-t-il, en ne pouvant pas complètement cacher le fait qu’il était quand même sacrément vexé par les paroles de sa sœur.

Ça lui semblait quand même logique qu’il se trouvait là pour la voir quand même, sinon il n’aurait pas pris la peine de se déplacer jusqu’à chez elle. Bon, il aurait pu avoir besoin de lui dire quelque chose de particulier, elle s’attendait peut-être qu’il fasse un revirement de situation et qu’il décide de se ranger de son côté. Sauf qu’en même temps, il n’avait pas l’intention d’aller à l’encontre de son frère. Si seulement Dosia et Orpheus pouvaient simplement arrêter de se disputer ça serait quand même parfait.

« Bon, bah je sais pas si t’es au courant, mais y’a eu Noël tu sais ? Alors, bah moi je t’ai acheté un cadeau. » Dit-il en lui tendant le paquet. À l’intérieur, il y avait un livre. Un truc super intelligent sur les sortilèges, qui traitait de pas mal de théorie et d’histoire. Peut-être que Dosia l’avait déjà lu, peut-être même qu’elle l’avait déjà, mais au moins il avait fait l’effort de trouver quelque chose qui pouvait quand même la correspondre un peu. « C’est quand même la moindre des choses qu’on fait non ? Entre frère et sœur. De s’offrir des cadeaux ! » Il marqua une pause. « Je peux entrer ou tu vas me laisser sur le pas de la porte comme ça ? Moi ton frère tout abandonné que je suis… »

Bon, il en faisait peut-être un peu trop, mais il avait vraiment envie de pouvoir entrer chez sa sœur et passer un peu de temps en sa compagnie. Elle lui manquait terriblement. Aristide n’était pas forcément le plus à sa place dans cette famille et Dosia avait été l’une des personnes qui avait compté le plus pour lui, avec Orpheus bien sûr. C’était pour ça que le jeune homme aimerait bien quand même pouvoir les voir se sentir mieux, avoir une meilleure relation tous les deux. Même s’il en demandait clairement trop et que rien ne pourrait arranger leurs… vision.

Aristide afficha un grand sourire quand sa sœur le laissa entrer chez elle, en lui demandant tout de même de ne pas en faire trop. Il ne voyait pas pourquoi il se retiendrait de faire quoi que ce soit, si ça lui permettait d’obtenir ce qu’il voulait. Le jeune homme avait conscience qu’il ne devrait pas être là et comme la jeune femme ne manqua pas de lui affirmer, qu’il ne devrait pas lui faire de cadeau non plus, parce qu’elle était l’ennemie. Depuis le jour où sa sœur avait décidé de quitter la famille et de se concentrer sur sa carrière des Aurors, elle était une ennemie, d’autant plus que Aristide servait une personne que les Aurors ne portaient pas du tout dans leur cœur. Aristide devait la mettre de côté, considérer qu’il n’avait plus de sœur et il le faisait en temps normal, mais c’était quand même difficile de passer à côté du fait qu’elle lui manquait atrocement.

Le jeune homme ne réagit pas spécialement quand sa sœur lui affirma qu’elle n’avait rien de son côté, il s’en était bien sûr douté. Il n’aurait même dû rien acheter à la base, mais ça avait été plus fort que lui. Il n’attendait en aucun cas un retour de sa part et il savait parfaitement que ce dernier n’arriverait pas. Parce que Dosia ne lui disait pas qu’elle n’avait pas encore quelque chose pour lui, mais qu’elle n’en avait pas tout court. C’était normal, ils ne devraient même pas se parler ce soir, mais Aristide avait juste craqué pour une fois.

Aristide ne perdit pas spécialement son sourire quand sa sœur reprit en affirmant qu’elle n’allait pas faire comme si rien ne s’était passé et que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Bien sûr, le jeune homme aimerait bien qu’elle passe au-dessus de tout cela, mais il connaissait trop bien Dosia pour savoir qu’elle en serait incapable. Pourtant franchement il ne s’était rien passé de si grave, leur belle-sœur avait juste tenté de tuer leur frère.

« Et pourquoi pas ? » Demanda-t-il en haussant les épaules, d’un ton léger, en sachant parfaitement qu’il ne convaincrait pas du tout sa sœur. « Ce n’est pas ce que tu as toujours fais depuis… toujours justement ? » Demanda-t-il sur un ton léger. « Un truc de famille ça. »

Ses propos étaient prononcés légèrement, mais le fond était une attaque directe à tout ce qui se passait depuis toujours. Aristide ne savait pas ce qu’il y avait dans leur famille en réalité, mais il savait bien que tout le monde faisait comme si de rien n’était le concernant, alors un peu plus, un peu moins…

« Franchement Dosia, je comprends parfaitement que t’en ai eu marre de cette famille. » Reprit-il plus sérieusement, ce qui était rare chez lui. « Mais de là à te détourner de tout et de nous tous, c’est injuste. »

Elle avait décidé d’être l’ennemie, d’être contre eux et lui… eh bien, il avait perdu l’un de ses seuls repères.

Tout cela était au final le cœur de leur problème, de ce qu’ils ressentaient tous à présent. Theodosia s’était détournée de la famille, détournée de leurs idéaux, elle s’opposait à présent à Orpheus, elle était l’ennemie. Et Aristide devait la considérer comme une ennemie, il devait la rejeter comme tous les autres membres de sa famille, mais en même temps… il n’y parvenait pas complètement. Il lui en voulait, mais pas parce qu’elle avait décidé de se détourner de cette famille, simplement parce qu’elle s’était détournée de lui. Même si au fond, Aristide comprenait parfaitement le choix qu’elle avait fait, ce n’était pas comme si leur famille était réellement unie, il y avait toujours quelque chose dans l’ombre, des messes basses, des regards en biais.

C’était effectivement le cas, lui aussi avait beaucoup de mal à supporter les mensonges, les faux semblants. Il avait beaucoup de mal à supporter sa famille, ses deux parents plus précisément. Aucun d’eux ne l’aimait, sans qu’il ne sache ce qu’il avait bien pu faire de grave dans sa vie un jour, aucun de ses parents ne lui portaient la moindre affection, ils le détestaient. Alors, est-ce qu’il leur devait quelque chose ? Non, absolument pas, et ça ne serait pas désagréable d’avoir un patriarche dominateur en moins sur le dos. Mais cette famille ne se résumait pas à leurs parents.

« C’est vrai. » Répondit-il, sérieusement, ce qui arrivait rarement. Mais là, il était question de la famille et de la décision de Dosia de l’abandonner, alors forcément il ne pouvait qu’être sérieux. Aristide croisa des bras, plantant un regard dur dans celui de sa sœur. « Je ne dois rien à nos parents, mais j’en dois beaucoup à Orpheus. » Sa famille à force, il s’en contrefichait. Le jour où ses parents allaient disparaitre, il n’allait rien ressentir. Pourquoi s’embêter à ressentir des choses pour des personnes qui ne ressentaient rien de leur côté. Non, en réalité, sa famille se résumait seulement à Orpheus et Dosia… du moins autrefois, maintenant c’était un peu plus complexe. « Il a toujours été là pour moi, et il le sera toujours. Je lui dois bien ça ! Lui au moins ne m’abandonne pas à la première occasion. »

Il donnerait tout pour que sa relation avec Dosia soit en meilleur fixe, qu’ils puissent retrouver la complicité qu’ils avaient à l’époque. Aristide n’avait jamais ressenti de jalousie envers sa sœur, alors qu’elle était très clairement mieux traitée que lui. Parce qu’elle était sa sœur, parce qu’ils étaient proches, parce qu’ils étaient tout l’un pour l’autre, jusqu’à ce qu’elle décide de leur mettre un couteau dans le dos à tous.

« Jamais je ne t’aurais fait une chose pareille moi. »

Est-ce que c’était vrai ? Peut-être pas totalement, parce que Aristide se rangeait du côté de Orpheus, quoi qu’il puisse arriver, au détriment de Dosia.