Pour l'instant, Villanelle n'avait rien trouvé de bien croustillant à se mettre sous la dent, et c'était d'ailleurs relativement frustrant à ses yeux, qui aurait franchement aimé trouver quelque chose de vraiment remarquable ou compromettant à exploiter... Elle devrait peut-être admettre que les rumeurs qui couraient autour de cet apothicaire étaient fausses - elles l'étaient souvent, mais elle tenait à en avoir le coeur net malgré tout, et pour le moment, elle ne savait juste pas quoi penser plus précisément.

Mais elle, elle ne passait jamais à côté d'aucun bruit de couloir, elle voulait immédiatement en apprendre plus, en avoir le coeur net, tout simplement. Et donc, elle avait ouie dire que cet apothicaire frayait avec des fournisseurs aux activités suspectes... Et Villanelle avait bien l'intention de mener une enquête approfondie sur la question. Ce n'était donc pas en cliente mais bien en journaliste qu'elle se trouvait ici, même si elle en montrait le moins possible, évidemment, pour ne pas dévoiler ses cartes trop rapidement. Elle était affairée à examiner les étiquettes de différents ingrédients dans leur flacon quand une vois l'interpela et la détourna de sa tâche.

- Bonjour Abbot, c'est bien cela ? J'espère que je ne vous dérange pas, durant vos emplettes ?

-Je préfère que tu m'appelles Villanelle.

Elle ne se sentait pas attachée au nom Abbot, dont elle avait hérité après le remariage de sa mère. Ce nom ne représentait rien pour elle.

Et tu peux me tutoyer, j'ai l'impression d'avoir cent ans, là, répondit-elle avec un sourire tout en détaillant du regard son interlocutrice.

Elle la connaissait, sans plus, mais suffisamment pour qu'elle présume de l'intérêt de leur conversation.

Toi c'est Sheria Blackwood, c'est bien ça ?

Elle posait la question, mais elle savait d'ores et déjà que c'était le cas. Villanelle était informée... en même temps, c'était son métier. Et le fait est que Villanelle avait tendance à se définir par son métier, qui était par la même occasion sa plus grande fierté.

- Oui, en effet, c'est bien cela et puisque je dois t'appeler par ton prénom, alors il est logique que tu me nommes par mon prénom aussi.

Villanelle se contente de confirmer d'un hochement de tête, accompagné d'un sourire aimable. Elle n'est pas forcément la personne la plus sociable du monde, même si elle est rentre-dedans, mais on obtient plus des gens quand on les tutoie et quand on les appelle par leurs prénoms, alors évidemment, elle ne va pas cracher sur cette opportunité offerte ni plus ni moins que sur un plateau d'argent.

-Je dois avouer que je voulais un peu faire ta connaissance. D'après ce que j'ai pu observer avec certaines réunions secrètes...

Villanelle a le réflexe, tout comme Sheria, de regarder autour d'elle pour s'assurer que personne n'était en train d'épier leur conversation... C'est un sujet des plus délicats qu'elles s'apprêtent à évoquer, et elles ne doivent surtout pas être surprises. Mais il n'y a personne autour, et elles peuvent donc discouter tranquillement.

- Alors lorsque je t'ai vu, je me suis dit pourquoi pas sauter sur l'occasion, si bien sûr, je ne te dérange pas ?
"Tu as bien fait", confirme Villanelle. "Et tu m'intrigues aussi."

Villanelle est toujours intriguée par toutes les personnes qui sortent de l'ordinaire, et à ses yeux, son interlocutrice appartient définitivement à cette catégorie, sans le moindre doute possible. Elle a envie de tout connaître de son interlocutrice, elle a envie de la jauger pour mieux la comprendre. Alors oui, elle pourrait être considérée comme intrusive, mais ça n'a pas l'air de déranger son interlocutrice. Elle est quelqu'un de facilement dérangée autant qu'elle est dérangeante, mais Sheria est bien tombée, d'autant que Villanelle se sent de parfaite humeur et très bien disposée à faire de nouvelles connaissances.

"J'imagine que tu dois te poser un certain nombre de questions sur moi", suggère-t-elle en la jaugeant de haut en bas et de bas en haut. "En ce qui me concerne, c'est le cas, en tout cas", ajoute-t-elle avec un léger rire sincère. "Alors je t'écoute."

Sheria peut se lâcher. Villanelle n'a pas vraiment de tabou. C'est même tout l'inverse. Et elle adore dénicher ceux des autres.