Insomnie. Le silence. Rien à part le sifflement de la bouilloire dans la cuisine, qui devait lui permettre de profiter de son... troisième ? quatrième thé de la soirée ? Elle ne comptait plus vraiment. Il devait être aux alentours de trois heures du matin. Cette nuit, comme tant d'autres nuits, elle ne dormirait pas.

Le reste de la maison était couchée, et de ce qu'elle savait, ils dormaient à poings fermés. Mais elle, elle n'y arrivait tout simplement pas... Elle n'y arrivait pas du tout.

Elle l'avait cherché, elle ne pouvait le reprocher qu'à elle-même, mais elle se sentait rongée par de culpabilité. C'en était au point qu'elle en ressentait des stigmates physiques... Elle se sentait malade, physiquement malade. Ce genre de chose ne lui serait jamais arrivé avant.

Parce qu'avant, peu importe ce que l'on pouvait en penser, elle avait une ligne de conduite bien déterminée, et elle ne laissait pas cette conduite dévier, de quelque façon que ce puisse être. En aucun cas.

Elle ne voyait pas, d'ailleurs, ce qui aurait pu absurdement la détourner, parce qu'elle observait tout ce qui avait trait aux sentiments avec une certaine distance, une rigueur absolument froide. Aujourd'hui, ce n'était plus le cas.

Son coeur et sa raison se livraient bataille. Dans son esprit, c'était un chaos incomparable. Elle devrait confier le fond de sa pensée. Elle devrait en parler, mais si elle faisait ça, elle n'aurait plus de légitimité dans un combat qui pourtant continuait de lui tenir à coeur. Et en même temps, elle n'était déjà pas légitime pour commencer. Ce casse-tête sans fin la faisait se sentir vraiment très très mal.

Elle se redressa, taciturne, et se dirigea vers la cuisine d'un pas quasiment mécanique. Elle se sentait comme à l'extérieur de son propre corps. Elle voudrait être totalement à l'extérieur de son corps, être un robot sans émotion... Plus de dilemmes, plus de mensonges, elle serait efficace et se donnerait les moyens de l'être.

Elle venait de remplir sa tasse de thé quand on frappa à la porte. Tendue, elle éprouva une vague de soulagement en découvrant Henry de l'autre côté de la porte.

"Entre", l'invita-t-elle rapidement avant de refermer la porte derrière eux. "Tout va bien ? Qu'est-ce que tu fais ici ?"

A cette heure-ci, surtout...

-Je suis venu te voir.

Au fond, elle le savait. Elle avait appréhendé que Henry ait une autre raison de venir, car quand quelqu'un débarquait au QG, ce n'était pas forcément bon signe, cela pouvait signifier que des rebondissement de mauvais augure avaient eu lieu. Mais non, il était là pour elle. Et elle se sentait soulagée de le voir. Elle avait besoin de sa présence...

Elle avait besoin de lui pour lui remettre les idées en place. C'était Henry qui mieux que personne avait le pouvoir de lui remettre la tête sur les épaules.

Elle parvint à esquisser un léger sourire, mais elle n'était pas du tout certaine qu'il était convaincant, elle ne cherchait même pas vraiment à l'être. Elle ne le bernerait pas, même si elle était la meilleure actrice du monde.

-Christopher m'a tout raconté.

Elle hocha la tête. Elle n'était pas étonnée. Elle savait que Christopher allait tout dire à son oncle, il lui en avait parlé, et ça la rassurait.

Dans tous les cas, elle n'aurait pas pu le maintenir à l'écart de ce qui se passait, et en l'occurrence, elle préférait très largement qu'il l'apprenne de sa part que de la sienne à elle. En parler directement lui aurait été trop douloureux. Là, elle sépargnait au moins cette obligation, même si c'était peut-être encore une autre preuve de lâcheté de sa part.

Donc, Christopher lui avait tout dit. Ou du moins, il lui avait dit tout ce qu'il savait. Mais tout ce qu'il savait, ce n'était pas assez, ce n'était qu'une version factice de la réalité, qui lui donnait un beau rôle qu'elle ne méritait pas.

Est-ce qu'elle devait lui parler de tout le reste. Elle y avait pensé, longtemps... quelque part, elle pensait que oui. Et elle avait déjà envisagé mille manières de lui en parler. Elle n'était juste pas sûre d'être certaine de réussir à sauter le pas.

-Comment tu vas ?

"Pas très bien", soupira Pomona.

Elle n'avait pas la moindre envie de se plaindre, de se lamenter sur son sort. Mais c'était la vérité, elle n'allait pas très bien. Elle allait mal, mais pas vraiment pour les raisons que l'on pouvait véritablement s'imaginer.

"Et toi ? Tout se passe bien ?"

Elle ne voulait pas occulter le sujet, elle ne voulait juste pas s'appesantir. Elle allait mal peut-être, mais dans le même temps, elle méritait d'aller mal. Sa situation, elle ne la devait qu'à elle-même, et elle le savait très bien.

-On fait aller. Le mieux possible dans ces circonstances.

Pomona avait le sentiment de ne pas avoir entendu de "Je vais bien" vraiment sincère depuis très longtemps. Et c'était normal, bien sûr... Ils iraient bien, ils iraient mieux. Quand tout irait bien, quand tout irait mieux. Pour le moment, ils étaient loin du compte. Alors la réponse de son oncle était la meilleure qu'elle pouvait obtenir, et elle s'en contenterait.

Il semblait en tout cas ne pas aller trop mal, et c'était le plus important. Elle savait qu'une partie des raisons qui faisaient qu'il ne pouvait pas lui répondre avec l'enthousiasme tant escompté, c'était qu'elle-même n'était pas au meilleur de sa forme (doux euphémisme). Elle détestait ça. Elle vouldrait être capable d'être un roc insensible. Elle enviait Jedusor dans ces moments-là. Vivre sans émotion, en bon sociopathe, était sûrement la meilleure manière de mener ses combats efficacement.

Mais à l'heure actuelle, elle se trouvait en présence de la personne qui tolèrerait le moins qu'elle agisse ainsi. Celle avec qui elle pouvait se permettre de laisser, disons, entrevoir... Même si ce n'était pas facile, même si c'était alarmant.

Elle hésitait toujours à parler. Elle ne savait pas quoi faire ni comment faire exactement. Finalement, c'est Henry qui lui donna la "solution" : une méthode bien connue consistant à tourner autour du pot. Efficace, comme méthode ? Va savoir, mais pour Pomona, elle permettait au moins de retarder l'échéance. Si échéance il y avait au bout du compte.

-J'ai reçu de la visite l'autre jour. Ta mère est venue me voir.

Oh... S'il y avait bien un sujet de conversation que Pomona estimait qu'ils n'auraient jamais, c'était bien celui de ses parents. Cela dès le début, dès l'instant où Pomona avait pris la décision de prendre contact avec son oncle.

Si ce n'est pour lui apprendre qu'elle avait fui le domicile familial, elle avait pris le plus grand soin de ne jamais les évoquer. Et c'était étrange... de penser à eux maintenant, elle qui s'efforçait de ne surtout pas le faire.

Mais elle était intriguée, tout de même. Sa mère qui venait trouver Henry chez lui ? Cette situation était surréaliste. Et pour la première fois, obligeait Pomona à songer à ses parents. A admettre que, peut-être, ils lui manquaient également.

"Qu'est-ce qu'elle te voulait ?"

-Me parler de toi.

La réponse était attendue, quelque part, mais malgré tout surprenante. En toute honnêteté, Pomona avait à peine pensé à ses parents depuis le procès.

En fait, de manière générale, Pomona évitait de penser à ses parents. Dans un premier temps, quand elle avait quitté la maison, ça avait été vraiment difficile, et elle se faisait violence pour assumer son choix et ne pas rebrousser chemin... le comportement de ses géniteurs avait aidé. Ils l'avaient totalement ignorée, occultée de leur vie...

Alors elle avait eu plus de facilité à faire pareil. Ses parents étaient devenus les acteurs d'une autre vie, et elle avait réussi à couper les ponts, radicalement, définitivement.

Être forcée d'un seul coup de penser à eux ne lui faisait pas du bien, songee qu'ils puissent penser à elle et qu'ils la croient morte lui faisait un pincement au coeur auquel elle ne s'était tout simplement pas attendue.

Elle est... déboussolée. Tu lui manques beaucoup, elle regrette.

Pomona baissa les yeux. Bien sûr, elle préférait, quelque part, entendre cela plutôt que d'entendre son oncle lui assurer que sa mère avait été indifférente à son sort. Mais c'était... douloureux. Surtout que si elle entendait que cette situation était difficile, elle ne pouvait absolument rien y faire, définitivement rien y changer.

-A ton père aussi, je crois, même s'il est... fidèle à lui-même.

Ce "je crois" qui voulait tout dire. Pomona n'en déduisait qu'une seule chose, pour sa part : son père s'en moquait, comme il se moquait de tout ce qui la concernait depuis un bon moment déjà. Son père fidèle à lui-même... Eh bien grand bien lui fasse, n'est-ce pas ?

Elle ne savait pas vraiment comment réagir à ça. Elle appréciait que Henry lui en parle, mais elle ne pouvait malheureusement pas y changer grand-chose. Elle essayait déjà d'avoir prise sur la situation telle qu'elle était et ne se sentait que très moyennement efficace. Alors elle ne pouvait pas, elle ne devait pas y penser.

"Tu ne leur as rien dit, n'est-ce pas ?"

C'était sa manière de réagir pragmatiquement à une situation qui faisait en fait appel à des sentiments beaucoup plus difficiles à dompter, autant que tout le reste.

Elle se doutait de ce que serait la réponse de son oncle, mais dans le doute, elle donnait la réponse quand même.

-Non, bien sûr que je ne leur ai rien dit.

Pomona espérait ne pas avoir vexé Henry en suggérant le fait qu'il ait pu en parler à ses parents. Elle ne l'avait pas vraiment cru en vérité... elle avait juste eu besoin de l'entendre, c'est tout.

Elle se contenta de hocher la tête. C'était une chose qu'elle n'aurait pas été capable de contrôler en plus du reste. Elle avait besoin que certaines choses demeurent comme elles étaient. Ce même si Pomona devait tout de même le reconnaître : pour la première fois depuis très, très longtemps, la jeune femme aurait eu besoin de se blottir dans les bras de ses parents, de se réfugier dans ce cocon réconfortant qu'elle savait considérer comme tel quand elle était encore trop petite pour savoir que cette situation ne pouvait pas lui plaire, en aucun cas.

-Je me doute de ta réponse, mais peut-être que... tu voudrais en parler ?

Evidemment, elle ne pouvait pas croire qu'ils n'allaient pas revenir sur le sujet... et elle ne savait pas exactement quoi répondre en fin de compte. Elle avait envie d'en parler, elle avait besoin d'en parler... mais elle ne savait pas comment en parler... Tout dire ? se taire ? Assumer ses responsabilités ? Prendre le risque de mettre Seth en danger ? Elle ne savait plus quoi faire, ni jusqu'à quel point accepter d'avoir confiance en Henry... Mais en même temps, c'était lui qui n'avait aucune raison d'avoir confiance en elle.

"Je ne sais pas...", répondit-elle du ton le plus sincère du monde.

C'était la vérité, elle ne savait pas du tout. Elle ne pouvait pas continuer à demeurer dans cet entre-deux qui était forcément malsain. Il fallait... qu'elle corrige au moins en partie ses erreurs. Elle ne pourrait plus montrer pattes blanches à ce stade, mais elle pourrait au moins faire ce qu'il fallait pour progresser dans le meilleur sens possible.

"Est-ce que tu peux me promettre... de ne rien dire à Christopher ?"

Elle marchait sur des oeufs. Chaque pas supplémentaire de fait lui donnait le sentiment d'en faire des dizaines d'autres en arrière... mais elle n'avait pas le droit de reculer, les choses ne pouvaient pas fonctionner ainsi, c'était impossible.

Elle lui faisait promettre avant même de parler, c'était sûrement très bas comme manière de procéder, mais tant pis, elle n'était pas sûre d'être capable de s'exprimer si tout cela ne pouvait pas rester entre eux dans un premier temps.

-Si c'est ce que tu veux, je ne lui dirai rien.

Est-ce qu'elle pouvait vraiment le croire ? C'était bien le problème, elle n'avait que sa parole, et si il ne la tenait pas, elle risquait gros... et en même temps, ce ne serait que justice. Une part d'elle voudrait peut-être même qu'il répète le tout pour enfin libérer sa conscience, surtout qu'il en serait effectivement capable, pour son bien.

Et au point où elle en était, Pomona était bien incapable de savoir ce qui était bien pour elle ou non. En fait, elle ne l'avait sans doute jamais su, en réalité... Elle n'avait jamais estimé être une priorité, et pourtant, elle avait été égoïste. Et maintenant, tout était flou. L'intérêt commun, l'intérêt personnel, la cause, ses sentiments, ce qu'elle devait faire, ce qu'elle était capable de faire, ce qu'elle désirait faire...

Elle avait besoin d'un regard extérieur sur sa situation, quitte à voir ce regard changer. Elle ne voulait pas décevoir Henry, elle ne voulait surtout pas ça... mais ça allait arriver, et elle l'aurait mérité. Et ça faisait partie des choses sur lesquelles elle devait définitivement travailler.

Qu'est-ce qui se passe ?

Trop de choses. Trop pour savoir par où commencer exactement. Quoi dire ? Par où commencer ? Est-ce qu'elle serait même capable de tout dire ? Jusqu'où serait-elle capable de se libérer de ce poids qui la ténaillait. Elle n'en savait rien. Peut-être par étape, pas après pas.

Là encore, la méthode était certainement lâche, car elle lui donnait l'occasion de peut-être reculer, d'une façon ou d'une autre. Elle cherchait peut-être encore des échappatoires, des cheminements. Encore et toujours.

"J'étais au courant", confia-t-elle après un long moment de silence.

Qui avait peut-être semblé être une éternité, mais tant pis, parce que la jeune femme avait l'impression que chaque mot qui s'échappait de ses lèvres lui faisait du mal. Le moindre mot lui arrachait la gorge.

"Pas au tout début, bien sûr, mais j'ai fini par le découvrir. C'est pour ça qu'on avait rompu..."

Et ça, c'était l'aveu le plus simple à faire, même s'il la culpabilisait déjà... Parce qu'elle avait su, et malgré tout, elle avait laissé faire, elle avait fermé les yeux. Oui, ils avaient rompu... mais malgré tout, elle ne l'avait pas dénoncé. La suite ne vaudrait pas mieux.

-Ca ne sert à rien de te le reprocher. Encore moins maintenant.

La compassion et la compréhension dont faisait preuve Henry à son égard étaient presque plus redoutables et douloureux que s’il s’était contenté d’afficher une colère légitime ou une vive déception… Parce qu’elle n’était pas digne de la sympathie qu’il lui accordait. Il considérait peut-être qu’elle avait juste commis une petite erreur, et qu’elle devait mettre cela sur le compte de sa jeunesse. Et après tout, la vérité était sue, à présent, alors quelle importance cela pouvait-il bien avoir encore.

Mais cela, c’était dans l’éventualité où Pomona n’aurait jamais revu Seth ensuite, dans l’éventualité où elle n’aurait pas pris la décision de pardonner, pas parce que ses crimes seraient tout à coup devenus moins abominables… seulement parce qu’il lui avait cruellement manqué, parce qu’elle avait le sentiment qu’on lui arrachait le cœur à chaque fois qu’elle pensait à lui…

Elle pouvait mettre cela sur le compte de la sincérité de Seth, qui lui avait assuré, sous sérum de vérité, avoir pour de bon renoncé à la cause des mangemorts après qu’elle soit passée pour morte, mais c’était trop facile, bien sûr. Sous prétexte qu’elle voulait le penser changer, les victimes qu’il avait faites n’auraient plus de gravité. C’était trop facile, et ça ne lui ressemblait pas.

Pourtant, quand elle le reverrait, ce n’était pas sur un criminel que ses yeux se poseraient, mais sur l’homme qu’elle aimait… comme elle ne se serait jamais cru capable d’aimer qui que ce soit, et c’était tout ce qu’elle garderait à l’esprit. Alors elle pourrait s’arrêter là, et Henry garderait précieusement son secret sans envisager de la juger. Mais ce n’était pas fini.

"Je l’ai revu", lâcha-t-elle comme elle jetterait un poids trop lourd, un poids qui lui semblait être comme une partie de son cœur meurtri. "J’ai dit à Christopher que je n’étais pas allée au rendez-vous qu’il nous a organisés mais c’est pas vrai, j’y suis allée. Je l’ai revu et je l’ai laissé partir."

Chaque mot prononcé avait plus de difficulté à lui venir que le précédent. Pas simple, évidemment, d’avouer ce qu’elle avait fait. Ce qu’elle était. Mais elle ne méritait ni la sympathie ni la considération de ceux qui avaient placé tant d’espoir en elle. Il fallait que cette mascarade cesse, ce n’était plus possible. Elle ne savait pas quelles en seraient les conséquences, mais si elle était anxieuse, elle ne regrettait pas de s’être exprimée. Elle gardait ça pour elle depuis trop longtemps. Beaucoup trop longtemps.[i][/i]

Pomona savait pertinemment que ce n'était peut-être que le fruit de son imagination, mais elle eut d'office le sentiment que le regard que Henry portait sur elle n'était plus le même. Il était possible, bien sûr, qu'elle ne fasse que se l'imaginer, parce qu'elle considérait que ses confidences méritaient au mieux de la déception, au pire du mépris.

Dans tous les cas, c'était douloureux. Inévitable et mérité, bien sûr, mais douloureux malgré tout. Elle n'avait jamais voulu décevoir Henry. Il avait tout fait pour elle, il l'avait aidée, rassurée, épaulée, il l'avait considérée comme sa propre fille, c'était une chose dont elle lui était infiniment reconnaissante, et à plus d'un titre, vraiment. Et pourtant, elle avait trahi sa confiance, elle ne s'était pas montrée digne de sa présence et de l'affection toute paternelle qu'il lui avait adressée, et bonne fille indigne. Normal qu'elle en paye les conséquences, à présent.

Cette fois, pas de mots réconfortants, pas d'illusoires remarques sur la responsabilité qui ne lui incomberait pas. Normal, elle était fautive. A tout point de vue, elle était fautive. Et elle n'aurait de toute façon pas supporté d'être observée avec gentillesse et compréhension. Elle ne méritait rien de tout ça. Elle avait été faible, elle avait été injuste... Elle avait manipulé tout le monde. Que ce soit envers ou contre son gré n'y changeait pas grand-chose.

-Tu sais où il est maintenant ?

Pomona baissa le regard. C'était la question qu'elle appréhendait le plus, bien sûr. Car elle mourrait d'envie de mentir. Elle était prête à avouer ses fautes, mais confier Seth en pâture aux Aurors du ministère, ça... c'était au-dessus de ses forces.

Malgré tout, elle hocha la tête. Mais quand elle reprit la parole, ce ne fut pas pour dévoiler l'endroit où le jeune homme pourrait être trouvé malgré tout.

"Il ne nuira plus à personne, il a quitté les mangemorts. Il me l'a dit sous sérum de vérité, il n'a pas pu mentir."

Elle savait à quel point son discours devait paraître désespéré, digne de la plus stupide des midinettes... Et il n'excusait rien, ne justifiait pas pour autant qu'elle protège un criminel recherchéé qui avait été aux ordres de l'homme qu'elle s'évertuait à combattre...

...Mais elle n'en dit pas plus.

-Tu sais bien que ça ne change rien, il doit répondre de ses crimes.

Oui, en effet, bien sûr qu'elle le savait. S'inventer des excuses étaient simples, mais ce n'est pas pour autant que ces excuses étaient valables, valides, et elle en avant entièrement conscience. Non, ça ne changeait absolument rien...

Il s'était repenti, il avait quitté les mangemorts, à ses yeux, c'était une preuve d'amour immense, mais ça ne changeait rien aux crimes qu'elle avait commis, ça n'ôtait rien au fait qu'il avait, de son plein grés, choisi de suivre les directive de celui qu'ils cherchaient à détruire à tout prix.

Est-ce qu'un repentir sincère et l'assurance de ne jamais recommencer changeait qui que ce soit au fait que son passé était jonché d'horreur ? Elle avait découvert, en devenant Auror, un besoin de rétablir la justice. Si, du jour au lendemain, Tom Jedusor choisissait miraculeusement de devenir le mouton blanc, ce ne serait pas pour autant que Pomona lui déroulerait le tapis rouge.

Les sentiments personnels ne devaient jamais interférer. Jamais. Mais ils interféraient... et elle ne réussiraient pas à les ignorer. Oui, elle s'en voulait à mort maintenant de protéger un criminel, mais sa culpabilité ne serait pas moins grande si elle condamnait le seul homme qu'elle ait jamais aimé. Le seul homme qu'elle aimerait jamais.

Il faut que tu me dises où il est.

Oui, il le fallait. Elle savait que Henry était la voix de la raison, ce n'était pas pour rien qu'elle avait décidé de lui parler. Elle savait précisément à l'avance quels conseils il allait lui donner. Ce qu'elle ne savait pas, en revanche, c'était si elle serait capable de les entendre... de les écouter, plutôt.

Elle avait besoin d'être placée face au fait accomplie. Elle avait besoin qu'on la remue, qu'on la pousse dans ses retranchements. Mais même comme ça...

Elle baissa les yeux, rassembla ses esprits, réfléchit... la réponse était si évidente, au fond... Mais elle était incapable de l'articuler. C'était simple, c'était une trahison qu'elle n'était pas capable de commettre, alors même qu'elle en avait commis tant d'autres.

Les yeux baissés, plus honteuse que jamais, elle fit non de la tête. Elle s'était rarement senti aussi mal. Ce que c'était d'être confrontée à ses erreurs et à ses contradictions. Mais il le fallait.

"Je peux pas..."